De Bethléem à Rome
L’idée d’une telle commémoration a longtemps rebuté les pères de l’Église, tel Origène (ca 185-253), qui considère les anniversaires comme une coutume païenne. De plus, les Evangiles ne mentionnent aucune date pour la naissance du Christ. Celle du 25 décembre est envisagée dès le IVe siècle, concurremment aux 6 janvier, 19 avril et 28 mars. Or, sous l’Empire Romain, l’arrivée du solstice d’hiver est célébrée avec faste durant une pleine semaine de réjouissances, avec cérémonies, festins et échanges d’étrennes. Saturnales et Sigillaires se succèdent jusqu’au Dies Natalis Solis Invicti, « le jour de la naissance du Soleil Invaincu », le 25 décembre. La christianisation de ces fêtes est d’autant plus aisée que, dans l’Evangile de Jean (3:30), le prophète Jean-Baptiste proclame: « Il faut que lui [Jésus] grandisse et que moi [Jean-Baptiste] je décroisse. » La fête du Saint précurseur se voit donc placée au solstice d’été (voyant décroître les jours), et celle du Rédempteur à celui d’hiver (les voyant grandir). Finalement, en 525, le pape Jean Ier, se fondant sur le Comput pascal de Denys le Petit, institue le nouveau calendrier chrétien. Il fixe l’an 1 à la naissance présumée du Christ et entérine la substitution de Jésus au Soleil pour le Dies Natalis, terme que l’ancien français déformera en « Nau », « Naulet » puis « Noël ».
Du chœur des cathédrales à leur parvis
Au IXe siècle, l’unification et la codification de la liturgie grégorienne consacre l’établissement d’un répertoire de chants associés à la Nativité. Les trois messes (celles de Minuit, de l’Aurore et du jour) et les deux offices de vêpres (de la veille et du soir) vont abonder en pièces fameuses, à la postérité glorieuse¹.
Tirée de la messe du jour, l’antienne d’introït va engendrer de très nombreuses mises en polyphonie, de Roland de Lassus (1574) à Théodore Dubois (1914). En 2016, le Tessinois Ivo Antognini en livre encore une adaptation chorale inspirée (à découvrir sur YouTube). Le répons-graduel va donner naissance, au tournant du XIIe siècle, à deux grands chefs-d’œuvre de l’école parisienne de Notre-Dame: les jubilatoires de Maître Léonin (à deux voix) puis de son successeur, Maître
