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Histoire secrète du PS liégeois: Cools, Mathot, Onkelinx, Daerden et les autres
Histoire secrète du PS liégeois: Cools, Mathot, Onkelinx, Daerden et les autres
Histoire secrète du PS liégeois: Cools, Mathot, Onkelinx, Daerden et les autres
Livre électronique476 pages5 heures

Histoire secrète du PS liégeois: Cools, Mathot, Onkelinx, Daerden et les autres

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À propos de ce livre électronique

François Brabant nous fait pénétrer, à travers une saga qui s’étale sur vingt-cinq ans, de 1988 à nos jours, au cœur d’un fascinant labyrinthe politique, celui du Parti socialiste, et plus spécifiquement de la tumultueuse fédération de Liège.

Un véritable empire, avec ses ministres, ses députés, ses bourgmestres, ses milliers d’affiliés, et des ramifications qui s’étendent à tous les secteurs de l’économie publique.
L’histoire est celle, universelle, de la mécanique du pouvoir. Elle est aussi très singulière, en raison d’un drame unique dans l’Histoire de Belgique : l’assassinat en 1991 d’André Cools, ancien vice-Premier ministre, exprésident du PS et principal leader de la fédération de Liège.
Les premiers rôles forment un casting extraordinaire : André Cools, Michel Daerden, Guy Mathot, Laurette Onkelinx, Alain Van der Biest, Jean-Maurice Dehousse, Willy Demeyer, Stéphane Moreau, Jean-Claude Marcourt…
De tous ces « grands fauves » de l’arène politique, l’auteur nous trace un portrait tantôt acide, tantôt humain. Il nous décrit leur soif de puissance, leurs coups fourrés, mais aussi leur engagement au service de l’idéal socialiste, et la noblesse que peut recouvrir l’exercice de l’État.
C’est donc un récit haletant que propose ici François Brabant, dans un livre au contenu rigoureux, nourri des confidences d’une centaine d’acteurs politiques francophones et conduit à la façon d’un thriller implacable.
« Liège est la ville la plus folle de Belgique », riait Jacques Brel à la télévision publique, en 1971. C’est ce grain de folie douce que montre aussi, en creux, l’enquête de François Brabant.

Un livre pour comprendre la Belgique.

EXTRAIT

Qui est André Cools ? Au jour de sa mort, un citoyen presque ordinaire, délesté de la plupart de ses anciens mandats, dépouillé de ses titres passés, de leur gloire et de leur vernis. Quatorze mois plus tôt, le 1er mai 1990, celui qui a été l’un des leaders politiques les plus importants de la Belgique d’après-guerre a annoncé son retrait de la politique nationale. Il n’est plus ni ministre ni parlementaire, ne siège plus au bureau du Parti socialiste.
Jusqu’alors, sa trajectoire a épousé toutes les secousses du XXe siècle. Le récit de sa vie se lit comme un manuel d’histoire contemporaine, tant il se confond avec les événements qui ont façonné son pays.
André Cools naît le 1er août 1927 à Flémalle, dans les faubourgs industriels de Liège. Les hauts-fourneaux et les châssis à molette hérissent son horizon. Les rives de la Meuse seront son port d’attache ; la maison du peuple, son foyer.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Plus que des secrets, ce sont surtout des confidences, que propose François Brabant, dans un ouvrage très documenté. Au long des trois cents soixante pages, les détails fourmillent sur le dessous des cartes. - M. Gretry et T. Mignon, RTBF

Ce livre, résultat de plusieurs mois de travail et qui est l’amplification d’une enquête qu[e l’auteur] avait réalisée en 2013 pour le Fonds pour le journalisme, est conçu comme un récit haletant, menée à la façon d’un thriller implacable. - Bruno Boutsen, La Libre Belgique

À PROPOS DE L'AUTEUR

François Brabant est journaliste depuis 2004. Il couvre l’actualité politique pour l’hebdomadaire Le Vif/L’Express, principal newsmagazine de Belgique francophone, équivalent belge de L’Express. Son enquête « Di Rupo, histoire d’une marque » a été récompensée en 2012 par le prix Belfius. Il est aussi maître de conférence invité à l’École de journalisme de Louvain, où il co-anime le cours de presse écrite.
LangueFrançais
Date de sortie13 juin 2017
ISBN9782390092537
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    Aperçu du livre

    Histoire secrète du PS liégeois - François Brabant

    révolutionnaire.

    CHAPITRE 1

    L’épouvante

    « Si nous eussions été moins confiants,

    il nous eût été facile de découvrir l’approche d’une catastrophe. »

    Chateaubriand, Mémoires d’Outre-Tombe.

    C’est un matin de juillet si belge. Un ciel gris recouvre Liège, le temps est frisquet. La ville se réveille à peine et la gare des Guillemins baigne dans une somnolence de saison. Des grappes de fonctionnaires attendent le train pour Bruxelles. Ils sont détendus, relax. Ils ne sont pas en vacances, mais l’idée de se rendre au bureau l’été, quand les services tournent au ralenti et que la moitié des collègues sont en congé, paraît moins pénible. Ils parlent du Tour de France. Greg Lemond a revêtu le maillot jaune, mais les coureurs vont aborder les Pyrénées. Tout peut basculer.

    Sur le quai, les agents de l’État voisinent avec des mamans matinales, qui emmènent leurs enfants pour une journée à la mer. Elles ont tout prévu, un jeu de cartes pour les deux heures et demie de voyage, le pique-nique, les maillots, les seaux et les pelles. Avec un peu de chance, il y aura du soleil, là-bas, à Ostende.

    C’était un matin de juillet si belge. Un matin sans histoire, un pays en mode pause. Ce sera, pour Liège, pour le Parti socialiste, une apocalypse.

    Il est sept heures vingt-cinq. Sur la colline de Cointe, au pied d’un immeuble qui surplombe la gare des Guillemins, le corps d’André Cools gît à même le sol, couché sur le côté, légèrement recroquevillé. Plusieurs coups de feu viennent de retentir sur le parking du 215, avenue de l’Observatoire. Deux balles ont atteint leur cible. Le « maître de Flémalle », ainsi qu’on le surnomme, s’apprêtait à monter dans son Audi Quattro. Il s’est écroulé d’un coup. Sa compagne, Marie-Hélène Joiret, avait déjà pris place sur le siège passager du véhicule. Dès qu’elle a entendu les détonations, mue par un réflexe inconscient, elle est ressortie de la voiture. Elle a vu les tueurs en face, le revolver pointé dans sa direction, avant de tomber elle aussi, et de perdre connaissance, touchée à l’épaule droite. Les sicaires ont rempli leur contrat. Dare-dare, ils repartent vers le quartier des Guillemins, où les attend une Ford Escort, rue Varin. Un peu plus loin, ils jettent dans la rivière Ourthe le pistolet de calibre 7.65 avec lequel ils viennent de commettre leur forfait.

    Prévenue par un officier de la police judiciaire, la juge d’instruction Véronique Ancia, de garde depuis la veille, se rend immédiatement sur les lieux du crime. Parmi les enquêteurs en jeans et en baskets, la jeune femme de 36 ans ne passe pas inaperçue, avec son tailleur couleur moutarde. Léon Giet, le procureur général de Liège, l’a précédée de quelques minutes. Autour d’eux, gendarmes, policiers, ambulanciers, magistrats s’affairent autour du corps sans vie d’André Cools, sous l’œil curieux des riverains, qui observent la scène à travers la fenêtre de leur appartement. Marie-Hélène Joiret vient, elle, d’être évacuée en ambulance.

    Ce jeudi 18 juillet 1991, le ministre Melchior Wathelet revient tout juste d’une mission au Maroc. Il est l’invité de la radio publique, pour une interview matinale programmée de longue date. Peu avant de passer à l’antenne, il reçoit un appel du procureur du Roi de Liège, qui lui fait part de l’attentat qui vient de se produire. Aussitôt, il avertit le présentateur du journal parlé. Une poignée de secondes plus tard, celui-ci en informe en direct les auditeurs. « L’invité de notre magazine ce matin : Melchior Wathelet, vice-premier ministre et ministre de la Justice. Il devait… Il devait tout de suite ouvrir ses dossiers, par exemple les réfugiés ou l’immigration, mais tout de suite, nous apprenons une nouvelle… euh… assez énorme… Monsieur André Cools, ministre d’État, bourgmestre de Flémalle, monsieur Cools a été tué, il a été tué ce matin au cours d’une fusillade à Liège. Vous confirmez ?

    — Je confirme. Ce sont les premières informations qui nous parviennent.

    — Vous n’avez pas d’autres détails ?

    — Je n’ai pas d’autres détails. La nouvelle est évidemment terrible. Cela doit s’être passé juste avant sept heures et demie. Une fusillade… À Liège… Monsieur Cools est mort, et au moins une autre personne serait grièvement blessée. »

    À Bruxelles, Georges Bovy compulse la presse du jour, tout en sirotant une tasse de café. Le directeur de cabinet du vice-Premier ministre socialiste Philippe Moureaux a les traits tirés. Il a passé une partie de la nuit à préparer des dossiers, en vue d’un comité ministériel restreint. Le téléphone sonne. C’est son chauffeur. Il appelle depuis l’appareil cellulaire de la voiture de fonction : « Chef, est-ce que vous êtes au courant ? On dit qu’André Cools a été assassiné… Je viens d’aller porter les documents pour la réunion au 16, rue de la Loi. Un autre chauffeur m’a appris la nouvelle. Je n’en sais pas plus. » Georges Bovy croit à une mauvaise rumeur. Par acquis de conscience, il allume la radio. La foudre s’abat sur lui.

    D’un pas décidé, Philippe Moureaux entre à son cabinet, logé dans un immeuble moderne, rue du Commerce. Il pénètre dans l’ascenseur, appuie sur le bouton du quatrième étage, où se trouve son bureau. Quand les portes s’ouvrent, il tombe nez-à-nez avec Georges Bovy, qui lui apprend la mort de leur mentor commun. Le ministre blêmit.

    Un parlementaire socialiste, l’une des étoiles montantes de la fédération liégeoise, roule sur l’autoroute E40. Michel Daerden a quitté la capitale au petit matin, après une nuit de bamboche, et il s’apprête à regagner son domicile, à Ans, dans la banlieue de Liège. Il a branché l’autoradio. Quand il entend le ministre de la Justice annoncer la mort du premier des socialistes liégeois, de stupeur, il manque de lâcher le volant. C’est par la grâce de Cools qu’il est devenu député.

    Le bourgmestre de Liège, Henri Schlitz, est déjà parti en vacances. C’est l’un de ses adjoints, le jeune Willy Demeyer, nommé échevin cinq mois plus tôt, qui le remplace et se rend à Cointe. Saisi d’effroi et d’incrédulité quand il aperçoit le cadavre d’André Cools, en chien de fusil, la tête enfouie dans son veston gris, il confie à son chauffeur : « On se croirait dans un film de Costa-Gavras ». Puis, il échange quelques mots avec un inspecteur de la police judiciaire qu’il connaît un peu. « Une affaire pareille… Vous ne trouverez jamais », lui dit-il.

    Dans la salle de bains de son appartement, avenue Blonden, à Liège, l’attaché de cabinet d’un ministre socialiste se rase face au miroir. Il a laissé la porte ouverte pour entendre la radio, installée dans la chambre à côté. Le journal parlé de huit heures s’ouvre sur une annonce impossible, qui le saisit à la gorge. Deux fois, trois fois, Jean-Claude Marcourt repasse dans sa tête les mots de Melchior Wathelet. Est-ce bien cela qu’il a entendu ? Comme un automate, il se rince le visage, marche quelques pas et s’assied sur le bord du lit, frappé de berlue.

    Alain a 18 ans. Fils du sénateur et ancien ministre socialiste Guy Mathot, il est arrivé en début de semaine à la maison de vacances familiale de Fréjus, sur la Côte d’Azur. Il dort, insouciant, dans le chaud de son lit, quand sa mère le tire brusquement de son sommeil. D’une voix bouleversée, elle lui dit : « On a tué André Cools. »

    Maurice Demolin, le secrétaire de la fédération liégeoise, passe ses vacances avec son épouse et ses enfants à Quiberon, en Bretagne. Il ne se doute de rien quand on frappe à la porte de l’appartement. C’est le fils des gérants de l’agence de location via laquelle il a réservé son séjour. « Il est arrivé un malheur, dit le jeune homme. On vous demande de téléphoner d’urgence à la fédération. » Demolin sort sur-le-champ, se met à la recherche de la cabine téléphonique la plus proche. Quelques minutes plus tard, il obtient au bout du fil le trésorier du PS liégeois. « Le président a été tué », l’avise celui-ci. André Cools a quitté la direction du parti depuis dix ans déjà. Mais, à Liège, tous les socialistes continuent de l’appeler « président ». « Explique-toi. De quel président parles-tu ? » s’agace Demolin. La réponse tombe, après une seconde de silence : « André ».

    La sidération s’abat sur la Belgique entière. Depuis son indépendance en 1830, le royaume n’avait connu qu’un seul assassinat politique, celui du député communiste Julien Lahaut, le 18 août 1950. Dans ce territoire tout entier régenté par l’esprit de compromis, la violence est une éternelle intruse. Les querelles entre Flamands et Wallons, pour mesquines qu’elles soient, n’ont que rarement répandu le sang. Pas de Jaurès ni de Kennedy. Pas d’IRA ni d’ETA.

    Un climat d’irréalité s’installe place Sainte-Véronique, au siège de la fédération liégeoise du Parti socialiste. Les employés ne savent trop s’ils doivent continuer à travailler ou pas. Linda Musin, historienne à l’Institut liégeois d’histoire sociale, logé dans le même bâtiment, a reçu pour mot d’ordre de ne pas s’approcher des fenêtres. « On ne sait pas ce qui peut arriver », l’a averti un responsable de la fédération.

    Le temps passe. En de multiples points du pays, tout au long de cette drôle de journée, l’assassinat d’André Cools ralentit les gestes, voile les regards, rend maladroites les conversations.

    Un silence de plomb règne au cabinet du ministre Alain Van der Biest, installé à Namur, dans un immeuble banal à la façade vaguement enjolivée par des bandeaux en pierre bleue. Après le choc de la matinée, après l’effervescence de l’après-midi, chacun est rentré chez soi. Il est dix-huit heures, et seule une poignée de collaborateurs travaillent encore. Dans la cuisine du cabinet, au cinquième étage, un conseiller novice, Stéphane Moreau, se beurre une tartine. « Quelle affaire, hein », soupire le jeune homme, ne sachant trop quoi dire, quand entre dans la pièce l’un des chauffeurs du ministre. « Des amateurs ! » ricane ce dernier. Puis, il écarte un pan de sa veste en tweed et laisse apparaître la crosse d’une arme à feu. « Avec ça, indique le chauffeur ministériel, il n’aurait pas fallu deux balles. »

    Plus tard dans la soirée, le bureau exécutif de la fédération liégeoise se réunit. Les premiers mandataires à pousser la lourde porte du 8, place Sainte-Véronique sont Gaston et Laurette Onkelinx. Le père et la fille. Lui, bourgmestre de Seraing. Elle, députée. Ils sont effondrés, incapables de retenir leurs larmes. En vain, ils cherchent à en apprendre davantage sur les circonstances du drame. Puis, arrivent Alain Van der Biest, Guy Mathot, Maurice Demolin, Willy Demeyer, et trois ou quatre autres encore, revenus d’urgence de leur lieu de vacances, ou pas encore partis. Le président de la fédération, Lambert Verjus, est épouvanté. Quelques heures avant la tragédie, sa voiture a été incendiée, manifestement dans un but criminel : des traînées d’essence ont été découvertes sur la route.

    La discussion, entre membres de l’exécutif, dure quelques minutes à peine. Ou plusieurs heures. Le temps d’avant n’a plus cours, les anciens repères non plus.

    Les leaders du PS liégeois quittent la place Sainte-Véronique au milieu de la nuit, l’esprit embrumé par les questions. Ils cherchent à comprendre la pièce dans laquelle on les a précipités. Ils se demandent ce que leur réservera le lendemain. Ils pressentent qu’après l’élimination d’un homme, ils vont vivre l’abolition d’un monde.

    CHAPITRE 2

    Le maître de Flémalle

    « On n’abdique pas l’honneur d’être une cible. »

    Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac.

    Qui est André Cools ? Au jour de sa mort, un citoyen presque ordinaire, délesté de la plupart de ses anciens mandats, dépouillé de ses titres passés, de leur gloire et de leur vernis. Quatorze mois plus tôt, le 1er mai 1990, celui qui a été l’un des leaders politiques les plus importants de la Belgique d’après-guerre a annoncé son retrait de la politique nationale. Il n’est plus ni ministre ni parlementaire, ne siège plus au bureau du Parti socialiste.

    Jusqu’alors, sa trajectoire a épousé toutes les secousses du XXe siècle. Le récit de sa vie se lit comme un manuel d’histoire contemporaine, tant il se confond avec les événements qui ont façonné son pays.

    André Cools naît le 1er août 1927 à Flémalle, dans les faubourgs industriels de Liège. Les hauts-fourneaux et les châssis à molette hérissent son horizon. Les rives de la Meuse seront son port d’attache ; la maison du peuple, son foyer.

    Son grand-père, Pierre Cools, un Flamand de Mol, a quitté la Campine en 1880, avec ses parents et ses cinq frères et sœurs. Les usines liégeoises tournent à plein régime, et la Wallonie fait figure d’eldorado pour des dizaines de milliers de travailleurs du nord de la Belgique, pauvres hères en quête d’une vie meilleure. Engagé à 12 ans aux charbonnages de Marihaye, à Seraing, Pierre Cools y découvre la fraternité ouvrière, le syndicalisme, les grèves et les rudesses d’un monde d’hommes. Dans le tumulte d’une manifestation, il s’offre ses premières chaussures, en les dérobant dans une vitrine brisée. Il s’épanouit dans l’action et ne craint pas les risques. Sa conception musclée de la lutte des classes lui vaut un casier judiciaire chargé, jusqu’à le priver du droit de vote, plusieurs années durant.

    Marcel Cools, le fils de Pierre, le père d’André, est de la même eau. Ouvrier sidérurgiste, délégué syndical et échevin du Parti ouvrier belge (POB) à Flémalle, il assure aussi, avec son épouse Amélie, l’intendance de la maison du peuple. Le couple y loue des chambres à des ouvriers italiens. C’est grâce à ces antifascistes qui ont fui Mussolini qu’André mange son premier plat de spaghettis. Le week-end, le gamin joue aux quilles avec son grand-père dans les cafés. Parfois, il l’accompagne dans ses tournées de crieur aux enterrements. Ensemble, Pierre et André arpentent les rues de Flémalle pour annoncer le nom du défunt et l’heure des funérailles.

    Quand les troupes allemandes envahissent la Belgique, en mai 1940, Marcel Cools combat sur la Lys. Après la capitulation, il rejoint la Résistance. La Gestapo l’arrête un jour de février 1942, à l’aube, sous les yeux de son fils. Transféré au fort de Breendonck, puis déporté au camp de Mauthausen, en Autriche, il n’en reviendra jamais – décapité par les nazis d’après certains témoignages, mort d’épuisement selon d’autres.

    Au sortir de la guerre, André Cools épouse à son tour la cause du socialisme, mais aussi celle de l’autonomie wallonne. Il a 18 ans quand il participe au congrès national wallon, auquel assistent, en octobre 1945, un millier de délégués de toutes tendances – socialistes, communistes, libéraux... Pour la première fois, toutes les forces politiques qui se soucient du destin de la Wallonie sont réunies en un seul lieu, à Liège. Le congrès recense les maux dont souffre la moitié sud de la Belgique : spectre du déclin industriel, investissements publics insuffisants, minorisation des Wallons dans les institutions belges, impossibilité d’établir une entente culturelle avec la France… Que faire ? Les uns prônent des aménagements institutionnels dans une Belgique qui resterait unitaire, d’autres une transition vers un modèle fédéral, d’autres encore l’indépendance pure et simple de la Wallonie, voire son rattachement au voisin français. Les organisateurs du congrès décident de procéder à un vote en deux temps. Au premier tour, où les participants sont invités à exprimer leur choix de cœur, 486 congressistes se prononcent pour le rattachement à la France, 391 pour l’autonomie à l’intérieur de la Belgique, 154 pour une Wallonie indépendante et 17 en faveur d’évolutions dans le cadre unitaire belge. Lors du second tour, celui du choix de raison, c’est l’option de l’autonomie qui l’emporte, à l’unanimité moins 12 voix. Pour André Cools, le congrès est un déclic. La conscience wallonne ne le quittera plus, même s’il éprouvera au cours de sa vie politique des sentiments fluctuants vis-à-vis de l’État belge, hésitant entre rejet radical, désir passionné de le remodeler et belgitude désenchantée.

    Entré à l’administration communale de Flémalle comme secrétaire-receveur à la commission d’assistance publique, André Cools se marie à 21 ans. Viveur et rieur, il a le regard intense, bienveillant et sensuel, la blague toujours aux lèvres. La fine moustache qu’il porte lui donne un air d’acteur hollywoodien. De son corps émane en permanence une impression de force physique quasi surnaturelle.

    Il ne cesse de militer. Son énergie et son charisme lui confèrent une aura grandissante au sein du Parti socialiste belge, le PSB, fondé à la Libération sur les cendres de l’ancien POB, dont le président Henri De Man s’est abîmé dans la collaboration avec l’occupant nazi. À peine Cools est-il élu député, en 1958, que la Belgique connaît l’une des plus graves crises de son Histoire. L’indépendance du Congo, le 30 juin 1960, entraîne pour l’ancienne puissance coloniale une sèche perte de revenus – depuis des décennies, les mines du Katanga assuraient sa prospérité. Pour pallier le choc, le gouvernement, qui réunit alors les sociaux-chrétiens et les libéraux, échafaude un plan d’austérité drastique : nouveaux impôts, relèvement de l’âge de la retraite dans le secteur public, contrôle accru des chômeurs... Ces mesures sont regroupées dans un texte fourre-tout, déposé au Parlement le 4 novembre 1960. C’est la Loi unique, que les forces de gauche s’empressent de rebaptiser « loi inique ». Aux quatre coins du pays, la colère éclate. La grève des dockers paralyse le port d’Anvers. Trains et trams cessent de circuler. Les grands magasins baissent leur rideau. Le mouvement prend une tournure insurrectionnelle. Des grévistes saccagent la nouvelle gare de Liège-Guillemins, inaugurée deux ans plus tôt : ensemble moderniste de verre, de tôle et d’aluminium, la station a été conçue sur le modèle de Rome-Termini. Ce jour-là, c’est tout un symbole de la Belgique comme pays de cocagne qui vole en éclats.

    André Cools apporte aux grévistes un soutien sans faille. Pendant quatre semaines, il vole de meetings en piquets de grève, d’assemblées en manifestations. La nuit, il dort sur une table de ping-pong à la maison du peuple de Flémalle. Dans la chambre de sa fille, il a planqué un arsenal de fortune, au cas où : plusieurs pistolets, une mitraillette et des pains d’explosif. Plus timorée, la direction du PSB choisit de n’exprimer son opposition à la loi unique que dans les enceintes parlementaires, et non dans la rue. Quand la marée de la révolte reflue, à la fin du mois de janvier 1961, laissant quatre morts parmi les grévistes, Cools n’abdique pas pour autant. Il adhère au Mouvement populaire wallon, le MPW, que vient de fonder la figure emblématique de la contestation, le dirigeant syndical liégeois André Renard. Le MPW s’articule autour de deux revendications : réforme de structures et fédéralisme. Il dirige son combat tant contre l’économie capitaliste que contre l’État belge unitaire. Chez Renard comme chez Cools, socialisme et régionalisme ne font qu’un.

    Septembre 1962. Le député flémallois devient Cools-le-rebelle. Le nouveau gouvernement, auquel participent les socialistes, a concocté une batterie de mesures pour garantir le maintien de l’ordre et encadrer le droit de grève. La droite a eu peur. Elle ne veut plus revivre le grand désordre de l’hiver 1960. Malgré l’hostilité de sa base syndicale, le PSB fait profil bas. Il estime n’avoir rien à gagner dans une nouvelle crise politique. Lorsque le projet législatif arrive à la Chambre, seuls douze députés socialistes enfreignent la discipline de groupe et votent contre. Parmi eux : les huit élus de l’arrondissement de Liège, sans exception, emmenés par André Cools.

    Mais le Liégeois frondeur sait aussi rentrer dans le rang. Quand, en 1964, la direction du parti interdit la double appartenance au PSB et au MPW, menaçant d’exclusion les réfractaires, André Cools obtempère et accepte, dorénavant, de mener son combat politique sous la seule bannière socialiste. Du reste, sa force de conviction et son poids électoral le rendent de plus en plus incontournable. En 1968, il devient ministre du Budget. À partir de 1969, il assume en outre la charge de vice-premier ministre, en remplacement d’un autre Liégeois, Jean-Joseph Merlot, tué dans un accident de voiture.

    Ce gouvernement dont André Cools est le numéro deux amorce la transformation de l’État belge. Trois communautés – néerlandaise, française et allemande – sont créées en 1970, avec des compétences limitées au domaine culturel. Pour André Cools, qui se déclare « ministre wallon, mais non francophone », c’est à la fois une demi-défaite et une demi-victoire. Une demi-victoire : le verrou unitaire a sauté, la marche vers le fédéralisme est enclenchée. Une demi-défaite : les mesures adoptées satisfont surtout les nationalistes flamands, soucieux de protéger leur langue et leur culture face à l’expansion du français, davantage que les militants wallons, qui réclament plus d’autonomie sur le terrain économique.

    En 1973, André Cools quitte le gouvernement pour prendre la tête du PSB, aux côtés du néerlandophone Jos van Eynde – la direction du parti est alors bicéphale et bilingue. Dès son arrivée, il impose un virage à gauche. Un an plus tard, lors d’un congrès doctrinal, le PSB radicalise ses positions et se prononce en faveur de l’autogestion. « Moi, je ne crois pas aux formules collectivistes du monde soviétique, mais j’admire l’effort culturel de l’URSS, professe Cools. Si vous vous rendez à l’opéra de Moscou, vous n’y verrez pas une élite intellectuelle. Non, ce sont les travailleurs qui viennent écouter la belle musique ou qui assistent à un ballet. Notre socialisme à nous propose un type de société qui se trouve entre la consommation abêtissante et le collectivisme à outrance. »

    Cools, l’ex-député rebelle ne se contente pas d’endosser les habits présidentiels. Il devient aussi l’homme politique le plus puissant de toute la région liégeoise, où il règne sans partage, autoritaire et brutal. Aux yeux de tous, il est le « maître de Flémalle », tel qu’on l’appelle désormais en référence à un peintre de renom¹.

    Le contestataire se mue en gestionnaire. Il se posait en contre-pouvoir, il exerce à présent le pouvoir. Peu à peu, ses relations avec les syndicats se dégradent. Son nom devient le réceptacle du mécontentement social. Quand une grève éclate en 1977 à l’Association liégeoise d’électricité, l’ALE, une importante intercommunale de distribution d’énergie, c’est lui que cible la colère des travailleurs. Même si Cools n’apparaît pas dans l’organigramme de la société, tous connaissent son influence à l’ALE, comme dans l’ensemble des entreprises publiques liégeoises.

    « Avis de recherche : André Cools, grand, fort et bête. » Les calicots filmés par la télévision publique sont sans équivoque. Devant les caméras, un ouvrier de l’ALE, sous-pull blanc cassé et veste en cuir multipoches, hurle sa rage. « Il plaide dans sa campagne électorale pour trente-six heures pour tout le monde. Nous, on demande trente-huit heures, il les refuse ! » Le journaliste l’interroge : à ses yeux, Cools est-il devenu un patron comme les autres ? « Pire que les autres », répond le même, approuvé par ses camarades, qui font cercle autour de lui. Le conflit social s’étale sur plusieurs semaines, prend des proportions symboliques. Cools, qui a donné sa vie pour la gauche ne comprend pas ces attaques qui viennent de son propre camp. À Liège, le traditionnel meeting du Premier Mai se déroule dans un climat de tension extrême. Au lieu de jouer l’apaisement, le président du PSB, de sa voix puissante, vitupère à la tribune le « sous-sous-corporatisme ». Sa moustache touffue, l’index qu’il pointe de façon menaçante, ses gros bras qu’il agite tout en parlant accentuent l’impression de férocité qui se dégage de lui.

    Mâle dominant, mais malmené à Liège, André Cools doit en sus affronter les turbulences que traversent son parti et son pays. Volontariste comme à son habitude, il a pris l’initiative, avec quelques autres, d’engager d’ambitieuses négociations institutionnelles. Il veut liquider une fois pour toutes le contentieux communautaire belge et apporter une solution définitive aux tensions linguistiques. Les négociateurs réussissent le tour de force d’aboutir à un accord, le pacte d’Egmont, signé le 24 mai 1977 par le Premier ministre Léo Tindemans, ainsi que par les présidents des cinq partis du gouvernement : le PSB, le CVP², le PSC³, la Volksunie⁴ et le FDF⁵. L’une des clés de la réussite, rapportent les observateurs, a résidé dans l’improbable alchimie qui s’est créée entre André Cools et Hugo Schiltz, le chef de file de la Volksunie. D’un côté, le socialiste liégeois au verbe tonitruant, parfois brutal, le regard masqué par des lunettes aux verres fumés – ce qui lui donne un air étrange de colonel paraguayen. De l’autre, le dandy nationaliste anversois, bottes de cow-boy et foulard en soie, s’exprimant toujours d’une voix basse, presque un murmure, pour mieux obliger ses interlocuteurs à l’écouter. Ces deux-là se sont découvert des atomes crochus, et ce malgré leurs histoires familiales opposées. Le frère de Schiltz a combattu sur le front de l’Est en support aux Allemands. Hugo Schiltz lui-même a connu l’humiliation de la prison, juste après la guerre, en raison de son appartenance à un mouvement de jeunesse collaborationniste. André Cools, lui, a le cœur qui se tord chaque fois qu’il pense au corps de son père, martyrisé par les nazis, ce corps jamais retrouvé. Cools, Schiltz : le résistant et le collabo ? L’un et l’autre ont eu le courage de sortir de ce schéma simpliste. Ils ont appris à se comprendre, à s’apprécier, et même à rire ensemble.

    Le pacte d’Egmont réforme l’État belge en profondeur. Il renforce l’autonomie des trois communautés créées en 1970, mais prévoit aussi la création d’institutions régionales dotées de pouvoirs substantiels dans le domaine économique, comme le demande le mouvement régionaliste wallon. Ce programme ambitieux, synonyme d’un véritable saut vers le fédéralisme, avec des concessions de part et d’autre, ne sera jamais appliqué. Affaibli par les réticences de nombreux parlementaires de son propre parti, le CVP, le Premier ministre Leo Tindemans démissionne. André Cools, qui a pris d’énormes risques pour imposer l’accord aux franges régionalistes les plus radicales actives parmi les socialistes wallons, s’estime trahi.

    Le PSB n’y résiste pas. En octobre 1978, il se scinde en deux partis, l’un francophone, l’autre néerlandophone. Naturellement, Cools devient le premier président du Parti socialiste, le PS. Mais l’homme est blessé. Ses relations avec les syndicats sont au plus bas. « Je suis fatigué de consacrer la plupart de mon temps à convaincre mes amis plutôt que de pouvoir m’occuper de nos adversaires », s’épanche-t-il lors d’une interview télévisée. Jean Gayetot, le principal dirigeant de la FGTB⁶ wallonne, réplique sèchement : « Si André Cools consacrait plus de temps à combattre ses adversaires, à combattre la droite, eh bien, je crois qu’il aurait d’autant plus de facilité à convaincre ses propres amis. »

    De plus en plus, Cools ressemble au Simón Bolívar crépusculaire décrit par Gabriel García Márquez dans Le Général dans son labyrinthe : « Ses gestes décidés semblaient appartenir à un autre, moins abîmé par la vie. » Dévasté à l’intérieur, il déploie à l’extérieur une vitalité exorbitante. Il tourne en surrégime. L’épuisement et la lassitude, chez lui, ne se caractérisent pas par l’abattement, mais par une irritation extrême. Ses amis comme ses ennemis subissent ses colères répétées, tempêtes violentes et imprévisibles. Il songe à démissionner. Il s’en est ouvert à plusieurs de ses fidèles, notamment à son ancien chef de cabinet, Philippe Moureaux, devenu ministre de l’Intérieur. « Vous voulez que je reste, mais je vais crever ! » lui a-t-il jeté à la figure. À trois reprises, il a annoncé son retrait à son ami Léon Hurez, le bourgmestre de La Louvière, ancien vice-premier ministre. Et à trois reprises, Léon Hurez l’a convaincu de tenir bon.

    Le 29 janvier 1981, la nouvelle tombe pourtant. Président du PSB puis du PS depuis huit ans, André Cools renonce à la direction du parti. Son abdication, car c’en est une, prend de court les analystes politiques, mais aussi la quasi-totalité des élus socialistes. Le maître de Flémalle n’en peut plus, n’en veut plus. Trop régionaliste pour les belgicains. Trop fédéraliste d’union pour les wallingants ultras. Trop socialiste gestionnaire pour la gauche syndicale. Trop rouge qui tache, trop maison du peuple, trop ouvriériste pour les progressistes bon teint. Il est à bout, fatigué de se battre sur tous les fronts.

    Cools s’en va. Non sans désigner son successeur. Pour le remplacer dans le bureau présidentiel du boulevard de l’Empereur, il a choisi Guy Spitaels, vice-premier ministre, professeur d’économie sociale à l’Université libre de Bruxelles. Son contraire en tout point. Autant le Liégeois est spontané, direct, chaleureux, noceur, autant Spitaels paraît austère, réservé, énigmatique, calculateur.

    Encore faut-il que le scénario voulu par Cools l’emporte. Face à Spitaels, un adversaire coriace s’est déclaré : Ernest Glinne. Il s’est fait connaître par son engagement anticolonialiste avant l’indépendance du Congo. Il a été élu député de Charleroi en 1961. Comme Cools, il a transité par le MPW. Cet homme lettré, polyglotte, sincère dans ses élans, mais désordonné à force de fougue a été brièvement ministre de l’Emploi. Il occupe en 1981 la présidence du groupe socialiste au Parlement européen. Cools le méprise, le tient pour un hâbleur incapable d’agir. Toutefois, il ne sous-estime pas le danger. Le député carolo séduit l’aile gauche du PS, mais aussi, paradoxalement, la tendance belgicaine, anti-régionaliste, incarnée par l’ancien Premier ministre Edmond Leburton. De plus, un troisième candidat s’est lancé dans la bataille. Il s’agit du jeune bourgmestre de Grâce-Hollogne, Alain Van der Biest, qui entend jouer les outsiders. Réunis en congrès à la maison de la culture de Namur, les délégués des fédérations accordent au premier tour 295 voix à Guy Spitaels, 272 à Ernest Glinne et 27 à Alain Van der Biest. Au second tour, Spitaels l’emporte d’un cheveu sur Glinne. Quand il se précipite sur scène pour donner l’accolade au vainqueur, André Cools est hué par une partie de la salle. Suprême humiliation.

    Le soir, entouré d’une poignée de fidèles, il va rassasier sa faim et sa soif dans une friterie de Namur, en face de la gare. Jusqu’aux petites heures, il danse la java avec Irène Pétry, slalomant entre les tables, les mains sur les fesses de la sénatrice, ce qui provoque l’hilarité de tous les clients. Il paraît soudain heureux, soulagé d’un fardeau immense, débarrassé de la présidence d’un parti qui ne l’aime plus.

    Les semaines qui suivent, son rejet de la politique est total. Il ne sort presque plus de Flémalle. Un temps, il clame même son refus d’être encore candidat aux élections. Deux poids lourds de la fédération liégeoise, Édouard Close et Jean-Maurice Dehousse, se rendent à son domicile pour l’implorer de revenir sur sa décision. Cools les écoute, l’air hagard, sans ciller. « Il ne nous pardonnera jamais de l’avoir vu dans cet état », confie Dehousse à Close, sur le chemin du retour.

    Aux élections de novembre 1981, le PS bascule dans l’opposition. Pour le plus long purgatoire de son histoire : six années de bannissement hors du gouvernement national. Les socialistes siègent cependant dans la majorité à la Communauté française ainsi qu’à la Région wallonne. André Cools devient le premier président du Parlement wallon, tout juste créé – une fonction symbolique, qui cadre mal avec l’homme d’action qu’il a toujours été. Alors qu’il s’est réfugié dans une semi-retraite politique, trois jeunes loups aspirent à jouer les premiers rôles à Liège : Guy Mathot, Jean-Maurice Dehousse et Alain Van der Biest.

    Guy Mathot a bu aux mamelles de la politique dès sa venue au monde, en 1941. Pendant la guerre, ses parents se sont engagés dans la Résistance. Son père, l’un des leaders des métallurgistes FGTB, a participé en première ligne aux grandes grèves de 1960. Sa mère a été bourgmestre de Saint-Séverin, dans le Condroz. Au cours de ses études en biologie, il a présidé la section des étudiants MPW de l’Université de Liège. Ensuite, tout a été très vite : secrétaire national du PSB à 27 ans, bourgmestre de Seraing à 29, député à 30, ministre à 36. Aux élections de 1977, il recueille 34 000 voix, à la grande fureur d’André Cools, qui n’en obtient que 21 000. En 1980, quand les gouvernements chutent en cascade, Guy Mathot reçoit successivement l’Éducation nationale, l’Intérieur, puis le Budget. Et lorsque Spitaels prend la présidence du PS, c’est lui qui le remplace au poste de vice-premier ministre. Les plus hautes fonctions semblent promises à cet homme qui a tout pour lui : la vista tactique, une rare acuité intellectuelle et un charme fou.

    Un avenir tout aussi radieux paraît destiné à Alain Van der Biest. Né en mai 1943, fils d’un ouvrier et d’une coiffeuse, il a étudié la philologie romane à l’Université de Liège, avant de passer une année à Pérouse, pour peaufiner ses connaissances en littérature italienne. D’abord professeur de français et d’italien à l’athénée de Seraing, il est ensuite revenu à l’université, comme assistant. C’est André Cools, à l’époque où il

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