La résolution
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À propos de ce livre électronique
Leur passion sera mise à rude épreuve.
De nouveau réunis, Emma et Ethan se désirent plus que jamais. Pourtant, à peine ont-ils renoué que leur passé respectif, à la fois sombre et dévorant, les rattrape. Tandis que le cauchemar tant redouté d’Emma se matérialise subitement devant elle, Ethan est confronté à un terrible dilemme. Doit-il se confier à celle qui fait battre son cœur ou garder pour lui l’infâme secret qui le tourmente ?
Le sort s’acharne chaque jour davantage sur le couple et force Emma à prendre la fuite. Désemparé, Ethan remue ciel et terre pour la reconquérir, ressassant du même coup ses pires démons. Ce que le séduisant milliardaire ignore, cependant, c’est qu’en se réconciliant publiquement avec sa douce, il pourrait bien signer son arrêt de mort… Quelqu’un lui veut manifestement du mal. Mais qui ?
Ensemble, les amants auront à surmonter de multiples obstacles pour préserver leur relation. Seulement, l’amour peut-il réellement régner au-delà de tout ? Entre vérités et dangers, la délivrance tarde à se frayer un chemin...
Chantale D’Amours repousse encore les limites de la dépendance créée par ses deux premiers romans en dévoilant ici la conclusion fort attendue de sa série résolument sensuelle.
Chantale D'Amours
Chantale D’Amours est l’auteure de romans toujours enivrants, dont la populaire série Délivrance. Elle déploie à nouveau son talent pour fondre le romantique et le charnel dans cette sensuelle histoire country.
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Aperçu du livre
La résolution - Chantale D'Amours
Je l’aimais… et il m’aimait…
mais l’amour est-il plus fort que tout ?
Je dédie cette trilogie à toutes celles qui
ont été victimes d’un acte inadmissible
qui les habite jour et nuit.
Prologue
Ethan, octobre 2005
Coiffé de ma casquette des Bulldogs de Yale – l’équipe de basket-ball pour laquelle je me démène, ici, dans le Connecticut – je déambule le long du fleuve Quinnipiac, mon sac de sport en bandoulière sur le torse et du Metallica dans les oreilles. Il est tard et l’air est plutôt frais, mais le cours d’eau est calme et le ciel étoilé.
Après le match, mes coéquipiers m’ont presque supplié de sortir avec eux afin d’arroser notre victoire, mais j’ai refusé de les accompagner. Je dois absolument économiser, sinon je serai forcé de demander de l’argent à ma mère et je refuse catégoriquement, elle a déjà donné côté financier. Si seulement je pouvais mettre au point le projet sur lequel je travaille depuis quelques mois déjà, j’ai le sentiment qu’avec ce site de réseautage je pourrais gagner un max de pognon. Mais pour y arriver, il faudrait que j’aie du temps à y accorder… Entre les cours à l’université, les matchs et les entraînements de basket-ball, puis le job de caissier que j’ai déniché au dépanneur du coin, les moments libres se font rares.
Je plonge les mains dans mes poches de jean et traverse le pont qui surplombe le fleuve. Je n’avais aucune envie de me joindre à l’équipe pour festoyer. Depuis ce matin, j’ai cet étrange besoin de me retrouver seul pour siroter un verre. Pas pour fêter notre victoire en solo, mais plutôt pour souligner l’anniversaire de quelqu’un. De quelqu’un qui, s’il ne s’était pas suicidé cinq mois plus tôt, aurait eu vingt ans aujourd’hui.
Mylan. C’est fou ce qu’il me manque.
Chaque fois que je ferme les paupières, je le revois tel que je l’ai aperçu la dernière fois qu’il était en vie ; accroupi sur la grosse branche noueuse du grand chêne, prêt à passer à l’acte. Je ne peux pas m’empêcher de croire que si je ne l’avais pas interpellé comme un idiot ce jour-là, il serait peut-être encore en vie.
Cafardeux, j’entre dans un bar de New Haven et me perche sur un tabouret situé à l’autre bout du comptoir. Dans un anglais loin d’être impeccable, je commande au serveur une bière en fût ; la seule que je pourrai me permettre de boire ce soir, faute d’avoir suffisamment d’argent.
Après le décès de Mylan, j’ai eu besoin de changer d’air. Je ne supportais plus de voir le regard commisératif des gens se poser sur moi. Et puis tout me rappelait le défunt, c’était devenu trop dur à gérer. Je croyais qu’ici, à plus de huit cents kilomètres du grand chêne, tout s’effriterait et que j’arriverais à oublier. Foutaise ! La même image me revient sans cesse à l’esprit, déchirante et malsaine.
D’un air mélancolique, je lève mon bock à la hauteur de mes yeux, chuchote « à la tienne ! » et siffle une longue gorgée en la mémoire de mon ami.
À l’autre bout du bar, une femme est assise à une table, seule avec son verre de martini.
Inspiré, j’ouvre mon sac et en sors ma tablette d’artiste. J’ébauche rapidement son portrait, tel que je la vois malgré la distance qui nous sépare. Le visage maigre, le menton carré, les cheveux noirs très lisses remontés en chignon. Elle est d’une grande élégance.
Après quelques minutes de crayonnage, alors que je suis concentré à dessiner le lustre de sa coiffure, j’entends un « WOW » épaté à mes côtés. Je me retourne dans un léger sursaut. C’est elle. Je ne m’étais pas aperçu qu’elle n’était plus à sa table.
— Merci, bredouillé-je en anglais, pris de court.
Je lui donnerais vingt-cinq ou vingt-six ans. Elle est un peu trop maquillée à mon goût, mais je la trouve tout de même ravissante.
— En général, les hommes m’abordent avant de me prendre comme modèle, annonce-t-elle avec un sourire enjôleur, en s’assoyant sur le tabouret voisin. Quel âge as-tu ?
Contrairement à moi, son anglais est impeccable.
— L’âge d’errer dans les bars.
Ce n’est pas tout à fait faux. Aux États-Unis, je suis considéré comme mineur alors qu’au Québec, j’ai atteint la majorité depuis plus d’un an. Dès ma rentrée à Yale, je me suis procuré une fausse carte d’identité pour me permettre de sortir dans les boîtes de nuit l’esprit tranquille.
— Je vois, fait-elle en me sondant avec ses yeux gris. Rachel.
Elle me tend sa fine main, alors je la serre avec assurance.
— Ethan.
— Étann ? répète-t-elle, incrédule, comme je l’ai prononcé. Aaaah ! Tu veux sans doute dire : Iteunn.
Je hausse nonchalamment les épaules.
— Si tu veux.
Je reprends mon dessin sans trop me soucier de Rachel puisque mon but en venant dans ce bar était de boire un verre seul avec le fantôme de Mylan.
— Alors, fait-elle en effleurant du bout des doigts mon avant-bras, d’où viens-tu, Ethan ? Tu as un fort accent que je trouve très séduisant.
Malgré moi, nous nous mettons à discuter tranquillement – longuement – du Québec et de mon emploi du temps. Rachel est assez sympathique et bien qu’elle soit un peu hautaine, elle dégage un tel sex-appeal que je suis incapable de la repousser.
— Dis-moi, Ethan, un beau jeune homme comme toi doit bien avoir une petite amie qui l’attend chez lui.
Accoudé de part et d’autre de ma tablette d’artiste, je secoue la tête.
— Je n’ai pas de petite amie et je n’en cherche pas.
— Alors tu es gai ?
Semi-insulté, je la dévisage un long moment, vide mon bock, puis réponds en articulant bien chaque mot :
— Non, je ne suis pas GAI.
— Je ne voulais pas t’insulter, je m’informe, c’est tout.
Elle me toise en silence, puis lance tout bonnement :
— Je me trompe ou tu as besoin d’argent ?
Je me raidis, sans m’arrêter de dessiner.
— Qu’est-ce qui te le fait croire ?
— Ça doit bien faire trente minutes qu’on cause et tu ne m’as toujours pas payé de verre.
— J’économise.
Elle prend mon menton entre ses doigts et me force à la regarder.
— Ça t’arrive de sourire ?
Je reste de marbre. Les jours de cafard, personne n’arrive à me soutirer un sourire.
— Si, la plupart du temps. Mais pas aujourd’hui.
— Pourquoi ?
— Ça ne te regarde pas, dis-je fermement en soutenant son regard.
Elle hésite, relâche mon menton et demande deux bières au serveur. Elle m’en remet une.
— Viens avec moi, annonce-t-elle en me prenant la main.
— Pas si tu ne me dis pas où l’on va.
Elle fait resplendir son sourire d’ange cornu et me chuchote à l’oreille d’une voix mielleuse :
— Je veux seulement danser avec toi.
Ma bière à la main, je la suis jusqu’au juke-box où elle fait jouer une chanson des Beatles. Elle m’enlace le cou, je pose ma main libre au creux de son dos et nous nous mettons à danser lentement.
— Sais-tu chanter ? me susurre-t-elle à l’oreille. Je suis sûre que tu as une très belle voix.
Je deviens tout d’un coup irrité par toutes ces questions. Tout ce que je souhaitais, c’était passer une soirée seul à ne rien dire. Juste réfléchir et me remémorer de bons souvenirs…
— J’ai déjà chanté, mais je ne chante plus depuis quelques mois, réponds-je sèchement.
— Pourquoi ?
Je la dévisage une fois de plus.
— Ça aussi ça ne me regarde pas, conclut-elle.
— Tu as tout compris.
— Bon… Parlons de dessin, alors… Tu as déjà dessiné une femme nue ?
Je fronce les sourcils, indigné.
— Bien sûr que non ! Pourquoi ?
Elle sourit tendrement, faisant glisser son doigt sur ma mâchoire.
Plus de femmes, Layne. Aucun lien d’attachement. Mylan a beaucoup trop souffert à cause de ça.
Mais il y a si longtemps que je n’ai pas baisé. Et jamais avec une femme plus vieille que moi.
— Je pourrais te servir de modèle, chuchote-t-elle, langoureuse. C’est une demande alors je te paierai. Et si tu fais bien ça, j’aurai une offre très alléchante pour toi.
Elle marque une courte pause, le temps de déposer un baiser aguicheur dans mon cou, puis ajoute sur le même ton :
— Et si tu acceptes cette offre, je te garantis que tu n’auras plus de problème d’argent.
1
Emma
— Donc… si je comprends bien, Ethan est parti avant qu’il ne soit trop tard, conclut Sara depuis la cabine d’essayage voisine. Avant qu’il ne s’attache trop à toi.
J’enfile une robe de soirée noire, beaucoup trop pailletée pour un mariage, et tire le rideau.
— C’est ce que j’ai compris, soupiré-je en considérant mon reflet d’un œil critique. Sara, cette tenue est affreuse !
Non seulement elle est affreuse, mais elle me donne un air d’enterrement. J’ai pleuré une partie de la nuit après qu’Ethan soit parti, alors ce matin, mon visage est à demi bouffi.
Sara émerge de sa cabine, galamment pourvue d’une longue robe bordeaux. La coupe met en valeur sa mince silhouette et la couleur s’accorde impeccablement avec son teint ivoire et ses courts cheveux roux.
— En revanche, toi, tu es resplendissante. Tu devrais la prendre, elle te va à merveille.
— Oui, je l’aime bien aussi.
Elle me détaille du regard, retenant à peine son air dégoûté.
— Ouais… On dirait une sorcière ! Tiens, essaie plutôt celle-ci.
Elle me remet une tenue qu’elle avait choisie pour sa propre séance d’essayage. Je l’inspecte avec méfiance.
— Sara ! m’indigné-je en la retournant. Tu as vu son dos ?
De fait, il n’y en a pratiquement pas ! La robe est de toute beauté, mais elle est destinée à une femme comme Sara, pas comme moi.
— Bien sûr que je l’ai vu. Ton moral est à plat, Em, tu as besoin de te sentir belle. Allez, essaie-la.
Elle me pousse de force dans ma cabine, alors je l’essaie. À contrecœur.
— Mamma mia ! s’exclame-t-elle avec un accent italien tandis que je tire le rideau. Emma !
Endimanchée d’un vert émeraude éclatant qui accentue considérablement la couleur de mes yeux, j’avance vers elle d’un pas mal assuré.
La robe est assez ample et s’arrête un peu en haut du genou. Les cicatrices qui zèbrent l’intérieur de mes cuisses sont donc largement dissimulées. Le devant est plutôt simple. La robe remonte jusqu’à la naissance de mes clavicules et se noue derrière le cou à l’aide d’une délicate chaînette, puis descend pour caresser le galbe ferme de mes seins. De dos, un vertigineux décolleté s’ouvre sur mes flancs. C’est tout juste si l’échancrure ne révèle pas mes salières de Vénus ; les petites fossettes dont Ethan raffole.
— Cette robe est parfaite pour toi.
— Mais…, hésité-je en passant la main sur la mousseline. N’est-ce pas trop provocant pour un mariage ?
Bien qu’elle expose plus de peau que j’ai l’habitude d’en laisser paraître en public, je dois reconnaître que j’éprouve un intense coup de cœur.
— Pas du tout, tu es trèèès raffinée. C’est exactement ce qu’il te faut pour ce mariage prestigieux.
Un petit garçon sortant de nulle part se poste devant moi et se met à m’admirer avec de grands yeux émerveillés.
— Wow !
— Tu vois ! en profite fièrement Sara. Tu dois l’acheter !
Sachant que mon combat contre Sara Wolfe, la pro de la mode, est perdu d’avance, je retourne dans ma salle d’essayage en haussant des épaules résolues. Je n’aurai qu’à porter une étole. De cette façon, je pourrai couvrir le haut de mon dos.
— Dis-moi, Em… tu tiens le coup ? demande soudain Sara depuis sa cabine. Tu crois qu’il reviendra ?
Aussitôt, mon cœur se tord de douleur. C’est de la torture en boîte de présager qu’Ethan ne reviendra pas.
— Oui, marmonné-je au bout d’un moment, je tiens le coup. Mais je ne crois pas qu’il reviendra. Hier, j’en étais certaine… Cependant, plus les heures passent, plus mes espoirs s’évanouissent. Je lui ai ouvert mon cœur et il est tout de même parti.
J’enfile mon chandail et récupère la robe avant de sortir de la cabine.
— Il passe sans cesse aux nouvelles depuis ce matin, annonce Sara en tirant bruyamment son rideau. Il se fait poivrer par les journalistes. Le code source de MyFace a été piraté et les internautes ont peur pour la sécurité de leurs données personnelles. Si ça peut t’apaiser, ses prochains jours risquent d’être aussi pourris que les tiens.
— Non, Sara… je ne me sens pas apaisée du tout.
* * *
Après ma séance de magasinage, je me rends au gymnase de Liang, espérant que mon cours de kung-fu m’arrêtera de penser à Ethan l’espace de quelques heures. Je ne peux pas m’empêcher de me demander comment il se sent. Et ce qu’il fait. Pense-t-il à moi ou est-il passé à l’ennemi ? Après tout, lorsqu’il m’a quittée, c’était pour se rendre à New York avec Rachel. Pour affaires, apparemment. Mais qui sait ce qui peut arriver à présent qu’il n’est plus tenu par notre accord d’exclusivité. Il a entièrement le droit de baiser avec qui il veut et comme bon lui semble. Lui qui est prêt en tout temps, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Si Rachel lui fait des avances, il succombera, c’est certain.
Dépitée, j’ouvre la lourde porte de l’entrepôt désaffecté. Le jeune Asiatique de dix-sept ans me sourit depuis le ring, hochant joyeusement la tête.
— Liang espérer vous être en forme. Aujourd’hui, vous devoir travailler très fort !
Lorsque j’ai sollicité Liang, il avait désespérément besoin d’argent et moi, de ses compétences. Je lui ai fait une offre généreuse pour être certaine qu’il accepte. Depuis, j’ai parfois l’impression qu’il aperçoit des signes de dollar à la place de mon visage quand il me regarde.
— Fais ce que tu veux de moi, Liang. Tout ce que je souhaite, c’est réussir à oublier que j’existe.
* * *
Vers la fin de l’après-midi, Noah passe chez moi pour installer le sac de frappe qui est toujours obstinément coincé dans le coffre arrière de ma voiture depuis hier. J’ai bien essayé de le sortir de là, mais il était beaucoup trop lourd pour moi.
— Tu sais, Doc, je t’ai dit que je lui briserais la figure s’il le méritait, me rappelle Noah, perché sur un tabouret pour visser l’ancrage dans le plafond de la pièce adjacente à ma salle de danse.
Sa remarque réussit à me soutirer un sourire sans joie. Noah a toujours pris son rôle de garde du corps trop au sérieux.
— C’est gentil, Noah, mais Ethan ne mérite pas de se faire casser la gueule. Il n’a pas été irrespectueux envers moi. La trouille lui a pris et il est juste… parti.
Le crochet métallique bien en place, Noah descend de son tabouret en me jetant un regard rempli d’inquiétude.
— Je vais bien, Noah, le rassuré-je en tentant de me convaincre moi-même.
— Ouais, je te crois, menteuse, grogne-t-il en soulevant le lourd sac. Grimpe sur le banc et accroche la chaîne, s’il te plaît.
Je m’exécute avec empressement pour ne pas l’épuiser.
— En tout cas, dis-le-moi si tu as besoin de quoi que ce soit, c’est toujours un plaisir de te rendre service, Doc.
— Merci, Noah. Je l’apprécie beaucoup. Mais je t’assure, je vais bien.
* * *
Deux jours plus tard…
— Emma très très mauvaise humeur, remarque Liang alors que je martèle avec une rage meurtrière le bouclier de frappe qu’il maintient devant son torse. Vous pas comme autres jours. Vous très très énervée.
Avec mes gants de boxe, j’écrase un direct du droit dans la pièce de résistance et enchaîne trois side kicks rageurs.
— C’est parce que, hurlé-je en haletant, j’en ai marre d’attendre ! Je souhaiterais ne jamais l’avoir rencontré ! Je le déteste !
Soucieux, Liang attrape mon poing d’une main ferme.
— Moi pas savoir de qui vous parler. Mais vous pas bon esprit pour combat. Liang enseigner vous Tao lu. Tao lu détendre Emma. Si ?
Sur ces mots qui ressemblent davantage à des notes mélodieuses, je grimace :
— Tao quoi ?
— Tao lu être kata japonais.
En nage et hors d’haleine, j’accepte en retirant mes gants.
* * *
Le soir venu, je prépare avec aversion mon bagage pour le séjour de trois jours qui m’attend à Ottawa. Initialement, Sara et moi devions aller ensemble au mariage de Gabrielle, sa cousine. Un super week-end entre filles pour papoter de tout et de rien comme au bon vieux temps. Malheureusement, il a fallu qu’elle invite Eddy, qui est non seulement son petit copain, mais aussi le meilleur ami d’Ethan. Du coup, je deviens malgré moi le chaperon d’un couple de jeunes tourtereaux qui ne se gêneront pas pour s’envoyer en l’air à toute heure de la journée. Que de plaisir en perspective !
Couché de tout son long sur mon lit, Brutus, mon gros molosse tendre et exubérant, me regarde avec sa tête de chien déprimé. Le menton posé sur ses longues pattes, il suit chacun de mes déplacements avec ses deux perles noires, soupirant chaque fois que j’ajoute un vêtement dans ma valise. Je le soupçonne parfois d’être constitué de gènes humanoïdes. Dès que je prévois m’en éloigner, il le ressent et ne se gêne pas pour me faire sentir coupable.
— Tu vas passer le week-end chez Lucie. Tu vas bien t’amuser.
Même à l’évocation de notre dévouée voisine, Brutus ne réagit pas. Il est le maître de la manipulation…
— Bon… ça va, tu peux rester dans mon lit pour la nuit, concédé-je pour me faire pardonner.
Peu pressée de sombrer dans la torpeur, je m’assois près de Brutus et démarre un film de Marvel. Depuis qu’Ethan m’a quittée, chaque nuit est une dure épreuve. Quand ce n’est pas Quentin qui vient m’agresser durant mon sommeil, c’est Ethan qui m’abandonne de nouveau, me laissant seule derrière lui. Alors, je me réveille à bout de souffle, le cœur battant, et le visage trempé de larmes. Puis, l’oreille tendue vers l’extérieur, je tente de me rendormir, espérant que le moteur de la Mustang Shelby d’Ethan se mette à vrombir.
Il me manque tellement. Je me suis donnée entièrement à lui. Je l’ai laissé me voir nue, me toucher, me faire jouir, sachant qu’il me chérirait tel que je le méritais. Mais il a fait encore mieux. Il a réussi à me faire oublier les imperfections de mon propre corps et à me libérer de l’emprise psychologique que Quentin avait encore sur moi.
Puis, il y a eu ces quelques jours passés avec lui à Montréal, où j’ai cru à l’amour fou et au bonheur intense. Où j’ai cru que j’étais libre de l’aimer et d’être aimée. Malheureusement, ce n’était qu’un moment éphémère…
Je sens une grosse larme rouler sur ma joue. Puis, je me mets à pleurer Ethan et la femme pleine de vie que j’ai été avec lui. Sans prendre la peine de sécher mes yeux, je soulève la lourde tête de mon chien avec mes mains, le forçant à me regarder.
— Je t’en prie, Brutus, ne m’en veux pas. Je me sens suffisamment seule comme ça.
* * *
Le lendemain midi, après un long entraînement avec Liang, je me douche en vitesse, gémissant en sentant mes muscles endoloris. Ensuite, je m’enferme dans la plus petite pièce de la maison, pour la seizième fois de la semaine, chrono en main.
Auparavant, j’étouffais dans ce genre d’endroit sombre et trop petit pour être clos, mais grâce à mes efforts et ma persévérance, j’ai appris à gérer assez bien les oppressions que me créaient mes phobies – des obstacles étroitement liés à mon agression. Grâce à Ethan, j’ai compris que l’évitement me gardait en quelque sorte liée à Quentin et ne faisait qu’empirer mes peurs. Alors j’ai décidé que plus jamais je n’appréhenderais les ascenseurs ni n’utiliserais une veilleuse pour dormir.
La première fois que je me suis cloîtrée dans ce placard, armée de tout mon courage, j’avais les paumes moites, le ventre noué et le cœur prêt à sortir de la poitrine. Le noir, l’absence de repère, la crainte que Quentin surgisse à tout moment me rendaient complètement démunie. Au bout de deux minutes insupportables, j’ai mis fin à la torture en m’expulsant du rangement, défonçant presque la porte pour avaler un peu d’air.
Heureusement, la seconde tentative s’est mieux déroulée. Au lieu de paniquer, je me suis répétée à voix basse : « Fais une femme de toi, Gravel. L’obscurité est un phénomène normal tout à fait naturel auquel tu dois t’habituer. Respire. Plein d’air est à ta disposition. Tout va bien. Tu t’es contrôlée avec Ethan dans un ascenseur et dans un avion bondé de personnes. Tu as atteint l’orgasme les yeux bandés, tu peux y arriver. Tu DOIS y arriver. Tu es une battante, une femme courageuse. Tu n’appartiens plus à Quentin. Il est derrière les barreaux et il ne surgira de nulle part. »
À présent, j’arrive à tenir plus de vingt minutes, chantant en boucle Somewhere Over The Rainbow – une chanson que mon père me fredonnait tous les soirs pour m’endormir. Alors, si au bout de seulement quelques jours d’entraînement, je peux tenir aussi longtemps sans paniquer, j’ose croire qu’éventuellement cette satanée peur disparaîtra à jamais…
Étant donné que Sara est sur le point d’arriver, je mets fin à ma séance de réadaptation et rassemble les affaires de Brutus pour le conduire chez sa gardienne.
— Bonjour, Lucie, dis-je avec un sourire forcé alors qu’elle nous ouvre la porte.
Par le regard compréhensif qu’elle m’adresse, je sais qu’elle s’inquiète pour moi. Elle s’est bien aperçue que mon véritable sourire a disparu. Celui qui était le reflet du bonheur qu’Ethan me procurait.
Elle nous fait entrer, Brutus et moi, et nous nous mettons à discuter devant une bonne tasse de café fumant.
Je lui rends visite presque tous les jours. Cela lui donne l’occasion de me transmettre ses expériences de vie. Et je dois avouer que sa bienveillance me fait parfois l’effet d’un baume apaisant sur une blessure fraîche.
— Je n’y comprends rien. C’est pourtant lui qui est venu à moi, alors que je me plaisais dans ma petite vie tranquille de solitaire. C’est lui qui m’a téléphoné et qui a attendu à plusieurs reprises sur mon perron.
Lucie pose sa main noueuse sur la mienne. Une fine mèche argentée traverse son regard gris et plusieurs ridules plissent le milieu de son front.
— Il a eu peur. Tu sais, c’est fort ce que ça peut entraîner. Regarde-toi par exemple, la peur a réussi à te tenir à l’écart des hommes pendant huit longues années.
— C’est vrai, suis-je forcée de reconnaître.
Lucie plonge son petit nez retroussé dans sa tasse et reprend :
— Tu l’aimes beaucoup. Je le sais parce que même si tu es malheureuse, ton regard brille lorsque tu parles de lui.
J’esquisse un sourire.
— Il est si vivant… Il a su comment percer ma chrysalide. Grâce à lui, je me suis ouverte au monde extérieur ; aux beautés de la vie. C’est si difficile de l’oublier.
— Comment oublier l’inoubliable, renchérit Lucie avec un timbre nostalgique. On a besoin d’une seule seconde pour connaître l’amour, mais ça peut prendre toute une vie pour l’oublier. Tu as un grand cœur, Emma. Il faut une force exceptionnelle pour l’avoir laissé partir aussi dignement que tu l’as fait. Aimer, c’est aussi savoir laisser aller. Crois-moi, c’est une preuve d’amour remarquable que tu lui as démontrée.
— Vous croyez ?
— Je ne le crois pas, je le sais. Je le sais puisque mon grand amour a su me laisser partir lorsque j’étais plus jeune. Et il ne se passe pas une journée sans que je pense à lui.
Elle sourit, nostalgique.
— Il m’appelait son petit poussin en sucre.
Entendant un bruit provenant de l’extérieur, Brutus fait claquer ses griffes jusqu’à la longue fenêtre du salon, laquelle donne une vue sur ma propre maison. La voiture d’Eddy est dans mon stationnement.
— Oh ! Je dois vous laisser, Sara est là.
J’ouvre la porte et lance à Sara qui monte les marches de mon perron :
— Je suis ici, Sara ! J’arrive dans une minute !
Je m’accroupis devant Brutus pour le gratifier d’un dernier câlin et m’adresse à Lucie :
— Merci de prendre soin de lui. Vous savez qu’il est tout pour moi.
— Je sais. Mais ce n’est pas une corvée, je me sens en sécurité lorsqu’il dort ici. C’est un bon chien de garde, les gens le craignent beaucoup.
Je dépose un baiser sur la tête penaude de mon chien et me relève. Lucie me prend dans ses bras.
— Passe un beau week-end. Profites-en pour te changer les idées.
— Je ferai de mon mieux, Lucie.
Je traverse chez moi et salue Eddy qui me regarde avec cette compassion exagérée. Je commence sincèrement à en avoir assez de cette pitié…
Une fois mes bagages rangés dans le coffre de la voiture, je m’installe sur la banquette arrière en écoutant d’une oreille distraite la discussion entre Eddy et Sara. Déjà, j’ai l’impression de les chaperonner.
Je sens que ce voyage sera une véritable torture en soi. À la colère que j’entretiens contre Ethan, il faut ajouter la rancune que j’éprouve contre Sara. Je ne lui ai toujours pas pardonné d’avoir invité Eddy à se joindre à nous, seul mon amour pour elle me retient de l’écorcher vive. Si elle avait respecté le plan initial, je n’aurais pas invité Ethan, lequel m’attendrait bien sagement, ici, à Québec, pendant que je m’éclaterais avec elle à Ottawa.
Depuis le siège du conducteur, Eddy incline discrètement son épaisse chevelure bouclée vers Sara et chuchote :
— Eh… Tu crois que ça va aller, Emma ? Elle semble terriblement triste.
Faisant mine de ne pas avoir entendu, je cale mes écouteurs dans mes oreilles, ferme les paupières et monte le son. La voix charismatique d’Ed Sheeran est la seule chose qui réussira à me décrocher de mon horrible réalité.
2
Emma
Ma chambre de luxe est dotée d’une porte-fenêtre qui s’ouvre sur un joli balcon. La vue sur Ottawa est splendide. À l’heure actuelle, le soleil commence sa descente dans le lointain, découpant la ville d’un écran nuancé d’orange et de violet.
Un peu éreintée par les cinq heures de route que je viens de subir, j’entreprends de défaire ma valise pour éviter de me retrouver avec des vêtements froissés. Au moment précis où je libère ma robe de sa housse, de faibles gémissements et de petits coups rythmiques me parviennent de la chambre voisine. En l’occurrence, celle de Sara et d’Eddy.
Je m’immobilise, l’oreille tendue, pour m’assurer que je ne suis pas en train de rêver.
— Oh, non ! grogné-je, irritée. Ne me dites pas qu’ils ont déjà commencé à baiser ?
Comme pour répondre à ma question, Sara, enfin je le présume, pousse un cri beaucoup plus perçant.
— Bande de… de sans-cœur ! Ils n’ont donc aucun respect pour mon chagrin ! Quel manque de tact !
Les joues empourprées de colère, je range ma valise sous le lit, m’efforçant d’ignorer les jérémiades assourdissantes de mes voisins, et claque la porte de ma chambre avant de descendre au bar de l’hôtel. J’ai besoin d’un verre, et vite ! Je me commande donc deux gin tonics, sachant que je sifflerai le premier en deux longues rasades.
C’est une jeune femme qui me sert de l’autre côté du comptoir. Elle est assez sympathique, peu bavarde, mais joviale. La soirée est jeune, alors seule une poignée de clients a eu envie de m’imiter. À la différence que moi, je bois ma frustration. Les verres s’accumulent rapidement ; gin, vin, rhum. Et plus ils s’accumulent, plus ma tête s’alourdit.
En moins d’une heure, je me retrouve couchée sur le comptoir à marmotter toute seule comme une vieille ivrogne :
— Je ne sais même pas pourquoi je suis venue – la mariée est une vieille amie d’école, certes, mais ça fait un bail que je ne l’ai pas revue. Oh, oui ! Je me souviens ! C’est Sara qui m’a suppliée d’accepter de l’accompagner. Elle voulait qu’on passe un merveilleux week-end ensemble.
J’avale une gorgée de rhum. Un filet glacé me coule le long du cou et se répand sur ma chemise. Je l’essuie avec nonchalance d’un revers de main.
— Waouh, quel beau week-end je suis en train de vivre… C’est fou comme je m’éclate !
Un petit hoquet m’interrompt, puis je reprends mon monologue :
— Et puis, pourquoi les gens se marient-ils, hein ? Qu’est-ce qu’ils cherchent à prouver en s’unissant ? Qu’ils vivront un bonheur éternel jusqu’à la fin de leur vie ? Pfff, c’est de la merde ! Dans deux ans, la mariée découvrira que son mari lui a été infidèle et ils divorceront comme la plupart des couples mariés. Non, mais sérieusement… qu’est-ce qu’il faut être idiot pour se marier avec un homme ! Ce sont tous des arracheurs de cœur.
— C’est pour ça que je préfère les femmes ! lance soudainement la serveuse.
Je sursaute presque. Je croyais que personne ne m’écoutait. Le cerveau engourdi, je hoche la tête au ralenti en la regardant essuyer un pichet.
— Vous faites bien, croyez-moi.
Tout à coup, une masse colorée se matérialise à mes côtés.
— Em ! s’écrie Sara. Qu’est-ce que tu fais ici ? Je t’ai cherchée partout.
Je prends le temps de vider mon verre, d’en savourer son contenu comme si c’était un grand cru et de le reposer maladroitement sur le comptoir avant de lancer :
— J’en conclus que tu as enfin terminé de baiser.
— Oh… euh… Tu… tu nous as entendus ?
Elle esquisse une moue gênée.
— L’étage en entier vous a entendus.
— Je vois. J’essaierai d’être plus discrète la prochaine fois. Mais dis-moi, pourquoi n’as-tu pas apporté ton téléphone ? J’étais super inquiète pour toi.
Sur ces dernières paroles, mon cerveau disjoncte carrément. Je me retourne vers elle et la fusille avec mon regard vitreux.
— Sara ! J’ai trente et un ans. Euh, non, trente-deux. Peu importe… Je n’en ai plus quinze. OK ? Alors tu m’excuseras, mais j’ai passé l’âge qu’on me dise ce que je dois faire ou ne pas faire. Et puis j’en ai vraiment plein le cul qu’on me regarde comme si j’allais m’effondrer à tout moment. Arrêtez de vous inquiéter pour moi ! JE… VAIS… BIEN !
— Wôôô…, fait-elle, déconcertée par la véhémence de ma réponse. Pourquoi t’en prends-tu à moi ?
Je glousse sans une once d’élégance.
— Tu veux vraiment savoir pourquoi je m’en prends à toi ? Tu n’as même pas une petite idée ?
Elle secoue la tête, incrédule.
— C’est pourtant clair, Sara. Si tu n’avais pas invité Eddy à venir ici avec toi, je ne serais pas dans cet état.
— Quoi ! Est-ce que tu suggères que je suis responsable de ta soûlerie ?
— Ouais… Bien sûr que tu es responsable. Tout est de ta faute.
— Oh, non ! fulmine-t-elle en calant les deux poings sur ses hanches. Je t’interdis de me faire porter le chapeau ! Ce n’est pas parce qu’Ethan t’a laissé tomber que je dois m’empêcher d’être heureuse avec Édouard !
— Ah, ouais ? Eh bien, je t’emmerde ! Tu sais très bien qu’on devait s’offrir ce voyage entre filles.
Derrière le comptoir, la serveuse toussote discrètement, puis nous demande de baisser le ton. Je suis tellement ivre que j’ai du mal à garder les paupières ouvertes.
Insultée, Sara me dévisage en plissant les yeux, puis pousse un bruit de gorge bouleversé.
— Qu’est-ce que tu peux être une vraie peau de vache quand tu veux ! siffle-t-elle entre ses dents avant de tourner les talons.
— Tu sais quoi ? Je m’en moque comme de l’an quarante. Je sais que j’ai raison.
Sans se retourner, elle lance un « Va chez le diable » vexé, puis disparaît. Je fixe un long moment la porte par laquelle elle est passée, ma tête vacillant légèrement, comme si mon cou était devenu trop faible pour la soutenir.
Je suis si fatiguée. Mes dernières nuits ont été éprouvantes et mon sommeil a été peu réparateur. Je n’en peux plus, je dois dormir. Juste quelques minutes.
Comme si j’étais guidée par mon instinct de survie, j’allonge le bras sur le comptoir, y dépose sagement la tête et ferme les yeux, me laissant emporter par les vapeurs d’alcool.
* * *
— Emma…, résonne l’écho lointain d’une voix familière. Allez, réveille-toi.
Je bougonne des mots inintelligibles à la personne qui est en train de me secouer comme si je n’étais qu’un vieux prunier. Puis, sortant de mon rêve, je soulève mes lourdes paupières en fronçant les sourcils.
Où suis-je ? Combien de temps ai-je dormi ? Une heure ? Une demi-heure ? Une minute ? Je n’en sais fichtrement rien, j’ai perdu toute notion du temps.
— Pouvez-vous m’apporter un grand verre d’eau froide, je vous prie ? demande Sara à la serveuse. Non, mais… t’es-tu vue ? Tu es dans un état lamentable. C’est toi qui as vidé tous ces verres ?
Ce n’est qu’en voyant ses gestes empreints de culpabilité, alors qu’elle essaie de replacer convenablement mes longs cheveux emmêlés et ma chemise défaite, que je sens une connexion s’établir dans mon cerveau embrumé. Ne vient-elle pas de m’envoyer promener ?
Je me frotte vigoureusement les yeux, histoire d’éclaircir ma vision embrouillée.
— Sara ? Mais… pourquoi es-tu revenue ? Je croyais que tu étais en colère contre moi.
Ignorant mon commentaire, elle pousse vers moi le grand verre d’eau que la serveuse lui remet.
— Tiens, bois ça.
Je tends négligemment la main vers ledit verre que j’accroche. Sara le rattrape de justesse avant qu’il ne se renverse. Intimidée par le regard sermonneur de Sara, je bois docilement quelques gorgées.
— Tu dois le boire en entier, Em. Tu vas avoir une sale gueule de bois en te levant demain matin. À quoi as-tu pensé de te soûler la veille d’un mariage ?
J’échappe un petit hoquet en déposant malhabilement le verre sur le comptoir.
— Pourquoi es-tu revenue, Sara ?
Levant les yeux sur elle, j’ai la vertigineuse impression qu’elle se dédouble. Elle pousse un profond soupir en se hissant sur un tabouret.
— C’est Eddy qui m’a convaincue de revenir te chercher, il nous attend dans le hall. Chaque fois que j’ouvrais la bouche, c’était pour parler de toi. Il a bien vu que j’étais bouleversée. Je te demande pardon, Em. Tu n’es pas une peau de vache, tu es ma meilleure amie. C’était blessant de ma part.
Je lui tapote la main, sans rancune. À dire vrai, cette petite querelle m’a fait beaucoup de bien !
— Moi aussi je suis désolée, Sara.
— Allez, viens, Eddy va m’aider à te reconduire à ta chambre. Je parierais un mille que tu ne te souviens plus comment t’y rendre.
Me soutenant par le coude, elle me guide jusqu’à Eddy. Heureusement qu’elle est là, car j’ai les jambes en coton et je titube à chaque pas. J’adresse un sourire penaud au grand bouclé.
— Emma, me salue-t-il en retour.
Comme Eddy s’apprête à prendre la place de Sara, pour me servir à son tour de béquille, je prends conscience qu’une faible musique flotte dans le hall. Je ferme les paupières et tends l’oreille pour me laisser bercer par la jolie mélodie. Puis, je la reconnais. C’est Crazy Love de Van Morrison. Cette merveilleuse chanson a accompagné notre premier baiser à Ethan et moi lorsque je suis allée boire un verre à son prestigieux penthouse. C’était l’un de ces rares moments où l’on sait hors de tout doute que notre vie est sur le point de prendre un nouveau tournant. Un de ces moments violents à l’intérieur et doux à l’extérieur. À la fois passionné et excitant. Un moment impossible à oublier…
À ce souvenir, un cruel sentiment de perte m’envahit au milieu de la poitrine et me monte à la gorge. Mes jambes m’abandonnent et, alors que j’éclate en sanglots, emportée par l’émotion, l’alcool et la fatigue, Eddy n’arrive plus à me
