L' étude de cas comme méthode de recherche, 2e édition
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Avis sur L' étude de cas comme méthode de recherche, 2e édition
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Aperçu du livre
L' étude de cas comme méthode de recherche, 2e édition - Yves-Chantal Gagnon
cas.
Les systèmes sociaux sont complexes. Pour comprendre les phénomènes y étant reliés, il faut recourir à une vision holistique. Elle permet des descriptions détaillées des situations et des événements. Mieux encore, elle fournit une connaissance approfondie sur l’interaction entre les participants¹, leurs comportements et leurs sentiments.
Les méthodes qualitatives de recherche sont seules à rendre accessible une telle vision holistique (Benbasat et coll., 1983 ; Eisenhardt, 1989 ; Flyvbjerg, 2011 ; Patton, 1982 ; Stake, 2008 ; Worthman et Roberts, 1982). Elles permettent, particulièrement pour l’étude de cas, d’observer et d’analyser ces phénomènes comme un tout intact et intégré (Bullock, 1986).
Sans nier leur utilité, les méthodes quantitatives ne peuvent donner une telle vision des phénomènes étudiés. Leur principal outil, le questionnaire, fait appel à la réflexion des répondants, alors que l’on sait que 95% des pensées humaines sont inconscientes (Fauconnier, 1997 ; Schank, 1999 ; Wegner, 2002, Woodside et Wilson, 2003 ; Zaltman, 2003). En outre, les individus ont un accès limité à leur propre processus de pensée (Van Someren, Barnard et Sandberg, 1994 ; Witte, 1972 ; Woodside et Wilson, 2000).
L’étude de cas permet une compréhension profonde des phénomènes, des processus les composant et des personnes y prenant part. Ce faisant, certains auteurs croient qu’elle convient surtout pour la construction de théories (Baxter et Jack, 2008 ; Dyer et Wilkins, 1991 ; Eisenhardt, 1989 ; Gersick, 1988 ; Harris et Sutton, 1986 ; Woodside et Wilson, 2003). D’autres soutiennent qu’elle est tout aussi appropriée pour la vérification d’une théorie (Anderson, 1983 ; Corbin et Strauss, 2007 ; Eisenhardt, 1989 ; Glaser et Strauss, 1967 ; Pinfield, 1986 ; Richards et Richards, 1994). Aussi, il y en a qui prétendent qu’on peut élaborer un design de recherche qui combine les deux. L’étude de cas sert à générer une nouvelle théorie, immédiatement vérifiée par des construits mesurables et des hypothèses testées (Eisenhardt, 1989 ; Flyvbjerg, 2011 ; Gladwin, 1989 ; Howard et Morgenroth, 1968 ; Woodside et Wilson, 2003).
Plus précisément, L’étude de cas comme méthode de recherche est appropriée pour la description, l’explication, la prédiction et le contrôle de processus inhérents à divers phénomènes, individuels ou collectifs (Thomas, 2011 ; Woodside et Wilson, 2003). La description répond aux questions qui, quoi, quand et comment (Eisenhardt, 1989 ; Kidder, 2000). L’explication vise à éclairer le pourquoi des choses. La prédiction cherche à établir, à court et à long terme, quels seront les états psychologiques, les comportements ou les événements. Enfin, le contrôle comprend les tentatives pour influencer les cognitions, les attitudes et les comportements des individus (Barlow et coll., 2008 ; Woodside et Wilson, 2003). Bien sûr, une combinaison de ces quatre finalités est tout à fait possible.
La première des grandes forces de L’étude de cas comme méthode de recherche est de fournir une analyse en profondeur des phénomènes dans leur contexte. La deuxième, elle, offre la possibilité de développer des paramètres historiques. La troisième est d’assurer une forte validité interne, les phénomènes relevés étant des représentations authentiques de la réalité étudiée. Ce sont ces forces qui en font une méthode convenant à toutes sortes de contextes et quelles que soient les caractéristiques du chercheur².
Mais elle comporte aussi des faiblesses dont il faut toujours être conscient. D’abord, elle est onéreuse en temps, tant pour le chercheur que pour les participants. Ensuite, la validité externe pose problème. Une étude de cas peut difficilement être reproduite par un autre chercheur. Finalement, elle présente des lacunes importantes quant à la généralisation des résultats. En effet, il y a peu de chances d’avoir suffisamment d’études d’autres cas exactement comparables pour rendre les conclusions applicables à toute une population (Lecompte et Goetz, 1982 ; Lucas, 1974 ; McMillan et Schumacher, 1984 ; Whyte, 1963 ; Worthman et Roberts, 1982).
Il ne faut pas se désoler de cette dernière faiblesse, bien au contraire (Flyvbjerg, 2011). La spécificité, la particularité et la diversité favorisées par l’étude de cas ne font pas bon ménage avec l’universalité. D’une part, le fait de rechercher cette généralisation pourrait distraire le chercheur des éléments particuliers nécessaires pour comprendre le cas lui-même (Stake, 1994). D’autre part, l’utilisation trop intensive de données empiriques dans le but de généraliser conduirait presque inévitablement à une théorie trop complexe où il serait difficile de distinguer les relations générales de celles qui sont particulières à chaque cas.
Il faut donc accepter que les résultats de l’étude de cas sont la plupart du temps une théorie idiosyncrasique. Cette dernière ne s’appliquant qu’à un phénomène ou l’un de ses processus précis (Eisenhardt, 1989). Ainsi, Bagchi et coll. (1998) ont fait une recherche pour établir les changements survenus dans la trajectoire de vie des gens du Népal et de l’Inde. Ils concluent leur étude du cas de 17 villages en indiquant qu’il n’est pas clair jusqu’à quel point les données d’une communauté sont généralisables aux autres villages.
Par ailleurs, l’étude de cas peut servir à raffiner une théorie ou à en établir les limites. Prenons l’exemple de la théorie généralisée voulant que les enfants de parents séparés soient mieux sous la garde de leur mère. Comme le relève Stake (1994), nous avons perdu confiance en cette loi depuis qu’un simple cas d’un tel enfant maltraité par sa mère a été documenté.
Cette dernière faiblesse quant à la généralisation peut cependant être éliminée par un recours complémentaire aux méthodes quantitatives de recherche (Stake, 1994 ; Scholz et Tictje, 2001 ; Woodside et Wilson, 2003). Il s’agit alors d’utiliser les résultats de l’étude de cas pour élaborer des outils de collecte quantitative de données auprès d’un échantillon statistiquement représentatif de la population. C’est ce qui a été fait dans la recherche sur le comportement des dirigeants de PME dans le processus d’adoption de nouvelles technologies. Les résultats des études de cas ont servi à l’élaboration d’un questionnaire. Après avoir été prétesté, il fut administré à un échantillon statistiquement représentatif de la population des dirigeants de PME engagés dans un processus d’adoption d’une nouvelle technologie (Gagnon, 2001 ; Gagnon et coll., 2000). Le contenu de ce questionnaire reposait ainsi sur des bases solides, ancrées dans la réalité des dirigeants de PME.
En résumé, le recours à l’étude de cas doit obéir à des normes scientifiques. Il faut que sa réalisation soit empreinte d’une rigueur au moins équivalente à celle des méthodes quantitatives de recherche (Yin, 2009), son utilisation devant prendre assise sur une démarche systématique où la fiabilité et la validité des données sont démontrées. Comme le souligne Eisenhardt (1989), cela repose en grande partie sur la rigueur dont fait preuve le chercheur dans la réalisation de chacune des étapes de la recherche.
D’où l’importance de pouvoir compter sur un guide de réalisation comme celui présenté dans le tableau de la page suivante. On peut y voir les étapes à franchir et les activités à réaliser. Il est aussi établi l’objectif visé par chacune. Même si elles sont présentées de façon séquentielle, le chercheur aura souvent à les réaliser selon un processus itératif (Eisenhardt, 1989). Chacun des chapitres de cet ouvrage reprend l’une de ces étapes, en détaillant et en expliquant les activités à y réaliser. Ainsi, la première, concernant la pertinence du recours à L’étude de cas comme méthode de recherche, est traitée dans le prochain chapitre.
1 Personne qui prend part au phénomène.
2 Pour alléger le texte, le singulier est généralement employé, mais le contenu de ce guide s’applique également à une équipe de chercheurs.
L'objectif ultime de cette première étape est de vérifier si le recours à l’étude de cas est pertinent pour la recherche à entreprendre. Pour ce faire, deux éléments sont à considérer. Premièrement, il y a la perspective à laquelle adhère le chercheur, c’est-à-dire sa démarche intellectuelle, son état d’esprit, son « arrière-fond philosophique » (Aktouf, 1987). Deuxièmement, il faut aussi tenir compte de la nature de la problématique de