Pâques: Grandes fêtes byzantines
Par Nicolas Egender
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À propos de ce livre électronique
Les présentes études concernent Pâques et les douze grandes fêtes, célébrées au long de l’année. Cependant, elles ne sont pas présentées dans cet ordre chronologique mais selon un ordre théologique : mystères de l’Incarnation, de la Rédemption et de l’Église. La célébration pascale, mystère de la Rédemption, est suivie pas à pas à travers la Grande Semaine et celle du Renouveau. Malgré les disputes liturgiques et rubricales entre Églises, le culte liturgique, « sacrifice de louange », est essentiellement œcuménique.
Il garde en lui la conviction de l’unité des Églises.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né en 1923 dans une famille d’ouvriers, Nicolas Egender est moine de l’abbaye bénédictine de Chevetogne où il entre en 1946. Il en devient prieur, puis durant 18 ans sera le père abbé de la Dormition à Jérusalem. Il est l’auteur de nombreuses études sur les églises orientales et leurs liturgies, l’œcuménisme et sur Vatican II.
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Aperçu du livre
Pâques - Nicolas Egender
Nicolas Egender
PÂQUES
GRANDES FÊTES BYZANTINES
Préface de André Lossky
nouvelle cité
À la mémoire de
l’archimandrite Cyprien Kern
et de Dom Lambert Beauduin
SOMMAIRE
Titre
Dédicace
Préface
Présentation
Abréviations
Hymnographes
Première partie - Sources
La liturgie de Jérusalem à l’époque de l’évêque Cyrille
Deuxième partie - Fêtes de l’Incarnation
Nativité selon la chair de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ
Les saintes Théophanies de notre Seigneur Jésus-Christ
Rencontre de notre Seigneur Jésus-Christ
Annonciation de la très Sainte Théotokos et toujours Vierge Marie
Troisième partie - Fêtes de la Rédemption
Samedi de Lazare
Dimanche des Palmes
Dans l’attente de l’Époux
Le Grand et Saint Jeudi
Saintes et rédemptrices souffrances de notre Seigneur Jésus-Christ
Les Myrophores
Vigile pascale
Semaine du Renouveau
Attouchement de Thomas
La Résurrection dans la vigile dominicale
La sainte Lumière de Pâques à Jérusalem
Ascension de notre Seigneur et Dieu et Sauveur Jésus-Christ
Pentecôte
Sainte Transfiguration de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ
Quatrième partie - Dédicace
Dédicace de l’Anastasis Exaltation universelle de la précieuse et vivifiante Croix
Fêtes de l’Église
Nativité de notre très sainte Dame la Mère de Dieu et toujours Vierge Marie
Entrée au temple de notre très sainte Dame la Mère de Dieu
Mémoire de la Dormition de notre très sainte et glorieuse Dame la Mère de Dieu
Fête des conciles
Remerciements
Lexique liturgique
Bibliographie
Cahier photos
Du même auteur
Copyright
Préface
La liturgie chrétienne de Jérusalem est connue grâce à des documents anciens, lesquels mentionnent plus ou moins précisément des lieux identifiables de Jérusalem et de ses environs. Les actions liturgiques décrites dans ces textes dénotent un lien fort entre les divers lieux topographiques où elles sont accomplies, les fêtes ou solennités du jour et le contenu de leur déroulement. C’est ainsi qu’à la fin du 4e siècle, la voyageuse Égérie a pu relever que l’on « dit des hymnes et des antiennes appropriées au jour et au lieu, ainsi que des lectures semblablement appropriées » (Itinerarium Egeriae, 31,1, début de la Grande Semaine). Il s’agit des lieux, réels ou présumés, où se sont produits les événements fondateurs du mystère chrétien du salut, proposé à tout le genre humain par le Christ mort et ressuscité. Cette liturgie ancienne a aussi influencé de nombreuses autres traditions locales, en plusieurs régions de la chrétienté.
Les pages qui suivent, consacrées aux grandes fêtes de la liturgie byzantine, sont l’œuvre d’un liturge ayant longuement séjourné au siècle dernier en Terre sainte, tout près des lieux du salut ; l’auteur est aussi fin connaisseur de l’esprit sotériologique des fêtes byzantines, et de cette tradition liturgique en général. Les dédicataires sont deux liturgistes réputés, initiateurs au milieu du siècle dernier d’une institution qui dure encore, fruit de leur collaboration féconde et de leur conscience de l’importance à accorder à une analyse des faits liturgiques dans les différentes traditions locales d’hier et d’aujourd’hui. Un grand nombre de ces familles liturgiques dépend de près ou de loin de ce qui fut observé à Jérusalem et en ses environs, aux époques anciennes examinées ici.
C’est dire dans quel esprit se situe la présente étude des fêtes selon le rite byzantin, un esprit où l’analyse historique, en interaction avec les usages byzantins actuels, favorise une intériorisation des mystères célébrés, car l’érudition scientifique est ici mise au service d’un authentique cheminement du chrétien vers son salut et vers Dieu.
Les fêtes liturgiques sont analysées en une approche diachronique, non dans l’ordre du calendrier annuel, mais suivant les étapes de la vie du Sauveur et de sa Mère. Une telle présentation détermine d’emblée ce que l’on pourrait appeler une herméneutique des fêtes liturgiques, une théologie fondée sur l’histoire du salut, telle que contribue à la refléter la liturgie byzantine actuelle. L’analyse opérée pour chaque fête s’efforce de relier chacune d’elles au mystère pascal fondamental, la Résurrection qui transforme chaque chrétien. Annoncées dans les lectures ou versets bibliques et évoquées de manière incessante dans les hymnes, dont on trouve ici de larges extraits, les actions salvatrices font l’objet d’une analyse voulant montrer que cette liturgie est moins énonciation cérébrale que louange émerveillée et glorification des bienfaits accomplis par Dieu envers le genre humain.
Pénétrée d’expressions ou d’allusions scripturaires, l’hymnographie byzantine s’efforce en outre de mettre à la portée du peuple une théologie des fêtes, telle que la développe l’homilétique patristique. Les hymnes en regroupent les expressions, parfois en en simplifiant quelque peu la formulation, en vue de rendre plus accessibles les richesses des événements et de leurs conséquences pour la destinée ultime du genre humain, le salut.
L’ouvrage accorde la plus belle part au rite byzantin, mais sans négliger pour autant des comparaisons ou rapprochements avec d’autres familles liturgiques, mentionnant notamment des exemples d’hymnes ayant voyagé entre Orient et Occident, moyennant des traductions. Ainsi par exemple, la strophe pascale « Pascha hieron », chère aux familiers du rite byzantin, retentit aussi en latin, avec quelques variantes.
La célébration de toute liturgie est véritablement une œuvre divino-humaine, comme en témoignent les hymnographes byzantins, les uns bien connus et d’autres anonymes. Les citations d’hymnes rassemblées ici constituent une véritable anthologie dont la lecture ou la simple consultation sera d’une grande utilité aux lecteurs non familiers du rite byzantin, ainsi initiés aux richesses doctrinales des fêtes byzantines. Mais ce florilège servira aussi aux lecteurs connaissant bien ces traditions liturgiques : eux aussi pourront profiter des rapprochements théologiques entre les différentes fêtes.
Ces hymnes peuvent être considérées comme une réponse de l’Église, inspirée et guidée par l’Esprit Saint pour exprimer au Fils, Acteur du salut avec la bienveillance du Père et la collaboration du Saint-Esprit, une bonne réception, au sein des Églises, du message proclamé par l’Écriture. L’ouvrage fait aussi référence à plusieurs traductions françaises existantes pour ce matériau liturgique, ce qui montre au passage la complémentarité des diverses éditions face à un mystère difficile à cerner, y compris dans la langue originale des compositions hymnographiques présentées.
Enfin, parmi les multiples richesses doctrinales proposées ici, le dernier chapitre est consacré aux fêtes des Conciles œcuméniques. Il mérite une mention particulière, car les citations d’hymnes et leurs commentaires sont ici confrontés aux décrets conciliaires eux-mêmes, pour souligner l’importance des promulgations dogmatiques et de leur actualisation concrète dans la liturgie. Au-delà d’un support pédagogique, le matériau biblique et liturgique analysé dans l’ensemble de l’ouvrage contribuera à une intégration de la vérité doctrinale chrétienne, celle des mystères du salut et de l’action transformante et pascale, dans le cœur de chaque croyant participant aux assemblées liturgiques.
† André LOSSKY,
prêtre de paroisse et professeur de Théologie liturgique
à l’Institut de Théologie orthodoxe Saint-Serge de Paris,
chargé de l’organisation des Semaines liturgiques annuelles
et responsable de l’édition de leurs Actes.
Présentation
L’objet premier de cet ouvrage est de faire connaître à un large public la richesse théologique et spirituelle de la liturgie des grandes fêtes byzantines. Les hymnographes, qu’ils viennent du milieu de Jérusalem ou de Constantinople, chantent les récits bibliques par leurs poèmes liturgiques et les font revivre dans le cœur des fidèles. On s’est efforcé de rechercher les sources de ces célébrations des mystères du salut dans leur contexte historique et de signaler les vestiges archéologiques qu’elles ont laissés.
« Le rite byzantin, affirme R. Taft, est une symbiose fascinante : le rite de Constantinople a été monastifié
via Jérusalem et le rite de Palestine est devenu byzantin ». Dans cet échange liturgique qui aboutit à une byzantinisation du rite hagiopolite, de nombreux facteurs ont joué un rôle, parmi lesquels l’importance du monastère de Saint-Sabas près de Jérusalem et de celui de Stoudios à Constantinople, mais aussi l’incidence des controverses théologiques, surtout de l’iconoclasme, et finalement la destruction de l’Anastasis à Jérusalem en 1009. Il reste que les offices des fêtes majeures portent jusqu’aujourd’hui la marque de la liturgie ancienne de la Ville sainte. La description de la liturgie de Jérusalem au seuil du Ve siècle, donnée en première partie de l’ouvrage, manifeste que l’office actuel des grandes fêtes se situe avant tout dans la tradition hiérosolymitaine.
Les présentes études concernent Pâques et les douze grandes fêtes, célébrées le long de l’année, de janvier à décembre, à savoir : 6 janvier, les saintes Théophanies ; 2 février, Rencontre de notre Seigneur Jésus-Christ ; 25 mars, Annonciation ; Dimanche des Palmes ; Pâques ; Ascension ; Pentecôte ; 6 août, Transfiguration ; 15 août, Dormition de la Vierge Marie ; 8 septembre, Nativité de Marie ; 14 septembre, Exaltation de la Sainte Croix ; 21 novembre, Entrée de la Vierge Marie au temple ; 25 décembre, Nativité de Jésus-Christ. Cependant, les fêtes ne sont pas présentées dans cet ordre chronologique, mais selon un ordre théologique : mystères de l’Incarnation, de la Rédemption et de l’Église. Les fêtes de la Rencontre et de l’Annonciation figurent parmi celles de l’Incarnation. Certes, elles sont perçues comme fêtes mariales. On dirait que le Christ liturgique met sa mère en avant et se retire derrière elle, signe de l’immense condescendance et humilité de Dieu. Les auteurs orthodoxes hésitent à trancher.
La célébration pascale, mystère de la Rédemption, est suivie pas à pas à travers la Grande Semaine et celle du Renouveau, depuis le Samedi de Lazare, le dimanche des Palmes, l’Attente de l’Époux, le Grand Jeudi, l’Office des saintes Souffrances, la Veillée des Myrophores, la Vigile pascale, Pâques et la Semaine du Renouveau et jusqu’au dimanche de Thomas. La foi pascale est nourrie durant toute l’année tous les dimanches, comme le révèle l’étude sur la vigile dominicale, même en carême : on en sort le vendredi soir pour y rentrer le dimanche soir. Les fêtes de l’Ascension, de la Pentecôte et de la Transfiguration complètent la célébration du mystère de la Rédemption.
On trouvera le récit du lavement des pieds à Jérusalem aujourd’hui et la description et l’histoire de la cérémonie unique au monde de la « Lumière de Pâques ». Ils sont le fruit de dix-huit années bienheureuses vécues à Jérusalem, de 1979 à 1997, et je voudrais le partager avec les lecteurs.
L’Église est envisagée sous la notion-clé de la « Dédicace », Renouveau continuel du mystère du salut. Il est remarquable de constater que nombre de grandes fêtes sont elles-mêmes des dédicaces d’églises, telles la Transfiguration et l’Exaltation de la Croix, dédicace de l’Anastasis, « Mère des Églises », le 13 septembre 335, comme il est écrit dans sa coupole.
Les trois grandes fêtes mariales, la Nativité de Marie, son Entrée au Temple et sa Dormition, le sont d’une manière éminente. La Vierge Marie, en effet, est le signe, l’icône concrète et vivante de l’Église.
L’étude sur les fêtes des conciles œcuméniques manifeste la structure collégiale et synodale de l’Église dont l’âme est l’Esprit Saint qui continuellement la renouvelle et la vivifie en actualisant les mystères de la foi dans le cœur des fidèles. La liturgie participe à l’infaillibilité de l’Église. L’étude des grandes fêtes révèle un fil conducteur stable, à travers tous les siècles, qui remonte aux origines du culte chrétien et manifeste la permanence de la foi nicéenne et chalcédonienne : l’Orthodoxie.
L’influence de la liturgie de Jérusalem sur d’autres traditions est bien connue, et plus d’un tropaire byzantin est présent dans la liturgie romaine et d’autres traditions liturgiques d’Orient et d’Occident d’aujourd’hui. Nous les signalons au cours de l’ouvrage. Ainsi, à la procession de la fête de la Rencontre, le 2 février, on chante Adorna thalamum tuum Sion, œuvre de Cosmas de Maïouma, jadis chanté en grec et en latin, verset par verset comme l’attestent les antiphonaires du VIIIe siècle. À Rome, à la fin des vêpres de Pâques, on chantait : Pascha hieron hèmôn sèmeron, et l’on buvait une coupe de vin, et le texte ajoute : Sic omnes laeti recedunt, on se sépare joyeux ! Il s’agit des fameux stichères de Pâques que la liturgie byzantine chante aux vêpres et matines durant toute l’octave et aux dimanches du temps pascal et dont voici la première strophe :
La Pâque sacrée est révélée aujourd’hui,
Pâque nouvelle, sainte, Pâque mystique,
Pâque vénérable, Pâque le Christ Sauveur,
Pâque immaculée, grande Pâque, Pâque des fidèles,
Pâque nous ouvrant les portes du paradis,
Pâque qui sanctifie tous les fidèles.
Malgré les disputes liturgiques et rubricales entre Églises, le culte liturgique, « sacrifice de louange », est essentiellement œcuménique. Il garde en lui la conviction de l’Unité des Églises. Le moine de Chevetogne que je suis, ne peut que s’en réjouir et il partage cette joie avec ses frères et sœurs chrétiens d’aujourd’hui en communion avec les générations qui nous précèdent, en communion avec les anges et les saints à la gloire de la Toute-Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit.
En appendice, un lexique des termes liturgiques.
Abréviations
AB : Analecta Bollandiana, Bruxelles
AC : Antike und Christentum, Munster
ACO : Acta Conciliorum oecumnicorum
Analecta : A. PAPADOPOUOS-KERAMEOS, Analecta Ierosolymitikes Stachyologias, II, Bruxelles, 1894, ²1963, p. 1-254.
Aubineau : M. AUBINEAU, Les homélies festales d’Hésychius de Jérusalem, I (1978), II (1980)
BBGG : Bolletino della Badia Greca di Grottaferrata, N. S., Grottaferrata
BELS : Bibliotheca Ephemerides Liturgicae, Subsidia, Rome
BM : Benediktinische Monatsschrift, Beuron
Botte : B. Botte, Les origines de la Noël et de l’Épiphanie, Louvain, 1932
Bouvet : Saint Cyrille de Jérusalem, Catéchèses baptismales et mystagogiques, 1962
BZ : Byzantinische Zeitschrift, München
Byz : Byzantion, Louvain
CCist : Collectanea Cisterciensia
CPE : Connaissance des Pères de l’Église, Nouvelle Cité
CSCL : Corpus Scriptorum Christianorum Latinorum, Louvain
CSCO : Corpus Scriptorum Christianorum Orientalium, Louvain
DACL : Dictionnaire d’Archéologie Chrétienne et de Liturgie, Paris
DOP : Dubarton Oaks Papers, Cambridge, Mass.
DOS : Dumbarton Oaks Studies, Cambridge, Mass
DSp : Dictionnaire de Spiritalité, Paris
Égérie : Journal de voyage, éd. P. MARAVAL, (cité selon les paragraphes), SC 296, Paris, 1982.
EL : Ephemerides Litugicae, Rome
EO : Échos d’Orient, Paris
EuA : Erbe und Auftrag, Beuron
JÖB : Jahrbuch für Österreichische Byzantinistik, Wien
LA : Lectionnaire Arménien
LG : Lectionnaire Géorgien
LMD : La Maison Dieu, Paris
LMus : Le Muséon Bruxelles
LO : Lex Orandi, Paris
LWQF : Liturgiewissenschaftliche Quellen und Forschungen, Munster
Mateos : J. MATEOS, Le Typikon de la Grande Église, I et II, (OCA 165, 166), Rome, 162-1963
Mercenier : F. MERCENIER, La prière des Églises de rite byzantin, tome II/1, II/2, Amay, 1939
NRT : Nouvelle Revue Théologique
OC : Oriens Christianus Wiesbaden
OCA : Orientalia Christiana Analecta, Rome
OCP : Orientalia Christiana Periodica
OS : L’Orient Syrien, Paris
PG : Patrologia Graeca, Migne
PL : Patrologia Latina, Migne
PO : Patrologia Orientalis, Paris
POC : Proche Orient Chrétien, Jérusalem
QL : Questions Liturgiques, Louvain
QLP : Questions Liturgiques et Paroissiales, Louvain
RAC : Reallexikon für Antike und Christentum, Leipzig, Stuttgart
RBen : Revue Bénédictine, Maredsous
REArm : Revue des Études Arméniennes, Paris
REB : Revue des Études Byzantines, Paris
Renoux : A. RENOUX, Le Codex arménien Jérusalem 121, PO 35/I, Turnhout 1969 ; PO 36/II, Turnhout 1971, qui situe sa rédaction entre 417 et 439
ROC : Revue de l’Orient Chrétien, Paris
RSR : Revue des Sciences Religieuses, Paris
SC : Sources Chrétiennes, Paris
SpirOr : Spiritualité Orientale, Bellefontaine
ST : Studi e Testi, Vatican
StAns : Studia Anselmiana, Rome
Tarchnischvili : M. TARCHNISCHVILI, Le Grand Lectionnaire de l’Église de Jérusalem (CSCO 188, 189, 204, 205), Louvain, 1959-1960
TGE : cf. Mateos
TRE : Theologische Realenzyklopädie, Berlin, New York
TU : Texte und Untersuchungen, Berlin
VG : Vigiliae Christianae, Leiden
VSpir : Vie Spirituelle, Paris
ZKG : Zeitschrift für Kirchengeschichte
ZKT : Zeitschrift für katholische Theologie
Hymnographes
Les hymnes présentes aujourd’hui dans la liturgie byzantine s’étendent du VIe au Xe siècle. À côté des Anonymes, dont la plupart forment la couche la plus ancienne, apparaît à Constantinople, le genre poétique du Kontakion (Romanos le Mélode) qui sera supplanté par le Canon poétique (André de Crète) et l’école de Jérusalem (Jean Damascène et les Sabaïtes), laquelle a le plus façonné les offices des grandes fêtes. L’hymnographie n’a jamais cessé après le Xe siècle et, lors d’un nouveau saint, des mélodes composent tout un office en son honneur. Les Pères de l’Église n’ont-ils pas été poètes, car peut-on être théologien chrétien sans être également poète ?
Anastase Questor (IXe s.) le Bègue sous Léon le Sage
Anatole (Anatolique) plutôt qu’un personnage, indique la provenance : « de l’Orient » (VIe s.)
André de Crète (~ 660-740)
André Peros l’Aveugle (IXe s.)
Basile Pegoriotes (Xe s.)
Byzantios (Xe s.)
Cosmas (~ 675-740), évêque de Maïouma, condisciple de Jean Damascène
Étienne le Sabaïte (725-797 ou 807), neveu de Jean Damascène
Georges de Nicomédie (IXe s.), ami du patriarche Photius
Germain de Constantinople 635-733 (patriarche 715-730)
Jean d’Arklà = ? Jean Damascène
Jean Damascène (~ 676-749)
Joseph de Thessalonique (762-832), frère de Théodore Studite
Joseph l’Hymnographe (816-886), Sicilien, moine à Constantinople
Kasia de Constantinople (IXe s.)
Léon Magister (824-920) Choirosphaktes
Léon VI le Sage (866-913), empereur (886-913)
Marc d’Otrante, moine sabaïte, évêque d’Otrante sous Léon VI le Sage
Photius (~ 820-entre 891 et 897), patriarche de Constantinople (858-867 et 877-886)
Romanos le Mélode (493 - ~ 556)
Serge l’Hagiorite (IXe s.)
Serge le Confesseur (IXe s.)
Sophrone (~ 550-638), patriarche de Jérusalem
Théodore Graptos (775-841), le Marqué, sabaïte
Théophane Graptos (779-845), le Marqué, son frère, sabaïte, après 843 métropolite de Nicée
PREMIÈRE PARTIE
SOURCES
La liturgie de Jérusalem à l’époque de l’évêque Cyrille
La paix constantinienne au début du IVe siècle a permis à l’Église de Jérusalem, Mère de toutes les Églises, un triple essor rapide : la construction d’édifices religieux somptueux sur les Lieux saints, dont la plupart étaient encore à ciel ouvert, les pèlerinages à ces Lieux saints et le développement d’une liturgie propre à la Ville sainte. Il est significatif que les trois grandes premières basiliques sont construites sur les trois « grottes », trésors du christianisme primitif : sur le tombeau du Christ, l’Anastasis ; sur la grotte de Bethléem, celle de la Nativité ; sur celle de l’enseignement aux apôtres au mont des Oliviers, l’Éléona. La liturgie aura un caractère stationnal et processionnel, et les Lieux saints seront des témoignages, des Martyria ¹. Le tombeau du Christ, dit Eusèbe de Césarée ² « est le vénérable et très saint témoignage de notre salut ». Ils sont des « lieux théologiques » et l’on parlera d’une « théologie des Lieux saints ». Ils proclament par eux-mêmes le Credo. L’Église de Jérusalem aura toujours une conscience vive de tenir la vraie foi, elle qui vit et prie à l’endroit où le Christ a vécu, est mort et est ressuscité. Ses célébrations liturgiques l’expriment jour pour jour au long de toute l’année.
Il nous est possible de suivre leur déploiement, grâce au Journal de voyage, l’Itinerarium, d’Égérie ³, pèlerine des Lieux saints entre 381 et 384, à l’époque de s. Cyrille (312-387) évêque de Jérusalem pendant trente-neuf ans, qui a connu trois exils comme témoin de la foi nicéenne. Cyrille ne manque pas de relever le caractère propre hagiopolite.
Ce lieu illustre te confond, ce bienheureux Golgotha, où justement nous voici rassemblés » (CB 4,10) ⁴ ou bien « ce sanctuaire de la résurrection, où nous nous trouvons » (CB 14, 14) ou encore « ici à Jérusalem, ici dans l’église supérieure des Apôtres (Sion) ⁵. Car nous jouissons nous, des prérogatives en tout domaine. Ici le Christ est descendu des cieux ; ici l’Esprit Saint est descendu des cieux. Nous faisons sur le Golgotha l’exposé sur le Christ et le Golgotha ; il eût été de même tout indiqué que nous fissions dans l’église supérieure l’exposé sur le Saint-Esprit. Mais dès là que celui qui y est descendu jouit de la même gloire que celui qui a été crucifié ici, nous nous autorisons pour dire ici ce qui concerne celui qui est descendu là-haut : car indivise est la piété (CB 16,4).
D’autre part, il convient de tenir compte du Lectionnaire Arménien (LA), traduction du Typikon grec de Jérusalem, qui a dû être faite sous le successeur de Cyrille, Jean II (387-417) et le catholicos Sahag Ier (†428) et qui comble les lacunes de l’Itinerarium, surtout en indiquant les références aux psaumes et aux lectures bibliques, tout en présentant déjà un stade ultérieur à l’époque d’Égérie, dont la rédaction se situe entre 417 et 439 ⁶.
Liturgie quotidienne
Pour comprendre Égérie, il faut avoir devant les yeux le complexe de l’Anastasis qui est la rotonde du tombeau du Christ et le Martyrium, la grande basilique de la Passion et, entre les deux : un atrium à ciel ouvert, l’édicule du Golgotha qu’Égérie appelle Croix, d’où l’expression ad crucem et ante crucem pour l’atrium, avec au sud la chapelle de la Croix (post crucem). Au cours d’une célébration, on se déplaçait d’un lieu à l’autre. Si le service commençait à l’Anastasis, on terminait à la Croix, comme c’est le cas pour le lucernaire et la vigile dominicale. L’eucharistie dominicale se célébrait au Martyrium et s’achevait à l’Anastasis. Golgotha et tombeau, signes visibles de la mort et de la résurrection du Seigneur sont englobés dans une même célébration et marquent l’unité du mystère pascal. Égérie met un grand soin à décrire le cycle quotidien de l’office. Celui-ci comprend la vigile matinale, sexte, none et le lucernaire ⁷. Y participent moines et moniales (monazontes et parthenai). On les appelle aussi aputactitae, les renonçants qui pratiquent l’apotaxis, ou ascites ou encore, à Jérusalem et plus tard à Constantinople, spoudaioi, ceux qui sont zélés pour l’office divin. Ils habitent près de la citadelle et sur le mont Sion, avant que le patriarche Élias, au début du VIe siècle, ne les rassemble près de l’Anastasis, à l’endroit de l’actuel patriarcat grec. La vigile comprend deux parties : 1. la partie psalmodique, qu’accomplissent les moines. « Deux ou trois prêtres avec des diacres » viennent à tour de rôle dire les oraisons. « Les laïcs, hommes et femmes » viennent librement, « ceux qui veulent faire cette vigile matinale » (24,1) ⁸. 2. Quant à l’évêque, il vient avec son clergé « dès qu’il commence à faire clair, alors on commence à dire les hymnes du matin » (24,2). Il s’agit du psaume 62 et des « Laudes », les psaumes 148-150, hérités de l’office synagogal et toujours présents dans presque toutes les Églises. L’évêque vient alors et « entre aussitôt dans la grotte et, derrière les cancels, il dit d’abord une prière pour tous ; il fait aussi mémoire des noms de ceux qu’il veut, puis il bénit les catéchumènes ; ensuite il dit une prière et bénit les fidèles. Après cela, lorsque l’évêque sort de derrière les grilles, tous s’approchent à portée de sa main (pour la baiser) ; il les bénit un à un en sortant et le renvoi a lieu alors qu’il fait jour » (24,2). Il n’y a d’eucharistie que le samedi, en action de grâces pour la création, et le dimanche, mémorial de la résurrection. Sexte et none sont célébrées à l’Anastasis, ainsi qu’à seize heures le lucernaire, qu’Égérie appelle licinicon (lychnikon). Elle est émerveillée par l’allumage de nombreuses lampes :
On allume tous les flambeaux et les cierges, il se fait une immense clarté. Le feu n’est pas apporté du dehors, mais il est tiré de l’intérieur de la grotte, où une lampe brûle jour et nuit, donc derrière les grilles (24,4).
Le symbolisme de la lumière, présent dans la liturgie juive, prend ici toute sa valeur. C’est du tombeau que jaillit la lumière nouvelle, le Christ, lumière sans déclin. Au lucernaire du Samedi saint, au moment où aujourd’hui on chante l’hymne « Lumière joyeuse », cette lumière qui vient « de l’intérieur de la grotte » prendra tout son éclat, dans une cérémonie propre à Jérusalem, à laquelle participent les Arméniens, les Syriens et les Coptes, jadis aussi les Éthiopiens et les Latins, et qui attire des milliers de pèlerins, aujourd’hui autant que jadis : « La Sainte Lumière, to hagion phôs » de Pâques ⁹, est considérée comme un miracle annuel. C’est à cause d’elle que le calife Hākim détruisit en 1009 la basilique du saint Sépulcre et provoqua les croisades. Égérie note que ce n’est qu’après « les psaumes du lucernaire (dont le Ps 140) avec les antiennes » que vient l’évêque qui « s’assied sur un siège élevé » (24,4). Après les hymnes, un diacre chante la litanie et à chaque demande répondent « un grand nombre d’enfants » (pisinni plurimi) par Kyrie eleison ; suivent les prières et le renvoi comme à la vigile. Mais alors, l’évêque et les fidèles vont au Golgotha, où il y a encore deux stations : ante crucem et post crucem. Nous nous trouvons en présence de l’Ordo d’un office cathédral bien structuré, où le rôle des moines et des moniales, ainsi que celui du clergé, (évêque, prêtres et diacres) est précisé, où la participation des fidèles est effective : une liturgie vivante, consciente de l’événement qui s’est passé en ces Lieux saints.
Dimanche
Le dimanche, dit Égérie, « est comme la Pâque ». La vigile commence dans la nuit, « avant le chant des coqs », par des psaumes et des prières, devant l’Anastasis, dont les portes ne s’ouvrent que lorsque « le premier coq a chanté ». Alors l’évêque vient et « pénètre à l’intérieur des grilles ». On lit trois psaumes, chacun suivi d’une oraison. L’évêque encense le tombeau, puis se tient hors des grilles et « lit lui-même le récit de la résurrection du Seigneur. Dès qu’il commence à lire, ce sont de tels cris, de tels gémissements de toute l’assistance, de telles larmes que même le plus insensible peut être ému jusqu’aux larmes de ce que le Seigneur ait tant souffert pour nous » (24,9). Aujourd’hui encore, cet office se célèbre toute l’année, même les dimanches de carême : « l’Office des Myrophores » avec les « évangiles de la Résurrection », onze dans le rite byzantin, quatre dans le rite arménien. Cet office est suivi d’une station à la Croix, où a lieu une brève prière et le renvoi.
C’est alors que les monazontes reprennent leur rôle et poursuivent à l’Anastasis la vigile par le chant des psaumes et des antiennes, et des prêtres disent les prières conclusives, comme lors de la vigile de semaine. « À l’aube, comme c’est dimanche, on se réunit dans l’église majeure, le Martyrium […] et, comme partout ailleurs » (25,1), on célèbre l’eucharistie. La prédication est assumée par plusieurs prêtres, « ceux qui veulent » et en finale par l’évêque : une célébration qui s’étend de l’aube à neuf ou dix heures et qui se termine à l’Anastasis par une prière d’action de grâces et dont les catéchumènes sont absents, car ils avaient été renvoyés du Martyrium après les homélies et les prières d’intercession. Le lucernaire est semblable à celui de la semaine. Égérie a noté que psaumes et antiennes sont « appropriés et bien choisis, de manière à être en rapport avec ce qu’on célèbre » (25,5). Elle ne dit pas quels sont les psaumes, mais pour les fêtes, elle indique les péricopes évangéliques appropriées à l’endroit où se fait la station. Les dimanches n’avaient pas encore de péricopes fixes.
Épiphanie et quarantième jour
Le six janvier, Épiphanie du Seigneur, est la fête de la Nativité du Christ ¹⁰. La célébration comprend trois stations à Bethléem et trois à Jérusalem. Elle commence au « champ des bergers », le cinq à seize heures, où est proclamée l’annonce aux bergers (Lc 2, 8-20) et où sont chantés les psaumes 22 et 79. Puis la procession monte à Bethléem, entre dans la basilique de la Nativité et descend dans la grotte, où est lu l’évangile de la naissance de Jésus (Mt 1, 18-25) et chantés les psaumes 2 et 109. On remonte dans la basilique, où a lieu la vigile qui comprend onze lectures de l’Ancien Testament, dont le Lectionnaire arménien donne les références ; suit la célébration eucharistique. Après son renvoi, la communauté de Jérusalem se sépare de celle de Bethléem et revient lentement, en chantant le psaume 117, à Jérusalem, où l’on arrive à l’Anastasis : « Il fait presque jour » (25,6). Après une brève station, « l’évêque se retire et chacun va se reposer. Mais les moines restent là jusqu’à l’aube et disent des hymnes » (25,7). Vers sept heures a lieu l’eucharistie au Martyrium, dans une basilique rutilante de lumière, parée « d’or, de pierres précieuses et de soie » (25,28), ce qui suscite l’émerveillement d’Égérie et la réprobation de Jérôme. Après le renvoi, « on va avec des hymnes à l’Anastasis, selon l’usage habituel » (25,10). Au lucernaire, on procède comme chaque jour. La fête dure huit jours avec station en différents sanctuaires : le deuxième et troisième jour au Matyrium, le quatrième à l’Éléona, le cinquième au Lazarium, le sixième à Sion, le septième à l’Anastasis et le huitième à la Croix (dans l’atrium ou au Martyrium ?).
À Bethléem, pendant toute cette octave, c’est tous les jours cet éclat, et cette solennité est célébrée par les prêtres, tout le clergé de ce lieu et les moines qui sont rattachés en ce lieu. […]. Quant à l’évêque, il doit toujours célébrer ces jours de fête à Jérusalem (25,12).
Le quarantième jour, le quatorze février ¹¹, « se célèbre ici en très grande pompe. Ce jour là, la réunion a lieu à l’Anastasis » (26) et l’eucharistie au Martyrium. « On y célèbre tout de la manière habituelle avec la plus grande solennité comme à Pâques » (26). Égérie signale le passage de l’évangile du jour, la Présentation de Jésus au temple (Lc 2,22-40), commenté par plusieurs sermons. La fête ne s’appelle pas encore Hypapante, « Rencontre ». Il existe une homélie, attribuée à Cyrille, mais elle est plus tardive ¹². Par contre, nous connaissons celles d’Hésychius de Jérusalem ¹³, remarquable prédicateur du début du Ve siècle.
Carême
Le carême comprend huit semaines, « parce qu’on ne jeûne pas les samedis et les dimanches, sauf un samedi, celui de la veille de Pâques, où l’on est tenu de jeûner ; en dehors de ce jour là, on ne jeûne ici absolument jamais aucun samedi de toute l’année. […] Il reste quarante et un jours, où l’on jeûne » (27,1). C’est encore toujours la coutume des rites byzantin et arménien. Le dimanche se célèbre comme pendant toute l’année et il comprend donc l’office de la Résurrection à l’Anastasis. Ce qui est propre au carême, c’est un office de tierce et l’office des lectures à none les mercredis et les vendredis, célébrés à Sion, « et l’on fait tout ce qu’il est d’usage de faire à la neuvième heure, sauf l’oblation ¹⁴ pour que le peuple soit sans cesse instruit de la Loi, l’évêque et les prêtres prêchent assidûment » (27,6). Le LA ¹⁵ indique deux lectures de l’Ancien Testament, dont il donne les références. Puis, on descend à l’Anastasis pour le lucernaire, plus tardif qu’en temps ordinaire. Le vendredi soir, depuis le lucernaire jusqu’au matin du samedi, on célèbre à 1’Anastasis une longue vigile qui se clôture par l’eucharistie « très tôt, avant le lever du soleil » (27,8). Égérie donne la raison de cette « oblation au moment où le soleil commence sa course. […] C’est pour libérer plus vite du jeûne ceux qu’on appelle ici hebdomadiers, c’est-à-dire qui font des semaines de jeûne, mangent le dimanche […] et ne mangent plus que le samedi matin, aussitôt après avoir communié à l’Anastasis » (27,8-9).
Catéchèse baptismale
Égérie a noté les étapes de la préparation des baptizandi, qui vont recevoir le baptême au cours de la nuit pascale. Elle les nomme ainsi. En grec, ils sont appelés phôtizomenoi, ceux qui vont être illuminés, l’un des noms du baptême étant phôtismos, illumination. La description qu’elle donne correspond dans l’ensemble à la pratique déjà stable au IVe siècle en Orient et en Occident ¹⁶. Les catéchèses baptismales se tiennent au Martyrium le matin après l’office et durent trois heures, de six à neuf heures, après quoi, « on conduit l’évêque de là à l’Anastasis avec des hymnes, puis on fait l’office de tierce » (46,4). La veille de l’entrée en carême, un prêtre recueille les noms de ceux et de celles des catéchumènes qui se présentent pour vouloir être baptisés. Le lendemain, l’évêque procède à une enquête sur les candidats, qui viennent chacun, chacune avec son parrain, sa marraine devant lui : « Si le candidat est irréprochable en tout ce qu’il a demandé aux témoins présents, l’évêque inscrit son nom de sa main » (45,1-4). Les candidats sont d’abord « exorcisés par des clercs » (46,1). Puis ils sont assis en cercle aux pieds de l’évêque. Les fidèles peuvent y assister, mais pas les catéchumènes. « L’évêque instruit de la loi. Il le fait ainsi : partant de la Genèse, il parcourt pendant ces quarante jours toutes les Écritures, dont il explique d’abord le sens littéral, puis il dégage le sens spirituel. On les instruit encore de tout ce qui concerne la résurrection, mais aussi la foi » (46,2). Le LA indique dix-neuf péricopes ¹⁷ avec références. Il est remarquable qu’elles coïncident avec la procatéchèse et les dix-huit catéchèses baptismales de Cyrille ¹⁸. Après cinq semaines, les baptizandi « reçoivent le Symbole », Cyrille dit simplement la Foi, et après sept semaines, lors de la redditio Symboli, ils viennent un à un « rendre le Symbole à l’évêque » (46,5), en le récitant et il leur dit :
Pendant ces sept semaines, on vous a instruits de toute la loi contenue dans les Écritures, vous avez aussi entendu parler de la foi ainsi que de la résurrection de la chair, vous avez entendu également toute l’explication du Symbole, autant du moins qu’il vous a été possible d’en entendre tant que vous êtes encore catéchumènes. D’un mystère plus profond, le baptême lui-même, vous ne pouvez entendre parler tant que vous êtes encore catéchumènes. Pour que vous ne pensiez pas que quoi que ce soit se fasse sans explication, lorsque, au nom de Dieu, vous aurez été baptisés, vous en entendrez parler à l’Anastasis pendant l’octave de Pâques, après qu’on aura fait le renvoi de l’église. Mais parce que vous êtes encore catéchumènes, on ne peut vous parler des mystères divins les plus secrets (46,6) ¹⁹.
Le Notre Père est donné au cours des catéchèses mystagogiques ²⁰. Celles-ci, comme l’annonce Cyrille lui-même, se tiennent à l’Anastasis :
Chaque jour de la Semaine sainte [de Pâques], sans tarder, après la synaxe [du matin], vous entrerez dans le lieu saint de l’Anastasis pour écouter, s’il plaît à Dieu, d’autres catéchèses. On vous y livrera la clé de chacun des rites accomplis, et on vous fournira les explications, tirées de l’Ancien comme du Nouveau Testaments, d’abord sur ce qui est arrivé aussitôt avant le baptême ; puis sur la manière dont le Seigneur vous a purifiés par le bain de l’eau et la vertu de la parole, puis sur la manière dont vous êtes devenus participants du nom sacerdotal de Christ
; comment enfin vous a été donné le sceau de la participation du Saint-Esprit ²¹.
La Grande Semaine
La liturgie de Jérusalem s’efforce de faire participer le peuple croyant à chaque pas du drame qui mène Jésus jusqu’à la croix. La liturgie devient dramaturgie. La Semaine sainte commence le samedi de la septième semaine de carême à Béthanie, où ont lieu deux stations, la première dans une église, « à l’endroit, où Marie, sœur de Lazare, vint à la rencontre du Seigneur » (Jn 11,29). La seconde station se fait au Lazarium, au tombeau de Lazare ²². Égérie décrit l’endroit :
Quand on est arrivé dans le Lazarium, toute la foule afflue, au point que non seulement l’endroit lui-même, mais tous les champs d’alentour sont pleins de monde. […] Les lectures qu’on lit sont appropriées au jour. Avant qu’ait lieu le renvoi, on annonce Pâques, c’est-à-dire que le prêtre monte en un lieu plus élevé et lit le passage qui se trouve dans l’évangile : Comme Jésus était venu à Béthanie six jours avant la Pâque
et la suite. […] Du samedi au jeudi où, la nuit après la Cène, on se saisit du Seigneur, il y a six jours (29,5-6).
On ne lit donc pas la résurrection de Lazare, mais l’onction à Béthanie (Jn 12,1-11) ²³. L’accent est mis sur l’annonce de la Pâque. Cette station deviendra « le samedi de Lazare » et le thème de sa résurrection dominera, comme les homélies d’Hésychius de Jérusalem le confirment ²⁴, même si l’évangile lu est encore celui de l’onction.
D
IMANCHE
DE
L
’E
NTRÉE
DU
C
HRIST
À
J
ÉRUSALEM
Le LA l’appelle « Jour des Palmes ». Après l’office habituel du matin, la célébration commence à treize heures « dans l’église qui est à l’Éléona, sur le mont des Oliviers, là où se trouve la grotte dans laquelle enseignait le Seigneur » (30,3). Cette première station dure jusqu’à quinze heures. Puis, « on monte avec des hymnes à l’Imbomon, l’endroit d’où le Seigneur est monté aux cieux » (31,1), où il n’y avait pas encore d’église. « On s’assied là », psaumes et lectures alternent jusqu’à la proclamation de l’évangile de l’Entrée à Jérusalem vers dix-sept heures au chant du psaume 117 avec le refrain : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ».
Et tous les enfants du pays, jusqu’à ceux qui ne peuvent pas marcher parce qu’ils sont trop jeunes et que leurs parents portent sur leurs épaules, tous tiennent des rameaux, qui de palmier, qui d’olivier ; et ainsi on escorte l’évêque de la manière qu’a été escorté alors le Seigneur. Du sommet de la montagne jusqu’à la ville, puis à travers toute la ville jusqu’à l’Anastasis, tous font le chemin à pied, même les dames, même les notables, et ils escortent l’évêque en disant le répons ; et ainsi lentement, lentement, pour que le peuple ne se fatigue pas, on arrive à l’Anastasis alors que c’est déjà le soir. Lorsqu’on est arrivé, bien qu’il soit tard, on fait le lucernaire, on fait encore une prière à la Croix et on congédie le peuple (31,3-4).
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