L’autre politique: Choix de textes et introduction par Cosima Campagnolo
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À propos de ce livre électronique
Le devoir politique de l’homme de culture;
Essence de la culture;
L’idée européenne et la politique de la culture;
Notice bio-bibliographique d’Umberto Campagnolo.
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Aperçu du livre
L’autre politique - Umberto Campagnolo
Société Européenne de Culture
COLLANA DI CLASSICI DI POLITICA DELLA CULTURA
diretta da Lorenzo Franchini e Alberto Gambino
2
La Société Européenne de Culture est une institution qui réunit étude et action, s’occupe du rapport entre la culture et la politique. Par ses recherches et sa réflexion toujours reprises sur les développements généraux du moment présent, elle vise à dégager des objectifs prioritaires pour une culture qui se reconnaît des responsabilités éthico-politiques dans le sense de la compréhension, de la collaboration et de la paix, auxquelles contribuer à travers un dialogue authentique. Elle a donné à cet engagement un fondement théorique à partir du concept de politique de la culture, dont elle continue à approfondir les raisons, alors qu’elle s’emploie à en diffuser la connaissance et la pratique.
Grafica e impaginazione: StudioNegativo.com
© 2020, Clueb, Casa editrice, Bologna
www.clueb.com
ISBN EPUB 978-88-491-4083-5
Quest’opera è protetta dalla Legge sul diritto d’autore.
È vietata ogni duplicazione, anche parziale, non autorizzata.
Umberto Campagnolo
L’autre politique
Choix de textes et introduction par Cosima Campagnolo
Clueb-Logo-SuFondoBianco.pngIntroduction
Les textes d’Umberto Campagnolo que nous proposons dans ce petit volume correspondent à trois « rapports du Secrétaire général » présentés par Campagnolo aux Assemblées générales 4ème, 5ème et 6ème de la Société Européenne de Culture (SEC), qui eurent lieu, respectivement, à Venise en octobre 1954, à Bruxelles en octobre 1955, et de nouveau à Venise en septembre 1956. Nous les reproduisons ici exactement tels qu’ils ont été publiés dans les numéros 13-14, 16 et 17-18 de la revue de la Société, « Comprendre ». Leur choix parmi tant d’autres pages significatives consacrées par leur auteur à la politique de la culture est fondé sur un certain nombre de considérations. En effet, au-delà de leur unité thématique, ces pages se rapportent toutes à une même période, celle des premières années de la Société, qui élabore et approfondit alors ses buts et sa doctrine de la politique de la culture ; de plus, ayant été conçus pour des occasions parallèles, ces trois exposés se prêtent parfaitement à un examen conjoint, et d’ailleurs ils contiennent déjà des renvois internes. Enfin, ils offrent également un aperçu des travaux de la SEC, tout en restant de ce point de vue inévitablement au niveau d’une introduction ou d’une invite à approfondir la recherche, car les rapports du Secrétaire général avaient la tâche d’ouvrir et de stimuler le débat entre les membres réunis en assemblée, et ce sont véritablement ces débats qui témoignent de la vie et de la vitalité de la SEC.
Umberto Campagnolo : quelques éléments de sa biographie
Mais commençons par dire quelques mots sur Umberto Campagnolo (1904-1976) et sur la Société Européenne de Culture. Lorsque Campagnolo lança en 1946, à l’occasion des premières Rencontres Internationales de Genève consacrées à l’ « esprit européen », l’idée d’une « Société européenne de culture », et réalisa à Venise son projet quatre ans plus tard, grâce à l’appui matériel de la Biennale de Venise et au soutien d’un comité promoteur d’envergure, réunissant plus de deux-cents noms parmi les plus prestigieux de la culture européenne de l’époque, il avait derrière lui une biographie riche en étapes marquantes et profondément liées aux évènements historiques de la première moitié du XXème siècle.
Issu d’une famille modeste, mais non insensible à la culture et à l’éducation, de la petite ville d’Este en Vénétie, au pieds des collines euganéennes, il avait vécu la première guerre mondiale à l’âge de l’adolescence, non seulement comme témoin habitant des terres directement touchées par le conflit, mais encore en quelque sorte comme protagoniste, parce qu’il avait été appelé, en 1917, à occuper un poste à responsabilité dans le bureau de sa ville pour le rationnement des denrées alimentaires. Jeune homme, républicain convaincu, il s’était engagé tout de suite dans la voie de l’opposition au fascisme, avec les conséquences que l’on peut imaginer. Dans cette même période où prenait forme sa position politique, non satisfait de sa formation de comptable, il s’inscrivit à Padoue à la Faculté des lettres, et – tout en travaillant – il y compléta ses études de philosophie théorétique en 1931 sous la direction du professeur Erminio Troilo avec une thèse très originale, que l’on pourrait définir comme une auto-analyse philosophique, sous le titre socratique de Gnothi sauton, « Connais-toi toi-même ». En 1933, après un début de carrière prometteur comme professeur d’école secondaire, refusant de se plier à l’obligation imposée aux enseignants d’adhérer au parti national fasciste, il quitta l’Italie pour se réfugier en Suisse. A Genève, grâce au soutien de diverses bourses d’étude, il suivit les cours de droit international auprès de l’Institut de Hautes Etudes Internationales de Genève, et notamment les cours tenus par Hans Kelsen qui fut le directeur de sa thèse de doctorat, Nations et droit, sur les rapports entre l’État et le droit international, thèse soutenue en 1938 et publiée par les Editions Alcan de Paris, dont les exemplaires furent presque totalement éliminés sur les bûchers des occupants allemands quelques mois plus tard. En 1940, ne souhaitant pas rester loin de son pays en guerre, il accepta l’invitation des Olivetti, l’une des rares entreprises italiennes de l’époque qui pouvait se permettre d’employer des antifascistes reconnus, de travailler dans leur usine pour y créer la biblioteca di fabbrica, bibliothèque des ouvriers, d’abords, puis la maison d’édition de l’usine, devenue plus tard les Edizioni di Comunità. En automne 1943, il fut appelé comme professeur à l’Université de Padoue par le recteur d’alors, Concetto Marchesi ; il allait enseigner par la suite à Padoue jusqu’en 1974, chargé entre autres du premier cours de philosophie de la politique en Italie. En 1945, il fut nommé, par le Gouvernement militaire allié, à la charge de commissaire de l’ISPI (Istituto per gli Studi di Politica Internazionale) à Milan et, dans cette même période, ayant consacré déjà beaucoup d’énergies à l’étude de la question fédéraliste en Europe les années précédentes, il s’engagea fortement dans le Movimento Federalista Europeo (MFE), dont il devint Secrétaire général en 1946. Mis en minorité par le courant du mouvement qui soutenait la réalisation d’une fédération de l’Europe à travers l’action des États, alors qu’il prônait l’initiative des peuples, il s’éloigna progressivement du mouvement pour se vouer à la création et au développement de l’œuvre la plus marquante de sa vie, la Société Européenne de Culture justement, une plateforme – comme l’on dirait aujourd’hui – destinée aux débats des hommes de culture et à leur prise de conscience de leur responsabilité politique spécifique.
Ces quelques éléments, qui sont loin d’épuiser la biographie de Campagnolo, ne visent qu’à donner un aperçu de son parcours personnel jusqu’au moment où il lança l’idée d’une Société dont le « but principal devait être de sauvegarder la possibilité, si essentielle entre hommes de culture, d’un colloque menacé par l’exaspération de la lutte politique tendant à partager l’Europe en deux camps toujours plus irréductiblement fermés l’un à l’autre »¹.
Pourquoi une Société européenne de culture ? « A quoi bon – se demandait Campagnolo en introduisant le débat lors de l’Assemblée constitutive de la SEC, et en reprenant une objection soulevée par d’aucun – une Société européenne de culture en ce moment ? »².
La Société Européenne de Culture. Son origine et ses buts
La question de fond qui est à l’origine de la Société, qui justifie son existence et son travail est celle du rapport entre politique et culture. Il va de soi que l’étude et le développement de ce rapport exige avant tout un approfondissement de la nature de ces deux termes et la définition du terrain qu’ils partagent. Comme nous le verrons mieux plus loin, pour être fructueux, ce rapport doit mettre en contact la culture créatrice avec la politique dans la mesure où sa tâche est de donner à la polis une orientation à long terme, soutenue par une vision morale, bref une perspective de progrès.
La conviction, qui anime les promoteurs de la Société d’abord et ses membres ensuite, est qu’il existe un espace propre à la culture pour une action politique, visant à sauvegarder l’autonomie de la culture et par là à contribuer à créer des conditions de liberté et de développement