L’INCROYABLE HISTOIRE DE CUDJO LEWIS
Elle dormait dans les cartons depuis 1931, faute d’éditeur : la parole précieuse de Cudjo Lewis que l’écrivaine et anthropologue Zora Neale Hurston a interviewé dans l’Alabama. CeLa traite négrière avait beau être abolie depuis 1808 aux États-Unis, le commerce illégal d’esclaves perdurait. Cudjo Lewis a vécu le « passage du milieu » depuis Ouidah, dans l’actuel Bénin, avec la dernière « cargaison noire » : plus de cent hommes et femmes capturés dans le cadre des guerres du roi du Dahomey, confinés dans des « barracoons » – des abris à esclaves – en attendant d’être vendus à des trafiquants occidentaux. Tout est saisissant dans ce livre. On a beau savoir, on est choqués par l’avidité du roi du Dahomey, qui menait des guerres et lançait des razzias pour tirer profit de la traite transatlantique, sans aucune pitié pour les populations africaines rivales. Ensuite, il y a la qualité d’écoute de Zora Neale Hurston, sa discrétion, ainsi que la fidélité avec laquelle cette folkloriste retranscrit la langue africaine-américaine de Cudjo Lewis. Cette langue, inouïe, contient dans son aspérité le chambardement d’une existence coupée en deux. Enfin, il y a la dignité de cet homme qui, une fois affranchi, a fondé avec d’autres Africains la ville d’African Town dans l’Alabama. Sa joie quand on lui demande de raconter son histoire et son espoir que son récit parvienne un jour à Bantè, sa ville natale qu’il n’a pas revue depuis soixante-huit ans, nous marquent très longtemps.
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