Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

L' AFRIQUE DU SUD ENTRE EMERGENCE ET RESPONSABILITE
L' AFRIQUE DU SUD ENTRE EMERGENCE ET RESPONSABILITE
L' AFRIQUE DU SUD ENTRE EMERGENCE ET RESPONSABILITE
Livre électronique286 pages3 heures

L' AFRIQUE DU SUD ENTRE EMERGENCE ET RESPONSABILITE

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Considérée comme paria du fait de l’apartheid et de sa politique agressive en Afrique australe, l’Afrique du Sud a longtemps été isolée de la scène internationale et africaine. Toutefois, depuis la fin de ce régime, elle a connu une évolution inédite : abandon du programme nucléaire, mise sur pied des commissions vérité et réconciliation, réconciliation nationale, réformes du secteur de la sécurité, abandon d’une politique sous-régionale belliqueuse et surtout définition d’une nouvelle identité politique progressiste. Ce parcours historique a une grande influence sur la manière dont l’Afrique du Sud post-apartheid aborde les questions de paix et de guerre. Son implication dans le règlement pacifique des conflits est tout à fait récente. Comment se manifeste son engagement ? Quels en sont les tenants, les forces et les limites ? Cet ouvrage apporte, sous plusieurs angles, des éléments de réponses à ces interrogations en étudiant le rôle croissant que l’Afrique du Sud exerce dans la gouvernance mondiale, notamment en matière de paix et de sécurité.

Moda Dieng est professeur adjoint à l’École d’études de conflits de l’Université Saint-Paul à Ottawa. Ses recherches portent principalement sur la politique africaine, le règlement des conflits et les relations internationales.
LangueFrançais
Date de sortie6 févr. 2017
ISBN9782760637313
L' AFRIQUE DU SUD ENTRE EMERGENCE ET RESPONSABILITE

Lié à L' AFRIQUE DU SUD ENTRE EMERGENCE ET RESPONSABILITE

Livres électroniques liés

Politique mondiale pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur L' AFRIQUE DU SUD ENTRE EMERGENCE ET RESPONSABILITE

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    L' AFRIQUE DU SUD ENTRE EMERGENCE ET RESPONSABILITE - Moda Dieng

    Introduction

    L’émergence du BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) est l’une des évolutions les plus marquantes de ces dernières années. Ces pays ont fait l’objet d’une littérature importante, preuve de l’influence croissante qu’ils exercent sur la scène internationale. La documentation relative au débat sur la Chine est encore plus imposante, eu égard à son statut de première puissance du groupe et de deuxième force économique mondiale. On trouve également une littérature abondante traitant de l’Afrique du Sud et de sa projection diplomatique, notamment en Afrique, le seul continent réellement à sa portée et dont le destin demeure inextricablement lié au sien.

    À certains égards, l’Afrique du Sud présente les mêmes caractéristiques que les autres pays émergents: renforcement des dispositifs militaires, prétention au leadership régional, aspiration au statut de membre permanent au sein du Conseil de sécurité des Nations Unies, multiplication et diversification des vecteurs en matière de soft power, etc. Cependant, l’Afrique du Sud est présentée comme le «petit poucet» ou la benjamine du BRICS1. En matière de ressources économiques et militaires, elle ne peut, en effet, se mesurer aux autres pays du club. Elle occupe la 29e place dans le classement mondial des pays selon leur poids économique, loin derrière la Chine (2e), le Brésil (7e), la Russie (9e) et l’Inde (10e). Son intégration au BRICS est donc davantage politique qu’économique. L’Afrique du Sud est avant tout un acteur majeur en Afrique. Sa spécificité réside principalement dans son statut de puissance dans un continent riche en ressources naturelles et ayant le plus grand nombre d’États en développement. En effet, en tant que puissance dans les relations internationales africaines et acteur de premier plan au sein du continent qui abrite le plus grand nombre d’États faibles au sur le plan économique, elle a donné au BRICS plus de visibilité et de crédibilité en ce qui concerne la représentation des pays du Sud. En matière diplomatique, l’appartenance à ce forum constitue une importante marque d’influence. Tout comme les autres puissances émergentes, l’Afrique du Sud se montre entreprenante dans différents domaines. Elle demeure le principal artisan des institutions internationales africaines dont elle est membre, un acteur montant dans les nouveaux enjeux internationaux et un partenaire sollicité dans divers regroupements (BRICS, G20, G33, G8+, OMC, Groupe d’action financière internationale ou GAFI, etc.). Par ailleurs, l’Afrique du Sud, point de rencontres internationales2, œuvre dans d’autres types de collaborations (African Growth and Opportunity Act, AGOA; Accord sur le commerce, le développement et la coopération, ACDC; Inde, Brésil et Afrique du Sud, IBSA).

    L’Afrique du Sud post-apartheid est également très impliquée dans les processus de paix, un champ traditionnellement dominé par les interventions diplomatiques de l’ONU, les organisations régionales et les grandes puissances. Ce livre s’inscrit justement dans cette perspective puisqu’il étudie le rôle de Pretoria dans ce vaste et laborieux champ qu’est le règlement des conflits en Afrique. Quels sont les tenants et les aboutissants de l’engagement de l’Afrique du Sud dans les processus de sortie de crise? C’est la principale question à laquelle on tente de répondre, à la lumière des enjeux liés à sa responsabilité.

    L’action africaine dans la gestion et la résolution des conflits est limitée par les faiblesses financières, économiques et militaires des États et des organisations internationales. La mise en avant de l’Afrique du Sud demeure une bonne porte d’entrée pour comprendre la manière dont l’influence et la responsabilité d’une puissance émergente s’opérationnalisent en matière de pacification. La logique voudrait que son statut de puissance émergente lui confère celui de «citoyen mondial responsable3». Mais est-ce vraiment le cas? L’Afrique du Sud est-elle aussi responsable qu’elle prétend l’être? Comme toute puissance, elle est tiraillée entre ses obligations de puissance et les objectifs de realpolitik qui découlent de celles-ci. Son engagement dans le règlement des conflits en Afrique est-il animé par l’unique volonté de contribuer à la paix et à la stabilité? Depuis le départ de Nelson Mandela du pouvoir, la politique étrangère de l’Afrique du Sud semble faire davantage de place au réalisme, aux dépens des valeurs – démocratie, droits de la personne – qui ont largement contribué à sa transition. Quels sont les tenants d’une telle approche? Comment se manifestent-ils dans les processus de paix? Quels en sont les aboutissants? Ce livre est donc une contribution à l’étude du rôle croissant que les pays émergents exercent dans la gouvernance mondiale, notamment en matière de paix et de sécurité.

    Il s’inscrit également dans le cadre de l’africanisation de la gestion des conflits, un domaine peu exploité au regard des nombreuses initiatives qui se déploient sur le continent. L’importante littérature sur les processus de paix fait, en effet, très peu mention du rôle stabilisateur des États africains agissant seuls ou dans le cadre de regroupements régionaux. Les analyses sont souvent axées sur la manière dont les conflits sont pris en charge par les grandes puissances et les Nations Unies. L’analyse du rôle de l’Afrique du Sud vise donc à donner plus de visibilité aux efforts africains pour dénouer les crises. Première puissance africaine, ce pays présente certes le visage d’un État en développement, aux prises avec de multiples difficultés internes qui rendent problématique sa projection diplomatique. Mais l’Afrique du Sud ne peut acquérir le statut d’acteur responsable à l’échelle mondiale qu’à la condition de l’être avant tout dans son continent d’appartenance, à savoir l’Afrique. L’est-elle réellement? A-t-elle la volonté et les capacités nécessaires pour jouer un rôle à la hauteur des attentes de la communauté internationale et des défis posés par l’instabilité?

    Le règlement des conflits est abordé ici au sens large comme l’ensemble des principes, méthodes et techniques mis en œuvre pour prévenir, réduire ou résoudre un conflit. Il inclut les activités déployées en période post-conflit, telles que la réconciliation, la réinsertion, la réintégration et la réhabilitation des ex-combattants4. Dans ces différents domaines, les efforts sont souvent déployés par des acteurs multiples qui interagissent de façon complexe avec une importance variable d’un contexte à l’autre, ou dans un même contexte (d’un moment à l’autre) en fonction des enjeux. Même si les actions diplomatiques de l’Afrique du Sud sont privilégiées ici, celles réalisées par d’autres acteurs africains ou non africains ne peuvent être ignorées. On a remarqué que les réussites les plus exemplaires résultent de processus internationalisés, donc menés et soutenus énergiquement par la communauté internationale, les grandes puissances, les États et les organisations internationales africaines.

    L’Afrique du Sud occupe une position prééminente en Afrique tant par sa position morale que par sa démocratie multiraciale et sa puissance – au sens classique du terme. On ne peut comprendre l’émergence de cette position sans prendre en compte les mutations internes à la société sud-africaine, survenues à l’orée des années 1990-2000. Pendant longtemps, l’Afrique du Sud a été dirigée par une minorité blanche qui a institutionnalisé un système de discrimination raciale et de marginalisation économique, politique et géographique, excluant de la gestion de l’État les autres groupes raciaux: Noirs, Métis, Indiens. Les mouvements armés – issus de la majorité noire – alors mobilisés contre ce système, comme l’African National Congress (ANC), ont été soutenus par d’autres pays, ceux d’Afrique australe notamment. Cette situation a maintenu l’Afrique du Sud à l’écart, un isolement diplomatique qui a duré des décennies. À la fin de l’apartheid en 1994, il fallait, par des réformes en profondeur, bâtir une nouvelle Afrique du Sud en réponse aux défis de la transition et reformuler entièrement sa politique étrangère pour l’adapter aux nouvelles réalités nationales, africaines et internationales. C’est ce qui est exprimé en 1993 dans cet extrait du discours de Nelson Mandela:

    les nouveaux leaders politiques [de l’Afrique du Sud] font face au défi de construire une nation où tous les peuples – quelles que soient la race, la couleur, la religion ou le genre – peuvent affirmer pleinement leur dignité humaine. À la fin de l’apartheid, notre peuple ne mérite rien de moins que le droit à la vie, à la liberté et au bonheur. Cette vision ne peut être réalisée qu’avec la pleine participation de l’Afrique du Sud aux affaires mondiales5.

    Sur le plan interne, les défis étaient nombreux et de taille: reconstruire la nation à la suite de l’effondrement de l’apartheid, remédier aux problèmes socioéconomiques laissés par celui-ci (inégalités, chômage, pauvreté, manque de logements, déficit de services sociaux adéquats, criminalité, etc.), réussir la réconciliation et l’unité nationale.

    Quelques années après, le bilan était spectaculaire. Après trois cents années de ségrégation et plus d’un demi-siècle de face-à-face virulent entre Africains et Blancs pour le contrôle de l’État, ce pays qui abrite l’un des mélanges ethniques les plus hétéroclites du continent a mené à bien sa transition et s’est doté de la Constitution la plus progressiste au monde. L’année 2014 correspond au 20e anniversaire de la fin de l’apartheid en Afrique du Sud. En vingt ans, elle a tenu cinq élections générales démocratiques incontestées (1994, 1999, 2004, 2009 et 2014). Celle de 2014 survient quelques mois seulement après la mort de Nelson Mandela (5 décembre 2013), l’un des principaux artisans de cette aventure exceptionnelle qu’aucun autre pays n’a menée à terme en si peu de temps. En effet,

    aucune nation n’est passée aussi rapidement du statut de paria des années durant, à celui d’un État réputé, de l’isolement économique à l’intégration économique dans la communauté internationale, et du statut de pestiféré aux yeux du monde à celui de favori6.

    C’est en vertu de ce bilan que le système politique sud-africain est érigé en modèle pour le reste du monde, et particulièrement pour le continent africain. Cette expérience lui confère une position morale élevée. Elle jouit d’une bonne image dans un espace subsaharien abritant bon nombre de crises de succession et peu de systèmes politiques véritablement démocratiques. Cette trajectoire politique singulière a une grande influence sur la manière dont l’Afrique du Sud post- apartheid mène ses relations internationales. En effet,

    ses décideurs, les idées qu’ils font valoir, les intérêts qu’ils défendent et les institutions dont ils ont contribué à la transformation, sont tous fondamentalement influencés par la transition démocratique et la façon dont le pays a évolué7.

    La politique étrangère de l’Afrique du Sud tire ses fondements des documents ayant sous-tendu les orientations de l’ANC, comme la Charte de la liberté de 1955 et le Rapport de la Commission sur la politique étrangère de 1985. Elle a été réajustée, en 1993, à la suite du célèbre discours de Nelson Mandela, dans lequel il prévoyait d’articuler les futures relations extérieures de l’Afrique du Sud autour des droits de la personne, avec un engagement important pour la paix et le développement8.

    Au moment où elle tentait de relever les défis de la transition et de la construction de la nation, l’Afrique du Sud s’évertuait aussi à se départir de son passé impérialiste, à réintégrer la communauté internationale et africaine. Pour ce faire, elle avait envisagé de se déployer de manière constructive, en mettant à profit la façon pacifique dont le pays a négocié sa transition à partir des valeurs pour lesquelles l’ANC a mené son combat contre l’apartheid: liberté, égalité, démocratie, droits de l’homme, justice, respect de la règle de droit, etc. Plus globalement, l’Afrique du Sud accorde une importance à la justice, au multilatéralisme, à la coopération et aux modes pacifiques de gestion des conflits, ainsi qu’aux lois, normes et institutions internationales. C’est dans cette perspective que Nelson Mandela avait mis en œuvre une politique extérieure reposant sur quatre piliers: la démocratie et les droits de l’homme, le respect du droit international par le règlement pacifique des conflits, le développement économique ainsi qu’un intérêt particulier pour l’Afrique9.

    C’est aussi dans une logique de prévention et de résolution des conflits que l’Afrique du Sud s’est placée au premier plan dans les efforts de promotion de ces valeurs et d’exportation de son modèle de transition. Sous la présidence de Thabo Mbeki, les droits de l’homme et la démocratie sont restés au cœur de la politique extérieure sud-africaine. Avec lui, le panafricanisme et l’anti-impérialisme sont venus occuper une place importante dans la politique extérieure sud-africaine. L’Afrique du Sud sous Jacob Zuma s’est concentrée sur six priorités: l’Afrique et son développement durable, l’intégration économique et politique de la Southern African Development Community (SADC), la coopération Sud-Sud, les relations avec les pays occidentaux, la gouvernance mondiale, les partenaires stratégiques10. Quant au règlement des conflits en Afrique, il demeure parmi ses priorités. En revanche, les valeurs et les principes particulièrement promus durant la présidence de Mandela semblent s’éclipser.

    La prééminence de l’Afrique du Sud en Afrique est également manifeste dans sa position de principale puissance du continent. Elle est en effet l’une des rares puissances économiques de la région – son produit intérieur brut (PIB) représente 25% de celui du continent. Toujours à l'échelle africaine, l’Afrique du Sud est aussi une puissance territoriale (1 219 090 km2) et démographique (54,9 millions d’habitants en 2016). Certes, elle était une puissance militaire régionale bien avant le changement de régime en 1994, mais les ressources de l’État ont été utilisées de manière illégitime contre la majorité noire et comme facteur d’instabilité. Là également, il aura fallu, à la fin de l’apartheid, opérer des réformes importantes pour avoir des services de sécurité à l’image de la nouvelle Afrique du Sud. Celle-ci dispose aujourd’hui de l’armée la mieux équipée, la mieux organisée et la plus professionnelle de toute l’Afrique subsaharienne. On ne peut aborder la position privilégiée de l’Afrique du Sud en Afrique sans tenir compte de son statut de premier pays à avoir renoncé aux armes nucléaires et chimiques au début des années 1990. Portée par cette popularité, l’Afrique du Sud a signé le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) en 1992, et joué un rôle majeur dans la non-prolifération en appuyant la reconduction indéfinie du TNP (1995) et le désarmement nucléaire, ou encore en signant le Traité de Pelindaba (Le Caire, 11 avril 1996), qui vise une Afrique exempte d’armes nucléaires.

    À la fin de l’apartheid, l’Afrique du Sud devait à la fois se démarquer radicalement de son passé de violence interne et déstabilisatrice en Afrique et renouer avec son «identité africaine». «I am an African»: c’est le titre du discours prononcé par Thabo Mbeki, alors vice-président, lors de l’adoption de la Constitution de 1996. Il invitait le peuple sud-africain à s’unir et à embrasser l’identité africaine pour mieux reconstruire l’Afrique du Sud, dont le destin est étroitement lié à celui du continent11. Depuis 1994, Pretoria mène une politique étrangère qui accorde la priorité à l’Afrique. D’ailleurs, les documents sur la politique étrangère ainsi que les discours et les déclarations que les gouvernements successifs ont formulés à ce sujet mettent en avant cette interdépendance. Le président Jacob Zuma l’a rappelé en 2009 lors de la célébration du 10e anniversaire de la participation de l’armée sud-africaine aux opérations de paix: «[N]otre pays ne peut survivre en vase clos, son développement économique et sa sécurité sont liés à la stabilité du continent».

    Cette interdépendance explique pourquoi l’Afrique du Sud compte des missions diplomatiques dans 47 États africains (contre une seulement au plus fort de l’apartheid)12 et se retrouve engagée dans la défense de la cause africaine à l’échelle mondiale (porte-parole de l’Afrique), de même que dans le renforcement des organisations internationales africaines. Il est également très difficile d’appréhender le rôle de l’Afrique du Sud dans le jeu diplomatique africain si on ne saisit pas toute la complexité du concept de «renaissance africaine». Son principal promoteur, Thabo Mbeki, présente le XXIe siècle comme l’ère de la renaissance africaine13. Dans son processus de normalisation et d’insertion dans les relations africaines et internationales, l’Afrique du Sud s’est donné une nouvelle identité (africaine) et des missions, au nombre desquelles l’exercice d’un rôle actif et constructif. Un rôle que la communauté internationale appelait également de ses vœux. De ce fait, la renaissance africaine, lieu à partir duquel se construit l’identité nationale sud-africaine, sert ainsi de levier pour renforcer l’ancrage africain de l’Afrique du Sud et son positionnement sur le continent. La renaissance africaine devient, entre 1999 et 2008, un concept incontournable dans l’action diplomatique sud-africaine.

    Avec l’opérationnalisation de ce concept, l’Afrique du Sud cherche à contribuer à la revalorisation du passé et de l’image de l’Afrique et à son insertion dans un système de relations plus égalitaires avec les grandes puissances. Elle veut également remorquer l’Afrique pour qu’elle accède à l’indépendance définitive, en mettant un terme aux sphères d’influence à l’aide d’une véritable dynamique interafricaine de gestion des problèmes du continent. Le renouveau de l’Afrique suppose surtout la réalisation de deux conditions nécessaires: le développement économique par une croissance durable et la vulgarisation de la démocratie. Le concept de renaissance africaine permet, dès lors, de rendre compte de l’attachement de l’Afrique du Sud à la paix. L’idée est que tous les pays d’Afrique tireront profit de la stabilité du continent, la paix étant une préoccupation majeure en même temps qu’un intérêt commun et indispensable, sans lequel les autres objectifs – comme le développement et la démocratie – ne sauraient se réaliser. Cela est d’autant plus préoccupant pour l’Afrique du Sud, la première puissance africaine, le pays qui a le plus de relations économiques avec le reste de l’Afrique et qui se taille une place dans l’économie mondiale, à la fois pour défendre ses intérêts et ceux du continent.

    L’implication de l’Afrique du Sud dans les affaires africaines et en tant qu’agent de résolution des conflits est tout à fait récente et conforme au nouveau départ que le pays a pris en 1994. Ses initiatives s’appuient sur les valeurs pour lesquelles l’ANC luttait contre l’apartheid, de même que sur son expérience. Au sujet de cette expérience, elle considère qu’elle serait plus efficace dans l’ombre (dans les missions de médiation), en discutant, le temps qu’il faut, avec tous les protagonistes derrière des portes closes, plutôt que de s’engager dans des actions expéditives qui pourraient porter préjudice au processus de paix14. Après tout, c’est avec une telle approche que l’Afrique du Sud a eu raison de l’apartheid. Dans les conflits pour le pouvoir, elle s’est aussi donné pour mission d’exporter son modèle de transition démocratique, de partage du pouvoir (gouvernement d’union nationale), de justice transitionnelle (Commission vérité et réconciliation) et de société multiculturelle et pluri-identitaire unie dans la diversité (nation arc-en-ciel). Son approche est-elle toujours efficace? Devrait-elle être mise en œuvre dans toutes les situations de conflit?

    L’Afrique du Sud, qui n’a intégré le champ de la résolution pacifique des conflits qu’après le démantèlement du régime d’apartheid, participe aujourd’hui à tous les niveaux de gestion des crises africaines. Cet ouvrage, qui met en évidence les tenants et les aboutissants de ses initiatives, couvre un large éventail de dynamiques, d’événements et d’enjeux liés à la paix.

    Pour ce faire,

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1