Marcel et le Cadre Noir: Roman
Par Jacques Papin
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À propos de ce livre électronique
Marcel et le Cadre Noir a pour sujet l’histoire d’amour d’un petit garçon pour les chevaux. Habitant Saumur, il s’arrête au retour de l’école, devant la carrière du Chardonnet pour regarder les écuyers évoluer. Admiratif, doué pour l’observation, il s’imprégnera peu à peu, années après années, de ce qui fait l’essence de l’équitation de tradition française. A tel point qu’il acquerra très vite un savoir inné du dressage d’un cheval. Bijou sera le cheval de sa vie.
Mais, une équitation exigeante, difficile, brillante, n’est pas du goût de tout le monde et certaines instances vont s’en occuper…
« La belle légèreté à la française, cette pierre de touche de l’élite, Adam le Jeune et Eve la Sportive, chargés d’amorcer le tournant, allaient un peu s’en occuper. Oh ! pas d’un coup, tranquillement, sans faire de bruit, sans provoquer d’infernaux remous… L’insinuation lente, onctueuse, allait faire son œuvre à pas de loup, perverse voilée de bonnes intentions, au chaton de la bague toujours prêt à insuffler son virus jusqu’au noyau des magistrales vérités, des plus profondes convictions. »
À travers les techniques équestres et les images poétiques, découvrez l'histoire d'amour entre un homme et son cheval !
À PROPOS DE L'AUTEUR
Cavalier de dressage, instructeur d'équitation diplômé d'état, un des disciples les plus proches du grand maître Nuno Oliveira, Jacques Papin s'attache depuis toujours à enseigner et à pratiquer l'équitation de tradition française.
Il est l'auteur de "Le Jour où les chevaux parleront" (éditions Le Rocher, 2009), "Moi, cheval sans généalogie reconnue" (revue littéraire "Cheval"), "Chevaux" (éditions Le Rocher, 2011)et a également écrit plusieurs articles dans des revues spécialisées : "Cavaliers d'hier et d'aujourd'hui" (novembre 2011), "Le Cadre Noir, temple du dressage?" et "L'Héritage des Grands Maîtres" (mai 2012).
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Aperçu du livre
Marcel et le Cadre Noir - Jacques Papin
Jacques Papin
Marcel et le Cadre Noir
Roman
ISBN : 979-10-388-00038
Collection : Blanche
ISSN : 2416-4259
Dépôt légal : septembre 2020
© couverture Ex Æquo
© 2020 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.
Editions Ex Æquo
6 rue des Sybilles
88 370 Plombières Les Bains
www.editions-exaequo.com
À Emmanuelle
Préface
Sous l’allure apparente d’un précis dédié aux techniques équestres, ce roman, cousu de bons mots et d’images poétiques, se révèle très vite être une merveilleuse histoire d’amour entre un homme et son cheval.
Marcel, maraîcher puis palefrenier, après une enfance passée au cœur du Cadre Noir, possède la science innée du dressage d’un cheval. Mais cette belle institution saumuroise qui était, à son retour de l’école, la raison d’être de Marcel, va devoir céder à certaines pressions.
Dans ce roman parsemé de tendresse et de drames, d’humanité et de profondes fêlures, l’auteur, expert en la matière, nous offre une réelle émotion à travers son véritable héros, le cheval. Au-delà des silences et des galopades, des ordres et du dressage aveugle, de la discipline et du plaisir, se cache un amour profond de l’animal rendant l’homme enfin respectable.
Glossaire
Piaffer : Une des plus difficiles figures de dressage classique. Celle qui se rapproche le plus de la danse. Le cheval, adoptant une attitude fière et relevée, effectue un trot sur place suspendu et majestueux, après avoir abaissé les hanches.
Passage : C’est un trot lent, très relevé, où le cheval, grandi dans tout son corps, élève gracieusement ses membres.
Carrière : Lieu situé à l’extérieur, entouré de lisse, au sol sableux, en forme de rectangle, où évoluent les chevaux au travail. Des lettres, placées sur son pourtour aident le cavalier à dérouler avec précision sa reprise de dressage. La carrière de compétition fait 60 mètres sur 40. Les cavaliers l’appellent communément « carré ».
Cliquetis des mors : Il signe la parfaite rectitude, le parfait équilibre du cheval dans les différentes allures auxquelles il se déplace. C’est aussi la preuve de sa complète décontraction.
Descente de main : Lorsque le cheval est dans l’équilibre idéal, rassemblé dans la rondeur, le cavalier peut rendre un peu les rênes sans que cela ne perturbe l’allure.
Les piliers : Ce sont deux solides poteaux au milieu desquels est attaché le cheval. Au commandement de la croupade, le cheval rue très énergiquement, projetant ses postérieurs le plus haut possible. On se servait de cet exercice pour renforcer la solidité du cavalier en selle.
Appuyer : Figure de dressage où le cheval se déplace latéralement (au pas, au trot ou au galop) en regardant dans la direction vers laquelle il se dirige. Elle assouplit le cheval, surtout au niveau de ses hanches.
Épaule en dedans : Le cavalier sort les épaules de son cheval vers le centre du manège tout en lui gardant la croupe au niveau du pare-botte. Le cheval regarde dans la direction opposée vers laquelle il se dirige. C’est un excellent exercice d’assouplissement.
Transition : On effectue une transition lorsque l’on passe d’une allure à une autre (passer du galop au trot et vice versa) ou lorsque l’on passe d’un raccourcissement à un allongement d’allure et inversement.
Levade : Le cheval élève son avant-main en fléchissant ses postérieurs sous lui. C’est plus doux et artistique que le cabrer où le cheval se dresse de toute sa hauteur, les postérieurs tendus.
Croupade : Le cheval rue en projetant sa croupe le plus haut possible, les antérieurs piqués au sol.
Pirouette : Le cheval au galop ralenti presque jusqu’à l’arrêt, tourne sur place en abaissant les hanches, dans un mouvement lent et gracieux.
Cabriole : Le cheval se projette en l’air et, arrivé au sommet de sa trajectoire, exécute une croupade sans qu’aucun de ses sabots ne touche le sol.
Rectitude : C’est la condition d’un dressage bien mené où la répartition du poids du cheval est la plus harmonieuse possible. Sans la rectitude, il n’y a pas d’équitation correcte, le cheval ne pouvant jouer de son dos avec aisance.
Légèreté : C’est monter un cheval qui se livre sans résistances aux demandes de son cavalier et qui ne pèse pas d’un gramme sur les rênes.
Manège Bossu : C’est le nom du manège qui jouxte le manège des Écuyers, caractérisé par une charpente très basse qui, d’après les anciens, faisait le cavalier courber ses épaules afin de passer dessous.
Manège des Écuyers : Accolé au manège Bossu, face à l’entrée principale des écuries, il est le manège de prestige du Cadre Noir, là où les plus grands écuyers ont mis en valeur, avec talent, l’équitation de tradition française.
Manège Marguerite : Un autre manège, placé à l’autre extrémité de la carrière du Chardonnet.
La Guérinière : François Robichon de la Guérinière, (1688-1751) est considéré comme le père de l’équitation française. C’est le premier écuyer à privilégier la recherche du Beau dans le dressage du cheval. Son ouvrage « L’école de cavalerie » est considéré comme la bible équestre par beaucoup de ceux qui recherchent l’art dans l’équitation.
D’Aure, L’Hotte : Deux des plus grands écuyers en chef du Cadre Noir au 19ème siècle.
Baucher : Un des plus grands maîtres équestres du 19ème siècle.
Le vieux trafic roule. Au volant, Marcel a les yeux fixes, les yeux des gens décidés, obstinément décidés. La route file sous les phares, il la regarde à peine, seul son cœur le guide, usé d’en avoir trop vu, trop accepté. Il a pris la décision de fuir, d’abandonner et par là de respecter sa vérité. Un bateau le suit à chaque fois qu’il regarde dans le rétroviseur, un canot breton, moulé pour épouser la vague, se marier avec elle, la chevaucher avec aisance.
Arrivé au port, il manœuvre pour présenter la petite embarcation droit sur la cale. Il fait nuit, une nuit dense où les étoiles semblent le surveiller avec attention. La remorque recule ; il est fier ce bateau, il a une grosse proue faite pour dominer la houle, un corps de baleine pour s’amuser avec. Très vite, une fois dans l’eau, Marcel le décroche, le pousse dans son élément et y grimpe à la seule force de ses bras, abandonnant trafic et remorque à leur sort. Qu’importe, il sait qu’il ne reviendra plus, qu’il ne reviendra pas sur sa décision. Ce bateau conquérant n’est plus qu’un reste de sa vie.
Heureusement, la mer est calme, noire avec de furtifs scintillements de vaguelettes. Au bout de la jetée, un phare balaye le large de son gros œil amplifié. Les maisons de la côte dorment. On entend juste un léger clapotis de routine qui s’échoue. Docile, le moteur démarre d’un seul coup de tirette, Marcel prend la barre et lui et le bateau s’éloignent lentement. De loin, on aurait pu croire qu’ils avaient rendez-vous avec le firmament. De très loin on aurait cru entendre l’écume embrasser l’étrave têtue, résonance d’une symphonie inlassable, mystérieusement émergée d’un clavier souverain.
***
Tous les matins, en même temps que les oiseaux saluaient le jour, le marteau des maréchaux offrait son concert à Saumur. La carrière du Chardonnet, cintrée des grandes et moyennes écuries, du magistral manège des Écuyers, des longs casernements, ceinture de tuffeau et de tuiles, jouait à merveille son rôle de caisse de résonance. Par les temps clairs et froids d’hiver, cette musique cristalline sans mesure réussissait, se glissant à travers l’enchevêtrement des ruelles, à pénétrer le cœur de la ville. Les grillons se levaient tôt à Saumur !
Peu à peu, les chevaux sortaient de partout et du cliquetis rythmé de leurs fers couvraient bientôt la sérénade argentée des enclumes frappées à tour de bras, du vif martèlement de la tête des clous. Saumur sentait le cheval ! Moins poétique, la pétarade de ceux que les derniers cochers traitaient de « tas de ferraille » prenait de plus en plus d’ampleur. On s’invectivait souvent aux carrefours en termes peu amènes.
Dans les écuries aux stalles bondées, les palefreniers rougeauds et trapus brassaient à grands coups de fourche la paille craquante. Senteur de crottins frais alliée à celle des champs de blé ondulant sous le vent. Le château, tout là-haut, regardait passer la Loire, concurrente de sa majesté. Le soleil venait à peine de se lever et déjà la ville grondait, s’ébrouait, se lançait dans des étirements d’amoureuse comblée.
Saumur vivait au rythme du pas des chevaux. On marchait dans les passages étroits, on trottait sur les grandes avenues, on renâclait, battant la mesure d’un pied au paturon nerveux lorsqu’il fallait s’arrêter aux carrefours. Certains fumaient et soufflaient du trajet effectué la nuit pour livrer à l’heure ce qui viendra colorier l’étal des marchands de légumes. Le vin commençait à franchir les premiers gosiers, on se saluait, on discutait, on s’affairait. À huit heures, les cloches des Églises carillonnaient leur joie.
Le coup de pédale facile, Raoul tirait derrière lui son chargement hétéroclite de cuirs divers. Guides, surfaix, longes, boucles, tout s’entassait pêle-mêle dans une grosse caisse aux roues vacillantes. Ses flancs portaient les mots : « vins fins, liqueurs. » Il était en pleine forme, ayant déjà bu trois ballons de rouge avec ses copains le ferrailleur et le rémouleur. Le voilà qui s’arrête au pied