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Pauline et le hussard: Correspondance de guerre
Pauline et le hussard: Correspondance de guerre
Pauline et le hussard: Correspondance de guerre
Livre électronique162 pages2 heures

Pauline et le hussard: Correspondance de guerre

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À propos de ce livre électronique

La révolte du Piémont. Le carbonarisme entretient, depuis des années, une agitation endémique dans la péninsule italienne.

Pourchassé par l'Autriche, Angelo doit s'éloigner de ses terres.
Cette fuite le fera revenir par Marseille, Aix en Provence et Manosque où il retrouvera Pauline, devenue veuve.
Voici une promenade à travers la Provence de Giono... un rêve de sublime qui comble un vide, un silence, par un soupir.

Ce livre est un espace offert à Pauline et à Angelo afin qu'ils puissent s'écrire, vivre, continuer de rêver qu'ils se croisent, s'éloignent, se cherchent encore et toujours.

EXTRAIT

« Cher Angelo,
Je ne sais où vous êtes. J’envoie cette lettre à Turin, où votre mère – avez-vous dit – a sa maison. Son nom et son titre suffiront, je l’espère, comme adresse. Mais si la lettre lui parvient, saura-t-elle où vous trouver pour vous la donner ?
Tout le monde a parlé ici du soulèvement de Mantoue contre les Autrichiens. Faisiez-vous partie des insurgés ? J’en suis presque certaine. Les nouvelles qui arrivent maintenant parlent d’une vraie guerre qui semble s’étendre à tout votre pays. C’est ce qui me pousse à vous écrire... Vous êtes heureux, je le sais, dans cette révolution que vous avez tant attendue, mais les récits de batailles qui me parviennent me remplissent d’inquiétude. Ecrivez-moi, je vous en prie, que je sache au moins si vous êtes vivant… »


À PROPOS DE L'AUTEUR

Sonia Van Houtte est diplômée de l’école de psychologie clinique et homéopathe et place l’humain au cœur du soin.
Son parcours personnel l'a conduite de la France au Maroc puis jusqu'au Québec, où elle a eu la chance de faire de belles rencontres.
LangueFrançais
ÉditeurPhénix d'Azur éditions
Date de sortie23 nov. 2017
ISBN9791094243343
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    Aperçu du livre

    Pauline et le hussard - Sonia Van Houtte

    Pauline

    « Cher Angelo,²

    Je ne sais où vous êtes. J’envoie cette lettre à Turin, où votre mère – avez-vous dit – a sa maison. Son nom et son titre suffiront, je l’espère, comme adresse. Mais si la lettre lui parvient, saura-t-elle où vous trouver pour vous la donner ?

    Tout le monde a parlé ici du soulèvement de Mantoue contre les Autrichiens. Faisiez-vous partie des insurgés ? J’en suis presque certaine. Les nouvelles qui arrivent maintenant parlent d’une vraie guerre qui semble s’étendre à tout votre pays. C’est ce qui me pousse à vous écrire… Vous êtes heureux, je le sais, dans cette révolution que vous avez tant attendue, mais les récits de batailles qui me parviennent me remplissent d’inquiétude. Ecrivez-moi, je vous en prie, que je sache au moins si vous êtes vivant…

    Vous le savez sans doute : ici, il a fallu presqu’une année pour que le choléra disparaisse, comme il était venu. Il est monté jusqu’à Paris et on a craint un moment qu’il ne gagne la France entière. L’été dernier je suis retournée à Aix : tout y a l’air comme avant, et pourtant rien n’est comme avant. La maladie y a fait des ravages plus que dans toute autre ville. On ne peut s’empêcher d’y penser dans les rues où les gens semblent de nouveau si insouciants. Où étaient-ils pendant l’épidémie ? Qui ont-ils perdu ?

    Où habitiez-vous quand vous étiez à Aix ? Vous ne me l’avez pas dit. Vous dites si peu de choses… Vous avez simplement parlé d’un endroit, quelque part, derrière l’archevêché. Cela va vous paraître étrange, mais je crois avoir retrouvé la maison… »

    Le regard de Pauline se perd un instant dans le ciel flou qui illumine le pavillon où elle aime s’installer pour lire, écrire ou laisser libre cours à sa rêverie. Dans l’azur qui lui parvient, elle redessine la maison derrière l’archevêché et cette fenêtre, sous les toits, encadrée de persiennes vert-de-gris. Ce jour-là, le soleil pesait chaudement sur ces épaules, comme le châle le fait à présent. Malgré cet air lourd, elle était restée longtemps sous la fenêtre, l’imaginant vivre au-delà des carreaux, remplissant les lieux de son parfum, de sa présence, de sa chaleur. N’avait-elle pas espéré qu’il y apparaisse, portant un petit cigare à ses lèvres, détendu, avec l’air faussement soucieux qu’il donne à ses songes ? Mais Angelo n’était plus là. Il était sorti de sa vie comme il y était entré : tombant du ciel, il avait été son chevalier servant, son ange-gardien, son guérisseur, la guidant à travers la folie hystérique de l’épidémie, combattant pour éloigner d’elle l’emprise du choléra avant de s’envoler, au terme de leur voyage, vers sa précieuse Italie. Ce pays en guerre dans lequel son âme passionnée devait se nourrir de bonheur dans un quotidien héroïque. Pensait-il encore à elle parfois ? Se souvenait-il de cette nuit où la force et la chaleur de ses mains avaient rendu la vie à ce corps bleui de cyanose par la maladie ? Pauline frissonna de sentir toujours la trahison de son corps sous l’influence du choléra, cette douleur si intense, comme cette présence si puissante à ses côtés…

    Enfin, tout cela n’était que minauderie ridicule ! Elle s’empressa de chasser ses souvenirs et ses pensées, qui l’assaillaient trop souvent et contre lesquels elle se défendait encore si mal. C’était indigne d’elle. L’important était simplement de savoir s’il était vivant et de calmer son cœur inquiet… le reste n’était qu’une illusion dont elle devait se défier avec autorité.

    Elle acheva donc sa lettre rapidement avec cette maladresse des émotions impatientes, qui ne manqueraient pas d’espérer une réponse aussitôt le cachet fermé et de l’attendre nerveusement dès le pli envoyé.

    Pourtant, lors de la première veillée après l’envoi de sa lettre, elle avait cru trouver un espace de tranquillité. Elle était parvenue, en effet, à broder sans perdre le fil, sans suspendre son geste pour se figer dans des pensées tournoyantes autour de ses angoisses. Non, ce premier soir, le regard appuyé et tendre de Laurent n’avait pas surpris son trouble. La main chaude de Céline n’avait pas replacé le châle qui s’oubliait en glissant de ses épaules sans qu’elle ne le remarque. Lors de cette veillée, elle avait pu, elle aussi, remplir le silence de sa véritable présence, enfin. Retrouvant sa dignité d’épouse sans avoir à se surveiller sans cesse, elle partagea même de francs sourires avec cet homme tendre et mystérieux qu’elle n’avait cessé d’aimer sincèrement, mais auquel elle ne parvenait plus à offrir l’exclusivité de son âme. Il n’était pas dupe, elle le savait, de cette fable que l’on servait en société pour excuser « ses rêveries » et autres « absences ». C’est vrai, le choléra l’avait changée, marquée – il avait marqué et changé tout le monde – mais Laurent connaissait le monde et sa femme… Que n’avouait-il pas en fait, lorsqu’il lui pardonnait si généreusement de « s’inquiéter pour ce frère, pour l’honnête colonel, qui l’avait guidée à travers l’épidémie ? »

    Et Céline ? De Théus à la Valette, Céline l’avait si peu quittée en plus d’un an, veillant sur sa jeune belle-sœur, comme sur sa fille en éternelle convalescence, ne concédant son absence qu’aux chaleurs estivales d’Aix-en-Provence, qu’elle exécrait. Que gardait cette femme dans les secrets de son cœur, depuis ce long discours partagé presque toute la nuit avec Angelo lors de leur arrivée à Théus ? Qu’avait saisi son expérience de femme indépendante face aux confidences fières et naïves du hussard passionné et sincère ? Elle n’en avait jamais parlé, ni même rien évoqué, mais ses yeux semblaient parfois se reculer auprès du cœur, comme pour éviter de voir un point de rupture si attendu. Puis son regard réapparaissait, saluait le courage ferme de la jeune femme, souriait quelques tendresses maternelles et se masquait à nouveau de malice pour faire face au monde sans rendre vulnérable cet immense amour qui habitait cette âme.

    « Ces gens sont nobles et généreux, et je les aime. » pensait Pauline avant de se fustiger de ne pas être digne d’eux en leur offrant la seule passion qu’ils méritaient… Mais Angelo était là… ou plutôt, il était si brutalement absent, qu’il remplissait ses jours de souvenirs, de besoins et d’impatiences. Quant à ce temps… Ce temps qui devait se faire allié et qui ne faisait rien. La sagesse populaire répétait sans discontinuer « que le temps pouvait tout » ; « que le temps effaçait tout »… Cela paraissait fonctionner, en effet, pour le reste du monde : la violence, la peur, les stigmates de l’épidémie semblaient oubliés. Pourquoi ne le pouvait-elle pas ? Elle avait survécu, certes. Mais le choléra l’avait rendue bien faible…

    Enfin, pour quelques nuits et une poignée de jours, l’écriture de sa lettre lui offrit un court repos. Déchargée de ce qu’elle brûlait de dire, elle s’ouvra à nouveau à la vie, légère et presque naïve. Elle redécouvrit le plaisir frais de chevaucher auprès de Laurent, sans guetter le pas d’un autre cheval. L’air vif de la vallée éclaboussait cette lumière franche jusque dans ses os, si bien qu’au terme d’un galop revigorant, son rire explosait pour la première fois depuis un an. Laurent sourit devant ce miracle et baisa la main gantée de sa femme, cédant à l’impulsion de la gratitude. Ce geste avait la chaleur d’une promesse de bonheur retrouvé. Elle rit, forte d’y croire et s’envola vers d’autres folles cavalcades. Des instants de joie pure pétilleraient en elle jusqu’à sa marche sous les grands peupliers. Ces branchages la conduisaient en frémissant chaque fin d’après-midi dans le pavillon d’invités où elle vivait quelques heures de rêveries paisibles.

    La fin de l’hiver et ses fraîches soirées les rassemblaient dans le petit salon autour de la grande cheminée, qui ne tenait sa majesté qu’à l’étroitesse de la pièce. Ici, Céline, Laurent et Pauline mélangeaient leurs souffles heureux, comme ils reliaient leurs âmes à l’éternité de chaque présent. Tout pouvait s’achever ici, à chaque seconde et tout aurait été parfait, dans cette fausse immobilité des cœurs qui dansent. Mais la saison blanche et la solitude ne durent jamais.

    Avec l’éclosion du printemps, Pauline dessina et tailla des vestes plus légères. On ouvrit les fenêtres et les portes, les oiseaux chantèrent quelques séduisants concerts et les invités remplirent les salons. Vinrent les sourires, les révérences et les compliments, jouant la séduction du monde, faisant tomber les carapaces de l’hiver et les boucliers d’illusions avec…

    Tandis que Laurent intriguait en silence et provoquait d’un seul mot grave les discours politiques à sa table, Céline jouait les entêtées-savantes et enflammait les esprits. Lorsque soudain, l’oraison redoutée débuta :

    « - … Ne craignez-vous donc pas de débordements fâcheux de vos voisins en guerre ? demande un invité stupéfait de la confiance de Laurent à battre seul les chemins vers des rencontres nocturnes mystérieuses et rebelles.

    - Ils sont très occupés à repousser les Autrichiens et à faire leur révolution d’un même élan… pourquoi passeraient-ils les Alpes ? »

    Le « vieux loup » ne répondait pas, il laissait la conversation se faire. Il posait sa main chaude et protectrice sur les doigts fins de sa jeune femme. Geste tendre et discret dont personne ne tenait compte tant il était habituel entre ces époux, mais qui maintenait Pauline dans sa présence souriante et figée. Pourtant, le vrai soutien venait du regard de Céline, qui lui faisait face. Au-delà des jeux et des rondeurs qu’elle offrait à tous, elle permettait à ses yeux de n’être qu’à Pauline. Cette dernière s’y accrochait avec gratitude, les laissait entrer en elle et y bâtir un pilier solide.

    « - Les soldats piémontais perdent des hommes chaque jour, mais gagnent du terrain… l’Autriche n’est déjà plus chez elle », renchérissent les convives.

    Pauline retint un tremblement, se maîtrisa avec autorité : depuis combien de temps sa lettre était-elle partie ?

    « - … mais s’ils obtiennent l’union de l’Italie, quelle influence prévoyez-vous sur la France ? demanda cette jeune femme élégante dont les yeux intelligents se plissaient déjà sous les coups neufs de l’expérience.

    -… à se battre dans tous les sens, y a-t-il autre chose à espérer que la mort ? Conclut un autre.

    - La passion italienne pourrait soulever des montagnes, s’amusa Céline. Mais revenons chez nous un moment : prendrions-nous le dessert au salon ? »

    L’enthousiasme répondit d’aise à l’idée du confort, l’Italie s’évapora dans les gestes doux que l’on mit à quitter la table. Grâce à Dieu, Laurent donna le bras à Pauline. Ce bras solide et prévenant qui la conduisit loin du carnage sachant pourtant que le mal était fait et que rien n’arrêterait plus les images terribles naissant déjà dans l’esprit inquiété de la jeune femme.

    C’est fort de cette connaissance qu’il osa frapper à la porte de sa chambre après avoir raccompagné les derniers invités.

    « - Je vous réveille ? S’enquit-il en entrant, une veilleuse à la main.

    - Je suis heureuse de vous voir, répondit-elle ravie de cette lumineuse chaleur qui venait briser sa solitude frileuse. Entrez donc, je vous en prie.

    - Comment vous sentez-vous ? fit-il en l’entourant de ses grands bras.

    - Bien, maintenant que je ne suis plus seule, avoua-t-elle en se serrant contre son large torse. J’avais

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