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L'urbi: Dystopie
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L'urbi: Dystopie
Livre électronique346 pages5 heures

L'urbi: Dystopie

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À propos de ce livre électronique

Un chercheur et une réactionnaire mènent ensemble l'enquête autour de l'étrange disparition de leurs parents respectifs.

Dans une grande cité du futur, impersonnelle, tout est gris. Chacun ou presque agit de la même façon que tout le monde. L’homme n’a plus à se soucier du matériel. Il vit une existence linéaire. Parfois, il disparaît. Deux jeunes gens, que des détails, des idées intriguent, viennent à se rencontrer. Lui est un jeune chercheur prodige, elle une jeune femme réactionnaire. Ils se découvrent un point commun : leurs parents respectifs ont disparu. Ils se posent les questions : « Qu’y a-t-il ailleurs ? Qu’est-ce qu’on nous cache ? ». Ils échangent leurs points de vue, puis leur quotidien sous l’œil bienveillant d’un tenancier d’estaminet et d’une vieille femme ronchonne, acariâtre, mais qui connaît tant de choses. C’est leur épopée que l’on suit en même temps que ce monde étrange dévoile un à un ses secrets, son histoire.

Suivez nos deux personnages dans leur quête obstinée, dans un monde plus qu'inquiétant qui dévoile peu à peu ses mystères... Un roman dystopique haletant !

EXTRAIT

Ils avancèrent ainsi, côte à côte, main dans la main, droits et accablés. Seule leur tête tournait à droite puis à gauche, puis encore à droite, de nouveau à gauche, s’arrêtant en même temps que leur regard sur un aspect encore plus marquant de tout cet anéantissement, et dans un ensemble tel qu’ils ne l’avaient manifesté jusqu’alors.
Ils remarquèrent ainsi sous le manteau de poussière qui leur avait masqué au regard tout d’abord, une table, une chaise, de la vaisselle cassée, des meubles défoncés, des objets de toute sorte dont certains leur étaient inconnus, des jouets d’enfant, des poupées et bien d’autres choses encore. Tout ici signait qu’il y avait eu la vie, l’existence de gens comme eux peut-être, même si la situation des choses leur paraissait parfois inhabituelle. On avait vécu ici, il y avait longtemps et il ne restait que de pauvres indices de cette vie. Le temps avait fait son œuvre, ensevelissant la moindre parcelle d’objet, le moindre morceau de pierre d’une couche égale de poussière grise, uniformité désolante, impersonnalité du néant.
Leurs yeux s’embuèrent doucement jusqu’à fondre le cauchemar dans un brouillard épais mais leur esprit dessinait chaque détail de cette aire cataclysmique.

Ils n’étaient en rien préparés à cela.
S’ils avaient déjà la connaissance de la notion d’avant, contrairement à beaucoup de membres de l’Urbi, cette vision du néant dépassait leur entendement. Les ruines leur semblaient logiques. N’en avaient-ils pas vu tout en haut de la Commune ? Les traces du passé ne leur étaient plus étrangères. Ils avaient échangé sur le sujet. Le temps n’avait plus pour eux cet aspect immobile que l’Urbi s’évertuait à faire paraître en toute chose. Qu’il existât d’autres modes de vie que celui que tous connaissaient n’était pas pour eux une surprise. Leur esprit curieux, imaginatif, leur quête leur avait inculqué la possibilité d’un ailleurs, d’un vivre autrement, même s’ils n’auraient pu dire en quoi il consistait au juste.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né à Paris et plongé tôt dans la lecture, Étienne Renaudon commence à écrire dès l’âge de quatorze/quinze ans, des poèmes surtout. Toujours, il aura dès lors de quoi écrire à portée de main. C’est une fois acquis un statut professionnel qu’il entame son premier roman, L’urbi, qu’il achève à presque trente ans. Infirmier de nuit le plus souvent, ses repos se jalonnent de longues séances d’écriture et il s’essaie un peu à tous les genres. Son premier ouvrage paraît quand il a cinquante-cinq ans, Miou.
LangueFrançais
Date de sortie4 sept. 2019
ISBN9782851137630
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    Aperçu du livre

    L'urbi - Étienne Renaudon

    Étienne Renaudon

    L’Urbi

    Roman

    © Lys Bleu Éditions – Étienne Renaudon

    ISBN : 978-2-85113-763-0

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Ouvrages déjà publiés

    « Miou » éditions « édilivre » 03/12/2013 vendu ~50 exemplaires

    « La porte s’ouvre éditions Baudelaire 19/12/2014

    Toi, mon Père témoignage 2012 Ophildespages 2014 autoédition

    À Matéo et Noa.

    À Emma, Valentine, Timothé...

    Première partie

    L’Urbi

    Parce qu’il savait qu’un jour après lui son esprit mourrait un peu, Joseph depuis quelques années, était préoccupé. Au début ce n’était rien, il y pensait mais comme à propos d’une chose à faire dont on se dit qu’on a bien le temps. En lui gagnait encore sa volonté et sa joie de vivre, effaçant d’un « à quoi bon » toute incertitude. Il n’était pas homme à se laisser aller à la morosité et avait toujours vécu avec beaucoup d’entrain. Il était de ceux qui préfèrent une vie bien pleine en ce monde où la trépidence de tous les instants faisait oublier les raisons profondes de l’existence.

    Il y a, déjà, se disait-il, suffisamment de gens qui coupent les cheveux en quatre à propos de pas grand-chose… Vivons, on verra ce que la vie nous réserve.

    Autour de lui, tout était en apparence, normal, chacun vivait dans un relatif bien être.

    Il y avait bien des récits de personnes les plus âgées, qui dans les réunions de famille ou entre amis, racontaient qu’hier on n’avait pas le confort d’aujourd’hui et qu’eux ils avaient dû économiser pour obtenir ce confort et se priver pour assurer aux enfants une nourriture décente…

    Joseph écoutait d’une oreille distraite ses fables d’une autre époque.

    Les anciens, il faut toujours qu’ils vous donnent des scrupules, l’impression que notre vie en fait, nous leur avons un peu volé.

    Chaque foyer possédait tout le nécessaire minimum pour ne pas se trouver cloué au domicile ; hors du temps de travail à abattre la multitude de tâches ménagères. Outre les réfrigérateurs, machines à laver le linge, la vaisselle, que plusieurs générations connaissaient déjà, il n’était pas rare de trouver maintenant des robots ménagers. Ceux-là étaient des répliques presque parfaites des gens et la technologie avait réussi à les faire silencieux et même discrets ; Quand ils avaient fini la dernière tâche qu’on leur avait programmée, ils allaient d’eux-mêmes se mettre dans l’emplacement, le plus souvent le placard, quand leur propriétaire avait pris soin d’en prévoir un à cet effet.

    Ces robots étaient plus petits qu’un adulte et plus minces surtout. Les créateurs de cette petite merveille l’avaient pensée de cette taille afin qu’on puisse les habiller avec les vêtements des enfants, devenus trop petits pour eux mais dont la résistance était telle que c’était le seul moyen de les user.

    Autant il était devenu banal de les voir travailler, autant ils avaient suscité l’admiration stupéfaite des premiers à les voir et les utiliser. Les premiers articles avaient été étudiés pour remplacer les aspirateurs. Ils progressaient d’eux même à quatre pattes et certaines parties de leurs armatures étaient télescopiques, leur permettant de s’introduire dans les plus petits espaces entre et dessous les meubles afin d’y déloger la plus dissimulée des poussières. L’inventeur les avait munis d’un organisme de beaucoup comparable à celui de l’humain, uniquement simplifié dans son fonctionnement. Ainsi, l’aspiration se faisait par la bouche grâce à la dépression créée par un diaphragme mécanique dilatant un unique poumon. Celui-ci était muni d’un double système de communication, chacun nanti d’un clapet à sens unique et relié à la bouche, l’autre à une outre semblable à un estomac mais plus grand, remplissant tout l’abdomen ou presque ; à sa base un broyeur et un extracteur d’humidité stockaient la poussière dans des conditions optimums. L’appareil ainsi obtenu débarrassait les logements toutes les impuretés, même organiques, et en restituait l’eau extraite dans des réservoirs humidificateurs d’air ambiant ou des réserves d’eau après lui avoir fait subir une filtration mécanique et chimique afin de ne jamais restituer un liquide qui puisse être toxique. Certains disaient que l’on pouvait boire cette eau tant sa pureté était sans reproche, mais très peu le faisaient tant elle manquait de saveur. D’autres en ayant déjà bu disaient que son goût en était fort désagréable.

    Les résidus et impuretés étaient stockés dans l’une des deux vessies que le robot possédait (l’autre recueillant momentanément les liquides). Lorsqu’elle était pleine, le robot allait gratter à la porte d’entrée, signalant ainsi son besoin d’élimination à son propriétaire qui l’emmenait alors au caisson de reconditionnement où chaque résidu était trié pour être stocké et réutilisé dans des usines de reconditionnement et fabrication.

    Cela avait été un progrès considérable dans la tenue du pays. Le gouvernement d’alors avait eu cette idée de reconditionnement et avait passé commande à une kyrielle d’inventeurs. Il avait pu combler, après amortissement, la totalité des dettes d’état, créant ainsi une richesse minière artificielle dont le coût d’exploitation était de dix fois moindres que celui des mines à ciel ouvert et plus encore par rapport aux mines souterraines.

    Mais les inventeurs n’en étaient pas restés là, ils avaient perfectionné leur « Extor » (c’était le nom qu’ils lui avaient donné et que les gens gardaient pour l’appeler, même ceux qui portèrent d’autres marques ensuite). Ainsi par un judicieux esprit de redressement, l’Extor permit aux ménagères de faire leurs courses sans avoir à porter leurs achats. Cette amélioration en avait permis beaucoup d’autres, en outre, celle de repenser les structures commerciales au détail : certains magasins même, interdisaient maintenant leur entrée à toutes personnes humaines, excluant ainsi tout risque de vol.

    Un mini processeur à mémoire avait été placé dans la capsule céphalique de l’Extor. Ainsi, on pouvait lui programmer des listes d’achats qu’il allait quérir dans le magasin sur simple introduction dans la fente d’un œil d’une carte plan magnétique du magasin choisi et le robot allait de rayon en rayon guidé par son autre œil, repérant les allées et gondoles grâce à un marquage code électromagnétique précis installé en tout point du magasin. Par la suite ce fut une cloison du « palais » de la bouche qui servit de caissette à la carte plan et l’œil rendu disponible fut aménagé d’un lecteur de code prix à bande et d’une mini caisse enregistreuse délivrant un ticket facture à la sortie du magasin par une ouverture sus-palpébrale et l’autre œil restituait de la même façon la liste des articles manquants, la caissière informait donc directement les magasiniers des stocks à refaire.

    De recherches en inventions, on avait donc robotisé toutes les tâches astreignantes de la vie ménagère et Extor se chargeait en une démonstration éclatante de plaisir, de toutes les menues tâches confiées par ses propriétaires : il suffisait de le programmer. Cette considérable amélioration avait eu pour désavantage d’obliger les constructeurs à agrandir énormément l’espace cérébral du robot. Cela le rendait difforme tant le cylindre prolongeant sa tête était important et disgracieux. Mais un industriel avait paré à ce manque d’élégance en coiffant ce serviable compagnon ; en effet, presque acculé à la ruine, ce fabriquant modiste renfloua son entreprise en confectionnant de magnifiques hauts-de-forme qui surmontèrent dès lors tous les Extors, leur donnant ainsi une allure de grand serviteur distingué.

    On avait aussi pensé à introduire un système de télé programmation dans la tête d’une canne à pommeau spécifique à chaque robot leur induisant la commande à distance.

    Extor était devenu dans chaque maison le serviteur docile, et était entré peu à peu dans le cadre familial. Il arrivait même que certain le considère de la famille, il ne lui manquait plus que la pensée et pour les moins perfectionnés, la parole ! Quand il possédait cet organe, il servait aussi d’aide-mémoire et de détecteur signifiant d’anomalie. Il annonçait ainsi qu’une plaque de réchaud était restée allumée, certains palliaient eux-mêmes à ces oublis.

    Certains délaissaient volontairement ces aspects du progrès, trouvant inhumain ce semblant de retour à l’esclavage, et donc, inacceptable. Mais tout n’était pas simple pour eux tant la société avait englobé ce nouveau genre. Il était parfois difficile et cher de se procurer ce dont on avait besoin pour la vie de tous les jours. Rares étaient devenus les lieux de vente où l’être humain avait accès directement. De plus, ces réfractaires paraissaient suspects : « C’est pour pouvoir voler » disait-on d’eux ou bien « Ça ne m’étonne pas, untel ne veut rien faire comme tout le monde ».

    Certains utilisaient des robots de location qu’il ne manquait jamais d’y avoir un peu partout, notamment pour les personnes âgées qui très souvent avaient du mal à se faire à cette modernisation galopante.

    Joseph lui n’avait que 25 ans mais il trouvait enfantin le fait de se servir de ce robot. De plus, il était sensible au fait qu’un millionième des habitants avait du mal à se procurer du travail. Certes, il ne représentait que peu de monde sur les 101 millions 350 mille habitants que comptait le l’Urbi. Malgré sa distance envers les récits des plus âgés, il avait retenu, un peu inconsciemment les dires de son grand-père lui parlant de ces années terribles, quand pour gagner sa vie il fallait acheter son travail. Il repensait de temps en temps à cette histoire, comme s’il l’avait lue dans un livre, qu’il avait entendu et qui racontait ce qu’un homme avait fait de sa vie.

    À l’époque il fallait donc acheter son travail ! Seuls les gens très riches pouvaient payer en une seule fois la fameuse patente représentant dix ans de salaire. Pour eux, tout était facile !

    Même s’ils travaillaient mal, et c’était souvent le cas, ce n’était pas inquiétant, ils le gardaient puisqu’ils l’avaient payé. La seule chose qui gênait parfois l’employeur était cette loi qui, un jour, obligea que quiconque ayant payé son travail avait le droit de le tenir 10 ans avant d’être remercié. Mais pour les petites gens, il fallait faire preuve de capacité et d’assiduité. Le contrat qui était le plus souvent retenu était un bail de 30 ans. Ainsi, chacun ne recevait que les deux tiers de son salaire, le reste étant l’échéance due pour pouvoir travailler. Au-delà des trente années, le travail était un bien acquis et il n’était pas rare de voir les gens continuer dix ans de plus pour se faire disaient-ils une retraite. Certains même, pendant ce temps, payaient une part de travail de leurs enfants afin que ceux-ci par la suite puissent leur venir plus facilement en aide si le besoin s’en faisait sentir. Ensuite, les gens vendaient leur travail à un employeur, à l’état ou à une agence de placement quand ce n’était pas à un particulier. Ils récupéraient ainsi leur mise de fonds de travail et d’un seul coup ou petit à petit selon l’acheteur, ajouté à cela la redevance de travail payée par les employeurs, il n’était pas rare de vivre avec la moitié d’un salaire pendant sa retraite ce qui ne faisait qu’une petite baisse de revenu.

    Ce système avait été imaginé par un gouvernement afin de réduire les inégalités face à la vieillesse. Les gens très riches connurent une telle baisse de revenu alors que certains allèrent jusqu’à se suicider, n’ayant jamais appris à compter leurs dépenses, ils ne pouvaient faire face à leur train de vie, s’ennuyaient et la mort devenait pour eux une délivrance.

    L’histoire qu’aimait se rappeler Joseph était celle de cet homme qui, parce qu’il pensait que le bien possédé était nuisible, avait imaginé de l’utiliser pour rendre service aux autres et vivre ainsi en accord avec ses conceptions de la vie. Son père était mort jeune d’une maladie du travail. La loi prévoyait dans ce cas que l’état remboursât à la famille le montant du prix du travail que la dette fût acquittée ou non, où qu’un enfant prenne la suite. L’homme était le seul enfant de la famille et sa mère ne voulait pas travailler. Il prit donc la suite de son père, sa mère à sa charge et réduisait en même temps sa charge de redevance envers l’état. En accord avec sa femme, il eut rapidement suffisamment d’enfants pour ne rien devoir à personne. Ce ne fut pas très astreignant tant les deux femmes avaient la passion des enfants. Rapidement il rencontra une personne dans le besoin et ils conclurent que moyennant une aide aux achats pour vivre, le premier, André, paierait un demi-salaire pour le dû du travail du second. Un troisième homme se présenta bientôt avec les mêmes besoins et il fut conclu à peu près la même chose. André n’avait plus d’argent disponible mais comme il l’avait imaginé les autres pourvoyaient aisément à ses maigres besoins et aux leurs. Il restait même ainsi un reste disponible qui permit d’accueillir d’autres personnes et ainsi, après remise à jour et à niveau des dépenses de chacun ce furent dix familles qui vécurent en économie réduite, André craignit un moment que cela ne fît boule de neige ! Mais ses craintes fondirent rapidement. Un jour il fut convoqué par le super intendant du district. Celui–ci lui fit part de ses inquiétudes quant à l’extension de telles pratiques, et démontra à André le risque encouru pour la nation si chacun s’intéressait à de telles organisations pour les nombreux avantages qu’elles apportaient, notamment du point de vue de l’impôt. Il alla même jusqu’à poser en terme clair l’idée d’introduire en justice l’affaire qui ne manquerait pas de soulever les foules. Il faut dire que la mentalité des gens était à un tel point de soumission, que tout ce qui ne concourrait pas au redressement économique du pays, si ce n’était pas répréhensible par la loi, exposait ses auteurs aux lois dures et sans pitié dont chacun se servait le moment voulu. Le gouvernement s’était vu à ce sujet, refuser la réforme abolissant la peine de mort par la commission de sûreté, pour un oui, pour un non, mais surtout par esprit patriotique, on tuait dans le pays, sans discernement, de la main du premier venu pourvu que l’acte qui le commandait lui semblât contraire aux normes de pensée.

    André prit alors les devants et s’expliqua longuement sur les raisons de ses actes et fit une description très précise de la vie que menait le groupe de familles. Il parla ainsi de la joie des enfants à jouir de la présence de leurs parents qui n’étant plus tentés de sans cesse sortir, avaient réduit à l’indispensable leurs dépenses créaient sur place leurs propres loisirs et y faisaient participer les membres des autres familles. Il dressa un bilan de santé de l’ensemble des membres de cette mini société, prouvant par les faits que les dépenses en soins étaient si infimes qu’ils arrivaient à combler le manque à gagner de l’état. Il en arriva même à dire à ce haut administrateur, qu’à ce jour, l’achat du travail par les employés n’était plus une nécessité, car, si cet état de fait avait connu ses débuts dans un état aux prises avec la crise de l’emploi. Soit plus de 60 % de la population inactive, les lois et usages successifs avaient définitivement écarté, semble-t-il, un retour à un tel état de fait. Devant le risque d’accroissement des différences de revenus, petit à petit, les gouvernements avaient par les lois fait obligation à quiconque pouvant faire travailler un ou plusieurs habitants, de mettre ces emplois à la disposition de ceux qui cherchaient du travail. La vente et l’achat de travail s’étant tellement répandu et sous la forme de crédit si sûr pour chacun que personne n’y trouvait à redire. Le dernier coup d’éclat d’un gouvernement antérieur fut même dans un esprit d’équité très louable d’obliger chaque foyer à avoir un travailleur sous son toit, écartant du même coup l’esprit de mendicité dans lequel la société se vautrait depuis tant de plans quinquennaux.

    André suggéra donc à ce grand fonctionnaire, s’il le pouvait, de faire abolir la notion d’achat de travail, tout en gardant les autres lois d’obligation à ce sujet. Il y eut un grand moment de silence dans le bureau. André pesait l’impact que pouvaient avoir eu ses paroles et évaluait pour lui-même les possibilités que cela pourrait offrir à son groupe et à son extension possible. De son côté, le fonctionnaire se voyait devant le ministre, exposer un plan d’étude pour mener à bien cette idée. Il pensa aussi à toute la considération qu’il en retirerait. Peut-être était-ce pour lui le moyen d’accéder aux hautes strates politiques. Il envisagea la chose avec un sourire lui donnant un air de sérénité : casser la solitude administrative dans laquelle il se trouvait et prendre enfin réellement contact avec le grand public, pour qui il avait donné sa vie jusque-là. André s’aperçut de cette grande satisfaction chez son interlocuteur. Il reprit le premier la parole et demanda, compte tenu de cette discussion, quels étaient les conseils que pouvait lui donner ce représentant de l’état quant à son mode de vie et chercha à avoir l’assurance que celui-ci n’intenterait rien contre la communauté. Une entente s’était établie et les deux hommes se séparèrent avec le sentiment qu’une nouvelle vie s’offrait à chacun, mais sans rien s’en dire.

    Joseph une fois de plus sortait de cette rêverie avec l’impression que, pour lui aussi, le monde s’ouvrait, mais sans en ressentir la raison, le moyen ou même ce que cela pourrait lui apporter dans l’avenir. Il restait toujours béat face à l’apparente générosité de cet André et regrettait que les temps aient tant changé. Le temps s’était écoulé entre les deux hommes, les lois avaient changé, les habitudes de vie étaient telles que celles qui subsistaient du code n’avaient pas été rappelées au sénat ou au tribunal depuis longtemps tant l’emploi n’était plus un problème. Joseph était même incapable de dire si une nette modification de la législation avait vu le jour depuis cette histoire.

    Aujourd’hui tout était bien et peu lui importait, les batailles législatives qui avaient fait le code. Les salaires étaient peu élevés, moins que ceux d’une certaine époque, paraît-il, selon ses parents, mais tout le monde s’en contentait largement tant les prix paraissaient s’être effondrés. De plus les mêmes matières servaient plusieurs fois.

    De songes en rêveries, Joseph essayait de comprendre comment, d’évolution en révolution technique, on en était arrivé à ne plus s’inquiéter de l’avenir. Or pour lui, l’avenir c’était mieux que demain et l’inconscience des autres le révoltait.

    C’est ainsi qu’il avait pris à son service, délaissant l’inévitable robot des autres foyers, cette très jeune femme qui entretenait aujourd’hui sa maison. Elle était là devant lui, s’affairant, à droite, à gauche, tournant autour de lui, silencieusement comme si tout ce qu’elle touchait s’enveloppait de feutre. Une musique aux sons assurés par des haut-parleurs d’ambiance dissimulés dans le revêtement des cloisons de l’appartement, envahissait l’espace comme à chaque fois que le silence s’installait dans quelconque lieu construit. Il était impossible depuis cent ans d’obtenir des organismes de construction des habitats totalement silencieux. Il s’agissait d’un fin procédé acoustique qui faisait se déclencher les récepteurs locaux sitôt que les vibrations ambiantes dues aux sons tombaient en dessous d’une valeur prédéfinie de décibels. Leur programmation était possible en fonction du goût de chacun à partir d’un central récepteur. Cependant, si rien n’était programmé, c’étaient les émissions musicales ininterrompues d’état qui étaient systématiquement diffusées. Le gouvernement avait ainsi réussi ce tour de passe-passe législatif, sur demande du ministre de la connaissance, ce dernier ayant appliqué sa volonté de faire connaître à tous les sortes d’art sonore existantes et selon des séquences établies arbitrairement ainsi aucun type de composition ne pût être écarté systématiquement par tel ou tel auditeur, la programmation des récepteurs ne pouvant être effectuée qu’à certaines heures précises.

    Joseph gardait en permanence la programmation sur « musique d’une époque » qui diffusait des œuvres de compositeur antérieures à 1950. Par un système d’équaliseur qu’il avait lui-même bricolé, il effaçait systématiquement toute vibration de tessiture, se privant ainsi des chants dont il avait horreur.

    Il suivait donc Josiane, le mouvement de ses yeux comme guidés par ses mouvements à elle, l’oreille occupée par une composition de Gounod. Au-delà de Josiane, des objets, son regard semblait se fixer tour à tour sur chacun des murs de cette pièce de son appartement et voir les scènes de leur première rencontre.

    Cela s’était passé dans l’un des grands halls, nés de l’enchevêtrement des très nombreuses galeries de sous-sol. La surface étant trop encombrée par les trafics de toutes sortes, fut un temps les officiers de grande place de l’époque, gardiens de la constitution de chaque urbion avaient lancé un concours d’aménagement des boyaux de la ville. Ils étaient alors le lieu de passage de toute canalisation, câble d’écoulement et distribution diverse. C’était vite devenu un vrai capharnaüm où même les plus grands techniciens ne parvenaient plus à s’y retrouver. L’idée originale de transformation de ces boyaux avait pour but d’y faire passer, outre les distributions et celle des collecteurs en tout genre, la foule croissante des piétons. Le besoin d’une telle réalisation était de deux ordres : restreindre le trafic piétonnier de surface à son strict minimum, tout en réduisant de même le nombre d’accidents trop nombreux. Et depuis trop longtemps d’une part, et la suppression du projet de purification de l’air par ailleurs, sa réalisation s’étant avérée beaucoup trop coûteuse, les pollutions de toutes sortes étaient telle en surfaces que l’air n’aurait pas tardé à être déclaré irrespirable alors que la purification en sous-sol était chose acquise depuis longtemps.

    Le projet retenu fut celui d’un homme mort depuis déjà de longues années. Il avait prévu un tel aboutissement et ayant voué sa vie à l’avenir des hommes plutôt qu’aux temps d’alors, il avait tout d’abord créé un boyau type. Il avait réparti les différentes conduites en voûte en les alignant côte à côte regroupée en deux catégories disposées symétriquement de part et d’autre de l’axe vertical central. Dans un sens, les conduites véhiculaient les apports et dans l’autre les évacuations. Le sol de ses boyaux, jadis canaux des égouts putrides, devenaient plate forme de circulation nantie pour que son propre électromagnétisme soit récupéré sous lui par les moteurs du tapis et son poids faisant porter le tapis sur les rouleaux d’entraînement pour que celui-là, entraîne à son tour la personne. Au nombre de quatre, deux dans chaque sens, ils étaient séparés par des terre-pleins de repos, celui du milieu, plus large, comportait de confortables fauteuils dans toutes les nuances et les tons de gris.

    L’inventeur avait pris soin d’effectuer des plans pour toute la ville, mais aussi avait édifié un exemplaire court de boyaux. Conscient du refus immédiat qui serait opposé à son projet et soucieux de le voir préservé pour l’avenir, il avait enfermé dans un gigantesque coffre dressé autour et muni d’un système d’ouverture automatique. Il avait, après calcul, prévu l’époque où son invention s’avérerait nécessaire. Ses calculs et son sens de la prévision étaient si exacts que le coffre s’ouvrit le jour même de l’ouverture des dépôts de candidature sous les yeux effarés de ses descendants qui comprirent aussitôt l’intérêt de leur découverte. Ils en refusèrent le prix, persuadés de servir ainsi la mémoire et l’esprit du génial inventeur et en firent verser le montant aux bénéfices des victimes de la pollution.

    Ayant oublié cet événement si marquant, mais d’une autre époque, Joseph marchait d’un pas tranquille sur le tapis qui le propulsait comme en un lieu où la pesanteur aurait été réduite à son minimum, à une vitesse d’environ quinze kilomètres à l’heure. Il était sorti avec l’intention de se rendre au dépôt de la régie urbionne où on lui avait promis de lui fournir un outil dont il avait besoin dans ses recherches. Aucune urgence ne l’animant, il décida d’aller visiter, une fois de plus le musée du peintre Neb.

    Neb en son temps avait secoué les milieux de la critique artistique. Ses peintures s’inscrivaient totalement en faux par rapport à celles de tous les artistes connus. Le style ne semblait même pas d’un autre âge, les formes étaient inconnues de tous et si les personnages qu’il y représentait ressemblaient bien aux gens de maintenant, leurs tenues étaient d’un tel ridicule qu’on avait honte de ce qu’il faisait. Sa peinture cependant était la première qualité : on le sut plus tard en découvrant celle des peintres au laser qui parvinrent à atteindre la même précision dans le trait. Seulement Neb était mort et pour lui malgré les affronts qu’on lui avait faits, toute la considération là laquelle il aurait dû avoir droit on lui dressa ce musée. Hélas, si belle que fût son œuvre, elle ne représentait rien à l’esprit des gens et on venait plus le visiter par amusement que par reconnaissance de son art. On l’avait trop accusé de tromper le monde. C’est d’ailleurs ce qui l’avait poussé à exercer au grand jour sous les yeux du public, néanmoins ébahi, fasciné par l’approche progressive des formes qu’il créait et dont chaque phase ne laissait rien deviner de ce que serait l’œuvre finale.

    Joseph aimait ce peintre au travers de son œuvre. Ces peintures représentaient des objets inconnus de l’univers familier dans lequel chacun vivait aujourd’hui, mais dont on devinait parfois l’utilité à regarder la représentation d’un personnage les utilisant ; même les natures représentant des aliments ne s’apparentaient que de très loin à la réalité actuelle. Joseph admirait ces formes majestueuses et tendres, toutes baignées de pénombre, espace de lumières oubliées aujourd’hui, tant la clarté du monde moderne était omniprésente. Même la nuit, on ne voyait pas le sombre du ciel. Les lumières au sol irradiant de toute part dans la bulle translucide des vapeurs polluées, le ciel s’était à jamais fondu au-delà du visible. Joseph y pensant en voulait alors à la société d’avoir laissé ainsi évoluer les choses et d’avoir réduit au néant tant de beauté (du moins paraissait-il aux dires des anciens parfois) que les encyclopédies, magnétoscopiques ne prenaient même plus le soin de montrer.

    Il arriva au carrefour souterrain le plus proche du musée. Ces intersections étaient dépourvues de tout mode de locomotion automatique ; leur agencement, pourtant prévu par les plants, s’était avéré trop coûteux et nécessitait de trop grands

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