Carril mort pour la France: Lettres des soldats de 14-18
Par Emma Durringer
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À propos de ce livre électronique
Ce récit est inspiré de la véritable histoire d’un soldat de la Première Guerre mondiale, mort pour la France.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Emma Durringer écrit depuis l’enfance pour partager avec ses amies son imagination débordante. À dix-sept ans, elle fait la rencontre inattendue d’un soldat de la Première Guerre mondiale et lui promet d’écrire son histoire. Ainsi est né ce récit qui est par ailleurs son premier roman.
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Avis sur Carril mort pour la France
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Aperçu du livre
Carril mort pour la France - Emma Durringer
19 décembre 1915
L’officier général Marcel Serret et le général Augustin Dubail parlaient à voix basse en passant dans la tranchée. Ils organisaient le prochain assaut, déjà plusieurs jours qu’ils ne parlaient que de ça. Il aurait lieu le 21 décembre sur le Hartmannswillerkopf. Cet assaut serait sûrement décisif, car seize bataillons français y seraient envoyés, soit plus de seize mille hommes et deux cent trente-neuf pièces d’artillerie. Il fallait conquérir cette montagne à tout prix, le Hartmannswillerkopf était un point d’observation sur la plaine et une entrée dans l’Alsace plus qu’avantageuse.
Les hommes circulaient en tous sens, occupés à préparer les dernières munitions, à nettoyer les derniers fusils et canons, ça fourmillait dans les tranchées et dans la forêt, les traîneaux allaient et venaient entre les camps, transportant des munitions, des fusils, de la nourriture.
Le général Dubail s’écarta de Serret et fit quelques pas seul, observant ses soldats. Une seule chose l’inquiétait : qui seront les déserteurs ? Combien seront-ils à fuir et mourir sous les balles françaises ?³ Il savait qu’il y en aurait forcément, mais il ne pouvait s’empêcher d’espérer qu’il n’y en ait aucun, que tous ses hommes étaient des courageux, il espérait qu’aucun d’entre eux ne soit un lâche, que tous aient l’honneur de figurer sur les monuments. Mais il savait mieux que quiconque que l’homme sous l’emprise de la peur fuyait au moindre obstacle, et qu’à la moindre approche de la mort, il faisait preuve d’une incroyable couardise. Il le savait...
De jeunes soldats étaient demandés pour décharger les traîneaux. L’un d’eux s’approcha donc d’un attelage et, en passant devant les chiens, en fit sursauter un jeune roux qui bouscula alors son voisin. Les bêtes se mirent à grogner et le jeune chien roux se fit mordre pour son déplacement trop brusque. Le soldat tenta alors de les calmer avec l’aide du musher, mais dès que sa main toucha le flanc de l’animal roux, ce dernier se tourna, surpris, et le mordit violemment. Le jeune militaire s’écarta vivement en lâchant un grognement de douleur, il attrapa sa main en sang. Le chien le regarda, et leurs regards restèrent ancrés l’un dans l’autre pendant un moment qui parut être une éternité. Puis le musher tira sur le harnais de l’animal pour le remettre en ligne, il lança un regard au jeune soldat puis lâcha vaguement :
— Fais gaffe quand tu passes près des chiens.
Le militaire hocha la tête et s’empressa de décharger le traîneau et d’emmener la cargaison dans la tranchée : l’attelage étant trop large, il ne pouvait s’avancer entre les murs gelés.
Une fois qu’il eut terminé avec ce traîneau, le jeune soldat s’éloigna un peu et alla se frotter la main avec de la neige pour nettoyer la plaie. Une fois le sang ôté, il prit un vieux mouchoir qu’il avait toujours dans sa poche et enroula sa main dedans avec encore un morceau de neige pour endormir la douleur. Ce chien roux ne l’avait pas manqué.
Le jeune soldat continua les tâches qu’il devait accomplir jusqu’au grand assaut : nettoyer son barda, chasser les rats, arranger la tranchée et toutes les tâches annexes d’un « deuxième classe ». Il n’avait pas pensé que sa blessure pourrait s’aggraver, ce n’était qu’une morsure de chien après tout, il ne pouvait aller voir un médecin pour si peu.
Le soir tombait. Était-ce à cause du froid qu’il ne sentait plus le bout de ses doigts ? Sa main droite étant celle avec laquelle il écrivait, il ne put pour cette fois écrire une lettre à son père. Les extrémités endolories par le froid et la blessure, il eut même du mal à manger son repas à peine tiède. La pénombre s’était tranquillement posée, le jeune militaire leva le nez avant de partir dans le monde des songes. Il était assis, les genoux ramenés contre son torse pour avoir chaud, et en levant le regard il aperçut les étoiles, belles, pures. Elles étaient là-haut comme toujours, comme si malgré la guerre, la mort et tous les massacres elles seraient toujours là, immuables. Plus d’une semaine que les nuages crachaient des flocons sans laisser la place à la douce lumière froide des étoiles. Et enfin ce soir-là, 48 heures avant la bataille, il put vivre l’espoir du dernier combat. Il se perdait dans le ciel quand sa main lui rappela brusquement qu’il ne pouvait plus tenir de fusil… alors qu’allait-il faire durant cet assaut ?
Le 27 mai 1916
Chers parents,
Je suis toujours en bonne santé. Je ne cours aucun risque. Les hommes creusent toujours des tranchées et des boyaux. Depuis hier, nous avons quitté notre bivouac pour aller dans un cantonnement plus près du front. Nous sommes avec des artilleurs, des chasseurs à cheval, du génie à pied et des hussards. Nous sommes bien mieux que sous les tentes. Nous devons aller au repos le 5 juin. Je trouve à peu près tout ce que je veux ; ne m’envoyez ni argent ni colis avant que je vous en aie demandé. Le secteur est toujours calme ; nous travaillons toute la journée et nous n’entendons que quelques coups de 75.
Je tiens à vous dire que les Allemands peuvent attaquer où nous sommes. Les malheureux, ils sont bien attendus. Vous ne pouvez pas vous figurer tout ce qui a été fait depuis la guerre comme tranchées, abris de mitrailleurs et