Algérie 2000
Par Laurence Blasco
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À propos de ce livre électronique
Ce voyage a constitué pour moi un tournant vital, comme si à partir de là je pouvais enfin commencer à savoir qui je suis et ce que je voulais faire de ma vie.
Au gré du périple et de mes tumultes qui se sont d’ailleurs prolongés bien après mon retour en France, s’est façonné un témoignage auquel je n’ai pas voulu dérober toutes ses couleurs : récits, confessions, photos, poésie, réflexions, fruits du temps qui passe, qui n’épargnent pas l’époque en question depuis maintenant plusieurs décennies…
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Aperçu du livre
Algérie 2000 - Laurence Blasco
conseils.
Préface
Naît-on écrivain, écrivaine, je ne sais pas, peut-être que ce qui vous a résolue à écrire est un rempart contre et avec le temps qui passe ?
Avec cette satanée mémoire qui vous tenaille et vous impose de noircir la feuille, de nous confier à l’oreille, des souvenirs ; car votre écriture est musicale.
Vous composez entre larmes et rires, des outrages, des vibrations, des odeurs, mise en lumière de paysages, de saveurs, de bonheurs maritimes, d’une histoire la vôtre ; qui est peut-être aussi un peu la nôtre…
« Femme en persienne
Femme en terre sienne
(…)
Doux embruns d’hivers sans froid
Accents rauques à ouvrir tous les bras »
Dire ce que l’on est d’où l’on naît est d’un courage évident dans un monde en berne de bravoure, qui se consume en platitude et hâbleries affligeantes. Il y a chez Laurence Blasco du Modiano, dans l’intime du détail.
Phrases brèves, intransigeantes, qui nous aimantent, qui peuvent aussi nous déconcerter, par la sincérité qui en découle. Mais aussi et c’est là, l’art subtil, de la différenciation de phrases « rasoirs », rasant de près la gorge de nos certitudes. « La tristesse lance ses jets de nausées qui me jalonnent depuis la rupture ». Et puis la douceur de la féminité éclatante, femme mère, femme océanique, qui accepte sans comprendre sans surtout l’admettre l’opprobre, lancée sur ses condisciples. Maryam repartie dans la solitude des femmes du Maghreb.
Blasco nous dit la tragédie grecque mais aussi l’espoir « Dans le ventre des Espagnoles… » Léo Ferré, L’Espoir.
Elle ose, elle ose une lettre au président, qui n’en a cure, il ne sait pas, il ne voit pas, il ne veut pas voir. Il est comme tous les hommes de pouvoir, dans la peur paranoïaque de le perdre. Cette femme de théâtre ne théâtralise pas ces fractures, elles sont vives, trop humaines pour être vaines, dans ces veines coulent le sang de la liberté, d’un avenir encore possible pour cette petite planète qui a vu tant et tant de civilisations grandir et mourir. Que souhaiter à cette écrivaine, de continuer à nous enchanter d’un verbe salvateur, je suis persuadé qu’elle va nous retracer d’autres histoires toujours passionnantes et poétiques à souhait… la poésie nous manque madame.
« Je reconnais ma peur, ma colère, ma sauvagerie »
L. Blasco
Christian Tredan
Avant-propos
Au cours de l’été 2000, un an après les élections qui ont installé Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’Algérie, j’ai eu l’occasion inespérée pour moi de participer en tant que conférencière au Festival annuel national de théâtre amateur de Mostaganem. J’y représentais la compagnie de théâtre avec laquelle je travaillais à cette époque, en tant que comédienne.
Née le 19 janvier 1961 en Algérie, précisément à Mostaganem, berceau de ma famille maternelle, j’ai quitté ce pays en juillet 1962, avec mes parents et ma sœur aînée.
Comme beaucoup de Pieds-noirs de la dernière génération, je ne savais pas trop ce que l’Algérie était pour moi.
Ce texte vient interroger le lien mystérieux et si fort à cette terre que j’ai quittée à dix-huit mois. Il vient aussi témoigner, sur ce pays, du regard de la femme divorcée de quarante ans que j’étais, se sentant à un tournant de sa vie, et en quête urgente de ses racines. Il vient enfin exprimer ma gratitude envers toutes celles et ceux qui m’ont accueillie, alors que les années sombres de la guerre civile déclinaient à peine.
Je l’ai écrit en plusieurs vagues qui s’étalent sur dix-huit ans, en m’appuyant partiellement sur des notes de voyages que j’avais consignées dans un carnet.
J’y ai inséré des photos et des fragments poétiques qui ont surgi là-bas ainsi qu’après mon retour. Pour préserver l’anonymat, à quelques exceptions près, la plupart des noms propres sont changés, ou indiqués seulement par leur initiale.
Ce récit est évidemment personnel et autobiographique, je l’espère capable de toucher non seulement les personnes concernées de près ou de loin par l’Algérie, mais aussi « quiconque a perdu ce qui ne se retrouve / Jamais, jamais… »{1}.
RÉFLEXION TARDIVE DE L’AUTEUR
À quoi bon sonder les raisons obscures qui font obstacle à la récompense d’un aboutissement, si ce n’est pour en dénicher la seule signification peut-être qui finit par s’imposer : ce n’était pas le bon moment !
Cette apparente lapalissade répond-elle à la nécessité d’une maturation, après deux années de tentatives de diffusion, pour quelques rectifications certes, mais surtout pour la moisson d’une relecture en vraie découverte, comme si c’était écrit par quelqu’un d’autre, de souvenirs où je me dise « ah bon ? heureusement que je l’ai relaté à ce moment-là parce que j’aurais été incapable aujourd’hui de me rappeler tout ça. »
Ou bien le fait d’écrire, de « coucher sur le papier » comme on dit, extirpe de soi des bribes de vécu qui pourront mieux devenir l’expérience de quelqu’un d’autre. Si cela aide le détachement pour une propice offrande au lecteur, alors tant mieux, ma foi.
Et je constate que pour l’affranchissement, l’émancipation, il aura fallu non pas la majorité civile de 18 ans, mais celle de l’ancienne époque, celle d’avant 1974 : 21 ans.
De ce voyage renaissance qui fut à la source de mon témoignage jusqu’à son envol, il faut croire que 21 ans étaient d’usage et de rigueur.
Être sûre aussi que rien ne soit susceptible d’offenser qui que ce soit…
Mars 2021.
CONFESSION
Dois-je parler de ma crainte, de ma honte, comme un enfant ayant brisé le verre tranchant du soupirail ?
Colère et désespoir m’ont tant cinglée à travers les mots trop sourds.
Soudain cet ordre intense qui enfin se fait entendre
Avec la sensation de devoir et pouvoir espérer
Être à jour
Comptine insomniaque et grotesque
Il est cinq heures
Je pleure
Je n’ai pas de beurre
Mais j’ai très peur
Profonde gratitude
D’écrire
Mon chagrin se répare au compte-lignes
L’indigestion trépasse
Nulle rancœur
Retourner à la source et rendre compte de mon voyage
Rançon positive et grande consolation
Il ne faut donc pas s’insurger devant l’éclectisme des mouvements d’expression
Ni des redondances qui s’imposent et soulagent
Et qu’on ne vienne pas me reprocher d’inventer ou de combiner des mots, j’adore ça.
Ressac :
Pensées en passant
Passer en pensant
Passante en pensée
Passé au présent
Pensée au passé
Passé en pensées
Pensées passantes
Prélude en compte à rebours
MOINS 3. VALSE HÉSITATION
Quand un jour débarque ce qui touche le cœur de la vie
Parce que je l’ai cherché
Je l’ai demandé
La demande appelle ce qui en est digne
Ce qui peut répondre
C’est un honneur
Comment dire sans effrayer ?
Dire non
Dire oui
Dire la force d’aimer
Inciter les êtres aux caresses
Et non aux armes
Baisser les armes fait peur
À la rencontre aux mains tendues
Aurore
Tressaillements d’un bonheur d’enfance
J’entends des musiques comme dans une pièce au fond de la maison
Chopin, Rachmaninov, Grieg
La méditation de Thaïs, Clair de lune de Debussy
Cours de danse
Aznavour, avec des sons de plage des voix
Ambiance famille
Les odeurs des fulgurances où la lumière est certitude
Où l’on sait en soi quelqu’un qui sait
Depuis toujours
Quoi ?
Parmi les cris les gestes qu’on ne comprend pas
Au milieu de la guerre
L’hiver de ma naissance sentait la mer
La cuisine du soleil
Les accents forts qui ne veulent pas céder
Tout ce qu’après l’exil
L’été était vital à nous redonner
Pendant les grandes vacances
J’avais déjà mes colères
L’injuste, impuissance, incompréhension
Ma révolte ne connaissait que la violence
Et je ne supportais pas de demander pardon
J’étais forcément déjà celle qu’il faut mater
2000 Année fécondité
La vie dit : « m’accorderais-tu l’abandon au-delà de ton désir ? »
C’est là que ça se complique
Au moment où il faudrait tout lâcher
Si l’Homme ne confondait pas ce qu’il peut
Avec ce à quoi il se limite
C’est dans mes rêves d’amour que j’ai déchiré mes horizons
Quel vertige
Quelle étrange science de l’imagination
Une telle force de sensations ne pouvait que m’attirer
À la mystique de la vie
Transgression ? Trop tard
Pour se poser la question
Une fois les bords franchis il n’est plus d’appel stupéfiant
Que la transcendance
Paradoxalement c’est le chemin de la paix qui est moins docile
Choquer contrarier déranger
Ne contribue pas à donner confiance
Et le bon guide se perd
Fil rompu trop étiré à vous attendre
On ne peut plus alors qu’être attentif aux signes
Et le jeu commence…
Nuit – désert
Je vois un homme, seul, dans une cahute écorchée au-dessus des morts
Dévoré par les vents froids d’une île au Nord
Le Nord qui ne discute pas
Il écrit il chante
Il jubile quelquefois
Comment ?
Il a un compagnon qui sait qu’il doit tout apprendre parce que là
Est le mystère de la vie
Celle qui se rit des prisons
Il faudra beaucoup marcher ensuite pour dire que c’est à l’intérieur
Que la peur est une illusion
Certains matins mon cœur est imbibé comme une éponge. Un linge à tordre. Et même si c’est au bord, il faut du courage pour l’essorer. Pour filtrer la joie dans la couleur opaque de ce qui sort.
Je sais qu’il s’agit de naissance. Que sera-t-il resté de la précédente mort ?
Ô comme en cet instant je voudrais qu’il ne reste rien
MOINS 2. DOULEURS D’ACCOUCHEMENT
Première tentative 16 décembre 2000.
Avortée.
4 janvier 2001.
Voilà c’est parti. J’essaie. C’est un essai. Outrepassant les dernières résistances.
(J’écris) En bleu (sur le cahier), cela met un peu de ciel dans mon désert. Faute de mer.
Impression de commencer « la rédaction de sa vie » : Racontez vos vacances.
Ce n’étaient pas tout à fait des vacances. Le Théâtre, mon métier paraît-il, était de la partie.
Un travail buissonnier. Et pas question de bien écrire sans dépasser.
Je suis mal, à hurler. Plein le dos, plein le bide. Plein le vide.
Le Théâtre comme un messager. Normal, il y avait du Mercure dans cette alchimie.
Est-ce que quelqu’un me souffle en ce moment ?
Vais-je m’y retrouver dans mes notes ? Mes dates ? Vais-je retrouver mes sensations, la lumière ? Vais-je savoir dire ? Vous dire ? À qui ?
Je pense à ma sœur, à ma mère, à sa sœur, à leur mère, à son époux mon grand-père. Mes grands-parents chéris, j’ai tant senti leur présence… « Là-bas ».
Et puis mon Parrain, leur fils, le plus jeune des trois. Mon tremplin de Madrid avant le grand voyage. Et ma tante, l’ainée, qui m’a accueillie et protégée.
Maman au milieu entre les deux, elle m’a dit l’avoir tant sentie cette place… Deuxième, comme moi.
Aujourd’hui c’est moi qui me sens au milieu. V. (ma sœur ainée) m’a dit : « finalement c’est toi qui vas le faire ce deuil, pour nous tous ».
C’est vrai ? Pour nous-autres ? Pour vous-autres{2} ? Pour Papa aussi ? Le mari-gendre-beau-frère Pied-Noir d’adoption qui n’a plus voulu partir de là-bas lorsqu’il s’est découvert une famille sur cette terre d’Algérie.
Mes parents s’y sont mariés et n’en sont partis « qu’au dernier moment », laissant tout ce qu’ils y avaient construit, n’emportant que la voiture, deux valises, ma sœur et moi.
Pourquoi mes boyaux se tordent-ils quand je lis ou prononce ce nom ce mot
Algérie
Pourquoi je pleure ?
Vais-je pleurer tout le temps que j’écrirai ?
Si ce sont les larmes de tous-autant-qu’ils-sont{3}, évidemment ça tiendra la longueur…
Je regarde un film où Jean Rochefort cherche sa mère. Disparue. Pas de corps. Pas d’au-revoir pas de retrouvailles.
Finalement c’est un peu ça aussi pour la plupart.
Tata, la sœur aînée de Maman, est retournée là-bas, en touriste… mon Parrain, leur frère cadet, aussi, je crois que c’était pour son travail.
Maman ne veut pas.
Elle est à l’hôpital en ce moment. Opération de la vésicule biliaire. J’y vois le concentré de toute l’émotion qu’elle n’a pas libérée. Élucubration ? Allons mais non voyons…
Mais je sens que je dois écrire d’abord pour moi. Je n’ai pas la vocation d’un paratonnerre.
Et puis moi je n’avais aucun souvenir de ce temps jadis.
J’ai vu ma terre natale d’aujourd’hui. Et