QU’EST-CE QU’UNE « VICTOIRE » UKRAINIENNE ? C’est la question qui se pose de façon récurrente à tous les responsables américains, tous les experts, dans tous les débats publics consacrés à l’Ukraine, souvent sur un ton inquisiteur et exigeant, comme s’il s’agissait d’une question à laquelle il serait difficile de répondre. En Ukraine, dans le bureau du président Zelensky, au ministère de la Défense, celui des Affaires étrangères, dans les appartements privés, sur la ligne de front, la question n’est pas du tout perçue ainsi.
La victoire implique tout d’abord que l’Ukraine conserve sa souveraineté sur l’ensemble du territoire situé à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, y compris les terres prises par la Russie depuis 2014 : Donetsk, Louhansk, Melitopol, Marioupol, ainsi que la Crimée. « Chaque centimètre de nos 603 550 kilomètres carrés », précise le ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba. Les Ukrainiens pensent que la cession de facto de plusieurs territoires à la Russie en 2014 a laissé croire à Poutine qu’il pouvait en prendre davantage, et ils ne veulent pas répéter cette erreur. Au lieu de mettre fin au conflit, un cessezle- feu qui laisserait de grandes parties de l’Ukraine sous le contrôle de la Russie pourrait l’inciter à se rassembler, à se réarmer et à réessayer. Ils soulignent également que le territoire contrôlé par Poutine est une scène de crime, un espace où la répression, la terreur et les violations des droits de l’homme frappent tous les jours. Les Ukrainiens qui sont restés dans les territoires occupés risquent en permanence de perdre leurs biens, leur identité et leur vie. Aucun dirigeant ukrainien ne peut abandonner l’idée de les sauver.
« Les dirigeants russes doivent conclure que la guerre était une erreur (…) En d’autres termes, l’élite russe doit opérer un changement interne comparable à celui qui a conduit les Français à mettre fin à leur projet