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Les 7 PRISONS DE L'ETRE: et les clés pour s'en libérer
Les 7 PRISONS DE L'ETRE: et les clés pour s'en libérer
Les 7 PRISONS DE L'ETRE: et les clés pour s'en libérer
Livre électronique369 pages5 heures

Les 7 PRISONS DE L'ETRE: et les clés pour s'en libérer

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À propos de ce livre électronique

La vie que nous avons subie, les choix que nous avons faits, le confinement émotionnel, le sentiment de culpabilité, l'abandon, l'insécurité ainsi que le contrôle de soi sont les sept prisons qui nous empêchent d'être réellement libres et de mener une vie d'abondance.

À travers un dialogue fascinant, les auteurs nous invitent à poser un regard différent sur nous et à nous donner le droit de vivre tels que nous sommes. Ce récit inspirant, parsemé de témoignages évocateurs, vous guidera dans vos premiers pas vers la libération de votre être. Voici donc une invitation à découvrir les clés d'une nouvelle vie remplie de légèreté.
LangueFrançais
Date de sortie13 oct. 2021
ISBN9782924941652
Les 7 PRISONS DE L'ETRE: et les clés pour s'en libérer
Auteur

Robert Savoie

ROBERT SAVOIE a un parcours unique. Il a su surmonter de grandes épreuves, notamment le très éprouvant assassinat de son père. La vie lui a lancé de nombreux défis qui ont fait de lui le coach de vie pleine conscience qu’il est depuis 30 ans. Avec près de 4000 conférences à son actif, il rejoint des milliers de gens aux quatre coins de la francophonie mondiale. Auteur de plusieurs livres à succès, il offre également de multiples programmes de transformation en ligne.

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    Aperçu du livre

    Les 7 PRISONS DE L'ETRE - Robert Savoie

    CHAPITRE 1

    Les prisons que l’on se construit

    Nous sommes de grands privilégiés de la vie. Mon père a passé mon enfance à me bercer au son de ces belles paroles. Bien évidemment, j’y ai cru, car j’ai aussi réussi à perpétuer ce privilège. Je suis né au Québec dans un terreau fertile où il nous est permis de croire que l’on peut cultiver la richesse et le succès. Mais au-delà de cette croyance, je mérite tout ce que j’ai accompli. C’est normal, j’ai étudié fort et j’ai travaillé fort, alors il est normal de bénéficier aujourd’hui de ces beaux privilèges de la vie. J’ai une belle et grande maison avec une piscine creusée et une vue imprenable sur la rivière, une superbe voiture électrique dotée des toutes dernières technologies, un emploi haut placé dans une firme de fiscalistes internationale et bien évidemment une belle femme et deux beaux enfants. Que pourrais-je demander de plus?

    Je dois avouer que cette vie parfaite que j’ai machinalement orchestrée est loin de provoquer chez moi le sentiment de plénitude auquel je m’attendais. J’ai passé les dernières semaines à me tuer pour un travail qui semble plus gratifiant vu de l’extérieur. J’ai mis de côté mes loisirs pour entretenir mon terrain de rêve et j’ai l’impression que ma famille n’apprécie pas tous les efforts que je mets à lui procurer une vie parfaite.

    Confortablement assis au volant de ma voiture électrique de luxe, dont l’autonomie me contraint quotidiennement dans ma liberté de déplacements, je me surprends à juger défavorablement un père tout souriant qui semble, lui, avoir la souplesse de reconduire ses deux filles à l’école. « Bon, regarde ça si c’est mignon! Allez, dépêche-toi d’aller travailler pour te payer un salaire », murmure-til, l’esprit visiblement rempli de hargne. Je m’arrête en chemin dans un café où j’ai l’habitude d’arrêter chaque matin. La queue du service au volant semble plus longue qu’à l’habitude. Je gare ma voiture et entre dans le café. En attendant en file, je me surprends à envier le jeune barista, dans la mi-vingtaine, qui s’affaire à la tâche avec passion, sans trop s’en faire avec la vie. Mon père m’aurait trucidé si j’avais occupé un poste de la sorte à 25 ans!

    Nostalgique, je me rappelle à quel point je me sentais libre lorsque j’étais étudiant. Faut croire que la belle vie est déjà derrière moi. Rendu à mon tour, je commande le même cappuccino double de format moyen pour emporter, comme je le fais déjà depuis si longtemps.

    « Ce n’est pas la première fois que l’on se voit, n’est-ce pas, fait le jeune barista.

    – Effectivement, c’est mon arrêt matinal depuis de nombreuses années.

    – Et où allez-vous chaque matin, si ce n’est pas indiscret?

    – Je me rends au boulot, je travaille dans une grande firme comptable. »

    Et avant même de laisser au jeune homme le temps de dire quoi que ce soit, j’ajoute : « D’ailleurs, maintenant qu’on en parle, je ne sais pas pourquoi je m’y rends chaque matin. À part le fait que j’aie tellement d’obligations, j’ai perdu le sens de ce travail que j’ai pourtant désiré de tout mon coeur. J’ai travaillé tellement fort pour me rendre où je suis aujourd’hui. Je ne pourrais tellement pas quitter ces belles conditions.

    – Vous y êtes attaché par une chaîne en or, murmure nonchalamment le jeune barista.

    – Pardon, je ne vous ai pas bien compris.

    – Ah! Oubliez cela, ce n’est pas très important. »

    J’avais très bien compris, mais j’espérais qu’il n’ait pas réellement osé me dire cela. Bien droit devant le comptoir, je sens le poids de ces chaînes dorées à mes pieds. Comme dans mon rêve, c’est une sensation tellement réelle que je dois baisser les yeux pour m’assurer qu’il n’en est rien. Je m’apprête à repartir, café en main, lorsque le jeune barista ajoute : « J’ai vu mon père attaché à cette même chaîne dorée et mourir à petit feu. Comme si on l’avait payé toute sa vie pour ériger, brique par brique, sa propre prison autour de lui. »

    Et en faisant un pas en avant, il ajoute brusquement : « Ce n’est pas seulement vrai pour le travail. C’est vrai dans toutes les sphères de votre vie. Je vous souhaite une excellente journée. » Je sors du café, l’air contrarié. Je viens d’être démasqué par un jeune homme d’à peine 25 ans. Il vient littéralement de me scier les deux jambes en saisissant dans quel drame se joue ma vie. Suis-je réellement en train de me bâtir un complexe carcéral?

    Honnêtement, je ne l’ai pas vu venir. Pourtant, j’ai eu tellement d’avertissements subtils de la vie que je prenais tellement de haut. Je saute dans ma voiture; direction métro, boulot, dodo. J’éteins la radio, car le bruit assourdissant de mes réflexions se mêle à la cacophonie des obstinations des co-animateurs que j’ai l’habitude d’écouter chaque matin. Comment ai-je pu en arriver là. Et c’est quoi, ce bordel ce matin? On dirait qu’ils se sont tous donné le mot pour me taper sur la tête. Le film de ma vie qui m’a été présenté alors que j’étais sur le banc des accusés, me revient à l’esprit, mais cette fois beaucoup plus lentement.

    Mes parents étaient tellement fiers que je devienne l’un des étudiants les plus prisés de la faculté lorsque j’ai obtenu mon diplôme de comptable fiscaliste. Et moi, le bouffon, qu’est-ce que je ne ferais pas pour satisfaire leurs moindres désirs. Les pauvres, s’ils savaient à quel point je me suis fait chier à étudier. J’ai tellement voulu gravir les échelons rapidement pour devenir gestionnaire afin que je n’aie plus à faire ces tâches qui me donnaient tellement envie de vomir. Ouais, mais si je n’avais pas fait ça, j’aurais fait quoi? C’est ça l’affaire. Je n’en ai aucune espèce d’idée. C’est pathétique. Je n’aurais probablement pas attiré une aussi belle femme dans ma vie si j’avais été commis d’épicerie. Combien de fois ses amies l’ont encensée et jalousée. À la limite, ça me rend fier de jouer au coq en me pavanant dans mes beaux habits. Disons qu’elle n’aurait pas pu espérer mieux comme vie. La belle maison, les belles robes, les grands restaurants. La belle vie, quoi. En fait, je ne sais même plus si elle s’y plaît justement. À la limite, je pense qu’elle tient tout ça tellement pour acquis qu’elle est devenue complaisante.

    Et que dire de mes amis? J’ai coupé presque tous les ponts avec mes amis d’enfance. Il y a quand même des limites à payer pour tout le monde. Ça m’a fait plaisir un bout de temps, mais on finit par en avoir assez de faire profiter de soi. Mon nouveau cercle d’amis m’a entraîné à un endroit qui n’est pas mieux, je dois l’admettre, à enchaîner les soupers pour savoir qui servira le plus copieux et à rester pris avec les paiements astronomiques de bagnoles luxueuses pour lesquelles on perd tout intérêt après que tout le monde les a vues. Du gros tape-à-l’oeil qui ne mène nulle part. Jusqu’à tout récemment, je croyais que ce que j’avais de plus précieux c’était ma famille. L’ignorance avec laquelle ils m’ont reçu ce matin s’intensifie depuis déjà bien des mois. Ça me frustre tellement! Car je le sais que je mérite tout ça.

    Moi ce que je veux dans la vie est simple. C’est d’être reconnu pour qui je suis. Je réalise que depuis un méchant bout, tout ce que l’on fait, c’est de me ramener constamment tout ce que je ne fais pas. Comme si rien n’était de leur faute. Justement, ma putain de vie, je l’ai passée à plaire aux autres. Et si l’on m’avait dit que je me démènerais toute ma vie comme ça pour en arriver là, il y a bien longtemps que j’aurais fait un gros doigt d’honneur à la vie. La réalité, c’est que je suis déjà mort à l’intérieur. Je me rends compte à quel point, dans la vie, j’ai été capable de tout, mais aussi capable de rien. Incapable de me faire assez confiance pour assumer mes rêves, incapable de me tenir debout face aux autres et de m’affirmer, incapable d’exister.

    Ce qui me confronte le plus aujourd’hui c’est le fait de ne pas savoir exprimer comment je me sens. Ce n’est pas que je n’aie pas les mots. Les mots sont bien présents dans mon esprit, mais je suis incapable de les relier à mes ressentis, comme si la liaison a été définitivement coupée. Mais là, il faut que ça cesse. Je ne me comprends pas, mais je sais que c’est devenu insupportable. Comment trouver la légitimité lorsque les regards sont tournés vers ma petite vie parfaite?

    On dirait que je n’ai pas le droit de me plaindre. On dirait que je suis condamné à errer dans les prisons que je me suis joyeusement construites. C’est bien normal, j’ai été éduqué à ne pas me plaindre. En fait, je n’en ai jamais eu le droit. Non pas avec l’idée de jouer à la victime, mais parfois, l’injustice amène bien de l’incohérence. Je n’ai jamais eu le droit de dire le fond de ma pensée. J’ai fini par croire que mon point de vue était sans valeur. Alors je me suis construit une vie autour de ce qui est rationnel, une vie sans éclat humain. Pourtant, quelque chose de puissant et bouillant se trame à l’horizon, comme ces veilles météorologiques qui animaient les printemps de mon enfance. Je prends mon téléphone et j’appelle mon adjointe instinctivement sans réfléchir.

    « Salut, c’est moi, j’ai une urgence. Je vais devoir m’absenter aujourd’hui… J’ajoute au bout de quelques secondes : Et possiblement pour les trois prochains jours. »

    Je raccroche. Les trois prochains jours… Mais pourquoi ai-je dit ça?

    Sans trop comprendre ce qui vient de se passer, j’emprunte la première avenue à ma droite et je vais me garer devant l’entrée d’une petite épicerie de quartier. J’éteins la voiture et, la tête contre le volant, j’éclate en sanglots. Je reste là pendant près de trente minutes sans que le va-et-vient des clients ne m’affecte. Soudain, un homme vêtu d’un tablier vert cogne à ma fenêtre.

    « Monsieur… Excusez-moi, mais vous ne pouvez pas rester là. » Je lève les yeux et j’aperçois un commis d’épicerie qui me regarde avec l’air de se demander ce qui se passe. Je baisse ma vitre. « Est-ce que ça va », me demande-t-il d’un ton inquiet. Et avant même que j’aie le temps d’esquisser une fausse réponse, il ajoute d’une voix calme : Bon, ça va. Laissez votre voiture ici et suivez-moi. »

    Encore une fois, je n’arrive pas à comprendre ce qui se passe. Dans le rétroviseur, j’aperçois d’abord mes yeux bouffis, puis je vois le commis qui se dirige d’un pas précipité, sans se retourner, à l’arrière du magasin. Sans trop savoir pourquoi, je me décide à sortir de la voiture et à le suivre. Derrière l’épicerie, je le vois qui tient une porte entrouverte en me faisant signe de le rejoindre. Je m’approche et je lui demande : « Que se passe-t-il?

    – Ce serait plutôt à moi de vous poser la question. En vous voyant, j’ai senti que je devais m’occuper de vous. Assoyez-vous ici. »

    Sans trop me poser de questions, je prends place, avec mes vêtements griffés, sur des caisses de fruits en carton ciré.

    « De quoi parlez-vous? Vous occuper de moi?

    – Ce regard, je l’ai vu des dizaines de fois. J’y suis si longtemps resté indifférent, jusqu’au jour où c’est le regard de détresse de mon frère que je n’ai pas pu percevoir.

    – Et il va mieux? Votre frère va mieux? »

    Un long silence vient assombrir l’entrepôt humide et défraîchi dans lequel je me suis aventuré sans réfléchir. Je comprends par le silence du commis que son frère n’est plus de ce monde.

    « Mon frère, c’était mon idole, mon modèle, un pilier. Et pourtant, le pilier a cédé sous la pression. La vie telle que les autres nous la présentent est rarement le reflet de ce qui se passe à l’intérieur de nous. Moi, avant ce drame, j’étais travailleur social, un beau métier que j’exerçais depuis quinze ans. J’aidais des centaines de gens et tout s’est écroulé. J’ai perdu foi en ma capacité d’être utile et d’aider les autres.

    – Je suis désolé d’entendre cela. Je suis convaincu que vous avez fait de votre mieux. Il ne faut pas s’en vouloir. Chacun vit sa vie.

    – Je veux bien, mais cela m’a hanté tellement longtemps.

    – Je vous rassure, je n’ai pas d’idées noires. Je vais bien. J’ai juste eu un moment d’égarement. »

    Je me lève en me disant que je n’ai pas réellement d’affaires ici, qu’il y a erreur sur la personne.

    « Vous souhaitez partir?

    – Eh bien, je ne comprends pas trop ce que je fais ici. Votre geste est noble, mais je crois que vous faites erreur. Je vais bien, je vous assure.

    – Mon intuition m’a bien souvent joué des tours. Cette foisci, je crois qu’elle ne m’a pas menti. Si vous êtes ici, ce n’est pas pour moi, c’est pour vous. Je crois que nous avions rendez-vous. »

    Je n’avais jamais, de toute ma vie, ressenti autant de confusion. Ma tête s’emballait dans tous les sens en même temps que je me réjouissais de tout ce qui se passait en moi, une grande dualité entre l’envie de fuir et le désir de rester.

    « Moi, je sais pourquoi je vous ai invité ici, mais vous, est-ce que vous savez pourquoi vous y êtes?

    – Comme je vous le dis, je crois que vous vous trompez. Je ne sais pas trop ce que je fais ici.

    – Alors, que faisiez-vous garé dans l’entrée de l’épicerie? Vous ne sembliez pas y être venu pour faire vos emplettes. Disons que dans ce quartier défavorisé, vous détonnez avec votre voiture de luxe et votre habit de haute couture. »

    Je regarde loin devant moi, n’osant pas croiser le regard du commis. J’ai le sentiment d’avoir été démasqué. « C’est bizarre, tout ça. Je me suis rendu ici sur pilote automatique. Il se passe une tonne de choses étranges depuis ce matin. Honnêtement, je n’ai pas de raison particulière d’être ici. Pas plus que je n’arrive à expliquer pourquoi j’ai envie de rester avec un simple…

    – Un simple? Un simple quoi?

    – C’est idiot, j’allais dire un simple commis d’épicerie. Je suis désolé, je ne voulais pas dire ça. Vous m’avez pourtant dit que vous étiez travailleur social.

    – Oui, j’ai été travailleur social. Mais je ne suis pas ça, pas plus que je suis commis d’épicerie. Je suis qui je suis, je ne me définis plus par mon travail. »

    Je me sentais tellement nul d’avoir dit cela, moi qui accorde tellement d’importance au métier des gens. Je me déteste tellement lorsque je porte ce genre de jugement. C’est plus fort que moi. « Pardonnez-moi, c’est peut-être moi qui ne vous ai pas écouté avec suffisamment d’attention. Pourquoi ne pratiquez-vous plus votre métier aujourd’hui?

    – Je suis gêné de vous raconter cela. Je ne suis pas fier de cette époque de ma vie et je dois vous avouer que j’ai peur que vous me jugiez. »

    Mon ego vient d’être heurté de plein fouet. Normalement, je rugirais si l’on me prêtait de telles intentions. Mais cette fois, je suis triste de constater à quel point il a raison.

    « Vous avez raison de penser cela de moi. J’ai grandi dans un milieu où il a toujours été plus facile de rabaisser les autres que de se voir tous égaux. Aujourd’hui, je me sens moche. Je n’ai pas envie de vous juger. Vous avez été gentil avec moi.

    – Je me sens privilégié que vous m’offriez votre écoute. »

    Je tremble intérieurement. Je n’ai pas l’habitude d’entrer en contact avec les gens de cette façon. Les yeux pleins d’eau, je dis au commis d’une voix tremblotante : « Merci à vous de me faire confiance. Vous savez, je n’ai pas l’habitude…»

    « J’aurais aimé choisir un parcours différent. Bien que j’en sois peu fier, je me permets aujourd’hui d’honorer ce parcours difficile, car il me conduit à la personne authentique, vulnérable et sensible que je suis. Tout a débuté lorsque j’ai retrouvé mon frère inerte dans son sous-sol. Je vous épargne bien des détails, mais à ce moment, j’ai eu l’impression que l’on venait de m’enlever une partie de ma vie.

    « Les mois qui ont suivi ont été les plus souffrants de ma vie. J’ai été plongé dans une profonde dépression. Moi qui avais sauvé tant de vies grâce à mon travail, je n’avais pas réussi à aider mon frère dans sa détresse. Encore aujourd’hui, personne ne sait pourquoi il a commis l’irréparable. Il n’a pas laissé de lettre, aucun signe, du moins rien que j’aie pu déceler. J’ai repassé en mémoire chaque instant passé à ses côtés, à la recherche du moindre signe. Rien, nothing, nada. Je m’en suis tellement voulu, et mon entourage est venu en rajouter. Cela m’a fait douter de moi au point de remettre ma démission. Je ne pouvais plus me retrouver dans aucune situation qui risquait de compromettre la vie des gens.

    – Mon Dieu, c’est dramatique tout ça. Vous n’avez pas à vous sentir coupable à ce point. Ce n’est pas votre faute.

    – Aujourd’hui je le sais, mais à l’époque c’était inconcevable pour moi. J’ai payé cher pour cette imputabilité, cette responsabilité qui n’était pas la mienne. Je me suis mis à consommer drogues et alcool pour engourdir ce mal que j’avais en moi. Ma mère ne s’en est jamais remise. C’était son préféré. Moi je n’étais que celui qui ne faisait jamais rien de bien. J’ai tellement tout fait pour me faire aimer. Je n’avais plus de valeur à ses yeux. Je n’avais pas pu sauver son fils, j’avais perdu la légitimité de pratiquer mon métier, j’étais maintenant un déchet, un junkie et un alcoolique. »

    J’étais absorbé par son histoire et sa souffrance faisait résonnance avec ma souffrance enfouie. J’avais peine à respirer. « Votre histoire me touche.

    – Vous savez, ça me touche que vous soyez affecté à ce point. J’ai honte de cette époque de ma vie. Et ce n’est que le point de départ. Notre système étant bien fait, lorsque tu donnes ta démission, eh bien tu n’as pas droit à l’assurance chômage. Lorsque tu as une maison à payer, une femme qui ne te soutient pas tellement dans ta détresse et que tu es incapable de travailler, la société se charge assez rapidement de te rappeler que tu n’es pas trop utile. Un soir, alors que je venais de déclarer faillite, j’ai voulu moi aussi quitter ce monde. Et lorsque la seule pensée qui te traverse l’esprit est que ça rendrait service aux gens autour de toi, alors tu réalises que ton estime personnelle n’est pas à son plus haut niveau. Comme un enfant en quête d’amour, j’ai décidé de disparaître pour mesurer à quel point je comptais pour les gens autour de moi.

    – Et puis?

    – Ouf! C’est la décision la plus douloureuse que j’aie prise de toute ma vie. J’étais en détresse profonde et je ne voulais pas réellement en finir. J’avais besoin qu’on cesse de me malmener et que quelqu’un me prenne dans ses bras. J’ai pris le peu d’argent qu’il me restait pour m’acheter un billet de bus pour Toronto. Je m’étais fait une tonne de scénarios. Je m’imaginais voir mon visage à la télévision, que ma famille, la police, la société se mettraient à ma recherche. »

    Il se penche en avant, les mains liées entre ses genoux. Il relève la tête, les yeux pleins d’eau et ajoute : « Ça ne s’est pas produit. En fait, j’imagine qu’ils se sont inquiétés pendant quelques jours. Mais j’étais tellement frustré et rempli d’orgueil. J’ai tourné les pieds et j’ai poursuivi ma descente aux enfers. J’ai passé les trois années suivantes dans la rue.

    – C’est épouvantable. Vous êtes resté à Toronto?

    – Non, en fait je n’y suis resté que quelques semaines. J’ai eu envie de revenir à la maison, mais j’étais bien trop orgueilleux. Je me suis rejeté moi-même. Ma plus grande peur était de tomber sur un ancien collègue. Mon apparence a changé du tout au tout. J’avais les cheveux longs, la barbe et j’ai dû perdre vingt kilos la première année. J’étais littéralement en mode survie. Vous n’avez pas idée de la vie des gens de la rue. J’en ai rencontré qui ont eu une enfance épouvantable, des gens qui ne l’ont pas eu facile, des ex-détenus qui n’ont pas réussi leur réinsertion dans la société, des chefs d’entreprises.

    – Oui, mais vous, vous y étiez par choix, non?

    – Écoutez, on ne se retrouve pas à la rue par choix. Et croyez-moi, c’est plus facile de se retrouver dans la rue que d’en sortir. Je n’ai pas choisi de vivre tout ce qui m’a mené là. La rue a été le choix que j’ai fait pour fuir mon désir de quitter ce monde. Pour moi, ce fut un moment de grâce que la vie m’a offert. Pour que je puisse redécouvrir qui je suis lorsque je n’ai plus rien.

    – Mais vous ne l’avez pas eu facile non plus, on s’entend.

    – Qui a dit que la vie était facile? Je m’en suis sorti, mais ce n’est pas plus facile aujourd’hui. Ma femme et mes enfants ont coupé les ponts. Ils n’ont jamais accepté que je les abandonne.

    – Ils vous ont donc abandonné à leur tour.

    – Je leur en ai voulu, mais tout ça est derrière moi. J’ai perdu ma maison, mes amis, ma famille. Mais j’ai retrouvé qui je suis. Même si j’étais dans la rue, à un certain moment, je suis passé de la survie à la vie et c’est là que j’ai pu m’en sortir. Dans la rue, j’ai connu les êtres les plus profonds que j’aie rencontrés de ma vie. Ce sont eux qui m’ont permis d’en apprendre le plus sur la personne merveilleuse que je suis. Ce qui m’a le plus marqué, c’est à quel point ces gens-là veulent vivre. Ils se battent parce que justement la vie est la seule chose qu’il leur reste. J’ai croisé plusieurs milliers de personnes éteintes, pressées de n’aller nulle part. Des gens souffrants, qui me lançaient une poignée de monnaie quotidiennement pour se donner bonne conscience, mais incapables de me regarder dans les yeux de peur d’y voir leur propre souffrance.

    – C’est tellement triste ce qui vous est arrivé, mais aujourd’hui vous avez l’air bien et vous travaillez. »

    Le commis se lève lentement et entrouvre la porte. « Vous voyez ce conteneur au fond de la cour? J’y ai résidé pendant un peu plus de six mois. Le propriétaire ici m’apportait de la nourriture. On s’est lié d’amitié. C’est lui qui m’a fait réaliser à quel point j’avais de la valeur. Et aujourd’hui, je lui en suis extrêmement reconnaissant.

    – Quel beau geste de sa part. Merci pour la leçon, je n’ai vraiment aucune raison de me plaindre de ma petite vie parfaite.

    – Vous savez, les prisons sont rarement celles que l’on croit et elles se construisent sournoisement autour de nous sans que nous en soyons vraiment conscients. Je vous sens prisonnier de votre petite vie parfaite, comme vous dites. Est-ce que je me trompe?

    – Sincèrement, vous êtes la deuxième personne à me parler de prison aujourd’hui, et j’ai fait un cauchemar cette nuit, où j’étais un accusé en attente de son verdict de culpabilité. Tout me paraissait si réel. Heureusement, je me suis enfin réveillé.

    – Et le verdict, c’était quoi?

    – Quel verdict?

    – Dans votre rêve…

    – Mon cauchemar, vous voulez dire. Finalement, je m’en suis sorti avec une condamnation à vivre.

    – Wow! Une condamnation à vivre. C’est un joli rêve, pas un cauchemar.

    – Ouais, peut-être, mais depuis que je me suis réveillé, ma vie est un enchaînement de pensées qui me font réaliser à quel point je ne suis pas aussi libre que je le pense.

    – Vous voyez, c’est ce que je veux dire lorsque je parle de prison. Car tout ce qui vous arrive, vous l’avez imaginé, vous en avez rêvé et pire encore, vous vous l’êtes créé. »

    Je regarde le commis comme s’il était en train de se foutre de moi.

    « Bon, il est tard. Je dois rentrer.

    – Il y a un couvre-feu, dans votre centre de détention?

    – Vous êtes très drôle. En fait, je dois vous avouer que je n’ai pas plus envie de rentrer à la maison que je n’avais envie d’aller au boulot ce matin. J’aimerais tellement me retrouver dans un endroit chaleureux, accueillant et réconfortant.

    – C’est pourtant votre maison que vous me décrivez. Celle que vous avez construite avec les personnes que vous aimez le plus. »

    Je rétorque sans trop réfléchir : « On voit bien que vous n’y êtes jamais allé.

    – Bien évidemment, mais je présume que c’est tout de même votre choix de vous voir prisonnier d’un espace que vous n’aimez pas, avec des gens qui ne semblent pas vous reconnaître et dans un milieu qui vous paraît trop bien, au point que vous avez du mal à l’apprécier. »

    Un long silence s’ensuit. Puis le commis reprend : « Et tel un prisonnier, vous avez trois choix. Soit vous vous évadez, soit vous vous taisez, vous encaissez et vous purgez votre peine, soit vous acceptez votre situation et vous choisissez de vivre libre malgré celle-ci.

    – Que voulez-vous dire par décider de vivre libre? Je ne comprends pas. »

    Le commis se tape les deux genoux de ses mains et se lève debout. « Vous avez raison, il se fait tard, vous devez reprendre la route. »

    Il marque une pause avant d’ajouter : « Si vous souhaitez vraiment goûter au sentiment de liberté, celui que vous poursuivez depuis si longtemps, alors revenez demain. Vous saurez bien me trouver. Je suis toujours ici. »

    Le commis se dirige vers la porte à battant. Pour ma part, ébranlé, je sors par la même porte qui m’a accueilli quelques heures auparavant.

    ESPACE : Temps pour soi

    Définition d’une prison que l’on se construit : espace-temps cloisonné par des balises que l’on s’est fixées soi-même, par désir, par ambition, par croyance, par ego, par projection, par peur ou encore par insécurité.

    Nommez une ou plusieurs prisons que vous vous êtes construites et qui vous oppriment aujourd’hui. (Il est possible que certaines de ces prisons ne vous oppriment pas à l’heure actuelle; nous y reviendrons.)

    Qu’est-ce que ce constat vous fait vivre?

    Face à ces prisons, avez-vous tendance à vouloir vous évader (fuir), à vous taire et à purger votre peine, ou à accepter votre situation et à vivre malgré elle?

    TÉMOIGNAGES

    Les prisons que l’on se construit

    Line Anne Labelle

    Mon souhait est que ce témoignage sème une graine d’espoir dans ton potager et qu’il te pousse vers la liberté. Mon parcours est simple, je suis une personne ordinaire. Née dans une famille de classe moyenne, j’ai trois frères plus vieux et une soeur de quatre ans plus jeune que moi. J’ai grandi avec des parents commerçants. Leur travail a exigé d’eux une présence constante pour servir leur clientèle. Nous nous sommes promenés de la maison au commerce et du commerce à la maison. Mes parents, ayant peu de temps pour nous, ont pris une aide à la maison durant le jour. Ma vie semble être heureuse et épanouie quand on la regarde de l’extérieur, et je la qualifierais même d’enviée.

    Je suis une enfant aimée et désirée. Je ne manque de rien, même que je suis très choyée. Une belle petite fille aux cheveux blond miel doré, aux yeux bleus pers, qui naît dans une famille de trois garçons un peu espiègles et enjoués. Je suis la poupée des clients, des employés, de mon entourage et de mes parents. On dit que je suis souriante et agréable. Par des photos et de petits films que j’ai vus, il me semble m’en souvenir, mais est-ce que je m’en souviens vraiment?

    Je suis timide, seule et malheureuse. Je désire de l’attention mais je refuse de me montrer le bout du nez. Je veux être celle que l’on cherche, que l’on veut. Je ne me sens pas incluse. Je suis celle qui ne dérange pas, qui s’éclipse pour qu’on la cherche, la gentille, la souriante qui veut être aimée. Les souvenirs que j’ai de mon passé sont teintés de l’ajout de petits mensonges à mes histoires, de manière à m’assurer qu’on m’écoute, qu’on me prenne en considération. Est-ce que je l’ai vraiment vécu? Ou l’ai-je inventé? Quelle partie est réelle, laquelle ai-je ajoutée? Je vous avoue que la plupart de mes souvenirs sont sombres, flous ou bien dissimulés. J’ai vécu dans l’imaginaire et le mensonge. Je pense avoir rangé certains de ces souvenirs derrière un rideau pour me protéger.

    J’ai beaucoup vécu dans la peur d’oser, oser apparaître, dire, demander, être écoutée, la peur du jugement, du rejet, de prendre ma place, de déranger, de perdre ma place. À l’intérieur de moi ç’a été une guerre perpétuelle. J’ai vécu beaucoup d’insécurité et été habitée par un sentiment intérieur de manque, de vide. Impossible d’accepter mes sentiments et mes pensées, je condamne à l’avance ce que j’éprouve, pense et dis. J’ai vécu de la honte. Comment aurait-il été possible que l’une de mes idées ou l’un de mes propos puissent être bons ou profitables pour l’autre? Aussitôt qu’un peu d’attention m’est portée, je suis sur la défensive, je fuis, je me retire dans ma coquille. J’ai été constamment dans

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