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L'obélisque de Luxor
L'obélisque de Luxor
L'obélisque de Luxor
Livre électronique320 pages4 heures

L'obélisque de Luxor

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LangueFrançais
ÉditeurDigiCat
Date de sortie6 déc. 2022
ISBN8596547442561
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    Aperçu du livre

    L'obélisque de Luxor - Apollinaire Lebas

    Apollinaire Lebas

    L'obélisque de Luxor

    EAN 8596547442561

    DigiCat, 2022

    Contact: DigiCat@okpublishing.info

    Table des matières

    INTRODUCTION.

    PREMIÈRE PARTIE.

    CHAPITRE PREMIER.

    CHAPITRE II.

    CHAPITRE III.

    CHAPITRE IV.

    CHAPITRE V.

    DEUXIÈME PARTIE.

    CHAPITRE PREMIER.

    CHAPITRE II.

    TROISIÈME PARTIE.

    QUATRIÈME PARTIE.

    APPENDICE.

    I.

    II. 9

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    INTRODUCTION.

    Table des matières

    LA brillante et rapide conquête de l’Égypte par l’armée française est inscrite dans les annales de l’histoire, au nombre de ces faits d’armes audacieux qui ébranlent les empires et donnent naissance à une foule d’intérêts nouveaux; si cette expédition n’avait produit d’autre résultat que le stérile avantage de prouver notre bravoure militaire, elle ne serait plus aujourd’hui qu’un épisode intéressant de la révolution de 89; là ne se sont pas bornées les conséquences de la campagne d’Égypte: elle a fourni les moyens d’explorer avec un égal succès, au profit de l’Europe savante, les débris du plus ancien peuple civilisé dont le souvenir soit parvenu jusqu’à nous; empreinte d’un cachet particulier d’utilité scientifique, elle porte, au milieu des faits qu’a produits la grande lutte révolutionnaire, un caractère exceptionnel et spécial, et constitue l’un des plus beaux titres que la France se soit acquis à la reconnaissance des nations.

    Un événement dont l’influence a rejailli avec tant d’éclat sur les sciences et les arts, qui en a agrandi la carrière et étendu le domaine, méritait d’être symbolisé en quelque sorte dans un monument élevé au sein de la capitale, en témoignage de reconnaissance pour les héros et surtout pour les savants qui y ont participé. Ce monument devait avoir une physionomie locale, un caractère originel, qui rappelât à tous les yeux le fait qu’il était destiné à célébrer: il n’en était aucun qui pût mieux atteindre ce but que l’obélisque de Luxor, aussi le public a-t-il saisi avec empressement la pensée de voir transporter à Paris un de ces superbes monolithes resté debout au milieu des ruines de la Thébaïde.

    Il était réservé à la génération actuelle de réaliser par une entreprise audacieuse, dont l’Europe moderne n’offre point d’exemple, le vœu qu’exprimait il y a deux siècles le plus grand de nos orateurs sacrés . Il appartenait à la Nation Française d’égaler la puissance romaine, qui, pour nous servir des expressions du même orateur, crut faire assez pour sa grandeur en empruntant au sol de l’Égypte les obélisques des Pharaons.

    Elle n’existe plus cette Égypte, source de toute philosophie, antique berceau des sciences et des arts. Comment a pu disparaître de la face du monde cette nation jadis si florissante, si célèbre par ses institutions sociales, par ses profondes conceptions religieuses, emblèmes symboliques de la nature divinisée! Vingt fois envahie par les Perses, par les Grecs, par les Romains, l’Égypte, après avoir donné des lois au monde, fut réduite à la condition de province romaine; et, plus tard, inondée de flots de barbares que sans cesse poussaient sur elle le flux et le reflux de la civilisation, elle a vu peu à peu s’éteindre et se perdre son antique nationalité. Si quelques-uns de ses enfants échappèrent en petit nombre au désastre général , inconnus aujourd’hui à eux-mêmes, errants aux lieux où s’élevaient les illustres cités dont ils ne soupçonnent pas même la splendeur passée, confondus sans distinction de race et d’origine avec leurs oppresseurs, ils supportent en commun avec eux le joug que leur imposent de nouveaux maîtres. L’invasion et le despotisme leur ont tout enlevé, tout, jusqu’à l’espoir d’un meilleur avenir.

    C’est surtout des invasions successives des Perses que l’Égypte eut le plus à souffrir comme nation indépendante: selon Diodore de Sicile, Cambyse, à la tête d’une armée formidable, couvrit de sang et de ruines les deux rives du Nil. Excités au meurtre et au pillage par ce prince violent et vindicatif, les Perses ravagèrent, incendièrent les palais et les temples. L’or, l’ivoire, les pierres précieuses, les vases sacrés, et tous les ornements qui les décoraient, devinrent la proie de ses avides soldats. Des colosses, des obélisques furent mutilés, renversés de leur base, coupés ou brisés en morceaux. Cambyse poussa la vengeance et l’impiété jusqu’à violer l’asile des morts. La momie du Pharaon Amasis, fouettée par ses ordres sur la place publique, fut brûlée dans son cercueil; celle de la reine, dépouillée de tous ses joyaux, subit le même sort.

    Vingt-trois siècles après ces horribles ravages, suivis de nouvelles conquêtes et de nouvelles spoliations, on retrouve sur le sol de l’Égypte, qui semble dévolu à la destruction et à la barbarie, les traces de la frénésie des premiers vainqueurs; et cependant, telle a été la fécondité de l’art chez les Égyptiens, que l’on voit encore debout des colosses, des obélisques, des temples, des palais qu’habitaient autrefois les prêtres habiles et instruits, auprès desquels Hérodote, Solon, Platon, et tous les plus grands philosophes de l’antiquité, allèrent puiser des leçons de science, de morale et de sagesse. On dirait que ces chefs-d’œuvre d’architecture, qui par leur nombre et la difficulté de leur exécution, semblent nous accuser de faiblesse et d’impuissance, ont lassé le génie destructeur des conquérants: leur masse gigantesque les a préservés même du vandalisme de la civilisation moderne.

    Malgré les nombreuses relations qui ont été publiées sur l’Égypte, il est impossible, même à l’imagination la plus féconde, de se former une idée exacte du Saïd et de la Nubie. Comment, en effet, se représenter un pays où rien ne ressemble à ce que nous avons vu dans notre enfance, où tout est soumis à un phénomène unique et annuel , dont la suspension momentanée anéantirait toute espèce d’existence. Là tout est nouveau pour nous, le sol, l’intensité de la lumière, les mœurs, les actions, le caractère, le costume des habitants; là le ciel est toujours pur et serein, l’atmosphère toujours brûlante. Des torrents de sables coupent, croisent, entourent des terres fertiles, avec lesquelles ils semblent être constamment en lutte. Ici c’est un empiétement du désert sur la plus riche végétation, plus loin des eaux limoneuses viennent féconder une plage aride et solitaire; on se croirait transporté dans une autre nature. Au milieu de tant de phénomènes, en présence de tant de monuments où se montre la puissance de la nature et du génie de l’homme, l’esprit est invinciblement entraîné à observer, à étudier, à chercher la solution de ces grands problèmes physiques, et surtout du problème plus important encore de l’origine sociale.

    Qu’étaient donc les Égyptiens? d’où viennent-ils? où ont-ils puisé les éléments de leur science, eux qui possédaient un ensemble complet d’institutions sociales lorsque l’Europe était encore plongée dans les ténèbres de la barbarie? En vain les historiens les plus célèbres ont-ils consacré leurs veilles à la recherche de quelques témoignages authentiques sur ces longs siècles de formation et d’enfance; le nom du premier peuple civilisé, la partie du globe qu’il a occupée, sont encore un mystère en archéologie. Les nombreux documents recueillis par ces savants n’ont donné lieu qu’à une foule de systèmes contradictoires, que l’on chercherait en vain à concilier, à coordonner entre eux.

    Les uns, comme le savant Bailly, font descendre les sciences des plateaux de la Tartarie; ils supposent que quelques familles se sauvèrent sur ce point culminant, et échappèrent ainsi au dernier bouleversement du globe (le déluge). Sans adopter ni combattre cette assertion, on peut admettre que des habitants de l’Afrique trouvèrent aussi un refuge contre l’inondation, sur le mont Taranta . Le voyageur Bruce regarde ce roc séculaire comme une des plus hautes montagnes du monde. Ses flancs sont percés d’une multitude de cavernes qui ont probablement servi de demeure aux premiers habitants de la terre. Une plaine fertile, couverte aujourd’hui de riches moissons, limite son sommet couronné par des forêts de cèdres de toute espèce. De vastes excavations y forment dans plusieurs endroits des citernes naturelles, où les eaux pluviales viennent s’amasser. Quelques hommes ont donc pu s’y retirer, échapper ainsi, survivre à un déluge qui avait submergé un grand nombre de points culminants du globe moins élevés que la cime du Taranta.

    Plusieurs historiens, plaçant le berceau des sciences et des arts en Egypte, regardent la Chine et l’Inde comme des pays conquis et civilisés par les Pharaons.

    Huet, évêque l’Avranches, et Mairan, soutiennent que Sésostris, à la tête de cent mille hommes, pénétra dans la Chine et y fonda la dynastie de Tchéou.

    Les Brahmes, il est vrai, prétendent de leur côté que des Indous, s’étant retirés en Chine, abandonnèrent insensiblement la vie sauvage, se soumirent à un chef unique, qui les rassembla en corps de société, dont l’antiquité et la civilisation sont constatées dans des livres écrits depuis plus de trente-trois siècles; mais leur témoignage est infirmé par un passage de Confucius , que nous a transmis sir William Jones, instruit par les Brahmes, comme le fut jadis Hérodote par les prêtres de Memphis.

    L’envahissement de cette partie de l’Asie par les Égyptiens, ou du moins par des hommes venant des bords de la mer Rouge, nous est encore confirmé par le célèbre de Guignes et par le jésuite Premare, qui connaissait parfaitement le sanscrit.

    Quoi qu’il en soit de ces diverses opinions, aucun commentateur ne nous montre la race égyptienne dans toutes les phases de son existence jusqu’à sa complète soumission à la puissance romaine. Ce serait cependant un spectacle profondément intéressant que de voir Thèbes naître, s’élever, s’agrandir, s’étendre, sur les deux rives du fleuve, et devenir la plus belle, la plus grande et la plus étonnante ville de l’univers; et de suivre enfin dans leurs progrès successifs les hautes combinaisons du génie qui a pu produire tant de merveilles! Mais, quelque contradictoires que soient ces traditions du passé, elles s’accordent en ce point, que les premiers éléments de la société viennent de la Chine ou de l’Égypte; et si l’on pose la question de primogéniture, les probabilités seront en faveur de la patrie de Sésostris. Aucun écrivain, que je sache, n’a émis l’idée que les Pharaons aient eu pour aïeux les empereurs chinois, tandis que des hommes consciencieux et versés dans les langues orientales admettent le fait contraire. Cette observation fait pencher la balance du côté du peuple égyptien, qui a toujours été considéré avec raison comme un type, comme une race aborigène; il a tout tiré de son propre fonds, sans rien emprunter aux autres contrées. En est-il un sur la terre qui, plus que lui, porte le cachet d’une haute antiquité ? La sienne est prouvée incontestablement par les zodiaques sculptés dans les tombeaux et sur les plafonds des édifices sacrés. L’état du ciel que nous représente le zodiaque de Denderah n’est déjà plus celui que la sculpture traçait plus tard à la Nécropolis de Thèbes; et par suite de la précession des équinoxes, ce dernier n’est plus le ciel qui frappe aujourd’hui nos regards. A ce témoignage éclatant d’une immense antiquité et de connaissances profondes dans l’astronomie, s’en ajoutent mille autres: ce sont les Juifs, peuple sorti de son sein, aujourd’hui répandu sur toute la surface de la terre; c’est l’art de graver sur toute espèce de pierre fine, art qui ne tient à aucun des premiers besoins de la vie des peuples, et dans lequel cependant les Égyptiens excellaient deux mille ans avant notre ère; ce sont les édifices gigantesques dont le sol est en quelque sorte hérissé, et qui nous présentent le plus riche musée de l’univers: ces constructions dont les moins anciennes existaient dix mille ans avant Platon , qu’on viendra peut-être admirer encore lorsqu’il ne restera plus de vestiges de nos villes somptueuses, sont bâties en partie avec les débris d’autres constructions tombée des vétusté, ce qui indique deux ères de monuments, deux âges d’architecture.

    Le temps de l’existence, ainsi mesuré, se déroule à l’imagination dans une immensité indéfinie. L’impossibilité de remonter plus haut, d’énumérer les âges antérieurs qui sont bien constatés par des faits matériels, de leur assigner une origine dont les bornes sont reculées tous les jours par de nouvelles découvertes, n’aurait-elle pas suggéré à quelques philosophes l’idée de l’éternité physique comme le sentiment qui est si profondément gravé en nous de l’existence de Dieu, a fait naître celle de l’éternité morale?

    Les Grecs, qui tenaient directement des Égyptiens leurs arts, leurs sciences, leur philosophie, leur législation et jusqu’à leurs dieux, ne nous apprennent rien de bien positif sur le véritable état de l’Égypte avant l’époque où ils ont commencé à y pénétrer. Quant aux Romains, ils explorèrent l’Égypte plutôt en conquérants qu’en observateurs; ils se bornèrent à la soumettre militairement à leur puissance, à en tirer les blés qu’ils distribuaient au peuple, et la laissèrent livrée aux exactions de leurs préfets. Les amateurs de l’antiquité ont à regretter que ces deux peuples aient négligé de nous conserver l’alphabet hiéroglyphique qu’ils connaissaient sans doute, puisque plusieurs édifices, élevés pendant leur domination, sont couverts d’hiéroglyphes tout à fait semblables aux anciens, représentant les cartouches de Ptolémée, de Cléopâtre, etc.

    Moïse, que l’Écriture sainte loue pour avoir été instruit dans la sagesse égyptienne, garde de même un silence absolu sur les mœurs, les lois, la religion des antiques habitants de ce pays. Uniquement occupé de sa mission divine, il ne rapporte guère que les faits qui y sont relatifs, et de ces faits résulte que, plus de vingt siècles avant l’ère chrétienne, l’Égypte était soumise à un gouvernement sage, régulier, basé sur le respect des lois et des mœurs, qui subsistait depuis un temps immémorial; que longtemps avant que Cécrops n’eût paru dans l’Attique, la religion, la morale, la politique, les connaissances astronomiques, les arts les plus utiles à la société et même les arts d’agrément, s’élevaient à un point de perfection qui exige plusieurs milliers d’années de culture. Nous voyons le prophète politique et législateur mettre en œuvre dans le désert les connaissances puisées dans les sacrés collèges; il dissout le veau d’or; secondé par les ouvriers israélites des manufactures de Thèbes et de Memphis, il fait exécuter tous les objets nécessaires à son culte, lesquels, d’après les détails qu’il en donne lui-même, exigeaient le concours d’un grand nombre d’artistes, sculpteurs, fondeurs, doreurs, graveurs, etc. Ce n’est pas tout, quelques auteurs ont prétendu que Moïse, initié dans les mystères les plus secrets du sacerdoce, se servit probablement de la poudre à feu pour nous montrer le buisson ardent, pour fendre un rocher, pour faire engloutir dans la terre, Coré, Dathan et Abiron.

    Hérodote, qui avait voyagé dans le Saïd postérieurement à Moïse, est sans doute digne de foi quand il rend compte de ses propres observations, et rapporte ce qui existait de son temps; mais on voit qu’il n’a recueilli sur les siècles antérieurs que de vagues notions, souvent même des contes puérils. Ce philosophe ne vit pour ainsi dire qu’en passant les prêtres de Memphis et de Thèbes, et ne les consulta que par l’intermédiaire d’un interprète. Comment, avec de pareils éléments, eût-il pu composer la véritable histoire du peuple égyptien, celle de la langue, des faits et des hommes: aussi est-il contredit et réfuté par Manethon, qui l’accuse de mensonge et de fiction.

    Manethon, Égyptien et de la race sacerdotale, écrivit en grec l’histoire universelle de son pays, qu’il prétendait avoir tirée des archives sacrées du temple d’Héliopolis, où il remplissait les fonctions de sacrificateur. Malheureusement nous ne possédons de cet ouvrage, connu sous le nom de Chronique de Manethon, que des fragments incomplets et contradictoires, qui nous ont été conservés par Josèphe, Jules l’Africain et Eusèbe.

    Les récits des autres historiens ne méritent pas plus de confiance que ceux d’Hérodote lorsqu’il s’agit de l’origine des Égyptiens, de leur écriture, des principes de leur constitution primitive, de leur histoire, du développement et des progrès des arts. Faits et dates, tout y est incertain, vague et mêlé de fables évidentes. Il y a contradiction dans la longueur des mesures, dans le nom et la position géographique des villes et des points remarquables de cette étonnante contrée. Quant aux écrivains modernes, ils n’ont fait que reproduire ou commenter les auteurs classiques, sans avoir pu jusqu’ici porter la lumière dans les profondeurs de ce chaos. Au point de vue historique, l’Égypte telle que nous l’ont livrée les siècles et d’obscures traditions, ressemble à une machine colossale dont les principaux organes auraient été détruits, anéantis pour toujours. Dispersés sur le sol et recouverts en partie par les sables, les débris de cet appareil, quoique mal étudiés, mal compris, annoncent néanmoins une grandeur de conception, une hardiesse, une originalité d’exécution qui ne peuvent être que le résultat d’une immense supériorité de science et d’habileté. Nous voyons bien tout ce qu’a pu produire de grand ce puissant mécanisme; mais jusqu’à présent, personne n’est parvenu à nous faire connaître le génie qui a présidé à sa construction, à expliquer le jeu des leviers et des ressorts cachés qui en faisaient mouvoir l’ensemble avec une harmonie si parfaite, à calculer sa puissance, ses effets, à retracer sa forme primitive et ses perfectionnements successifs jusqu’au moment de sa destruction. Pour quitter ce langage mathématique, nous dirons qu’il n’existe ni traductions ni extraits des livres égyptiens traitant de philosophie, d’industrie et de morale. Ce n’est pas que cette nation, à la fois morale et glorieuse de son passé, ait négligé de transmettre son histoire à la postérité. L’antique tradition est là, sous nos yeux, gravée sur les pierres les plus dures que recèle la terre. La vie publique et privée des Égyptiens, dans toutes les situations où l’homme peut se trouver depuis son enfance jusqu’à sa mort, leurs découvertes successives, leurs procédés, sont sculptés sur les faces des obélisques, sur les parois des édifices, dans les sépultures des rois et des particuliers avec des signes caractéristiques pris dans la nature, dont l’ensemble forme des tableaux variés et d’une perfection que n’ont pu surpasser les artistes modernes. Le génie de l’Égypte a tout prévu, tout calculé pour un immense avenir; les hiéroglyphes existent encore dans toute leur pureté, brillants des plus vives couleurs; mais il entrait dans les décrets de la Providence, qui se joue des prévisions humaines, que le premier peuple de la terre serait un jour ramené au dernier degré de l’échelle sociale, que l’on demanderait, sur l’emplacement même de la Thébaïde, dans quelle langue s’exprimait Sésostris; que l’on chercherait et que l’on cherchera peut-être toujours en vain, l’art de déchiffrer des caractères qui seuls pourraient révéler l’historique de ces temps reculés. Cette question, qui intéresse au plus haut degré la philosophie, les sciences et les arts, qui occupe les savants depuis tant d’années, est restée jusqu’à présent sans solution complète.

    Il était réservé cependant à un homme doué d’un vaste savoir, à Champollion jeune, de porter le flambeau dans cette profonde obscurité et de résoudre ce grand problème; déjà il avait levé un coin du voile qui couvre l’histoire sacrée et profane de l’Égypte, un nouveau passé allait se dérouler à nos yeux, lorsque la mort est venue surprendre cet illustre orientaliste au milieu de ses travaux. Puissent les honneurs rendus à sa cendre susciter un génie égal au sien, qui, plus heureux, pénètre jusqu’au fond de la carrière mystérieuse qu’a ouverte notre savant compatriote!

    Le lecteur ne doit pas considérer ces observations préliminaires comme le sommaire d’un ouvrage destiné à les développer. Là n’est point la mission de l’auteur. La relation qu’il publie, a principalement pour objet de présenter exposés dans toute leur simplicité, la série des faits relatifs à l’abattage, à l’embarquement et à l’érection de l’obélisque de Luxor. Si parfois il lui est arrivé de s’écarter de son sujet, si, par exemple, plusieurs semaines de loisir lui ont permis d’explorer la vallée d’Égypte et une partie de la Nubie; ce qu’il a vu, il l’a raconté fidèlement, sans autre prétention que de remplir le laps de temps qui s’est écoulé depuis l’achèvement des travaux jusqu’à la mise à flot du Luxor, par quelques détails sur les monuments, les produits et la culture du sol, les mœurs et coutumes des habitants de ces deux pays. Afin que le récit en soit plus clair et plus précis, ce livre se divise en plusieurs parties bien distinctes:

    La première concerne le départ et la traversée de l’allège le Luxor et l’abattage du monument.

    La deuxième est consacrée à une excursion rapide faite en Nubie, à quelques observations de mœurs, et au retour en France.

    La troisième traite du travail de Paris, c’est-à-dire du débarquement, du transport et de l’érection du monolithe sur la place de la Concorde.

    La quatrième donne la traduction d’un compte-rendu de l’ancien ingénieur italien Fontana, qui, en 1586, érigea à Rome l’obélisque de Caligula. Cette citation, de laquelle on n’a élagué que ce qui était étranger à la question d’art, permet ainsi de rapprocher, par la comparaison, les moyens employés à deux siècles et demi d’intervalle pour déplacer de grandes masses.

    A ces quatre parties se joint un Appendice, où, indépendamment de quelques considérations sur les connaissances mécaniques des anciens, sont exposés les calculs qui ont limité les forces et les résistances du système, et déterminé le choix de leur point d’application dans les diverses manœuvres dont l’obélisque de Luxor a été l’objet.

    PREMIÈRE PARTIE.

    Table des matières

    DÉPART. — TRAVERSÉE DE L’ALLÉGE LE LUXOR. — ABATTAGE DU MONUMENT.

    CHAPITRE PREMIER.

    Table des matières

    Premières négociations au sujet de l’un des obélisques égyptiens. — Opinion de M. Champollion jeune sur les obélisques de Luxor. — Mission de M. Taylor en Égypte. — Cession à la France par le vice-roi de l’un des obélisques de Luxor. — Construction de l’allège le Luxor. — Préparatifs de départ.

    ON attribue a Napoléon la première idée de faire transporter en France un des obélisques d’Alexandrie. Si le grand homme n’a pas mis ce projet à exécution, il a dû le concevoir.

    Après avoir porté dans la patrie des Pharaons nos armes victorieuses, le vainqueur de l’Égypte, rappelé en France par des événements que sa présence et son génie auraient su prévenir, devait en effet tenir à honneur de doter le pays d’un semblable trophée, et de laisser après lui un irrécusable témoin de notre étonnante campagne de 1799.

    Ce même sentiment avait déjà valu à Rome la possession des obélisques qui décorent cette ancienne capitale du monde; monuments immortels de ses victoires, et seuls restes de ses conquêtes.

    A toute époque de magnificence monumentale on songea aux obélisques. Les Pharaons, les Lagides, les Césars, les Papes ont tour à tour érigé à grands frais ces signaux imposants de la civilisation égyptienne. Thèbes, Alexandrie, Bysance, Rome, ont eu les leurs: Paris devait avoir le sien, c’est Thèbes qui le lui a donné. Transporté à dix-huit cents lieues du sol où il fut érigé pour la première fois, il y a trente-trois siècles, l’obélisque de Luxor, désormais à l’abri de tous les événements qui pouvaient menacer sa conservation, s’élève maintenant sur la plus grande, la plus belle de nos places, où il rappelle de glorieux souvenirs; la population parisienne a suivi avec un vif intérêt les opérations les plus minutieuses du débarquement et de la mise en place de ce monolithe; elle a visité avec une curieuse sollicitude le bâtiment qui l’a transporté ; elle s’est émue à la pensée des travaux, des fatigues et des dangers réels, qu’il a fallu surmonter pour arracher cet admirable monument des sables de la Thébaïde, et pour l’amener jusque sur les rives de la Seine. Il est juste que la part prise par chacun à cette œuvre soit aujourd’hui connue, il importe de dire par quels moyens a été obtenu ce résultat.

    Nous avons parlé de l’idée attribuée à Napoléon. Ce que vingt ans de guerre et le blocus continental ne lui permirent pas d’entreprendre, Louis XVIII le commença.

    C’est par ses ordres que le consul général de France, à Alexandrie, fut chargé de négocier auprès du vice-roi d’Égypte la cession d’un de ses monuments. Les démarches faites à ce sujet eurent un plein succès. Le vice-roi accorda l’une des deux aiguilles dites de Cléopâtre, la seconde fut donnée à l’Angleterre.

    Il serait difficile d’indiquer bien précisément quelles furent les causes qui s’opposèrent à ce que l’obélisque donné à la France y fût amené. Le fait est qu’il demeura sur sa base à Alexandrie, où il est encore .

    Quelque temps après, l’amour des sciences conduisit en Egypte M. de La Borde, et plus tard, M. Champollion jeune. Ce furent ces deux savants qui, frappés de la beauté des monuments de l’ancienne Égypte, réveillèrent le souvenir du don fait à Louis XVIII.

    M. d’Haussez était alors ministre de la marine; M, le baron Taylor, que son rang, et plus encore ses goûts et ses études mettaient en position d’éclairer ce ministre, lui rappela qu’il existait à Alexandrie un obélisque appartenant à la France, mais qui pourrait lui échapper si, en négligeant de le faire enlever, on donnait à nos rivaux le prétexte et le temps de se l’approprier.

    Le musée égyptien, auquel le roi Charles X avait donné son nom, venait de

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