L'eau en droit international: Convergences et divergences dans les approches juridiques
Par Marie Cuq et Mathias Forteau
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À propos de ce livre électronique
Dans ce contexte, une approche juridique est nécessaire pour concilier les différents usages de l'eau, assurer sa préservation et son utilisation durable. Le droit international trouve son fondement dans la nécessité d'une approche globale du cycle naturel de l’eau, mais ne rencontre pas moins de difficultés à concrétiser une approche intégrée des différents usages de l'eau.
La prise en considération simultanée de l’eau en tant que marchandise, droit de l’homme, élément du territoire de l’État ou investissement privé pousse le droit international à appréhender juridiquement ces différents aspects. Celui-ci le réalise à travers l’application à l’eau de ces branches de droit spécialisés mais cela aboutit à une approche qui reste fragmentée et sectorielle.
Ce constat explique que, face à ce qui est présenté comme une impossibilité du droit international positif à envisager l’eau de façon globale, des propositions doctrinales en appellent à l’élaboration d’un nouveau statut juridique de l’eau au niveau international, mais leur concrétisation se heurte à des obstacles parfois surmontables, parfois insurmontables.
L’originalité de l’ouvrage intéressera tant les praticiens du droit international que les professeurs, les chercheurs et les étudiants de dernier cycle.
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Avis sur L'eau en droit international
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Aperçu du livre
L'eau en droit international - Marie Cuq
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© Groupe De Boeck s.a., 2013
Éditions Larcier
Rue des Minimes, 39 • B-1000 Bruxelles
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Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.
ISBN : 978-2-8044-6269-7
Dans la même collection :
VINCENT P., Droit de la mer, 2008
KIEFFER B., L’Organisation mondiale du commerce et l’évolution du droit international public, 2008
FELLER E., NICHOLSON F., TÜRK V., La protection des réfugiés en droit international, 2008
KALALA TSHIBANGU, Les résolutions de l’ONU et les destinataires non étatiques, 2009
FERRAUD-CIANDET N., Protection de la santé et sécurité alimentaire en droit international, 2009
VINCENT P., Institutions économiques internationales, 2009
VINCENT P., L’OMC et les pays en développement, 2010
DOUMBÉ-BILLÉ S. (sous la direction de), Défis énergétiques et droit international, 2011
BEN MANSOUR A., La mise en œuvre des arrêts et sentences des juridictions internationales, 2011
EL SAWAH S., Les immunités des états et des organisations internationales. Immunités et procès équitable, 2012
ILLY O., L’OMC et le régionalisme. Le régionalisme africain, 2012
KIEFFER B., L’Organisation mondiale du commerce et l’évolution du droit international public, 2012
BABAN B. S., La mise en cause de la responsabilité pénale du chef d’État, 2012
VAN STEENBERGHE R., La légitime défense en droit international public, 2012
GILLES A., La définition de l’investissement international, 2012
SADOWSKI M., Droit de l’OMC, droit de l’Union européenne et fiscalité directe, 2013
Remerciements
Cet ouvrage est issu de l’actualisation d’un travail de recherche initié en 2010 dans le cadre du Master 2 Droit des relations internationales et de l’Union européenne de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense.
Mes premiers remerciements s’adressent à Monsieur le professeur Mathias Forteau, Directeur de mémoire, pour m’avoir accordé sa confiance pour traiter ce sujet d’étude, pour sa disponibilité, ses conseils et son encadrement tout au long de ce travail. Je remercie également le Directeur du Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), Monsieur le professeur Jean-Marc Thouvenin de m’avoir permis d’assister au colloque sur L’eau en droit international (SFDI, juin 2010), ainsi que Messieurs les professeurs Pierre Mayer et Lucius Caflisch pour l’envoi de leurs contributions écrites à la suite de ce colloque. Je remercie Madame le Professeur Myriam Benlolo-Carabot qui m’a donné, lors de la soutenance, des recommandations utiles à l’amélioration de ce travail.
Mes remerciements s’adressent également à Monsieur Pierre Campredon, Consultant UICN Guinée Bissau, et à Madame Augusta Henriques, Secrétaire générale de l’ONG Tiniguena Guinée Bissau, pour leurs conseils qui ont nourri ma réflexion et fait naître le choix de ce sujet d’étude.
Enfin, mes remerciements s’adressent aux étudiants de la promotion 2010 du Master 2 pour leur esprit d’équipe, notamment Andrea Lozano Almario, Rodolphe Cadoret, Sophia Gallo, Marina Pantoja, Camille Papinot et Rodrigue Kiautua. Je remercie Pierre Lebriquir et Valérie Marx pour leurs précieuses relectures, ainsi que l’ensemble de ma famille et de mes amis pour leur soutien et leur amitié.
Préface
Dire de l’eau qu’elle constituera l’un des enjeux majeurs du XXIème siècle a déjà tout d’une antienne. Cela ne diminue en rien l’urgence et l’importance des défis à affronter. Ceux-ci sont nombreux et divers. (Géo)politiques, économiques, sociologiques, culturels aussi, humains avant tout, pour un trop grand nombre d’individus, juridiques bien entendu, également. Nul ne sera donc surpris que les internationalistes se soient saisis ces toutes dernières années des questionnements entourant l’eau appréhendé comme objet du droit international. En témoignent l’adoption par l’Association de droit international en 2004 des « Règles de Berlin sur les ressources en eau »¹, la publication en 2007 d’un cours à l’Académie de droit international de La Haye consacré à l’évolution du droit international de l’eau² ou, sans être aucunement exhaustif, la décision de la Société française pour le droit international de tenir son colloque annuel de 2010 sur le thème de l’eau en droit international³.
Dans ce contexte, il importe d’éclairer le lecteur sur le profit qu’il pourra tirer du présent ouvrage dont la première mouture, publiée ici dans une version remaniée et actualisée, a pris la forme d’un mémoire de master 2 soutenu par Marie Cuq à l’Université Paris Ouest, Nanterre La Défense en septembre 2010 et dont la qualité a contribué à ce que son auteure se voit accorder un contrat doctoral qui lui permet aujourd’hui de poursuivre un doctorat prometteur sur le thème de l’alimentation en droit international. Ce profit, de mon point de vue, est triple, au moins.
Cet ouvrage constitue tout d’abord, dans le volume raisonnable qui est le sien, une très bonne sensibilisation aux enjeux de l’encadrement juridique de l’eau, à commencer par le premier d’entre eux, l’accès à l’eau pour tous. Rappelons à cet égard que les objectifs du Millénaire, au demeurant modestes, de réduction du nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau ou à des services d’assainissement ont été renouvelés en juin 2012 lors du Sommet de « Rio + 20 » sur le développement durable⁴. L’origine de la recherche menée par Marie Cuq touche directement à cet enjeu prioritaire, celle-ci ayant eu l’opportunité d’effectuer un stage de plusieurs mois auprès de l’UICN au Sénégal au cours duquel elle a pu expérimenter les difficultés d’accès à l’eau potable ou à des services d’assainissement dont souffrent encore trop d’individus. Sous cet angle, l’ouvrage de Marie Cuq est de nature militante, au sens noble du terme et non au sens galvaudé, et du même coup péjoratif, qu’on lui donne trop souvent aujourd’hui (signe d’une époque devenue si positiviste que l’idée même que des valeurs puissent orienter un travail scientifique lui paraîtrait suspecte ?) : loin de chercher à imposer une idéologie partisane, le présent ouvrage est tout entier mû par la volonté de comprendre, pour mieux le réguler, un fait social qui est source d’une légitime préoccupation, en s’efforçant, par le biais d’une analyse objective et raisonnable, de trouver des solutions viables aux difficultés rencontrées.
La deuxième qualité de cet ouvrage tient à sa volonté d’affronter l’eau sous toutes ses facettes juridiques, si diverses soient-elles. De fait, l’eau n’est pas seulement une ressource, soumise à la souveraineté territoriale de l’État, ni uniquement un besoin humain, source d’un droit émergent à l’eau. Elle constitue aussi un objet d’échange (un bien), un domaine dans lequel certains investissent ou encore un élément de l’environnement. Conséquemment, l’eau ne constitue pas un seul objet juridique, mais plusieurs, soumis à des branches du droit distinctes, articulées bien souvent selon leur logique propre. Dans le cadre restreint qui est le sien, le présent ouvrage ne pouvait pas bien sûr étudier dans le détail chacune de ces facettes, ni en livrer une analyse exhaustive. Au moins cependant en offre-t-il un panorama éclairant, toujours nourri des références appropriées.
Telle n’était d’ailleurs pas l’ambition première de l’auteure - et c’est là la troisième qualité de son livre. Il ne s’agissait ni de rédiger un traité du droit international de l’eau, ni même de s’interroger sur l’existence d’un « droit international de l’eau », tâche d’ailleurs sans doute impossible compte tenu de la diversité des règles juridiques qui, dans des secteurs distincts, régissent l’eau, soit comme bien, soit comme activité, soit comme ressource, soit comme besoin. La tâche de Marie Cuq est bien plus ciblée, et bien plus profonde ; elle consiste à déterminer s’il est possible, et si oui dans quelle mesure, non pas seulement de réconcilier les différentes approches de l’eau, mais, au-delà, d’en développer une approche intégrée - « globale » selon l’adjectif que privilégie l’auteure, c’est-à-dire une approche qui permette - dans la lignée du développement durable, mais sans doute en élévant d’un cran la difficulté - de satisfaire dans un même mouvement les intérêts divers que s’attachent à protéger les différentes branches du droit qui s’intéressent à l’eau (le droit de la coopération interétatique, le droit du commerce international, le droit des investissements étrangers, le droit international des droits de l’homme, le droit des conflits armés ou encore le droit international de l’environnement). Cette recherche est tout à fait justifiée et paraît même s’imposer lorsque l’environnement, ou l’un de ses éléments aussi crucial que l’eau, est en jeu⁵. Elle est menée ici avec la rigueur et la prudence requises, quitte à aboutir à des conclusions en retrait par rapport aux attentes que peut faire naître un tel projet de recherche.
L’auteure montre en effet de manière convaincante que chaque approche sectorielle de l’eau est en partie aveugle aux autres en ce qu’elle n’intègre pas dans sa propre dimension les besoins sociaux pris en charge par les autres. Elle révèle de manière tout aussi pertinente que les approches qui se veulent plus englobantes ne réalisent elles aussi qu’imparfaitement cet objectif. C’est le cas en particulier du droit à l’eau conçu comme droit de l’homme, qui suppose la gratuité, laquelle risque d’empêcher la distribution de cette ressource si l’État n’est pas en mesure de prendre en charge cette activité et s’il n’y a pas d’autre alternative que de la déléguer au secteur privé, qui réclame rémunération. La problématique de la tarification sociale de l’eau, destinée à rendre son accès plus juste et facile, est exemplaire à cet égard : d’une part, celle-ci peut entrer en conflit avec la tarification environnementale de l’eau, d’autre part, elle suppose qu’un prix soit donné à l’eau et donc de la concevoir comme une marchandise et pas seulement comme un bien essentiel. De même, la notion de bien public, séduisante en première intention, révèle ses limites de concept fédérateur ou « intégrateur » une fois qu’elle est passée au crible de l’analyse sans concession à laquelle la soumet Marie Cuq. Les limites qui affectent les tentatives de trouver au plan international une approche intégrée des différentes approches de l’eau conduisent en définitive Marie Cuq à se (re)tourner vers les droits internes pour déterminer si de leur coordination ne pourrait pas émerger la seule solution viable. Il n’y a là nulle démission, tant il paraît naturel en définitive de demander aux ordres juridiques internes d’assurer un équilibre entre l’intérêt général et les intérêts privés, dans la poursuite du bien commun. Il n’en demeure pas moins que cette ultime porte de sortie témoigne des lacunes dont le droit international fait preuve aujourd’hui en la matière. S’il existe des droits internationaux de l’eau, il paraît encore difficile d’envisager l’existence d’une approche intégrée de l’eau.
Si la fragmentation du droit international a pu agiter ces dernières années les théoriciens du droit international, elle trouve ici une manifestation aussi concrète que préoccupante. C’est le grand mérite de ce livre que de la dévoiler. À ce titre-là, au moins, celui-ci, écrit dans une langue toujours claire et précise, mérite d’être lu, et une fois lu, d’être médité patiemment - dans les limites qu’autorise l’urgence des enjeux.
Mathias Forteau
Professeur à l’Université Paris Ouest, Nanterre La Défense
Membre de la Commission du droit international des Nations Unies
1. http://www.ila-hq.org/en/committees/index.cfm/cid/32.
2. E. B
rown
W
eiss
, « The Evolution of International Water Law », RCADI, 2007, vol. 331, pp. 161-404.
3. SFDI, Colloque d’Orléans, L’eau en droit international, Pedone, Paris, 2011.
4. Voy. le § 120 de la déclaration finale du sommet « Rio + 20 - L’avenir que nous voulons », Conférence des Nations Unies pour le développement durable, 20-22 juin 2012, Doc. NU A/CONF.216/L. 1.
5. Voy. M.
Serres
, Le contrat naturel, Champs Essais, Flammarion, 1992, p. 172 : « Jusqu’à ce matin même nous échappait la nature : ou nous la limitions à l’expérience courte du petit carré de luzerne ; […] et si nous l’étudiions, dans les sciences, nous la découpions en lopins encore plus petits ; l’une des crises de notre savoir vient de ce qu’il ne saurait fonctionner sans ces découpages et qu’il doit résoudre les problèmes posés par leur intégration ».
Sigles et abréviations
Introduction
Le Secrétaire Général des Nations Unies estimait, à l’occasion de la Journée mondiale de l’eau qu’« actuellement, 1,1 milliard de personnes, soit 18 % de la population mondiale, n’ont pas accès à l’eau potable. Environ 2,6 milliards de personnes, soit 42 % de la population mondiale, n’ont pas accès aux services d’assainissement de base »¹.
L’eau, « liquide incolore, inodore, transparent et insipide lorsqu’il est pur », peut à la fois désigner une « étendue ou masse plus ou moins considérable de ce liquide » ou un « liquide utilisé par l’homme », l’eau potable². L’eau est omniprésente sur notre planète : 70 % de la surface de la terre est constituée par les océans mais, 97 % de cette eau est en réalité « salée et impropre à une consommation directe ». L’eau douce ne représente qu’environ 3 % des réserves mondiales en eau³ et encore faut-il qu’elle soit disponible ou susceptible de faire l’objet de transformations pour être rendue disponible aux besoins de la société humaine. Les nuages constituent des réserves non négligeables en eau douce mais, alors que les techniques d’extraction et de récupération d’eau atmosphérique semblent de plus en plus envisagées, cette pratique est loin d’être généralisée et systématique⁴. De la même manière, les icebergs, formés d’eau douce et d’eau salée, constituent 70 % de l’eau douce de la planète. Cependant, si « cette quantité d’eau représente plus d’eau douce que la production annuelle cumulée de toutes les rivières de la planète », elle est très peu disponible⁵. Certaines expériences de remorquage d’icebergs de grande taille ont pu voir le jour, notamment vers des régions souffrant de manque d’eau telles que l’Arabie, l’Afrique ou l’Amérique, mais elles restent exceptionnelles du fait de leur faible rentabilité et ne semblent pas, dans un avenir proche, pouvoir faire l’objet d’une pratique systématique.
L’eau douce rendue disponible aux besoins humains ne compte en définitive que pour 0,25 % du total des réserves mondiales en eau⁶ et l’on comprend dès lors les interrogations actuelles liées à la diminution de la disponibilité de l’eau douce dans le monde. Malgré le fait que l’eau douce ne soit pas une « ressource rare » mais seulement « limitée », qu’elle soit « recyclable » et non « renouvelable »⁷, elle fait l’objet d’une demande accrue et d’une diversification de ses usages. Ces constats, dus à une convergence de plusieurs facteurs tels que l’accroissement démographique, la salinisation progressive des eaux, le déversement de polluants divers ou les aléas climatiques rendent les enjeux de sa conservation et de son utilisation durable d’autant plus vifs⁸.
Dans ce contexte, une approche