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Algérie 2000
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Livre électronique195 pages2 heures

Algérie 2000

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À propos de ce livre électronique

Au cours de l’été 2000 j’ai eu la chance inespérée de participer, en tant que conférencière, au festival annuel de théâtre amateur qui a lieu dans la ville où je suis née le 19 janvier 1961 en Algérie : Mostaganem. Profondément marquée par les évocations de mes parents et de toute ma famille pied-noir espagnole, j’y ai non seulement retrouvé tout ce qui manquait à mon puzzle : le lien essentiel à mes racines, mais aussi le lien à ceux qui n’en sont jamais partis.
Ce voyage a constitué pour moi un tournant vital, comme si à partir de là je pouvais enfin commencer à savoir qui je suis et ce que je voulais faire de ma vie.
Au gré du périple et de mes tumultes qui se sont d’ailleurs prolongés bien après mon retour en France, s’est façonné un témoignage auquel je n’ai pas voulu dérober toutes ses couleurs : récits, confessions, photos, poésie, réflexions, fruits du temps qui passe, qui n’épargnent pas l’époque en question depuis maintenant plusieurs décennies…
LangueFrançais
Date de sortie15 juin 2021
ISBN9782312081564
Algérie 2000

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    Aperçu du livre

    Algérie 2000 - Laurence Blasco

    conseils.

    Préface

    Naît-on écrivain, écrivaine, je ne sais pas, peut-être que ce qui vous a résolue à écrire est un rempart contre et avec le temps qui passe ?

    Avec cette satanée mémoire qui vous tenaille et vous impose de noircir la feuille, de nous confier à l’oreille, des souvenirs ; car votre écriture est musicale.

    Vous composez entre larmes et rires, des outrages, des vibrations, des odeurs, mise en lumière de paysages, de saveurs, de bonheurs maritimes, d’une histoire la vôtre ; qui est peut-être aussi un peu la nôtre…

    « Femme en persienne

    Femme en terre sienne

    (…)

    Doux embruns d’hivers sans froid

    Accents rauques à ouvrir tous les bras »

    Dire ce que l’on est d’où l’on naît est d’un courage évident dans un monde en berne de bravoure, qui se consume en platitude et hâbleries affligeantes. Il y a chez Laurence Blasco du Modiano, dans l’intime du détail.

    Phrases brèves, intransigeantes, qui nous aimantent, qui peuvent aussi nous déconcerter, par la sincérité qui en découle. Mais aussi et c’est là, l’art subtil, de la différenciation de phrases « rasoirs », rasant de près la gorge de nos certitudes. « La tristesse lance ses jets de nausées qui me jalonnent depuis la rupture ». Et puis la douceur de la féminité éclatante, femme mère, femme océanique, qui accepte sans comprendre sans surtout l’admettre l’opprobre, lancée sur ses condisciples. Maryam repartie dans la solitude des femmes du Maghreb.

    Blasco nous dit la tragédie grecque mais aussi l’espoir « Dans le ventre des Espagnoles… » Léo Ferré, L’Espoir.

    Elle ose, elle ose une lettre au président, qui n’en a cure, il ne sait pas, il ne voit pas, il ne veut pas voir. Il est comme tous les hommes de pouvoir, dans la peur paranoïaque de le perdre. Cette femme de théâtre ne théâtralise pas ces fractures, elles sont vives, trop humaines pour être vaines, dans ces veines coulent le sang de la liberté, d’un avenir encore possible pour cette petite planète qui a vu tant et tant de civilisations grandir et mourir. Que souhaiter à cette écrivaine, de continuer à nous enchanter d’un verbe salvateur, je suis persuadé qu’elle va nous retracer d’autres histoires toujours passionnantes et poétiques à souhait… la poésie nous manque madame.

    « Je reconnais ma peur, ma colère, ma sauvagerie »

    L. Blasco

    Christian Tredan

    Avant-propos

    Au cours de l’été 2000, un an après les élections qui ont installé Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Algérie, j’ai eu l’occasion inespérée pour moi de participer en tant que conférencière au Festival annuel national de théâtre amateur de Mostaganem. J’y représentais la compagnie de théâtre avec laquelle je travaillais à cette époque, en tant que comédienne.

    Née le 19 janvier 1961 en Algérie, précisément à Mostaganem, berceau de ma famille maternelle, j’ai quitté ce pays en juillet 1962, avec mes parents et ma sœur aînée.

    Comme beaucoup de Pieds-noirs de la dernière génération, je ne savais pas trop ce que l’Algérie était pour moi.

    Ce texte vient interroger le lien mystérieux et si fort à cette terre que j’ai quittée à dix-huit mois. Il vient aussi témoigner, sur ce pays, du regard de la femme divorcée de quarante ans que j’étais, se sentant à un tournant de sa vie, et en quête urgente de ses racines. Il vient enfin exprimer ma gratitude envers toutes celles et ceux qui m’ont accueillie, alors que les années sombres de la guerre civile déclinaient à peine.

    Je l’ai écrit en plusieurs vagues qui s’étalent sur dix-huit ans, en m’appuyant partiellement sur des notes de voyages que j’avais consignées dans un carnet.

    J’y ai inséré des photos et des fragments poétiques qui ont surgi là-bas ainsi qu’après mon retour. Pour préserver l’anonymat, à quelques exceptions près, la plupart des noms propres sont changés, ou indiqués seulement par leur initiale.

    Ce récit est évidemment personnel et autobiographique, je l’espère capable de toucher non seulement les personnes concernées de près ou de loin par l’Algérie, mais aussi « quiconque a perdu ce qui ne se retrouve / Jamais, jamais… »{1}.

    RÉFLEXION TARDIVE DE L’AUTEUR

    À quoi bon sonder les raisons obscures qui font obstacle à la récompense d’un aboutissement, si ce n’est pour en dénicher la seule signification peut-être qui finit par s’imposer : ce n’était pas le bon moment !

    Cette apparente lapalissade répond-elle à la nécessité d’une maturation, après deux années de tentatives de diffusion, pour quelques rectifications certes, mais surtout pour la moisson d’une relecture en vraie découverte, comme si c’était écrit par quelqu’un d’autre, de souvenirs où je me dise « ah bon ? heureusement que je l’ai relaté à ce moment-là parce que j’aurais été incapable aujourd’hui de me rappeler tout ça. »

    Ou bien le fait d’écrire, de « coucher sur le papier » comme on dit, extirpe de soi des bribes de vécu qui pourront mieux devenir l’expérience de quelqu’un d’autre. Si cela aide le détachement pour une propice offrande au lecteur, alors tant mieux, ma foi.

    Et je constate que pour l’affranchissement, l’émancipation, il aura fallu non pas la majorité civile de 18 ans, mais celle de l’ancienne époque, celle d’avant 1974 : 21 ans.

    De ce voyage renaissance qui fut à la source de mon témoignage jusqu’à son envol, il faut croire que 21 ans étaient d’usage et de rigueur.

    Être sûre aussi que rien ne soit susceptible d’offenser qui que ce soit…

    Mars 2021.

    CONFESSION

    Dois-je parler de ma crainte, de ma honte, comme un enfant ayant brisé le verre tranchant du soupirail ?

    Colère et désespoir m’ont tant cinglée à travers les mots trop sourds.

    Soudain cet ordre intense qui enfin se fait entendre

    Avec la sensation de devoir et pouvoir espérer

    Être à jour

    Comptine insomniaque et grotesque

    Il est cinq heures

    Je pleure

    Je n’ai pas de beurre

    Mais j’ai très peur

    Profonde gratitude

    D’écrire

    Mon chagrin se répare au compte-lignes

    L’indigestion trépasse

    Nulle rancœur

    Retourner à la source et rendre compte de mon voyage

    Rançon positive et grande consolation

    Il ne faut donc pas s’insurger devant l’éclectisme des mouvements d’expression

    Ni des redondances qui s’imposent et soulagent

    Et qu’on ne vienne pas me reprocher d’inventer ou de combiner des mots, j’adore ça.

    Ressac :

    Pensées en passant

    Passer en pensant

    Passante en pensée

    Passé au présent

    Pensée au passé

    Passé en pensées

    Pensées passantes

    Prélude en compte à rebours

    MOINS 3. VALSE HÉSITATION

    Quand un jour débarque ce qui touche le cœur de la vie

    Parce que je l’ai cherché

    Je l’ai demandé

    La demande appelle ce qui en est digne

    Ce qui peut répondre

    C’est un honneur

    Comment dire sans effrayer ?

    Dire non

    Dire oui

    Dire la force d’aimer

    Inciter les êtres aux caresses

    Et non aux armes

    Baisser les armes fait peur

    À la rencontre aux mains tendues

    Aurore

    Tressaillements d’un bonheur d’enfance

    J’entends des musiques comme dans une pièce au fond de la maison

    Chopin, Rachmaninov, Grieg

    La méditation de Thaïs, Clair de lune de Debussy

    Cours de danse

    Aznavour, avec des sons de plage des voix

    Ambiance famille

    Les odeurs des fulgurances où la lumière est certitude

    Où l’on sait en soi quelqu’un qui sait

    Depuis toujours

    Quoi ?

    Parmi les cris les gestes qu’on ne comprend pas

    Au milieu de la guerre

    L’hiver de ma naissance sentait la mer

    La cuisine du soleil

    Les accents forts qui ne veulent pas céder

    Tout ce qu’après l’exil

    L’été était vital à nous redonner

    Pendant les grandes vacances

    J’avais déjà mes colères

    L’injuste, impuissance, incompréhension

    Ma révolte ne connaissait que la violence

    Et je ne supportais pas de demander pardon

    J’étais forcément déjà celle qu’il faut mater

    2000 Année fécondité

    La vie dit : « m’accorderais-tu l’abandon au-delà de ton désir ? »

    C’est là que ça se complique

    Au moment où il faudrait tout lâcher

    Si l’Homme ne confondait pas ce qu’il peut

    Avec ce à quoi il se limite

    C’est dans mes rêves d’amour que j’ai déchiré mes horizons

    Quel vertige

    Quelle étrange science de l’imagination

    Une telle force de sensations ne pouvait que m’attirer

    À la mystique de la vie

    Transgression ? Trop tard

    Pour se poser la question

    Une fois les bords franchis il n’est plus d’appel stupéfiant

    Que la transcendance

    Paradoxalement c’est le chemin de la paix qui est moins docile

    Choquer contrarier déranger

    Ne contribue pas à donner confiance

    Et le bon guide se perd

    Fil rompu trop étiré à vous attendre

    On ne peut plus alors qu’être attentif aux signes

    Et le jeu commence…

    Nuit – désert

    Je vois un homme, seul, dans une cahute écorchée au-dessus des morts

    Dévoré par les vents froids d’une île au Nord

    Le Nord qui ne discute pas

    Il écrit il chante

    Il jubile quelquefois

    Comment ?

    Il a un compagnon qui sait qu’il doit tout apprendre parce que là

    Est le mystère de la vie

    Celle qui se rit des prisons

    Il faudra beaucoup marcher ensuite pour dire que c’est à l’intérieur

    Que la peur est une illusion

    Certains matins mon cœur est imbibé comme une éponge. Un linge à tordre. Et même si c’est au bord, il faut du courage pour l’essorer. Pour filtrer la joie dans la couleur opaque de ce qui sort.

    Je sais qu’il s’agit de naissance. Que sera-t-il resté de la précédente mort ?

    Ô comme en cet instant je voudrais qu’il ne reste rien

    MOINS 2. DOULEURS DACCOUCHEMENT

    Première tentative 16 décembre 2000.

    Avortée.

    4 janvier 2001.

    Voilà c’est parti. J’essaie. C’est un essai. Outrepassant les dernières résistances.

    (J’écris) En bleu (sur le cahier), cela met un peu de ciel dans mon désert. Faute de mer.

    Impression de commencer « la rédaction de sa vie » : Racontez vos vacances.

    Ce n’étaient pas tout à fait des vacances. Le Théâtre, mon métier paraît-il, était de la partie.

    Un travail buissonnier. Et pas question de bien écrire sans dépasser.

    Je suis mal, à hurler. Plein le dos, plein le bide. Plein le vide.

    Le Théâtre comme un messager. Normal, il y avait du Mercure dans cette alchimie.

    Est-ce que quelqu’un me souffle en ce moment ?

    Vais-je m’y retrouver dans mes notes ? Mes dates ? Vais-je retrouver mes sensations, la lumière ? Vais-je savoir dire ? Vous dire ? À qui ?

    Je pense à ma sœur, à ma mère, à sa sœur, à leur mère, à son époux mon grand-père. Mes grands-parents chéris, j’ai tant senti leur présence… « Là-bas ».

    Et puis mon Parrain, leur fils, le plus jeune des trois. Mon tremplin de Madrid avant le grand voyage. Et ma tante, l’ainée, qui m’a accueillie et protégée.

    Maman au milieu entre les deux, elle m’a dit l’avoir tant sentie cette place… Deuxième, comme moi.

    Aujourd’hui c’est moi qui me sens au milieu. V. (ma sœur ainée) m’a dit : « finalement c’est toi qui vas le faire ce deuil, pour nous tous ».

    C’est vrai ? Pour nous-autres ? Pour vous-autres{2} ? Pour Papa aussi ? Le mari-gendre-beau-frère Pied-Noir d’adoption qui n’a plus voulu partir de là-bas lorsqu’il s’est découvert une famille sur cette terre d’Algérie.

    Mes parents s’y sont mariés et n’en sont partis « qu’au dernier moment », laissant tout ce qu’ils y avaient construit, n’emportant que la voiture, deux valises, ma sœur et moi.

    Pourquoi mes boyaux se tordent-ils quand je lis ou prononce ce nom ce mot

    Algérie

    Pourquoi je pleure ?

    Vais-je pleurer tout le temps que j’écrirai ?

    Si ce sont les larmes de tous-autant-qu’ils-sont{3}, évidemment ça tiendra la longueur…

    Je regarde un film où Jean Rochefort cherche sa mère. Disparue. Pas de corps. Pas d’au-revoir pas de retrouvailles.

    Finalement c’est un peu ça aussi pour la plupart.

    Tata, la sœur aînée de Maman, est retournée là-bas, en touriste… mon Parrain, leur frère cadet, aussi, je crois que c’était pour son travail.

    Maman ne veut pas.

    Elle est à l’hôpital en ce moment. Opération de la vésicule biliaire. J’y vois le concentré de toute l’émotion qu’elle n’a pas libérée. Élucubration ? Allons mais non voyons…

    Mais je sens que je dois écrire d’abord pour moi. Je n’ai pas la vocation d’un paratonnerre.

    Et puis moi je n’avais aucun souvenir de ce temps jadis.

    J’ai vu ma terre natale d’aujourd’hui. Et

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