Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Le berceau de Zachary: Recueil de nouvelles
Le berceau de Zachary: Recueil de nouvelles
Le berceau de Zachary: Recueil de nouvelles
Livre électronique452 pages5 heures

Le berceau de Zachary: Recueil de nouvelles

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Voyagez dans une fresque futuriste qui traverse les siècles avec ces 13 nouvelles !

Au travers de 13 récits qui s'étalent sur des millénaires, Christian Aubin nous conte la folie des hommes dans cette fresque futuriste mêlant religion, guerres et envies de pouvoir, qui vont sceller l'avenir de l'humanité. Un récit qui nous montre une possible facette de notre planète, grâce à ce récit qui prend principalement racine dans la cité médiévale de Chartres, entre le 21e et le 40e siècle.

Religions, guerres, pouvoirs, ces nouvelles de science-fiction vous plongeront dans le possible avenir de notre planète et de l'humanité, entre le 21e et le 40e siècle.

EXTRAIT

Le petit homme, devant moi, me fixa quelques secondes. Nous étions très différents, lui et moi. Li portait des lunettes aux verres si épais qu’il devait pouvoir distinguer le futur avec, alors que mon truc à moi, c’était le passé, et pour ça, j’avais toujours mon galure de privé.
— Vous êtes d’origine américaine, n’est-ce pas ?
— En effet. Ma famille a fui le bloc en 2176. Elle s’est fixée en Angleterre.
Li acquiesça.
— La mienne est arrivée en France en 2181 avec presque un million d’autres réfugiés. Ils sont restés parqués pendant deux ans dans les camps de la Croix Rouge avant d’avoir un logement décent. Mon ancêtre, Wang Li, a crée notre structure en 2183. Il travaillait dans l’ingénierie astronautique, avant la guerre. Aujourd’hui, je suis à la tête d’une entreprise de plus de sept cent mille employés. Nous avons participé à la préparation du voyage de l’équipage du Solar Explorer sur Mars et avec Adaycorp, nous nous occupons d’approvisionner en matériel la colonie martienne du camp 01 depuis 2221. Comme vous pouvez le constater, on peut dire que tout va bien.
— En effet. Vous avez donc un problème d’ordre plus... personnel... ?
Encore une histoire de fesses... Comme d’hab’.
— En fait, il s’agit de mon fils.
— Il a fait une grosse bêtise ? Il a trompé sa femme, peut—être ?
— Non, il ne s’agit pas de cela, monsieur Parkinson.
— Quoi alors ?
— Il a perdu la mémoire.
Je levai les sourcils.
— Pardon, mais ce n’est pas mon rayon. C’est un réducteur de têtes qu’il vous faut, pas un détective.
LangueFrançais
ÉditeurOtherlands
Date de sortie22 juil. 2019
ISBN9782797301270
Le berceau de Zachary: Recueil de nouvelles

Auteurs associés

Lié à Le berceau de Zachary

Livres électroniques liés

Science-fiction pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Le berceau de Zachary

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Le berceau de Zachary - Christian Aubin

    Les nouvelles restent la propriété de Otherlands, et de leurs auteurs respectifs. Tous les textes sont inédits, sauf mention contraire.

    Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2è et 3è a, d’une part, que les « copies ou reproduction strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4).

    Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon, sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Première partie

    Les trusts

    Prologue

    7 octobre 2022 : Le « Big One ». Los Angeles se sépare du continent. Abandonnée, la ville est surnommée « l’île de poussière ». La catastrophe marque le début d’une crise économique majeure pour les USA.

    2010 – 2100 : La Chine adopte une politique expansionniste. En association avec la Corée du Nord, elle lance ses armées sur Taïwan et les pays limitrophes. En 2050, sous la pression du conseil de sécurité de l’ONU, les Chinois acceptent le cessez-le-feu. Le Pays du Milieu se démocratise avec les premières élections libres du 1er janvier 2055. L’expansion, désormais pacifique, continue et le Japon s’associe à la Chine sur la base du traité de l’Est (Kyoto – 8 février 2061). Le bloc Asia, démocratique, est créé. Le communisme disparaît. C’est une victoire diplomatique majeure pour l’Organisation des Nations Unies.

    18 novembre 2075 : L’US Air Force prend le contrôle de la NASA.

    23 janvier 2100 : Surpopulation. Partage et exploitation des ressources pétrolières du pôle Nord. L’économie du Moyen-Orient s’effondre et doit trouver les moyens de se reconvertir (notamment en paradis fiscaux – Cf. Dubaï). Appauvris par la catastrophe de 2050 et par la concurrence croissante des pays en voie de développement, les USA retardent le recyclage de leur économie dans les énergies renouvelables et se tournent vers les ressources du pôle nord et des pays de l’Est. Retour de l’homme sur la Lune. Première base scientifique permanente. Premier centre de traitement des déchets nucléaires militaires lunaires.

    14 novembre 2122 : Le gouverneur Mac Allistair, conservateur fondamentaliste, est élu président des États-Unis d’Amérique. Le pays évolue en état policier. Le clivage entre la population aisée et les pauvres est plus marqué que jamais. Le bloc Asia devient le premier producteur/exportateur mondial en énergies propres (Cf. Électricité, agriculture, 2027—2100), mais les coûts de revient restent élevés.

    1ier janvier 2125 : Les USA et le Canada cosignent le traité de l’Union Continentale Américaine pour faire contrepoint à la puissance économique de l’Europe des Nations. De violentes manifestations d’altermondialistes éclatent dans les villes de NewYork, Washington, Cleveland et Dallas. Elles sont réprimées dans le sang. Les Chinois, indignés, interrompent leurs échanges avec les USA. Le Mexique et le Chili rejoignent l’Union en octobre 2131. Le Brésil fait de même le 7 décembre 2141. Le bloc Amerika est né.

    15 février 2152 : Assassinat du président Olson. Le président Lee devient le septième président du bloc Amerika. Il sera réélu en 2154, puis en 2158, grâce à un amendement à la nouvelle constitution. Les Américains, critiqués pour leur politique intérieure, accusent le bloc Asia d’être responsable de leurs problèmes économiques. La tension devient si forte qu’en 2153, un rideau de fer s’installe entre les deux pays.

    20 juin 2159 : La Russie décide de quitter l’Europe des Nations pour rejoindre le bloc Asia. Démission du président européen Robert Manuel Munõz. Le bloc Amerika refuse l’attachement du président Hippolyte Vostok au régime démocratique asiatique. Il craint que la nouvelle hyperpuissance économique ne phagocyte les échanges mondiaux en prenant le contrôle des dernières réserves pétrolifères des territoires du Nord et de l’Est. Lee lance un ultimatum au président asiatique Tsé-Tung : un traité sur le partage équitable des ressources rares doit être signé.

    Les Européens, furieux du départ de la Russie, privilégient toutefois la voie de la diplomatie. Les Asiatiques et les Russes acceptent l’ouverture de négociations. L’Europe des Nations exige sa participation aux discussions. Ses diplomates font tout pour faire échouer la création du traité et retarder l’entrée de la Russie dans le bloc extrême—oriental. Les tractations n’aboutissent pas et le président Vostok se fait hésitant.

    03 mai 2160 : La CIA assassine le président Vostok, grâce à la complicité de militaires russes et géorgiens.

    Les preuves désignent un groupe d’islamistes indonésiens, manipulés par le pouvoir du bloc Asia pour répondre aux ambiguïtés de Vostok. Son successeur, Vladimir Toutansk, annonce que les pourparlers sont compromis. Le gouvernement extrême-oriental nie toute responsabilité dans l’affaire, et par prudence, poste son armée le long de la ligne Heilong Jiang. Les Américains, avec l’accord du gouvernement russe, déploient plusieurs divisions venues d’Alaska le long du fleuve Amour pour compléter les forces militaires locales. Lee veut mettre la pression sur le président Tsé-Tung tout en développant ses relations avec Toutansk. Le 3 août, les services secrets asiatiques découvrent la vérité sur le complot et en informent le gouvernement russe. La guerre est déclarée. Le président Tsé-Tung, avec l’aide de la Russie, balaie les positions américaines à la frontière en seulement cinq jours. Des sous—marins SNLE furtifs chinois de classe Shark sont envoyés près des côtes américaines.

    C’est l’escalade.

    Les Américains envoient leurs premières salves nucléaires dans le courant de la nuit du 9 septembre 2160. Les missiles, des MIRV stratégiques furtifs GWB Pacemaker III, anéantissent Moscou, Bombay, Hanoï, Pékin, Tokyo et Hiroshima. En retour, une série d’ogives de dix à soixante mégatonnes, portées par des MSBS MIR-45 à têtes multiples, vitrifient Washington, Minneapolis, San Francisco et Seattle en moins d’une demi-heure. Les présidents Tsé-Tung et Lee, ainsi que deux cent cinquante-neuf millions de citoyens des deux blocs confondus, sont tués sur le coup. Un hiver atomique recouvre le tiers de la surface terrestre.

    Il durera trois ans.

    Janvier/avril 2161 : Les armées extrême-orientales débarquent sur les plages américaines. Deux ans plus tard, la faction « Asia » parachute les premières générations de drones biobots sur le sol américain.

    13 janvier 2178 : Dernière bataille du conflit. Le pont de Némur est sauvegardé : treize millions de réfugiés quittent New-York City pour fuir vers l’Europe. Ils sont parqués dans des camps de fortune.

    Au total, près de deux milliards et demi de survivants trouvent asile en Europe, en Afrique et en Australie. Les territoires touchés par la guerre, désormais irradiés, sont abandonnés. L’économie mondiale est anéantie et une partie des réserves énergétiques de la planète est inaccessible.

    Tout est à refaire.

    2200 : Le superbabyboom. La croissance de la population est à son comble. La terre s’anglicise. Sur le territoire américain, on constate l’apparition des premiers mutants. On appellera ces lieux les « terres maudites » et les « plaines mortes ».

    2203 : Second retour de l’homme sur la Lune. Réouverture des neuf colonies scientifiques.

    3 novembre 2221 : Financée par des sociétés commerciales, l’exploration spatiale reprend de plus belle. La Commandante Paquita Horato, au cours de la mission du « Solar Explorer », fait son premier pas sur Mars. La future capitale de la planète portera son nom. Les premiers grands conglomérats font leurs apparitions.

    12 janvier – 24 novembre 2253 : Concile* de Vatican IV. Apparition du Christianisme réunifié : le pape Jean XXVII réunit l’ensemble des croyances chrétiennes en une seule religion, soumise à la hiérarchie catholique.

    C’est « l’Antéschisme ».

    Réinitialisé

    En 2195, l’Europe des Nations décide d’adopter une nouvelle constitution et prend le nom d’Europe mondiale. Elle assume ainsi la suprématie sur les pays qui n’ont plus les moyens de subvenir à leurs besoins.

    En 2203, Londres est choisie comme capitale suprême. Pendant et après la guerre, plus de deux milliards de survivants des deux blocs migrent en Europe, en Afrique et en Australie. [...] Assez vite, faute de crédits suffisants, les rescapés doivent se débrouiller par eux-mêmes.

    William Thuring, ancien ingénieur de Microsoft et survivant du pont de Némur, en est le premier grand exemple : il crée DeepShell Planet en 2180. Sa société, fondée à Londres, met au point les puces bioélectroniques (bioprocesseurs) à base d’ADN, les nanoprocesseurs optiques et les premières IA limitées.

    Un siècle plus tard, en 2294, Daniel Thuring développe les premiers serveurs quantiques et lance le réseau public SSN (Solar System Network. Très vite surnommé le « SeaNet ») sur le marché des télécommunications.

    Le nouveau réseau d’information libre, fonctionnant par l’intermédiaire de plates-formes holographiques et de terminaux dématérialisés, bénéficie de la première technologie THD/THD (Très Haut Débit/Très Haute Définition) permet alors le transfert instantané des données sur des distances dites « cosmiques » et remplace aussitôt l’ancien Web, devenu depuis longtemps obsolète. DeepShell, à la pointe de la veille technologique, prend le relais des sociétés d’avantguerre pour le hardware et le software.[...]

    Alors que la Terre manque cruellement de place, de travail et de marchés exploitables, les radiations ambiantes provoquent sur la durée un nombre incalculable de morts. [...]. Susceptible de réguler la crise de l’énergie par l’exploitation d’abondantes ressources naturelles, le colonialisme spatial devient une nécessité pour répondre aux besoins primaires de la société moderne. L’idée d’évacuer les usines polluantes vers les autres planètes du système solaire (logique qui, à terme, poussera les industriels à se délocaliser vers les macroplexes), sera même génératrice d’une nouvelle utopie : le plein-emploi écologique (l’écotravail). [...]

    Le gouvernement, trop pauvre, n’est pas en mesure d’assurer lui-même les investissements massifs nécessaires : il lui faut donc faire appel à des financements privés pour résoudre ses problèmes. Il fait donc le choix d’acheter à crédit les services, produits et technologies à de grandes entreprises spécialisées comme DeepShell ou Adaycorp en échange de quasi-monopoles sur les échanges et l’exploitation des nouveaux mondes. [...]

    Les conglomérats décident alors de développer une économie au cœur de l'écliptique... Une flotte d’une cinquantaine de vaisseaux est reconvertie en supertankers spatiaux au profit de transports exclusifs de fret entre la Terre, la Lune et Mars. [...]

    Extrait : Cours d’histoire économique des EUE, université de New London (4534 AC). Orateur : Professeur Nathan Bell.

    « L'Homme n'est pas civilisé, il est seulement mieux armé »

    William Sébastien Henry (2914-2984) – Philosophe. Le grand livre des citations. Ed. 2991.

    Chartres

    23 août 2311

    J’étais venu à Chartres sur la demande du PDG de Destor SA. Mon bureau se trouvait à Londres mais comme j’étais considéré comme l’un des meilleurs sur le marché, j’étais souvent sollicité dans d’autres bleds. En tant que privé, je faisais surtout mon beurre dans des histoires de fesses mais il m’était déjà arrivé de travailler pour d’autres grosses boîtes comme Destor. Leurs cadres faisaient appel à moi quand ils avaient besoin de mettre quelqu’un dans la mouise.

    Je m'imaginais donc qu'il en serait de même pour cette affaire.

    Mais je me trompais.

    Le siège social de la société se trouvait dans le centre, à un kilomètre de la cathédrale, en direction de l’ancien Luisant dont les quartiers avaient été absorbés par la cité médiévale vers 2140. Le panneau d’entrée de ville était d’ailleurs toujours là. Quelqu’un avait bombé « ci-gît » juste au-dessus du nom de l’agglomération. Je trouvai ça très drôle.

    Je levai le nez vers le sommet de l'immeuble vitré. Le ciel était gris sombre. Je priai pour qu’il ne pleuve pas : la guerre avait rendu la pluie encore plus radioactive que l’air ambiant. La « Colonial Raising Sun » – la « CRS »– principal concurrent de Destor en tant qu’équipementier, vendait des tenues destinées à nous protéger, mais cela ne nous empêchait pas de pondre des mômes à trois têtes.

    J’entrai dans le hall de l’immeuble, chapeau mou vissé sur la tête et imper au plomb sur les épaules. Je vis un groupe d’Asias assis près du bureau à l’accueil. Ils discutaient ensemble. À fond dans le taf, les mecs, pensai-je.

    — Bonjour, messieurs, les saluai-je en souriant, les dents dehors. « J’ai rendez-vous avec votre PDG, Monsieur Zhang Li ! »

    L’un des types de la sécurité sortit son derche du fauteuil et m'adressa la parole.

    — Qui dois-je annoncer ?

    — Willis Parkinson.

    — Comme la maladie ?

    — Ouais, c’est ça. Comme la maladie, grommelai-je, blasé.

    Il me demanda mes papiers. J’obéis sans discuter. Le gardien au rabais y jeta un œil, passant de ma photo à ma trogne, puis de ma trogne à ma photo. Et ensuite, comme si ce n’était pas suffisant, il me fouilla l’entrejambe.

    Je ne réagis pas.

    J’avais l’habitude : les vigiles étaient de grands sentimentaux. De toute façon, j’étais vierge : je ne portai jamais d’arme quand je me rendais chez un client. Cela donnait une mauvaise image du boulot.

    Le type passa un coup de fil. Je le vis acquiescer, genre discret, puis il me fit un signe de tête : j’étais bon pour monter au dernier étage, celui des grands chefs. On m’accompagna jusqu’en haut, coincé entre deux rugbymen dopés à la testostérone.

    Je me retrouvai dans un bureau de deux cents mètres carrés. Mon client, un foutu nain, était caché au milieu, derrière un petit jardinet surmonté d’un pavillon bas au toit recourbé en encorbellement. Il semblait concentré sur une sorte de petite fontaine remplie de nénuphars et bordée d’une petite balustrade crénelée de lions sculptés dans le bois.

    — Monsieur Parkinson ? Veuillez entrer, je vous prie.

    Je retirai mon chapeau et me rapprochai de la voix. Le PDG m’apparut, assis derrière son bureau. Je lui serrai la main.

    — Monsieur Li... Enchanté.

    — Asseyez-vous, je vous prie.

    J’obéis sans discuter.

    Le petit homme, devant moi, me fixa quelques secondes. Nous étions très différents, lui et moi. Li portait des lunettes aux verres si épais qu’il devait pouvoir distinguer le futur avec, alors que mon truc à moi, c’était le passé, et pour ça, j’avais toujours mon galure de privé.

    — Vous êtes d’origine américaine, n’est-ce pas ?

    — En effet. Ma famille a fui le bloc en 2176. Elle s’est fixée en Angleterre.

    Li acquiesça.

    — La mienne est arrivée en France en 2181 avec presque un million d’autres réfugiés. Ils sont restés parqués pendant deux ans dans les camps de la Croix Rouge avant d’avoir un logement décent. Mon ancêtre, Wang Li, a crée notre structure en 2183. Il travaillait dans l’ingénierie astronautique, avant la guerre. Aujourd’hui, je suis à la tête d’une entreprise de plus de sept cent mille employés. Nous avons participé à la préparation du voyage de l’équipage du Solar Explorer sur Mars et avec Adaycorp, nous nous occupons d’approvisionner en matériel la colonie martienne du camp 01 depuis 2221. Comme vous pouvez le constater, on peut dire que tout va bien.

    — En effet. Vous avez donc un problème d’ordre plus... personnel... ?

    Encore une histoire de fesses... Comme d’hab’.

    — En fait, il s’agit de mon fils.

    — Il a fait une grosse bêtise ? Il a trompé sa femme, peut—être ?

    — Non, il ne s’agit pas de cela, monsieur Parkinson.

    — Quoi alors ?

    — Il a perdu la mémoire.

    Je levai les sourcils.

    — Pardon, mais ce n’est pas mon rayon. C’est un réducteur de têtes qu’il vous faut, pas un détective.

    — Je suis déjà passé par tous les médecins possibles et imaginables. Aucun ne comprend ce qui s’est passé. Mon fils, Peter, n’a pas simplement perdu la mémoire : c’est comme s’il n’en avait jamais eue. Or il effectuait une enquête interne sur ma demande au sujet de diverses manipulations financières de haut niveau. Des problèmes comptables qui ont permis à certains concurrents de se lancer dans des attaques boursières contre Destor SA. Il travaillait encore sur cette histoire, il y a trois mois, quand il a disparu. On l’a retrouvé dans un état catatonique, sur une route près de Chartres. Il ne peut plus ni marcher ni parler. D’après les psychologues, il n’a rien perdu de ses facultés d’apprentissage et dans quelques années il sera de nouveau plus ou moins lui-même mais en attendant, il n’est plus qu’une enveloppe vide avec le niveau intellectuel d’un simple enfant en bas âge. Je...

    Le puissant PDG de Destor, pas loin de fondre en larmes, s’étrangla devant moi.

    — Vous avez des enfants, monsieur Parkinson ?

    — Non. Me fixer ne m’intéresse pas. J’ai mieux à m’occuper qu’à changer des chiards.

    — Vous ratez quelque chose, croyez-moi. La famille est une motivation plus saine que l’argent.

    Je n’étais pas là pour parler de ma vie privée. Je décidai de revenir sur notre affaire.

    — Vous avez fait appel aux flics ?

    — Oui, mais ils ne sont pas fiables et ils sont faciles à corrompre. Ils n’ont d’ailleurs rien trouvé. Or je sais d’après votre réputation que vous êtes intègre et, de surcroît, vous êtes discret. C’est pourquoi je fais appel à vous.

    — Tout pour le client. Telle est ma devise. En contrepartie mes tarifs ne sont pas donnés.

    — Je le comprends très bien. J’accepte vos conditions.

    J’acquiesçai.

    — Parfait. Ma secrétaire vous enverra mes tarifs. Je ne voudrais qu’une chose pour commencer : voir votre fils. Et j’aimerais que vous me parliez de lui... en cours de route.

    Li saisit le message au bond.

    — Bien entendu. Le plus tôt sera le mieux. Je ne vous demande qu’un instant, je dois prévenir mon assistante.

    Sur la route, Li m’expliqua que la mère de Peter était d’origine française, et qu’elle était décédée. Le fils n’avait jamais connu sa mère. À vingt-cinq ans, il s’était engagé dans l’armée contre l’avis de son père. Il avait participé à une opération militaire à Sarajevo en 2307. Blessé, il avait perdu l’avant-bras droit pendant une intervention. On lui en avait aussitôt greffé un autre. À vingt-neuf ans, il était licencié en droit et possédait un Master en commerce européen. Il parlait couramment quatre langues, le mandarin compris.

    — Ça n’a pas dû vous plaire, n’est ce pas ?

    — Quoi ? demanda le PDG à mes côtés, tandis que l’ordinateur de bord pilotait la voiture sur le tracé satellite.

    — Son engagement.

    — Effectivement, ça ne m’a pas plu. C’est mon fils unique, je comptais sur lui pour prendre ma succession. Heureusement, après Sarajevo, il n’a plus voulu poursuivre sa carrière militaire et nous l’avons pris dans la société.

    Peter Li se fiança en 2309 avec Maria Kagera, trente ans. Il l’épousa en juillet 2310.

    — Et avec sa femme ? Comment ça se passe ?

    — Maria est une femme splendide. Et elle est intelligente, ce qui ne gâte rien. C’est elle qui s’occupe de lui. Vous la verrez tout à l’heure.

    — Jamais de dispute ?

    Le PDG resta silencieux.

    — Monsieur Li ?

    — Je suis sûr que Maria n’a rien à voir avec tout ça. Mais...

    — Mais ?

    — Peter s‘était éloigné d’elle ces derniers temps. D'ailleurs il avait changé d'attitude sur de nombreux sujets. Vu ce qui est arrivé à mon fils, j’en suis venu à me poser des questions.

    — Son attitude avait changé dans quel sens ?

    — Je ne saurais pas vraiment le dire... Il s'est mis à se méfier de tout et de n'importe quoi. Quand à Maria, il évitait de parler d'elle, sinon dans des termes... disons... peu élogieux. Et ça a commencé après que je lui ai demandé de mener son enquête.

    Zhang Li sembla soulagé de m’avoir avoué les problèmes de couple de son fils.

    J’avais l’habitude, c’était toujours comme ça.

    — Si je comprends bien, vous voulez que je que mette le nez dans les affaires de votre bru ? C’est bien ça ?

    — Oui.

    — Tout pour le client, marmonnai-je.

    Nous arrivâmes devant la maison. Nous étions à la périphérie de Chartres, dans les beaux quartiers. La baraque faisait deux étages. Devant, il y avait une large piscine couverte et un immense jardin à la Chinoise. Un bel endroit... pas comme mon bureau de Londres. Moi, j'étais un habitué des Little Blocks et des zonards survivants de la guerre des poussières, pas des coins bourges. J'y avais fait mes premiers biz-biz de Schmidtard aux côtés de feu big Dale Porkins, et j'y avais ouvert « Private Parkinson ». J'y finirai sans doute ma vie, à six pieds sous terre, mort d'une volée de plombs, des radiations ou de vieillesse.

    Une femme raide comme un piquet nous accueillit.

    C’était Maria Li.

    J’étais maintenant dans la chambre maritale. L’épouse éplorée me fixait en silence. Je devais admettre qu’elle était très belle. De longs cheveux noirs, des yeux bleu profond comme la Méditerranée... Une allure provocante et un corps de déesse.

    Je me penchai sur la victime. Peter était assis sur son lit et regardait le plafond en se bavant dessus. Je claquai des doigts sous son nez puis passai la main devant ses yeux. Pas de réaction.

    Je conclus à voix haute :

    — J’ai jamais vu de mort aussi vivant.

    La femme, outrée, s’exclama :

    — Vous parlez de mon mari ! Ayez un peu de respect !

    — Je vous prie de m’excuser. Vous parlait-il de son travail ?

    — Non.

    — Vous saviez quand même qu’il menait une enquête interne à la société ?

    — Non.

    — Je vois. Avait-il des ennemis ?

    — Non.

    Je soupirai, ennuyé.

    — Je veux bien un « oui » de temps en temps, histoire de faire avancer les choses.

    — Je ne sais pas s’il avait des ennemis, monsieur Parkinson. C’est le fils du PDG de l’un des plus grands groupes équipementiers du monde, alors j’imagine qu’il devait en avoir. Mon mari est jeune mais il avait la dent dure en business.

    — Bon. Avait-il un autre endroit où se rendre, pendant les deux mois de sa disparition ?

    — Nous possédons vingt—trois propriétés réparties en Europe. Nous avons vérifié, il n’est allé dans aucune d’entre elles. Nous avons fouillé partout où un homme peut disparaître. Nous n’avons jamais rien trouvé. Son passeport indique qu’il n’est pas sorti du continent.

    Je tournai en rond, histoire de zieuter un peu de quelle façon le couple vivait. Tout était impeccable. Rien ne dépassait d’un centimètre, pas même une chaussette. Ils avaient ce qu’il fallait en personnel dans la maison pour que tout soit toujours nickel.

    J’ouvris une commode, au pif. J’y découvris les petites culottes de madame. Une belle variété de style et de genre.

    J’en reniflai une, le grand sourire aux lèvres...

    Li m’avait demandé de mettre le nez dans ses affaires...

    Et le client est roi, n’est-ce pas ?

    — Très impressionnant, commentai-je.

    La Maria, rouge de colère, prit un air offusqué :

    — Ce n’est pas là—dedans que vous trouverez des indices !

    Je connaissais assez les femmes pour savoir que ce n’était pas vrai. Et du reste, pensai-je à part, la vie serait bien plus simple pour tout le monde sans ce petit bout de tissu.

    Il nous gâchait la vue.

    — Vous m’avez l’air bien tendue... Je suis là pour savoir ce qui est arrivé à votre mari, vous savez...

    — Les détectives privés ne m’inspirent pas confiance.

    — Pourquoi ?

    — Ils ne sont bons qu’à déterrer des adultères. Vous avez votre appareil photo, j’espère ?

    J’aperçus quelque chose sur le mur, derrière une table de nuit. Une trace. Je m’approchai. C’était une plaie creusée dans le mur. Je découvris alors des résidus de bois sur le sol. J’en ramassai quelques-uns et les examinai : ils provenaient du bord du petit meuble.

    — Oui. J’ai toujours mon appareil sur moi.

    Je lui désignai mes yeux.

    — Vous êtes aussi drôle que présomptueux, Monsieur Parkinson.

    — Mon métier, c’est de remarquer. Vous ne m’avez pas demandé si j’étais armé... En général, c’est plutôt ce qu’on me demande en premier.

    L’épouse de Li, froide comme l’hiver, s’approcha de moi.

    — Vous l’êtes ?

    — Non. Pas encore. Mais ça ne saurait tarder. Ça vaut mieux quand on bosse sur une histoire de fric.

    Elle me regarda droit dans les yeux.

    Je tins le pari.

    Nous restâmes ainsi pendant peut-être dix secondes. Puis elle céda. Je la félicitai intérieurement : la plupart des gens ne tenaient pas si longtemps.

    — C’est quoi, cette marque ? demandai-je, en désignant le mur.

    Maria haussa les épaules. Elle me répondit qu’elle n’en savait rien. Je ne la crus pas.

    — Vous avez vu ce que vous vouliez voir ?

    — Pour l’instant. Mais je reviendrai avec un appareil photo et une arme, rétorquai-je, sarcastique.

    Nous sortîmes. L’épouse du débile fit bonne figure devant le beau-père. Moi aussi.

    Premières règles dans ce boulot : toujours être bons termes avec les employeurs et ne jamais baisser les yeux devant une femme.

    C’était la nuit. J’avais pris une chambre près de la cathédrale, à l’hôtel Virgo Pariturae, situé dans la petite rue des Changes. C’était une vieille baraque à colombages datant du XIIIème siècle.

    Je crevais de chaud, allongé sur mon matelas de luxe. Il fallait bien reconnaître que mon employeur ne s’était pas fichu de moi : en général, j’avais plutôt droit à un lit miteux dans un motel de dernière catégorie. Étendu sur mon matelas, moite, j’observais le ventilo. Il tournait plein pot. Hypnotisé, j’y regardais les visages de la famille Li, défilant entre ses pals tourbillonnants.

    Le visage en sueur, j’attrapai ma bouteille de Willy Spander, ma marque préférée. J’en bus toute une gorgée au goulot, cash, sur la musique de Louis Armstrong, le premier soliste de jazz de l’Histoire. La musique enregistrée sur ma clé était Muskrat Ramble. C’était ma façon de me souvenir de feu mes ancêtres de la Nouvelle Orléans.

    Mon chapeau mou, lui, m’observait du sommet de son portemanteau. Il ne disait rien. Il n’était pas bavard, ce soir.

    — Rhaaaaaa, fis-je en grimaçant au goût du whisky pur.

    Je me levai et me dirigeai à la fenêtre, ma chemise blanche mouillée de sueur plaquée sur mon dos. L’hôtel était peut-être plutôt classe mais j’avais tout de même droit à la chambre la plus naze de ce côté-ci du paradis : j’étais coincé juste au-dessous de l’enseigne publicitaire holographique. La projection clignotait du rouge au bleu sur mon visage.

    Les rues, en bas, étaient animées. Certains sortaient dépenser leur fric au cinéma virtuel ou au restaurant. D’autres faisaient la manche ou la pute. Parfois les uns rencontraient les autres. C’était au choix.

    Je reçus un appel sur le téléphone portable. Je me le collai dans l’ouïe et défis le micro.

    — C’est...

    Ma secrétaire, Éloïse, à Londres. Une belle petite femme. Ex pirate informatique, libérée sur parole, elle était efficace jusqu’au bout des ongles. Mais ça, c’était juste un bonus. On s’entendait bien, elle et moi.

    — Éloïse ?

    — Oui. J’ai reçu vos clichés HD pris avec vos verres de contacts. Intéressant. Je les ai soumis au laboratoire informatique et devinez quoi...

    — Un choc récent et très violent ?

    — Oui. L’angle de l’éraflure sur le mur suggère une chute brutale sur le coin opposé, ce qui a forcé le bois dans le mur en un angle de quarante-cinq degrés vers le haut et vers l’intérieur. L’origine pourrait être un choc d’un poids d’environ cinq à sept kilos sur la table de nuit.

    — Pas assez pour un corps.

    — Assez pour une tête, remarqua ma jolie secrétaire. La spectrophotométrie révèle des traces de sang nettoyé à la va—vite après leur émission. Et le choc, selon de l’angle observé, a sans doute été porté sur le coin du meuble. Possible que quelqu’un soit tombé dessus et qu’il en soit mort...

    Bonne remarque, pensai-je.

    Encore une fois, ma chère et tendre secrétaire, « Hello » comme je l’appelais avec affection, avait mis le doigt sur un détail intéressant. Mais ça, c’était loin, mais alors très loin d’être une preuve de quoi que ce soit. N’importe quoi pouvait être tombé sur ce fichu meuble.

    — Et pour les comptes de madame ?

    — Rien d’intéressant. Elle est dépensière, mais elle n’a pas besoin d’argent. Ça n’a rien d’étonnant : elle est mariée à l’héritier de Destor SA.

    — Non, en effet. Dites-moi, elle faisait quoi, la Maria, avant d’épouser son baveux ?

    — Elle travaillait dans une banque.

    — Destor ne possède aucune banque.

    — DeepShell Investissement. Une banque d’affaires que dirige Joseph Thuring, le fils cadet du PDG du groupe. Elle s’occupait des comptes de sociétés clientes. Vous croyez qu’elle a quelque chose à voir avec ce qui est arrivé à son mari ?

    —Je ne suis pas payé pour croire, Hello. Juste pour savoir. Au fait, mon chou, vous m’avez promis un dîner en tête-à-tête...

    — Allons, Willis... Ce ne serait pas raisonnable.

    Elle raccrocha. Je retirai mon téléphone de l’oreille et le regardai, déçu.

    Les femmes...

    Je décidai de refaire un tour du côté de chez Li. Je pris mon flingue, coincé dans ma valise. Un vieux MAS 317 calibre 9 mm. Le classique du privé. Je le soupesai, puis vérifiai le chargeur. Il était plein d’arguments, tous plus rapides qu’un suspect en fuite. Puis je récupérai mon appareil numérique. Pour ce boulot, les verres de contact n’étaient pas adaptés. J’en avais vu des histoires de fesses à travers mon objectif. Toutes différentes et à chaque fois les mêmes.

    Seconde règle dans ce métier : chercher la femme.

    J’entrai dans ma voiture-pilote, un véhicule que j’avais loué dans la cité. Je tapai l’adresse de Peter et Maria Li. La caisse, guidée par l’IA embarquée, démarra aussitôt. Assis sur le siège avant, je traversai le centre en admirant les lumières chaudes de la ville. Je me dirigeai droit vers les beaux quartiers.

    Et voilà, c’est comme ça que commença la surveillance des Li.

    Grâce à « Hello », qui avait piraté les systèmes de sécurité de la propriété, je pénétrai par effraction dans leur jardin.

    Tous les soirs à la même heure, la belle-fille de mon client sortait sur le balcon de sa chambre, au premier. Elle était toujours vêtue d’une nuisette longue, blanche, du genre à vous narguer. Le vent

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1