Impostures: Une nouvelle noire jubilatoire

Par Nicolas Gerrier

Nicolas Gerrier nous trompe énormément, ici et maintenant, à travers une galerie d'Impostures : citoyenne, familiale, criminelle, scientifique...

Non Monsieur, je ne crache pas sur la tombe d'un mort qui comme les cochons n'a besoin de personne pour se rouler dans la boue. Non, Monsieur, garder des vieux papiers n'est ni de la préméditation ni le signe d'un délire de persécution, c'est de la prévoyance ! J'oserais dire que, pour l'époque, c'était un acte de résistance ! (...) Le seul mérite de votre visite aura été de faire disparaître mes scrupules envers votre famille : sachez que je n'hésiterai pas à parler, la vérité ne nuit qu'aux coupables.

Une succession d'infamies, un régal pour le lecteur.

EXTRAIT

Barfeuil-en-Terre, le 8 avril 20...

À Monsieur le maire,

Cette fois-ci, j’en ai la preuve, ils préparent une attaque ! Ce matin, alors que je les observais dans mes jumelles, j’ai très nettement vu le plus gros se tourner en direction de mon jardin et piailler quelque chose aux autres. Ensuite, ils ont tous ricané et se sont envolés comme se disperse un groupe de voyous. J’ai peur pour mon cerisier ! Dans deux mois, les fruits seront mûrs. Si vous n’intervenez pas d’ici-là, je devrai me défendre. Je suis encore bon chasseur.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Nicolas Gerrier est né en 1964. Ingénieur de formation, il travaille dans l’industrie avant de se tourner vers l’écriture.
Il écrit des nouvelles - dont le recueil, très remarqué, Départs d’enfants, Grand Prix du livre jeunesse 2012 de la SGDL - ainsi que des discours pour les personnalités publiques et des livres de Français Langue Etrangère.

• Langue: Français
• Éditeur: Emoticourt
• Date de sortie: 6 févr. 2018
• ISBN: 9782823900477

Aperçu du livre

Couverture

Impostures

Nicolas Gerrier

À Monsieur le maire

Barfeuil-en-Terre, le 8 avril 20...

À Monsieur le maire,

Cette fois-ci, j’en ai la preuve, ils préparent une attaque ! Ce matin, alors que je les observais dans mes jumelles, j’ai très nettement vu le plus gros se tourner en direction de mon jardin et piailler quelque chose aux autres. Ensuite, ils ont tous ricané et se sont envolés comme se disperse un groupe de voyous. J’ai peur pour mon cerisier ! Dans deux mois, les fruits seront mûrs. Si vous n’intervenez pas d’ici-là, je devrai me défendre. Je suis encore bon chasseur. Félicitations pour votre discours, hier, au banquet des anciens. J’ai cru entendre votre père. Un sacré maire, votre père. Instruit, honnête, travailleur, l’inverse de votre grand-père. Vous ne devez pas savoir grand-chose sur ce dernier, vos parents n’aimaient pas en parler. Étiez-vous au courant, par exemple, que c’est lui qui a acheté votre exploitation familiale, le Pré-fleuri ? Je me souviens très bien de la transaction, j’étais stagiaire chez Maître Corbaille et c’est moi qui ai copié l’acte. Une chance que la famille Guignard quitte Barfeuil. J’ai toujours envié les gens qui savent se décider rapidement. Depuis, personne n’a eu de leurs nouvelles. Ils pourraient quand même donner signe de vie.

Je vous remercie de faire le nécessaire pour mon cerisier. Les oiseaux ne sont pas les seuls suspects, j’aperçois parfois des enfants qui les excitent. Peut-être que ce sont eux qu’il faudrait surveiller.

Votre administré importuné, Norbert Lefranc

Barfeuil-en-Terre, le 22 avril 20...

À Monsieur le maire,

Je n’ai reçu aucune réponse à ma lettre du 8 avril. Je suis déçu. Sans doute êtes-vous trop occupé par les élections municipales de juin prochain.

À propos d’élections, savez-vous que votre engagement en faveur des réfugiés kurdes est au centre des conversations de la commune ? Votre soudaine attention envers les peuples en difficulté étonne. Certes, cela honore votre nom et soulage certainement la mémoire familiale, mais beaucoup pensent que ces gens auraient été plus à l’aise ailleurs, sur un terrain plus grand, plus adapté à la construction d’un foyer d’accueil, à Fronchamps par exemple. Mais le maire de Fronchamps s’y est peut-être déjà opposé. On le dit très soucieux de la tranquillité et de la sécurité de ses administrés...

Les oiseaux sont toujours là. Ils me semblent même être plus nombreux, peut-être plus agressifs aussi, comme les enfants qui les incitent au pillage. J’écris enfants, mais c’est un terme bien innocent pour ce type d’individus.

En fouillant dans mes vieux papiers, j’ai retrouvé les documents concernant la vente de votre domaine familial. À l’époque, en 1943, l’estimation ne m’avait fait ni chaud ni froid (à dix-sept ans, certaines sommes vous dépassent). Mais si votre grand-père avait eu à débourser cet argent, vous seriez encore en train de payer les traites ! Pourquoi les Guignard ont-ils accepté de brader leurs terres, eux qui disaient se sentir si bien chez nous ? Mystère !

Votre partisan attentif, Norbert Lefranc

Barfeuil-en-Terre, le 6 mai 20...

À Monsieur le maire,

Votre adjoint chargé de l’action sociale sort de chez moi à l’instant. Je l’ai mis dehors. Ce jeune freluquet n’a rien trouvé de mieux que de me suggérer de protéger mes cerises avec un filet, d’installer un épouvantail à proximité de mon arbre ou d’acheter un chat. Il dit parler au nom du conseil municipal ! Je n’ose pas croire que vous assimilez mes cerises à une action sociale !

Pour ma part, j’ai progressé dans l’enquête. Ce sont bien des enfants qui