PRIX GONCOURT 2006 avec Les Bienveillantes, Jonathan Littell a été témoin sur le terrain de toutes les guerres et exactions de Vladimir Poutine, que ce soit en Géorgie, en Tchétchénie, en Syrie ou en Ukraine, comme humanitaire ou écrivain. Depuis le début de la guerre en Ukraine, il appelle, dans une série de tribunes fortes et remarquées, à se montrer intransigeant avec Moscou. Celles-ci sont réunies par la collection Tracts de Gallimard sous le titre De l’agression russe. Entretien.
« Poutine est un homme qui, au xxie siècle, mène une guerre du xxe pour atteindre les objectifs du xixe siècle », écrivez-vous…
Poutine a lancé une guerre territoriale (avec des chars d’assaut, de l’artillerie, la destruction massive de villes…), typique des conflits du xxe siècle. Même les dernières guerres d’invasion américaines, en Irak ou en Afghanistan, étaient complètement différentes, avec des techniques beaucoup plus légères, des armes de haute précision, des forces mobiles. Quant aux objectifs de Poutine, ils renvoient au plus pur nationalisme du xixe siècle, avec l’idée que l’ethnie russe existe, qu’elle doit être unie dans un même pays, que les frontières de la nation et de l’Etat doivent correspondre. C’est aussi une vieille idée française. Mais la Russie étant un empire multinational, c’est beaucoup plus compliqué… Autre idée issue d’une certaine tradition historique russe du xixe, c’est la négation de l’ethnie ukrainienne, qui ne serait qu’un produit dérivé de l’ethnie russe (ce