L'Archipel des Nouvelles-Hébrides (Vanuatu): À la recherche d'un Roi
Par Vincent Raude
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À propos de ce livre électronique
Il y a de l'autre côté de la terre un petit Archipel qui regroupe plusieurs dizaines d'îles et d'îlots tous plus beaux les uns que les autres...
On doit de nous les avoir fait connaître à quelques hardis capitaines européens qui nous ont ouvert toutes grandes les portes de l'Océan Pacifique pour qu'on puisse y accéder.
Ce fut alors un afflux d'aventuriers de tous poils pillant sans vergogne les petits biens des indigènes. Ils précédaient les préposés à la christianisation qui confisquaient leurs us et coutumes et pour finir on installa les outils de la colonisation organisée dans le cadre d'un improbable condominium Franco-Britannique.
C'est alors que les habitants s'essayèrent à se donner un ROI. Ce fût d'abord le roi Mata le roi historique ; puis un roi mythique qu'on appela John Frum ; un roi de cœur le Prince Philip ; un roi éphémère Antoine Fornelli avant d'essayer un roi coutumier le métis Jimmy Stevens et un pasteur Anglican le Révérend Walter Lini qui préféra installer une République.
C'est leur histoire que le livre raconte ; mais il passe sous silence mon envie sous-jacente de candidater à mon tour.
À PROPOS DE L'AUTEUR
L'écrivain Vincent Raude est un temps Trésorier-payeur Général de la Nouvelle Calédonie et amoureux inconditionnel de l'Île de Tanna.
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Aperçu du livre
L'Archipel des Nouvelles-Hébrides (Vanuatu) - Vincent Raude
Vincent Raude
L’Archipel des Nouvelles-Hébrides (Vanuatu)
À la recherche d’un Roi
Histoire
ISBN : 979-10-388-0725-9
Collection : Les Savoirs
ISSN : 2428-9450
Dépôt légal : juillet 2023
© couverture Ex Æquo
© 2023 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite
Éditions Ex Æquo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières Les Bains
www.editions-exaequo.com
Pour Siam, Juliette, Simon, Romy et Jeanne
Les Blancs nous ont empêchés d’être.
Jean-Marie Tjibaou, 1985
Je ne sais pas ce que c’est, la coutume. Je connais des rites précis qui ont des noms précis. La coutume, je l’ai dit, c’est le nom un peu méprisant que les non-Kanak donnent à ce que font les Kanaks.
Jean-Marie Tjibaou, 1985
Les Nouvelles-Hébrides, anachroniques et embrouillées, ne sont folkloriques qu’en apparence. De grands symboles s’y affrontent par-dessous, des religions s’y enchevêtrent, des époques fabuleuses sont en mouvement. C’est une terre d’aventures, de métaphysique et de poésie.
Jean-Claude Guillebaud (Un voyage en Océanie), 1980
Sommaire
Aux commencements 13
Chapitre I 18
Les premiers explorateurs 18
Magellan, ou l’exploit sans égal 19
Le premier voyage de Alvaro de Mendana (1567-1569) 28
Le second voyage de Mendana (1595-1597) 32
Chapitre II 57
Après les explorateurs, les exploiteurs 57
La traite négrière ou blackbirding (1866-1906) 67
Chapitre III 74
La christianisation de l’Archipel 74
Chapitre IV 93
Le Condominium franco-britannique 93
La Seconde Guerre mondiale vue de l’Archipel 111
Chapitre V 116
Roi Mata, le roi historique 116
La légende de l’ogre Utuama 120
Chapitre VI 122
John Frum, le roi mythique 122
1944-1956 : crainte d’une insurrection des John Frum 133
La construction d’un ordre John Frum 136
Chapitre VII 139
Le Prince Philip, le roi de cœur 139
Chapitre VIII 144
Antoine Fornelli, le roi éphémère 144
Chapitre IX 159
Jimmy Stevens, le roi de Santo 159
Chapitre X 165
Walter Lini, le révérend roi 165
Chapitre XI 168
Les prémices de l’Indépendance 168
Chapitre XII 183
Chronologie de 1606 à 1994 191
Bibliographie 200
Glossaire 204
Remerciements 206
Il existe, dans l’hémisphère Sud, en bordure de la mer de Corail, plusieurs archipels qui regroupent des dizaines de petites îles plus belles les unes que les autres. Parmi elles, on peut avoir la chance d’en rencontrer une qui est à la recherche d’un roi. C’est assez fréquent en Océanie et c’est ce qui est arrivé, à plusieurs reprises, dans l’archipel des Nouvelles-Hébrides, devenu en 1980 le Vanuatu.
Ah, ces îles des Nouvelles-Hébrides… Ambrym, Futuna, Efaté, Espiritu Santo, Mallicolo, Erromango, Vanua Lava, Tanna. Autant de noms qui chantent, autant de vues paradisiaques qui me reviennent aisément à l’esprit. Autant de rencontres avec des hommes et des femmes de là-bas riches d’expériences et d’humanités.
Les Nouvelles-Hébrides sont entrées dans ma vie sans crier gare, il y a de cela plusieurs années. Je m’incline devant cette évidence : parce que c’étaient-elles et parce que c’était moi, pour paraphraser Montaigne et ça a marché.
Tant d’écrivains, parmi les plus belles plumes de notre temps, ont été emportés par les charmes et la beauté des lieux comme Pierre Benoit, J.M.E Le Clézio, Robert James Fletcher, Joël Bonnemaison, Jean-Claude Guillebaud, Jean Guiart, Marc Tabani, José Garanger, le Père 0’ Reilly…
Il est vrai que j’ai toujours eu pour les îles une curiosité sans limites et des élans du cœur irrésistibles. Bref une prédisposition. Tout au long de mon existence, il m’a été donné de pouvoir en rencontrer un grand nombre, et cela aux quatre coins de notre planète. J’ai même eu la joie d’en habiter quelques-unes pendant plusieurs années comme Saint-Louis au Sénégal et la Grande-Terre en Nouvelle Calédonie.
Au soir de ma vie, j’habite Port Navalo, à l’abri de trois d’entre elles : Belle-Île en mer, Houat et Hoëdic qui méritent aussi, et à plus d’un titre, d’être inscrites au club des plus belles îles du monde. Elles sont miennes et me protègent des vents méchants du large. Et puis, tout juste sur ma gauche, s’ouvre le golfe du Morbihan.
C’est « ma » mer intérieure parsemée de nombreuses îles et îlots, une soixantaine environ. Elle couvre cent kilomètres carrés de paysages époustouflants. Hâtez-vous d’y accourir…
Enfin, si vous êtes, un jour, appelé à visiter le cimetière de l’île de Groix, vous y trouverez nombre de tombes qui portent mon nom rappelant, si besoin est, les origines insulaires de ma famille.
S’agissant de « mes » îles en mer de Corail, j’aurais dû garder mes distances tant leur réputation a de quoi inquiéter. L’Indice mondial des risques naturels, établi par les Nations Unies, les présente comme les lieux de vie les plus risqués au monde. Le Vanuatu est, il est vrai, tout entier d’origine volcanique. Il héberge plusieurs volcans encore très actifs comme le Mont Yasur à Tanna et le Benbow à Ambrym et il doit aussi, trop souvent, faire face à de gigantesques cyclones, à des typhons presque toujours meurtriers, à des raz de marée de plus en plus dévastateurs.
À la vérité l’histoire de l’Archipel auquel elles sont liées a été plutôt agitée depuis sa découverte par le Portugais Pedro Fernandes de Quiros. En effet, les Nouvelles-Hébrides, qui sont devenues, comme on l’a dit, le Vanuatu en 1980, ont connu tout au long de leur existence maintes agressions comme la traite négrière organisée à grande échelle, le pillage intensif de leurs richesses au temps des santaliers. Puis il y a eu l’arrivée de missionnaires de tous poils parfois plus enclins à la rapine qu’à la prière, sans oublier la domination d’un improbable et peu efficace condominium franco-britannique et encore, à sa porte, la guerre du Pacifique, avant qu’il puisse accéder enfin dans la difficulté à l’Indépendance.
Mais ces îles ont, quand même, pu aussi bénéficier de moments heureux, notamment quand le roi Mata{1} a régné sur l’archipel tout entier depuis son site de Mangaasi à l’ouest de l’île d’Efaté. Vrai chef de guerre et homme de paix, il a su réunir son peuple dans un ensemble pacifié. Extraordinaire chance encore pour l’île de Tanna quand elle a été choisie par un mystérieux personnage nommé John Frum et sur lequel on va revenir. Puis arriva le temps des épanchements du cœur lors de la visite du prince Philip d’Angleterre. Il était bel homme et on l’aurait bien gardé. Mais il était déjà installé en ménage en d’autres lieux et en royale compagnie de surcroît. Ce fut ensuite un Français, Antoine Fornelli, qui fut le premier à avoir eu le courage d’écrire à la Reine d’Angleterre et au Président de la République française pour qu’ils accordent à Tanna l’indépendance désirée. Las ! Comme récompense, Antoine fut jeté au cachot. Un chef coutumier, le métis Jimmy Stevens, tenta ensuite de libérer l’île d’Espiritu Santo. Et comme pour Fornelli on l’a mis en prison. Mais Fornelli et Stevens avaient lancé l’idée de l’indépendance. En 1980, toutes îles de l’archipel y compris Santo et Tanna, accédèrent, en même temps, à la souveraineté. Du coup, l’Archipel, libéré de ses oripeaux européens, changea de nom pour s’appeler désormais Vanuatu (la Terre).
Aux commencements
Aux commencements des Nouvelles Hébrides il n’y avait que la mer. Puis, sous la surface de l’eau, la croûte terrestre se fractura et des îles, ici et là, firent progressivement surface. Elles étaient toutes d’origine volcanique. Les premières ont émergé il y a environ vingt millions d’années{2} : ce sont Espiritu Santo, Mallicolo et les îles Torrès. Sept millions d’années plus tard, de nouvelles îles, telles Maewo et Pentecôte, ont surgi des profondeurs. Mais c’est au cours des trois derniers millions d’années que la plupart d’entre elles, comme Anatom, Futuna, Amina, Erromango, les Sheperd, Ambrym, Amabae, les Banks et Tanna, ma préférée, ont vu le jour.
Les plantes et les animaux ont suivi. Ils arrivaient des terres voisines et, avant que les hommes ne débarquent, de très épaisses forêts avaient déjà recouvert presque tous les sommets. Les plus proches de l’Équateur étaient les plus fournies et les plus humides.
Les hommes sont arrivés environ un millier d’années avant Jésus-Christ. Ils venaient de la Papouasie voisine et appartenaient à la civilisation Lapita{3}. Des fragments de céramiques ont été trouvés sur l’île Malo, datés de 1300 avant J-C. Pour les voyages, ils empruntaient de grandes pirogues qui pouvaient transporter jusqu’à deux cents passagers à la fois. Ils arrivaient chargés de nourritures très diverses : ignames, tarots, bananes, palmier sagoutier, maïs, fruits de l’arbre à pins, canne à sucre… Le règne animal lui aussi s’est alors progressivement développé. Sur les beaux rivages des îles du sud, des tortues marines viennent pondre. À Santo, Mallicolo et Efaté, on trouve des grenouilles. À Vana Lava et aussi à Santo, il arrive que l’on capture un crocodile marin venu des îles Salomon. On peut observer dans l’archipel dix-neuf espèces de reptiles terriens et douze familles de lézards, dont cinq sortes de geckos. Dans les îles de Santo, Vana Lava, Mallicolo, Efaté et Erromango, on rencontre le boa du Pacifique.
Dans les airs se promènent soixante et une sortes d’oiseaux et à Tanna même on repère vite les vols très fournis de merles des Moluques. Ils doivent descendre d’un ancêtre rescapé du naufrage d’un bateau et depuis se sont multipliés. Onze familles de chauve-souris, des rats venus de Polynésie et des escargots géants, originaires d’Afrique, notamment à Santo et à Mallicolo, complètent ce tableau.
Autant qu’on le sache, les îles des Nouvelles-Hébrides{4} n’ont jamais constitué un Pays tout à fait unifié avant l’arrivée des premiers Européens excepté avec la parenthèse de Roi Mata. Au départ, c’est un territoire situé à plus de 600 km des Salomon et à plus de 500 km de la Nouvelle-Calédonie, fragmenté en un peu plus de quatre-vingts îles, dont plusieurs demeurent encore inhabitées. Il s’étend sur une superficie très modeste de douze mille km².
Dans chaque île habitée, les occupants sont organisés en tribus indépendantes souvent en conflit et qui, de plus, parlent des langues différentes — plus d’une centaine encore soit la plus grande densité au monde. Mais presque tous les Hébridais parlent aussi le français, l’anglais et le bichelamar ou pidgin, la troisième langue officielle du pays avec celles de Molière et de Shakespeare. Selon la Banque Mondiale, la population de l’archipel était en 2020 de 307 150 habitants.
S’il y a eu des tentatives d’unification interinsulaires, elles n’ont pas dû être très nombreuses. La plus sérieuse remonte à Roi Mata{5} qui, à partir du XIIIe siècle ou bien les siècles suivants, semble être parvenu à rassembler, au centre de l’archipel, plusieurs îles, d’Efaté à Épi. Sa tombe a été exhumée en 1967 et si son « royaume » ne lui a pas survécu, son épopée, en revanche, est maintenant bel et bien entrée dans les mémoires, depuis peu il est vrai.
Jusqu’aux années 1830, l’archipel n’a pas suscité beaucoup d’intérêt, excepté de la part de quelques explorateurs, d’abord portugais et espagnols, puis anglo-français. À partir des années 1840, la donne pour les habitants va changer du tout au tout. Ils vont être contraints d’accepter l’arrivée d’étrangers plutôt envahissants qui, sans ménagement, vont bousculer leur mode de vie de fond en comble.
Les santaliers, d’abord, qui vont piller sans modération les forêts d’arbres à santal. Puis il y a eu les pêcheurs de bêches-de-mer et les baleiniers qui ont amputé, sans retenue, les ressources alimentaires issues de la mer. Dans les années 1860, commence la traite négrière. Elle va gravement mettre à mal la santé des hommes et l’équilibre démographique de l’archipel. Enfin des missionnaires de toutes religions vont se présenter. Ils vont s’attaquer aux us et coutumes du pays, sans beaucoup de ménagement, mais hélas avec force prêches et interdictions et non sans rapines de toutes sortes.
C’est à partir de 1880 que les premiers colons, en majorité des Anglais et des Français, s’installent à demeure dans l’archipel, au moment où la population indigène commence à décroître sensiblement. Certes, un semblant de maintien de l’ordre paraît alors installé avec la création, à cette fin, d’une commission mixte franco-britannique disposant de bateaux de guerre pouvant intervenir rapidement. Mais la loi du plus fort continuera longtemps encore à l’emporter le plus souvent.
En 1906, les deux puissances européennes vont s’impliquer un peu plus dans la gestion de l’archipel en installant un condominium qui n’était, tout bien considéré, pas lui non plus très favorable aux premiers occupants.
Un peu plus de soixante-dix ans plus tard, en 1980, les habitants se sont enfin libérés de ces contraintes en créant un nouvel État qui va être appelé le Vanuatu c’est-à-dire « notre terre ». Cet État, situé dans la mer de Corail, fait partie de la Mélanésie. Il est composé de 83 îles qui forment une sorte de grand « y » inversé.倍
img1.jpgChapitre I
Les premiers explorateurs
Le premier explorateur qui est parvenu à naviguer dans les parages des Nouvelles-Hébrides était Magellan. Lorsqu’il est passé à la hauteur des îles de l’archipel, il se trouvait bien trop au nord de celles-ci pour pouvoir les apercevoir, mais il a pu révéler à ses successeurs que de l’autre côté de l’Amérique il y avait un immense océan jusque-là inconnu, et désormais accessible. L’océan découvert était tout à fait navigable et hébergeait, de surcroît, des milliers et des milliers d’îles.
Ensuite et grâce au Portugais Magellan, l’Espagnol Mendana, le Portugais Quiros, le Français Bougainville, l’Anglais Cook, et aussi le malchanceux La Pérouse, ont fait leur entrée dans l’Océan Pacifique et ces grands capitaines méritent vraiment qu’on partage ce que furent leurs extraordinaires aventures.
Pour réussir leurs explorations lointaines, ils ont tout jeté dans la balance, y compris leurs propres vies offertes pour nous ouvrir ce monde merveilleux de l’Océanie. Plusieurs d’entre eux n’en sont pas revenus : Magellan blessé à mort par une flèche empoisonnée, Mendana mort d’épuisement sans avoir pu réaliser son projet d’installer à demeure une colonie dans les îles Salomon, Cook poignardé à Hawaï ou encore La Pérouse disparu corps et biens à proximité de l’île de Vanikoro alors que son ami et équipier, le Breton Fleuriot de Langle, avait, peu de temps avant, été sauvagement achevé à coup de massue en accostant la petite île de Maouna (archipel des Samoa).
Magellan, ou l’exploit sans égal
Le 25 septembre 1513, alors qu’il est en mission d’exploration dans la cordillère du Rio Chucunaque au Panama, le conquistador espagnol Vasco Nunez de Balbao se trouve en compagnie de quelques-uns de ses hommes lorsqu’il aperçoit, depuis le sommet où il se trouve, l’impressionnante étendue d’une mer inconnue jusque-là.
Dévalant de la hauteur, il arrive quelques jours plus tard au bord de cet océan qui lui paraît absolument sans limites. Aussitôt, dans un geste un peu théâtral, il élève ses deux mains, l’une armée d’une épée et l’autre tenant un drapeau où est peinte la vierge Marie, puis il pénètre dans l’eau jusqu’aux genoux et, « au nom des souverains de Castille », il déclare, haut et fort, prendre possession de ce nouvel espace maritime{6} apparemment sans fin.
Le 19 janvier suivant, Balbao confie à un de ses hommes la mission de porter en Europe cette incroyable nouvelle. Au-delà de l’Amérique, il y a bel et bien un immense océan. Et cette information va immédiatement susciter une curiosité considérable dans toute l’Europe.
C’est en octobre 1517 que Fernand de Magellan, gentilhomme portugais, arrive à Séville en Espagne. Il a trente-sept ans et n’est pas très beau. La description qu’en fait Stefan Zweig{7} lui est plutôt défavorable : « L’habileté et la souplesse ne furent jamais son fait. Si peu que nous le connaissions, il demeure certain que cet homme, effacé et taciturne, ne possédait à aucun degré l’art de se faire aimer des grands ni des inférieurs ». Magellan était petit, plutôt noiraud, caché dans une large barbe touffue et, de surcroît, claudicant. On sait peu de choses de son enfance. Il aurait vu le jour à Porto en 1480. Puis il aurait été petit page à la cour de la Reine Léonor du Portugal pendant quelques années avant de choisir d’entrer dans l’armée et de servir sur les bateaux. Il aurait ensuite participé à plusieurs expéditions lointaines souvent violentes, notamment à Goa en Inde puis à Malacca en Malaisie et aussi au Maroc. C’est lors de l’expédition de Malacca qu’il sauva de la mort un certain Francisco Serrao, qui devint par la suite un ami intime et qui aura beaucoup d’influence sur le cours de sa vie et de ses choix.
Au retour de ses campagnes où, à plusieurs reprises, il avait fait la preuve d’une extraordinaire bravoure, Magellan a souhaité être reçu par le roi du Portugal pour que celui-ci reconsidère sa situation personnelle. Mais le roi n’a pas voulu reconnaître les mérites pourtant bien réels de son visiteur. Il est vrai qu’à cette époque Magellan ne bénéficiait pas d’une excellente réputation tant il avait mauvais caractère et peut-être aussi en raison de cette lame musulmane qui lui avait sectionné un tendon du genou et causé sa démarche boiteuse. À moins que ce ne soit en raison d’une histoire plutôt subalterne de quelques têtes de bétail disparues alors qu’il en avait la garde.
Quoi qu’il en soit, Magellan, très affecté par l’attitude du roi du Portugal, décide de s’expatrier et d’aller s’installer en Espagne. Peut-être a-t-il aussi eu alors à l’idée de rejoindre son ami Francisco Serrao qui, lui, avait définitivement jeté l’ancre aux îles Moluques où il nageait dans la joie de vivre et qui l’invitait, à longueur de lettres, à venir le rejoindre. Magellan y a sans doute réfléchi et peut-être a-t-il envisagé de faire le voyage, mais en choisissant pour rejoindre les Moluques un autre chemin que celui utilisé jusqu’alors par les Occidentaux. Choisir par exemple de s’y rendre en empruntant la route de ce nouvel océan repéré au-delà de l’Amérique et dont tout le monde en Europe ne finissait pas de parler. Pourquoi pas en effet choisir ce chemin jamais emprunté ?
À cette époque, Magellan est lié à un vieux garçon un peu bizarre du nom de Faleiro qui sait calculer les longitudes et lire les cartes marines. Il partage avec lui l’envie