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Rêve d'enfrance: Roman politique
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Rêve d'enfrance: Roman politique
Livre électronique356 pages5 heures

Rêve d'enfrance: Roman politique

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À propos de ce livre électronique

Accompagnez un jeune maire dans ses idées ambitieuses pour soigner une France meurtrie par les attentats.

Après les attentats qui ont touché et meurtri la France, face aux réflexes sectaires et communautaristes qui guettent, avec la progression des extrêmes aux élections, Léon Macé, maire d’Hénin-Beaumont se prend à rêver d’un autre monde. Une France apaisée, ouverte, qui débat des sujets sociétaux dans la sérénité : identité, migrants, revenu universel… Quelle France souhaitons-nous, et quel est l’homme providentiel capable de porter le projet d’une vraie démocratie citoyenne participative ?
Suite à l’attentat terroriste qui a coûté la vie à Emmanuel Macron à la fin de son deuxième mandat, la France est au bord de la guerre civile, et tous les espoirs semblent reposer sur les épaules de cet homme, Léon, nouveau venu en politique. D’où vient ce millionnaire atypique, de petite taille, comment en est-il arrivé à briguer la fonction suprême ? On le retrouve au dernier chapitre dans son interview face à David Pujadas, parlant de ses idées, ses sources d’inspiration et sa vision d’une société meilleure. La France est-elle prête à élire ce visionnaire ?

Léon Macé arrivera-t-il à porter jusqu'à la présidence ses idées visionnaires ? Plongez-vous dans ce roman d'anticipation engagé et osez rêver d'un monde meilleur !

EXTRAIT

Le propriétaire de Rashad’s café, un Afghan, pleurait à chaudes larmes à côté de nous :
— Ils ont brûlé tout : ma tente avec mes affaires dedans, mes habits et même mon argent ! Toutes mes économies sont parties en fumée. Maintenant, ils détruisent mon café, avec tout mon stock dedans, il y en a pour plus de 2 000 euros !
Les grues, les bulldozers et les mâchoires d’acier des machines jaunes, tels des crabes géants aux pinces voraces, déchiquetaient tout sur leur passage. J’avais déjà vu ce genre de barbarie. Mais c’était dans Terminator, à l’âge où les machines avaient pris le dessus sur les humains et voulaient les exterminer : de la science-fiction, pas le XXIe siècle. Sur une autre planète, pas ici sur terre, pas en France, « cette glorieuse patrie qui est désormais le capitaine du vaisseau humanité » chère à Michelet ! Ces monstres d’acier qui avançaient sur le camp en semant la terreur n’étaient pas des robots. Ils étaient conduits par des hommes, avec un cœur qui battait dans leur poitrine, insensible à celui de leurs victimes, qui, brisé, voyait leurs affaires broyées sous les chenilles des chars dans la grisaille d’un printemps qui rappelait celui de Prague lorsqu’on asphyxiait la liberté.
Ces gens qui avaient fui des guerres que NOUS avions déclenchées, en Iraq, Afghanistan, Libye ou Mali, venus de ces ex-colonies jadis indépendantes en cultures vivrières où NOUS avions planté des récoltes commerciales, café, cacao, coton et caoutchouc pour faire prospérer NOTRE révolution industrielle, oui, tous ces gens venus chercher liberté, égalité, fraternité, se retrouvaient ligotés, écrasés, fracassés, dans cette valse hypocrite des pronoms du NOUS contre EUX, ce double jeu qui tue, ronge les ailes, fait de chacun une île, un ex-il derrière des barbelés de principes et de raison d’État au déni de la réalité. Ils avaient parcouru plus de 10 000 kilomètres pour voir tout s’écrouler, à 12 km des côtes anglaises, que l’on pouvait apercevoir en levant les yeux. Recalés à Calais. On les forçait à tourner le dos à leur Eldorado, ces rescapés des radeaux. Et nous restions là, impuissants, médusés. Ils avaient fui des déserts arides pour trébucher sur la sécheresse de nos cœurs.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né à Quimper en 1965, Éric Quintric-Divérrès a vécu de longues années en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Diplômé de sciences politiques, il enseigne l’économie et l’anglais avant de devenir journaliste. Passionné de photographie, de peinture, poésie et philosophie, il vit depuis quatre ans entre la Bretagne et les Landes.
LangueFrançais
Date de sortie4 sept. 2019
ISBN9782851137838
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    Aperçu du livre

    Rêve d'enfrance - Éric Quintric-Divérrès

    Éric Quintric-Divérrès

    Rêve d’enfrance

    Roman

    ycRfQ7XCWLAnHKAUKxt--ZgA2Tk9nR5ITn66GuqoFd_3JKqp5G702Iw2GnZDhayPX8VaxIzTUfw7T8N2cM0E-uuVpP-H6n77mQdOvpH8GM70YSMgax3FqA4SEYHI6UDg_tU85i1ASbalg068-g

    © Lys Bleu Éditions – Éric Quintric-Divérrès

    ISBN : 978-2-85113-783-8

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    À Paula et Bernard, dont l’histoire d’amour est une inspiration de tous les instants. Paula, tu n’as pas eu le temps de finir de lire ce manuscrit, mais tu y as reconnu la description de ta fille au chapitre 6, et tu l’as aimée. Bernard, merci pour le support moral, amical et logistique qui a permis à cet ouvrage de trouver un éditeur.

    Avertissement

    Si tous les chiffres et pourcentages cités dans cet ouvrage sont exacts, j’ai en revanche pris quelques libertés avec la chronologie. Ainsi on devine que Léon est né au milieu des années 60, il n’y avait pas de réseaux sociaux, la jungle de Calais n’existait pas encore, certaines musiques sont postérieures à cette époque. C’est dans un souci de parler à la fois à la jeunesse d’aujourd’hui et celle d’hier. Les générations passent, les problèmes restent les mêmes. Si l’établissement Jean Macé existe bien, il n’est pas (ou pas encore) un pensionnat.

    Je tiens à remercier au passage monsieur Michel Jourden, maire de Lampaul-Plouarzel, de m’avoir reçu pour m’éclairer sur la fonction de maire. (Et lui souhaite, pourquoi pas, le même destin national que mon héros).

    E.Q.D

    Chapitre 1

    Plateau de « Politique et Société », studios de LCP, 13 février.

    — « Longtemps, je me suis touché de bonheur », se dit le petit homme avec un sourire malicieux en frottant sur son visage un grumeau de fond de teint devant le miroir de la table de maquillage. Ce clin d’œil proustien pourrait bien être l’entame du récit de sa vie, tellement il était tenté de se pincer la joue pour s’assurer qu’il ne rêvait pas. Cela faisait plus de six mois qu’il ne se couchait plus de bonne heure, tout occupé qu’il était par la campagne présidentielle, jusque dans son sommeil. Comme beaucoup de Français, il avait toujours eu, sinon du mépris, du moins une grande méfiance envers les hommes politiques, tous plus ou moins pourris et dévorés par leur ambition personnelle, et le voilà aujourd’hui qui briguait la fonction suprême ! Si sa candidature avait secoué le Landerneau politique, le premier surpris était probablement lui-même. « Qu’est-ce que je suis venu foutre dans cette galère ? » se demandait-il.

    — Plateau dans cinq minutes ! cria un assistant en ouvrant la porte à la volée sans frapper.

    — On est prêt, répondit la maquilleuse en relevant le buste. Tel un grand peintre, elle fit un pas en arrière pour prendre du recul et admirer son « œuvre ». Puis dans une ultime tentative pour dissimuler la peau crevassée, elle apposa énergiquement à grands coups de pinceaux une épaisse couche de poudre sur l’ensemble du visage.

    Comme un somnambule, dans un halo de maquillage encore en suspension, étourdi par l’enjeu de la prestation à venir et vaguement enivré par le parfum capiteux du décolleté de la maquilleuse, l’invité suivit l’assistant dans le couloir obscur vers les spots lumineux du plateau. Il se donna quelques claques sur les joues pour se réveiller, en secouant la tête tel un boxeur qui va monter sur le ring. Le compte à rebours avait commencé, il n’était plus question de faire machine arrière. Le signal du régisseur résonna pour lui comme le gong marquant le début des hostilités ; d’un pas leste et décidé, il se dirigea vers son fauteuil en saluant la foule les deux bras levés, tandis que David Pujadas, debout face au public, entamait sa présentation :

    — Il séduit autant qu’il agace, il étonne, véritable ovni de la scène politique française avec ses shows à l’Américaine sans cravate et en bras de chemise. Jamais dans l’histoire de la Vème république un candidat n’avait été crédité de 57 % d’intentions de vote, 82 % d’opinions favorables, et, fait inédit, la possibilité d’être élu dès le premier tour est de plus en plus envisageable. N’appartenant à aucun parti ni aucune famille politique, mais ayant des ancrages au centre, il a fait couler beaucoup d’encre : dérive mafieuse pour les uns dans le Nord, l’Est et l’Ouest de la France où ses troupes ont conquis une à une toutes les mairies des grandes villes, fortune suspecte pour les autres qui s’interrogent sur le fonctionnement de ses entreprises où la masse salariale dépasse parfois les bénéfices déclarés. Tantôt accusé d’être à gauche de Che Guevara avec ses pratiques anticapitalistes, ou au contraire esclavagiste ultralibéral dans des structures où la rémunération n’excède pas les 500 euros mensuels, sa légende le précède où qu’il aille. On l’adule sur les réseaux sociaux comme on le conspue dans les éditoriaux, mais il ne laisse jamais indifférent. Il vient ce soir répondre à nos questions, mais aussi à VOS questions que vous pourrez poser par internet tout au long de l’émission. Mesdames, Messieurs, j’ai le plaisir de recevoir ce soir Léon Macé, en tête des sondages dans la course à l’Élysée. Découvrons ensemble ce profil atypique.

    Le journaliste à la tête de Playmobil vint s’asseoir en face de son interlocuteur, entouré des chroniqueurs économiques et politiques de l’émission ainsi que d’un panel de spectateurs censés représenter les différentes tendances de l’opinion.

    — M. Macé, bonsoir. Nous sommes ravis de vous accueillir sur LCP, et ce d’autant que vos apparitions dans les médias sont assez rares.

    — C’est moi qui vous remercie de m’avoir invité, M. Pujadas. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes les questions, ainsi qu’à celles des internautes qui pourront également intervenir sur mon site, animé par mon équipe parallèlement à votre émission car de nombreuses rubriques ainsi que mon programme y sont détaillés. Aussi je souhaite en définir ici les grandes lignes pour laisser place à l’échange spontané. Ceux qui souhaitent débattre plus en détail de certains points pourront le faire tout au long de la semaine en m’interpellant sur mon blog où j’aurai le loisir de dialoguer avec eux. Ils y trouveront aussi mes goûts personnels dans divers domaines, allant de mes influences politiques et littéraires en passant par mes sports et sportifs favoris, mes musiques et recettes préférées. Bref, Rolling Stones ou Beatles, Platini ou Zidane, Brandi Love ou Krystal Summers (il sourit intérieurement de voir David Pujadas scruter ses fiches. « Je parie que ton équipe rédactionnelle ne t’a pas préparé sur ce terrain-là ! » se dit-il avec une pensée émue pour son pote Alain). Les faits sont là, je n’ai rien à cacher, tout est dit en n’en tirant ni honte ni fierté afin que le factuel fasse place aux idées et aux débats de fond, car c’est à mon avis ce qui importe le plus ce soir.

    Quant à mon profil atypique, si c’est de mon côté droit dont vous parlez, cette cicatrice est due à la chute d’une friteuse d’huile bouillante à l’âge de trois ans et demi, qui a entraîné une paralysie partielle du visage et laissé une vilaine trace.

    — Pardon de vous interrompre M. Macé, et pardonnez aussi la maladresse de mes propos mal choisis en introduction, mais vous semblez toujours prendre tout à la légère, avec ironie, voire cynisme et autodérision. Est-ce pour couper l’herbe sous les pieds de vos détracteurs ? Ne craignez-vous pas que cette façon d’aborder le débat par joutes verbales provocatrices et humour de rigueur en toutes circonstances ne nuise à l’image de sérieux de votre campagne ? Et ces signes d’agressivité envers certains de mes confrères, ne seraient-ils pas responsables de l’atmosphère malsaine qui règne actuellement entre la presse et vous ?

    — Mon cher David – permettez que je vous appelle David – certains pisse-copie de vos confrères, comme aimait à les appeler Georges Brassens – meurent d’envie de me voir dans la poussière les bras en croix, et me tendent des embuscades mais jamais de duels face à face, mano à mano. Sous couvert de pseudos, ils tirent sur moi à boulets rouges, je leur renvoie donc mes réponses à coup de bazooka. Qu’ils ne n’aiment pas, c’est leur droit le plus strict, je n’ai aucune intention de passer mes vacances à St Trop en leur compagnie. Ils n’ont souvent fait aucun effort de recherche sur mes publications, ignorant tout de mes méthodes de travail et passent leur temps à me traquer comme des paparazzi pour une photo de moi en maillot de bain ou en train de faire mes courses. Qu’est-ce que les électeurs en ont à faire, franchement ? Mais s’ils parlaient de mon programme pour l’école, du développement des structures sociales, d’une force de frappe moderne Européenne indépendante de l’OTAN, des allègements fiscaux pour les entreprises qui relocalisent en France et créent de l’emploi qui favorise l’épargne et la consommation, là oui, je pense que je pourrais leur faire des commentaires pertinents. Un journal n’est pas fait pour éclairer mais pour flatter les opinions. Ainsi, tous les journaux seront, dans un temps donné, lâches, hypocrites, infâmes, menteurs, assassins : ils tueront les idées, les systèmes, les hommes ; et fleuriront par cela même. Le mal sera fait sans que personne ne soit coupable… : les crimes collectifs n’engagent personne. 

    — Tout de même, M. Macé, vous y allez un peu fort, en qualifiant les journalistes d’assassins ou de criminels, non ?

    — Mais M. Pujadas, ce jugement n’est pas de moi ! Je ne fais que relayer ici Victor Hugo. Et je mesure mes propos, je ne parle évidemment pas de tous vos confrères, mais de ces feuilles de chou qui ne méritent pas d’être considérées comme du journalisme ! J’aurais pu aller plus loin, en vous citant les frères Goncourt : « cette feuille de papier d’un jour, le journal : ennemi instinctif du livre, comme la putain de la femme honnête ». Mais j’ai trop de respect pour les prostituées pour leur faire l’offense de cette comparaison indigne ! Quoiqu’il en soit, pour citer un grand philosophe disparu qui a bien étudié la bêtise humaine, Fréderic Dard disait « Je préfère qu’on dise de moi quel con ! plutôt que quelconque. » Je signe des deux mains. Si l’on n’est pas capable de voir l’ironie de mes propos, c’est que la bêtise n’est pas du côté de la barrière qu’on croit, ou du micro. Le public est seul juge et lui se trompe rarement. Et pour le manque de cravate que vous évoquiez, il y a évidemment mon côté assumé d’être anticonformiste : l’habit ne fait pas le moine. On peut faire de la politique en tee-shirt, les prisons sont pleines d’escrocs qui ont commis leur forfait en costard trois-pièces, alors… Et sur le plan pratique, une cravate, je marcherais dessus, non ?

    Le cadreur eut un frisson perceptible à l’écran quand il zooma sur le visage de Macé. Sur le plan large, l’invité paraissait dominer ses interlocuteurs, poings pliés sur la table, appuyé sur ses bras musclés qui menaçaient de faire céder la couture des manches de sa chemise blanche au niveau des biceps et des deltoïdes. Il semblait quasiment assis sur la table car si son torse était presque normalement développé, ses jambes courtes et arquées dépassaient à peine de l’assiette du siège et ne pendaient presque pas dans le vide. Plus que la laideur, pas si évidente que cela d’ailleurs, c’était le manque de respect des proportions qui choquait et attirait l’attention. Ses mains semblaient soudées directement sur les coudes, ses jambes constituaient à peine un tiers ou un quart de sa hauteur totale, mais sa tête était de taille normale, voire plus. Un énorme front à la Frankenstein surplombait un nez cabossé par des années de lutte gréco-romaine et de rugby.

    Continuant son introspection par camera pudiquement interposée, le jeune cadreur scrutait l’expression corporelle, le code secret des attitudes et des postures qui en disent plus long que les mots dans ce métier. Lorsqu’il s’était légèrement penché en avant vers Pujadas, sourire éclatant barré de dents blanches impeccables, avec cet air de connivence sympathique, allant presque lui mettre la main sur l’épaule si la table n’avait pas été aussi large pour ses petits bras, cela ressemblait à tout sauf à une marque d’affection. Dans son « Permettez que je vous appelle David », il n’y avait eu aucune intonation interrogative. Il n’attendait aucun accord, tacite ou explicite, il plantait les règles du jeu, il établissait dès le début que le mâle dominant ici c’était lui, même sur le territoire de son adversaire. Pour un peu, il aurait uriné aux quatre coins de la pièce, tel un lion dans la savane. Ses yeux se voulaient doux mais ils étaient plantés telles des banderilles dans son vis-à-vis, l’hypnotisant comme un serpent sa proie. Le rapport de force avait été instauré d’entrée de jeu, sans heurts et sans élever la voix, mais cette posture guerrière n’enlevait rien à la douceur de ses propos, son sourire carnassier était plein de charisme, et bizarrement, à cet instant il parut beau. Une beauté étrange au charme indéfinissable qui émanait de l’intérieur. Ses beaux yeux bleus, qui contrastaient avec sa peau mate, pétillaient d’intelligence. On se serait tous embarqué derrière lui sans réfléchir, on se serait même fait tuer pour lui tant il avait de prestance et inspirait la confiance. La jeune étudiante qui consultait nerveusement ses notes avant de lui adresser la parole semblait subjuguée, telle une biche prise dans la lumière des phares, désarmée et déjà conquise, consentante. « Pas étonnant que le gars draine des followers comme un joueur de flûte de Hamelin ! » se dit le cameraman en zoomant sur Pujadas.

    — Mais M. Macé, cette attitude de défiance et de méfiance vis-à-vis de la presse, sans parler de vos adversaires politiques qui crient à l’imposture, à une candidature fantaisiste et mégalo, vous la comprenez, vous qui soufflez sur les braises ?

    — L’opinion est à mi-chemin entre l’ignorance et la connaissance, comme disait Platon. Ce qu’on pense de moi m’est égal, je demande à être jugé sur mes résultats. Le tableau que vous avez vous-même dressé de moi dans cette présentation n’était pas des plus flatteurs, même si vous vous retranchiez confortablement derrières les rumeurs colportées par d’autres. En acceptant votre invitation, j’ignorais qu’il s’agirait d’un procès en bonne et due forme et qu’il me fallait venir avec un avocat. Mais je répondrai point par point à vos objections, vos doutes et vos réserves. Non pas pour m’en défendre, car je ne suis coupable de rien, sauf de vouloir mettre un bon coup de pied dans la fourmilière. Forcément, ça secoue l’establishment, mais quelque part ça les fait aussi réfléchir, habitude qu’ils avaient peut-être perdue en quarante ans de pouvoir sclérosé. Alors je leur fais peur, et je peux le comprendre.

    — Et vous, avez-vous peur ? Peur de vous être engagé dans cette aventure sans en mesurer les conséquences ? Peur de ne pas être à la hauteur de vos ambitions et du rêve que vous suscitez parmi ceux qui croient en vous comme un sauveur ? Peur pour vos proches et vous-même, car vous avez, paraît-il, reçu des menaces de mort ? Peur d’une initiative qui finirait tragiquement comme celle de Coluche en 1980 ? Vous êtes connu pour votre amour des jeux de mots et des calembours, ne craignez-vous pas que l’on prenne votre candidature pour une farce, vous qui avez justement déclaré que Coluche était l’homme politique le plus influent du XXème siècle ? Il s’agissait bien d’une boutade ?

    — Pas tant que ça. L’œuvre de Coluche a résisté à toutes les modes, toutes les réformes, tous les gouvernements. L’opération Restos du cœur devait être une action provisoire, elle dure depuis un demi-siècle, par manque de volonté des politiques de palier aux carences de notre société. Coluche, qui n’avait pas fait l’ENA, s’est dit : d’un côté, on balance des surplus, de l’autre il y a des gens qui crèvent de faim, la logique voudrait que l’on redistribue la production entre ceux qui ont trop et ceux qui n’ont pas assez. C’est pas sorcier. On ne me fera pas croire que des ministres surdiplômés n’ont pas été capables d’avoir une idée aussi simple. Voilà pourquoi aucun homme politique ne peut se vanter d’avoir laissé un souvenir aussi fort que celui de Coluche dans la mémoire des gens.

    Peur ? Non, je n’ai pas peur. Je crains de décevoir, bien sûr. Je n’avais au départ aucune ambition de devenir président, c’est poussé par mon entourage et mes administrés que je me suis dit que la méthode qui avait fait ses preuves dans ma commune pouvait être appliquée à l’échelle nationale. Je suis comme Coluche : si ceux qu’on a élus pour résoudre nos problèmes faisaient leur boulot, je n’éprouverais pas le besoin de m’en mêler. Je resterais chez moi à profiter de la vie, je n’ai aucune soif de reconnaissance, je ne travaille pas pour la postérité. J’essaie simplement d’aider mon prochain dans la mesure de mes modestes moyens.

    — On dit pourtant qu’il y a dans votre entourage, dans vos équipes, un grand culte de la personnalité autour de vous, que vos décisions sont unilatérales, et que vous œuvrez aux manettes de votre mouvement en solitaire. Cette image, y attachez-vous beaucoup d’importance ?

    Chapitre 2

    (Trente ans plus tôt)

    — Ça n’a aucune espèce d’importance, avait dit la surveillante du lycée en me désignant la chambrée de quatre, composée de deux lits jumeaux superposés. Celui du haut à gauche est le seul qui reste, les autres sont déjà pris. Et puis pour vous… pardon… mais vous tomberiez de moins haut, non ? Désolée, mais vous arrivez en cours d’année… c’est le dernier de toute façon, estimez-vous heureux ! 

    J’eus du mal à retenir les larmes qui me montèrent aux yeux à ce moment-là, sans en connaître la cause véritable. Fallait-il m’excuser d’arriver en pension deux mois après le décès de ma mère, osant ainsi bouleverser l’ordre établi de cette vénérable institution ? « Oui, pardon Madame, en effet, nous aurions dû euthanasier Maman fin août début septembre, afin de ne pas perturber la rentrée des classes. » Ou était-ce son allusion à ma petite taille qui m’exaspéra ? Je suis ce qu’on appelle, depuis l’avènement de cette nouvelle hypocrisie qu’on nomme le politiquement correct, « une personne de petite taille ». (Un mètre trente-six d’après mon passeport, un mètre trente-quatre selon mes calculs maintes fois répétés, mais au fur et à mesure de mes renouvellements de papiers d’identité, je n’avais jamais fait rectifier l’erreur de l’état civil. Psychologiquement, le fait d’être au-dessus des 1,35 m n’était pas pour me déplaire, on a les coquetteries qu’on peut.) Les Amerloques sont encore plus forts dans la langue de bois. Ils ont appelé les Blacks « Afro-Américains » pour ne pas faire référence à la couleur de leur peau. Sauf que quand t’es né dans le Bronx ou à Harlem et que t’as rien à voir avec l’Afrique, c’est un peu comme si on te disait que t’étais moins américain que les autres. Or le peu de choses que les États-Unis ont produit dans le domaine culturel, c’est quand même le blues et le jazz, inventés par des mecs qui n’avaient pas le droit de prendre le même bus que tout le monde et dont l’urine n’était pas jugée digne de souiller les mêmes pissotières qu’un plouc inculte de l’Ohio ou de l’Arkansas ! Moi j’aime appeler un chat un chat et à tout prendre je préfère « nain » à « personne de petite taille ». Ça a quelque chose de plus affectueux, de moins négatif. Me définir par rapport à ce que je suis et non à ce que je ne suis pas. Pareil pour aveugle et sourd plutôt que non voyant ou malentendant. À tout prendre mieux vaut un handicap franc, visible, cartes sur table, plutôt que je ne sais quelle névrose ou psychose cachée. Et je ne voyais pas en quoi ça ferait moins haut pour moi qu’un autre de me casser la gueule d’un plumard qui avait tout du perchoir à perroquet. La surveillante se figurait peut-être qu’on se mettait debout sur le matelas avant de faire un vol plané direction la moquette ?

    Non, bizarrement, je crois que ce qui m’énerva le plus chez elle, malgré ses efforts pour être accueillante, rien à dire là-dessus, c’était cette expression toute bête, « ça n’a aucune espèce d’importance ». Entre autres allergies au pollen, aux choux de Bruxelles et à la confiture à l’orange, sans parler de la connerie humaine à l’état brut, ce qui avait le don de m’agacer, c’était ces petites phrases bêtes qu’on répète à l’envi sans bien les comprendre. Ça veut dire quoi au juste, aucune espèce d’importance ? Qu’il y a des importances plus importantes que d’autres ? Un ordre établi de ce qui compte dans la vie ? Établi par qui et selon quel critère ? Moi j’ai rien voté en tous cas, on m’a pas consulté. Et je ne sais rien de la classification biologique des importances, s’il y a des races comme pour les vaches et les clébards. L’importance Limousine ? La Bretonne à cornes courtes ? La Normande laitière à poils longs ? P’têt ben qu’oui, p’têt ben qu’non. Comment classe-t-on les importances ? Mammifères ? Ovipares ? Vertébrées ou invertébrées ? Tout ce que je savais c’est que ça impliquait étalonnages (tiens, canassons plutôt que vaches, du coup ?) et normes, et que pour ce qui était des normes, ce n’était pas mon truc. Non que je sois anarchiste, mais c’est juste que la nature m’en avait quelque peu exclu, de ses normes, j’avais du mal à rentrer dans les cases, ce qui est un comble quand on prend aussi peu de place que moi.

    Je savais que ça venait de l’italien importer + tante. L’import-export, c’est un peu la marque de fabrique dans la famille. Fils de douanier, j’avais passé ma vie, jusqu’à il y a un mois, à l’étranger. Expatriés depuis plusieurs générations, c’est nous-mêmes que nous exportions chez les Macé. Mon père Jean, détaché par son ministère, s’efforçait de former les douanes égyptiennes aux techniques informatiques de pointe. Maman est, pardon était (je n’ai pas encore réussi à m’habituer à l’imparfait pour parler de cette femme sans défauts) prof de philo au LFC, le Lycée Français du Caire, où j’avais été élève depuis la 4ème lorsque nous y avions débarqué en provenance du Burkina. 

    Je m’étais aussi buté sur l’autre commentaire de cette dame qui avait été désignée pour me servir d’hôtesse d’accueil et de guide pour faire le tour de l’établissement depuis que j’avais quitté mon père dans le bureau du proviseur, homme charmant, mais ils le sont en général tous devant un bulletin scolaire où la plus mauvaise note, la gym, est de 14. Encore une de ces expressions bateaux. « Estimez-vous heureux » qu’elle avait dit ! Être heureux, je vois ce que c’est, plus ou moins. Maman avait dû commencer à m’enseigner Épicure, les stoïciens, Alain et tutti quanti bien avant la maternelle, avant même que je ne marche si ça se trouve, faisant de moi un apprenti Platon à quatre pattes. Ne pas être heureux, je vois bien aussi. Sans faire du Zola, ma vie n’a pas été toute rose, et j’avais fini Schopenhauer avant mon entrée en sixième sans abuser de Prozac. Mais « s’estimer heureux », ça j’avais du mal. J’avais du mal avec l’estime en général, l’estime de moi-même en particulier, mais estimer le bonheur, ça me paraissait mission impossible. Ça se mesure en quoi ? En kilos, en grammes, à la louche, au pif, au compte en banque, à la fin ou au début de sa vie, à la taille de ta baraque, ta bagnole, ton sexe (là, bon point pour moi, toutes proportions gardées) ? Est-ce qu’un ermite est heureux dans sa grotte ou a-t-il besoin du regard d’autrui pour que son bonheur existe ? (Sartre, sors immédiatement de mon corps !) Non, je ne m’estimais pas heureux de devoir prendre le dernier pieu de la carrée ni de débarquer ici dans le crachin gris d’Hénin-Beaumont en ce mois d’octobre. Parce que si Maman avait encore été vivante, je serais en cette fin d’après-midi face à elle en train de boire un karkadé ou un thé glacé sur la terrasse entourée d’orangers dans notre jardin au bord du Nil. Mais j’ai gentiment dit :

    — Effectivement, j’ai de la chance, merci beaucoup, Madame. 

    En refermant la porte derrière elle avant de m’installer, je me remémorai mes élucubrations, espérant qu’elle n’ait pas vu dans mon allergie à ses propos passe-partout (OK, épargnez-moi le sourire en coin, c’est une expression comme une autre) de l’hostilité ou de l’ingratitude à son égard.

    — Tékitoâ ? Entendis-je dire avec la voix et l’accent de Dany Boon tandis que la porte s’ouvrait avec fracas en cognant le mur. Il fallut à mon cerveau un certain temps pour sortir de sa rêverie et réaliser que c’était du français.

    — Qui je suis ? Socrate a passé sa vie à essayer de répondre à ça. Moi ma quête de réponse est à peine esquissée.

    — Ça t’gratte la quéquette à la pierre ponce pour pisser ? répéta presque phonétiquement la grande asperge boutonneuse avec son accent chti et son air ahuri.

    — T’es un comik toâ, tu sors du cirque « plein d’air » ou quoâ ? Kéque tu fous dans not’ piol ? La deuxième question venait d’un petit Asiatique maigrichon caché derrière le grand fil de fer à la tronche de Bill Gates.

    — Il semblerait que nous soyons coéquipiers Messieurs, dis-je avec une pointe d’ironie dans la voix, comme si quiconque en les voyant eût pu avoir l’idée saugrenue de les appeler « Messieurs ». « On vient de m’attribuer cette couchette », ajoutai-je comme pour prouver que je n’étais pas un chapardeur pris en flag dans leur chambre. Mon sac de sport était sur le lit, et au pied de l’échelle mon autre sac à roulette avec mon matériel d’escrime attendait que je lui trouve une place.

    — Je m’appelle Léon, dis-je en tendant la main. Léon Macé, fils de Jean Macé.

    Je m’amusais de voir un mélange d’étonnement et de respect légèrement incrédule se dessiner sur leur visage. En effet, le lycée s’appelait Jean Macé. Rien à voir avec ma famille, puisque c’est ma mère qui était originaire de la région, mon père étant natif du Finistère et il n’avait à ce qu’on sache rien à voir avec le célèbre journaliste, homme politique et enseignant qui avait donné son nom à notre établissement scolaire.

    Le petit Asiatique fit un pas vers moi, comme un chien peureux qui s’aventure à renifler un congénère. Vu sa taille, ça ne devait pas être souvent qu’il pouvait toiser quelqu’un de haut.

    — Tufoumagueul ? C’est l’école de ton père ici ? T’es proprio ?

    Il y avait dans son regard un soupçon de crainte et de respect mêlés à un relent de domination, comme un animal qui défend son territoire. Dans le doute, il serra ma main tendue. Je choisis d’éluder la question de ma descendance pour orienter la conversation vers un terrain plus fraternel.

    — Ça fait longtemps que vous êtes élèves ici ? Vous avez un nom ?

    Le grand repassa devant son pote pour me serrer la main à son tour, avec un effort visible pour paraître avenant.

    — Moi c’est Antoine Morelli, dit Tony le Gitan. Mon père dirige la casse Morelli à la sortie de la ville. Si tes vieux ont besoin de pièces détachées, de se débarrasser d’une tire ou « d’emprunter » des plaques d’immatriculation, tu fais signe. Lui c’est Alphonse Hô, il veut qu’on l’appelle Al comme Al Capone, pour faire Américain, mais ici tout le monde l’appelle le Chinois.

    — Putain, j’chuis Viêt pas Chinois, merde !

    — OK, pigé, dis-je. Mais tu trouves pas que Al Hô, non mais Al Hô, quoi ! Ça fait un peu Nabila. Si tu veux faire gangster de Chicago, c’est pas terrible. Je te propose plutôt « Al… Pas Chinois », ça ira mieux avec ton pote, Tony truand.

    Mes Laurel et Hardi éclatèrent de rire en me filant une grande claque dans le dos. Il semblerait que mon sens de la répartie les ait apprivoisés.

    — T’es un comique toi ! Viens, on va te faire visiter les lieux. Ici, c’est la chambre des losers. Avec nous y a aussi un Lyonnais, Alain Favre, un geek. Les autres nous parlent pas trop, alors on reste entre nous, les cancres. Et puis, nous on fait pas d’escrime, ils sont tous à fond là-dedans.

    — Effectivement, ça craint si on veut jouer aux trois mousquetaires, dis-je. Mais c’est pas parce qu’ils vous parlent pas que ça doit vous faire taire. Allez, venez me présenter aux autres, et à votre beau gosse, Alain Delyon.

    — Tu t’arrêtes

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