Sept

La yourte du Turkestan afghan

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Ce matin du 9 janvier 1973, nous quittons Nahrin dans la province de Baghlan pour Burka, plus au nord, à bord d’un camion russe bâché, chargé à tel point que les passagers doivent gravir à pied le col enneigé et glissant de Tawashakh, à environ 1’400 mètres d’altitude. Le plateau de Burka est recouvert d’une mince pellicule blanche d’où émerge le brun des sillons. C’est une terre à blé. Le bourg principal de l’alâqadâri (district), Aqcheshma, source blanche, porte le nom de l’unique point d’eau permettant l’irrigation d’une partie de la plaine. Jusque dans les années trente, il n’y avait là que des pâturages parcourus par les seuls éleveurs ouzbeks et leurs moutons. Même s’ils habitent maintenant des villages de terre, ils ont gardé de leur passé de nomades des troupeaux de moutons et des dromadaires, ainsi que la yourte. Cette hutte circulaire, démontable, au couvert de feutre nous fait rêver; elle évoque les vallonnements sans fin de la steppe herbeuse, de la Mongolie au Turkménistan, et les paisibles descendants des conquérants d’hier. Les yourtes sont belles, confortables, leur forme arrondie et leur couvert de feutre s’harmonisent avec le paysage. De près, elles sont souvent admirablement décorées et, à l’intérieur, se dégage quelque chose de chaud et d’intime, même si la fumée du foyer fait tousser l’hôte invité pour la première fois. Le département d’ethnographie du Musée de Berne où mon mari Pierre est conservateur possède une yourte mongole, noirâtre et trapue, ramenée de la Mongolie-Intérieure à la fin des années vingt. Ici, dans la province de Baghlan, les yourtes sont généralement démontées pour l’hiver. Nous en voyons l’armature de bois liée en faisceaux, un tas de feutres empilés et une énorme roue concave qui est la couronne de la yourte. Ailleurs, nous aurons l’occasion d’en apercevoir encore debout sous la neige, ou plutôt ce qu’il en reste lorsqu’elles finissent leur existence comme abri-cuisine ou étable à chèvres dans l’angle d’une cour.

il janvier 1973. Nous passons la nuit dans la chambre d’hôte d’un (chef de village) à Burka. Réveillés à six heures du matin par l’allumeur de poêle, nous nous attardons sous les lourdes couvertures piquées jusqu’à ce que la chambre se réchauffe. Inutile de songer à partir de bonne heure: le thé et le pain ne sont servis qu’une fois la matinée bien entamée, et il ne peut être question de quitter nos hôtes le ventre vide, à moins de faire fi de l’hospitalité offerte. Dehors, le soleil fait fumer la plaine enneigée. A midi, nous atteignons les premières maisons de Tangi Morch, un ravin évasé le long duquel se succèdent les habitations sur trois kilomètres. Maisons de terre, murs de terre, chemins de terre, d’où se détache un (maison fortifiée), en terre également; c’est celui du Kheir Mohammad, l’un des figurants du film de Joseph Kessel, Les . De son séjour en Espagne où les scènes de furent tournées, il a retenu quelques expressions en anglais pour touristes, «Thank you» ou «Corne here, honey»! Pour nous, pour la photo, il revêt sa tenue de cavalier des steppes, avec les bottes à talon enserrant les jambes jusqu’aux genoux et qu’on ne peut enfiler qu’avec l’aide d’un domestique, fait seller son cheval bai et pousse un temps de galop. A la sortie de Tangi Morch, la piste débouche sur le plateau de Pahlawan Tash, «la pierre du champion», à quelque 1’500 mètres d’altitude, couvert de neige. Le jour tombe lorsque nous croisons les troupeaux qui ont erré toute la journée parmi les touffes jaunies des talus exposés au sud. Peu à peu, le paysage perd son relief. Collines, maisons, bêtes et hommes se confondent dans la grisaille. Du village de Tajcheshma, abrité au fond d’un ravin, on ne voit d’abord que les fumées qui s’élèvent au-dessus des toits; les maisons apparaissent au moment où nous amorçons la descente. Un chien aboie.

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