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Dictionnaire du Consulat et de l'Empire: Les Dictionnaires d'Universalis
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Livre électronique684 pages8 heures

Dictionnaire du Consulat et de l'Empire: Les Dictionnaires d'Universalis

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À propos de ce livre électronique

En 150 articles empruntés à l’Encyclopaedia Universalis, ce Dictionnaire du Consulat et de l’Empire propose un fonds documentaire solide pour revisiter, sous la conduite des meilleurs guides, cette période illustre de notre histoire. D’Alexandre Ier à Wellington, en passant par Napoléon Bonaparte, sa famille et son entourage civil et militaire, les personnages occupent le devant de la scène, mais les événements et leur enchaînement ne sont pas négligés par un sommaire où brillent les noms d’auteurs comme Jean Tulard, Jean Massin, Guillaume Berthier de Sauvigny, Jacques Godechot. Dense, pratique, riche d’aperçus stimulants, ce dictionnaire est le compagnon idéal de tous ceux que passionnent la geste napoléonienne et ses effets.


LangueFrançais
Date de sortie27 oct. 2015
ISBN9782341002677
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    Dictionnaire du Consulat et de l'Empire - Encyclopaedia Universalis

    Dictionnaire du Consulat et de l'Empire (Les Dictionnaires d'Universalis)

    Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.

    ISBN : 9782341002677

    © Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

    Photo de couverture : © Manczurov/Shutterstock

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    ABEILLES IMPÉRIALES


    Mouches et cigales font partie du mobilier funéraire mérovingien ; dans la civilisation de la steppe, la cigale est symbole de résurrection du fait de ses métamorphoses et, selon Édouard Salin : « La cigale mérovingienne évoque l’idée d’immortalité et elle est, plus ou moins indirectement, un héritage de traditions venues d’Extrême-Orient et apportées par le monde des steppes. » Lors de la découverte de la tombe du roi Childéric Ier (mort en 481) à Tournai, en 1653, on trouva de nombreux bijoux d’or, ornés de grenats, que l’on baptisa « abeilles ». Ce trésor fut donné à l’archiduc gouverneur des Pays-Bas qui l’emporta à Vienne. En 1665, sur la demande de l’électeur-archevêque de Mayence, l’empereur Léopold Ier en fit cadeau à Louis XIV, successeur de Clovis et de son père Childéric Ier ; les épaves de ces objets précieux (beaucoup furent volés et fondus) figurent encore au cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale (Paris). Un érudit du nom de Jean-Jacques Chifflet pensa que l’abeille de Childéric était à l’origine de la fleur de lis, qui en serait dérivée graphiquement, thèse insoutenable mais qui s’imposa en partie (Anastasis Childerici I..., Anvers, 1655 ; Lilium francicum veritate historica..., Anvers, 1658). Louis XII avait utilisé une ruche bourdonnante comme corps de sa devise, mais la Convention nationale repoussa cet emblème pour la République, les abeilles ayant une reine. Dans son désir de remonter aux sources carolingiennes et même mérovingiennes et de « sauter » ainsi par-dessus les Capétiens, Napoléon Ier cherche de nouveaux symboles en 1804. Le Conseil d’État entend Cambacérès et Lacuée proposer les abeilles, « une république qui a un chef », ayant un aiguillon mais produisant du miel, emblème de travail pour Ségur. L’équipe qui crée les armoiries impériales autour de Vivant Denon sème des abeilles d’or de style mérovingien sur le manteau impérial de pourpre ; mais, le dessin ayant un aspect trop archaïque, on préfère l’abandonner au bout de quelques semaines ; une abeille aux ailes bien détachées est adoptée et c’est elle que l’on voit sur les vêtements de l’empereur, de l’impératrice ainsi que sur les tentures de Notre-Dame pour le sacre, remplaçant l’antique semé de fleurs de lis. L’abeille figure dans la symbolique d’État française de 1804 à 1814, durant les Cent-Jours et enfin sous Napoléon III (1852-1870).

    Hervé PINOTEAU

    AIGLE IMPÉRIALE


    Oiseau de Zeus puis de Jupiter, patron de Rome, l’aigle fut employé par les Barbares qui le considéraient comme le symbole de l’Être suprême (Édouard Salin). Des indices prouvent que Charlemagne l’employa au sommet du mât de ses navires (denier de Quentovic, après 804) et en mit une image en bronze au-dessus de son palais d’Aix (Richer, Thietmar). Ce symbole romain parvint aux Stauffen qui le placèrent sur leur écu (vers 1175, sous Frédéric Ier Barberousse, un pfennig frappé à Maestricht montre un écu orné d’un aigle et entouré d’une légende signifiant que c’est l’écu de l’empereur) ; c’est ainsi que les empereurs et rois des Romains, plus tard rois de Germanie, eurent les armes à l’aigle qui devinrent celles de l’Allemagne. Byzance prit aussi l’aigle, qui est du genre féminin en héraldique. Depuis la fin du XIIIe siècle, Charlemagne fut souvent représenté symboliquement par un écu aux armes parti de l’Empire (l’aigle) et de France (les fleurs de lis), ce qui apparaît en particulier sur le sceptre « de Charlemagne » fait pour le sacre de Charles V de France (1364). Des auteurs français du XVIIe siècle en vinrent à dire que Charlemagne avait l’aigle d’or sur champ d’azur, alors que les armes traditionnelles du Saint-Empire étaient en réalité une aigle de sable (noir) en champ d’or. Ces textes d’André Favyn (Le Théâtre d’honneur de chevalerie, Paris, 1620) et de Marc-Gilbert de Varennes (Le Roy d’armes..., Paris, 1635) furent lus par Vivant Denon et Napoléon Ier quand on créa les armoiries impériales autour de l’idée de Charlemagne (1804). Pour distinguer la nouvelle aigle française des aigles de l’empereur des Romains et d’Autriche, de l’empereur de Russie, du roi de Prusse et même des États-Unis d’Amérique, on dessina une aigle romaine, empiétant un foudre, les ailes baissées, en un style naturaliste fort peu héraldique, mais déjà assez visible sur des symboles prussiens (maillons de l’ordre de l’Aigle noir, aigle des drapeaux, etc.). Les armoiries de la France impériale (1804-1814, 1815 et 1852-1870) portaient ainsi en leur milieu un écu d’azur à l’aigle antique d’or empiétant un foudre du même. Il est probable que c’est un architecte lyonnais du nom de Joseph Gay qui dessina aigle et armoiries, ces dernières étant fort mal décrites dans le décret du 10 juillet 1804. Antoine-Denis Chaudet, s’inspirant visiblement d’un monument romain, créa l’aigle similaire placée au sommet des drapeaux, étendards et guidons distribués le 5 décembre 1804, trois jours après le sacre. Cet oiseau impérial a donc donné son nom aux drapeaux napoléoniens, et l’on sait que cet objet métallique était aux yeux de l’Empereur beaucoup plus important que l’étoffe tricolore. Il reste peu d’« aigles » napoléoniennes dans les musées et collections particulières. Le terme de « grand aigle » servira, sous Napoléon Ier à désigner les plus importants légionnaires (1805), mais sera remplacé à partir de 1815 par celui de grand-croix de la Légion d’honneur.

    Hervé PINOTEAU

    ALEXANDRE Ier PAVLOVITCH (1777-1825), empereur de Russie (1801-1825)


    Petit-fils de la Grande Catherine, le jeune Alexandre est, dès son enfance, séparé de son père, qu’il aime en dépit de ses extravagances. L’impératrice se charge de son instruction et le confie, sur la recommandation de Grimm, au Suisse La Harpe, disciple de Diderot et de Voltaire. Elle remet au précepteur des instructions où tout est prévu. Le jeune prince reçoit donc une éducation républicaine. Placé entre son père et sa grand-mère, il doit continuellement cacher ses opinions et, toute sa vie, il restera une énigme pour son entourage. Il n’a pris aucune part effective au meurtre de son père, mais il a cependant trempé dans la conspiration où celui-ci trouva la mort ; il en gardera toute sa vie un sentiment de profond repentir et un désir ardent de réparer sa faute.

    Entouré d’anglomanes dans la première partie de son règne, il rêve de réformes, puis il se rapproche de Napoléon à Tilsitt ; mais, quand celui-ci envahit la Russie, Alexandre Ier devient l’animateur de la résistance nationale. En 1814, placé à la tête des affaires européennes et au zénith de sa gloire, il tombe sous l’influence de la baronne de Krüdener et du visionnaire lyonnais Bergasse et désire fonder le bonheur des peuples sur la mystique chrétienne et absolutiste de la Sainte Alliance. Pendant les dernières années de son règne, il accumule les contradictions. Il a pleine confiance dans le général Araktcheïev, auteur du système des villages militaires, parce que celui-ci est le seul collaborateur de son père assassiné qui ne l’ait pas trahi. Le sentiment de contrition l’envahit de plus en plus, et il est très probable que son abandon du trône, son départ pour la Terre sainte et son retour sous le nom du starets Fedor Kouzmitch ne sont pas une légende, mais une vérité historique.

    Pierre KOVALEWSKY

    ANTRAIGUES EMMANUEL DE LAUNAY, comte d’ (1754-1812)


    Revenu de bien des choses, de l’Orient où il s’est aventuré, des voyages en montgolfières et surtout des idées républicaines qu’il avait naguère adoptées, le comte d’Antraigues, dès 1789, abandonne les principes qu’il a exposés l’année précédente dans son Mémoire sur les états généraux, grâce auquel il est devenu célèbre en quelques semaines.

    Cet ennemi de la Cour se transforme en champion d’une cause monarchique qu’il est prêt à soutenir contre le monarque lui-même et il la défend avec un zèle partisan qui lui fait dire : « Je serai le Marat de la contre-révolution. » Il émigre en 1790, se réfugie en Suisse et de là, pendant trois ans, adresse régulièrement au comte de Las Cases, ambassadeur d’Espagne à Venise, les renseignements que lui font parvenir ses correspondants restés en France. Ceux-ci, groupés en plusieurs agences dont la plus importante est celle de Paris, constituent le « réseau d’Antraigues » qui, bien que resté longtemps méconnu, n’en a pas moins joué un rôle important dans l’histoire de la contre-révolution. Tout en ayant acquis la nationalité espagnole, il se fait attacher à la légation russe à Venise et, à l’abri de cette double couverture, il mène un virulent combat, la plume à la main, contre la Révolution française et contre les souverains coupables de la laisser s’étendre. Arrêté en 1797, lors de l’entrée des troupes françaises à Venise, il est livré, avec une partie de ses papiers, au général Bonaparte qui l’interroge lui-même et lui extorque sinon une confession écrite, du moins l’aveu d’authenticité d’une pièce importante : il s’agit d’un document qui, bien que non signé, apporte la preuve d’une collusion de Pichegru avec des émissaires de Louis XVIII et du prince de Condé. Bonaparte, qui a encore partie liée avec Barras et la gauche contre Carnot et les Clichyens dont Pichegru est le dirigeant parlementaire, envoie ce document au Directoire et, en échange du service ainsi rendu, laisse d’Antraigues s’échapper de sa prison. Devenu suspect aux milieux de l’émigration, mais disposant encore de puissants appuis, notamment auprès du tsar Alexandre Ier, d’Antraigues se réfugie à Vienne, puis à Dresde où, grâce aux relations qu’il a conservées en France, il continue sa besogne d’informateur auprès de la Russie.

    Dans ses moments perdus, il trace le plan d’une réorganisation de l’Université russe et participe utilement à la réforme de l’enseignement commencée par le tsar. Sur les instances de Napoléon, le comte d’Antraigues est évincé de la légation russe de Dresde et doit se replier à Londres où, fâcheusement pour lui, il prend parti dans la querelle qui oppose un illustre émigré, le comte de Puisaye, au prétendant, le futur Louis XVIII, avec lequel il se brouille définitivement. Il est assassiné dans des circonstances mystérieuses ainsi que sa femme, une ancienne artiste de l’Opéra, qui était plus connue sous le nom de la Saint-Huberty.

    Ghislain de DIESBACH

    AUGEREAU CHARLES PIERRE FRANÇOIS (1757-1816), maréchal d’Empire (1804), duc de Castiglione (1808)


    L’un des seuls Parisiens d’origine parmi les généraux de la Révolution et de l’Empire. Fils d’un domestique et d’une fruitière, Augereau s’engage à dix-sept ans, puis passe dans l’armée napolitaine. En 1790, il rentre de Naples où il avait fini par devenir maître d’armes, et s’engage comme volontaire. Général de division en 1793, envoyé à l’armée d’Italie en fin 1795, il entre alors dans la légende épique comme l’un des meilleurs lieutenants de Bonaparte. Celui-ci l’envoie à Paris pour juguler les menées royalistes des clichyens en août 1797 ; grâce aux troupes envoyées de Sambre-et-Meuse par Hoche, Augereau mène à bien le coup d’État du 18-Fructidor ; il nourrit dès lors une ambition politique très supérieure à ses moyens intellectuels. Député en 1799 aux Cinq-Cents, il siège à gauche et s’oppose au 18-Brumaire, puis fronde pendant le Consulat ; Napoléon le comprend néanmoins dans la première liste des maréchaux et lui confie en 1805 le 7e corps de la Grande Armée. Excellent divisionnaire, Augereau va se trouver moins à l’aise, malgré sa valeur, à la tête de masses plus considérables ; à Eylau, il verra son corps d’armée presque anéanti à la suite de ses fausses manœuvres. En 1814, Napoléon lui confie l’armée de l’Est ; Augereau, usé, défaitiste, se laisse manœuvrer et battre, malgré les objurgations de Napoléon qui l’appelle à « reprendre ses bottes et sa résolution de 93 » ; dès le début d’avril, il lance une proclamation où il injurie vilement le Corse, auquel il dénie jusqu’à la nationalité française, et fait passionnément l’éloge de la cocarde blanche : aux Cent-Jours, malgré de nouveaux efforts pour rentrer en grâce auprès de Napoléon, il sera rayé de la liste des maréchaux. La seconde Restauration se passera de ses services.

    Jean MASSIN

    AUSTERLITZ BATAILLE D’


    En septembre 1804, renonçant à envahir l’Angleterre, Napoléon lance la Grande Armée depuis les côtes de la mer du Nord au cœur de l’Europe pour frapper séparément les coalisés russes et autrichiens. Après avoir obtenu la reddition du général Mack à Ulm le 20 octobre et fait son entrée dans Vienne abandonnée le 14 novembre, il recherche une victoire décisive sur les armées alliées de l’empereur d’Autriche François Ier et du tsar Alexandre Ier, déjà nettement supérieures et qui attendent des renforts : 90 000 Austro-Russes, dont 25 000 cavaliers et 278 canons, contre 75 000 Français dont 21 800 cavaliers et 160 canons. Le choc a lieu à 100 kilomètres au nord de Vienne, en Moravie, entre la ville de Brünn (Brno) et le village d’Austerlitz (Slovko). Feignant l’hésitation, Napoléon demande un armistice puis abandonne à l’ennemi une position centrale sur les hauteurs de Pratzen. Le 2 décembre, dès l’aube, les Austro-Russes se ruent sur son aile droite dégarnie, pour lui couper la route de Vienne au sud. Vers 9 heures, le corps d’armée de Soult, dissimulé en contrebas par la brume, attaque au centre, s’empare de Pratzen et prend bientôt à revers l’aile gauche des coalisés, qui cède à la panique. L’armée alliée est coupée en deux. Son aile droite est retenue au nord par Lannes et la cavalerie de Murat. Les contre-attaques désespérées de Koutouzov au centre sont vaines. Après midi, les coalisés reculent partout en désordre. Les Français, qui eurent moins de 2 000 tués et 3 500 blessés, s’emparent de 45 étendards et de 185 canons. Les coalisés dénombrent pour leur part 16 000 tués et blessés, et plus de 10 000 prisonniers.

    Pascal LE PAUTREMAT

    BARÈRE DE VIEUZAC BERTRAND (1755-1841)


    L’« Anacréon de la guillotine », tel fut l’un des nombreux surnoms de Barère. Il résume bien les contradictions de ce « petit-maître » du XVIIIe siècle, qui appartint au grand Comité de salut public de l’an II et dont Napoléon, après l’avoir utilisé, devait parler avec mépris dans Le Mémorial de Sainte-Hélène de Las Cases. Avocat au parlement de Toulouse à la veille de la Révolution, Barère partage son temps entre le droit et les belles-lettres, toujours attentif aux courants nouveaux. Le Bigorre l’envoie siéger aux États généraux. « C’était le seul homme que j’aie vu arriver du fond de sa province avec un ton et des manières qui n’auraient jamais été déplacés dans le grand monde et à la Cour », notera Mme de Genlis. Barère comprend, dès le début de la Révolution, la puissance de la presse et fonde Le Point du jour qui rend compte des débats de l’Assemblée. Débats où, à l’inverse d’un Robespierre, il brille beaucoup, réussissant par exemple à conserver sa province du Bigorre sous le nom de département des Hautes-Pyrénées. Après la dissolution de la Constituante, il occupe pendant un an les fonctions de juge du Tribunal de cassation, puis il est élu à la Convention où il s’impose rapidement. Bien qu’il ait pris place sur les bancs de la Plaine, il est considéré comme un Montagnard, et pendant longtemps le doute planera sur ses véritables options. S’il se prononce, en effet, contre les Girondins dans la séance du 4 novembre 1792, lorsque les sections viennent demander l’éloignement de Paris des fédérés des départements, il condamne dans le même temps « le monstre de l’anarchie dont la tête s’élève du sein de la Commune de Paris ». Il vote la mort du roi, mais se fait le défenseur du droit de propriété. Membre du premier Comité de salut public, on le retrouve aussi dans le second, où il s’occupe des affaires étrangères et présente à la Convention les rapports sur la situation militaire. De nombreux témoignages (Mémoires de Durand de Maillane, de Choudieu, Souvenirs assez suspects de Sénac) montrent que son activité était très variée. Dans les luttes qui déchirent la Montagne, il s’oppose aux hébertistes et aux dantonistes. Son attitude lors du 9-Thermidor demeure encore mal connue. Ce n’est que le soir du 9 qu’il prend parti en présentant le projet de mise hors la loi des robespierristes réunis à l’Hôtel de Ville. La réaction thermidorienne ne lui pardonne pas son rôle au sein du Comité de salut public. Il échappe toutefois à la déportation. Caché, sous le Directoire, il écrit De la pensée du gouvernement républicain (1797), dont le caractère utopique n’est pas sans rappeler les Institutions républicaines de Saint-Just. Devenu informateur de Bonaparte, il lui adresse de 1803 à 1807 des rapports hebdomadaires sur l’opinion publique, aujourd’hui, semble-t-il, perdus. Il publie également Le Mémorial antibritannique, dirigé contre le cabinet de Londres. Élu à la Chambre des Cent-Jours, il doit fuir, comme régicide, en Belgique. Il revient en France après la révolution de 1830 et rédige des Mémoires publiés après sa mort par Hippolyte Carnot et David d’Angers, Mémoires décevants qui ne contribuent guère à lever les ambiguïtés entourant un personnage qui avait l’étoffe d’un Saint-Just mais non le caractère.

    Jean TULARD

    BEAUHARNAIS EUGÈNE DE (1781-1824), vice-roi d’Italie (1805)


    Son père, Alexandre de Beauharnais, commandant en chef de l’armée du Rhin, ayant été guillotiné, et sa mère, Joséphine, étant en prison, le jeune Eugène entre en apprentissage chez un menuisier avant que le 9-Thermidor, ouvrant un nouveau crédit à sa mère, lui permette d’embrasser la carrière des armes. Après le remariage de Joséphine, il suit Bonaparte en Italie puis en Égypte et se comporte avec bravoure ; chef d’escadrons après Marengo, la proclamation de l’Empire ouvre à ce jeune homme les hautes dignités et les grandes responsabilités : il n’en sera pas indigne. Vice-roi d’Italie par la grâce et sous la surveillance de son beau-père, il s’emploie à créer une armée qui fera bientôt ses preuves, et à réorganiser l’administration ; à défaut du génie qui lui manque absolument, il est honnête, consciencieux jusqu’au scrupule, travailleur acharné, ferme et affable ; meilleur homme de gouvernement, à beaucoup près, que tous les frères de Napoléon, comme homme de guerre, il est plus effacé ; toutefois, en 1809, il contribue au succès de Wagram après avoir réparé une défaite à Sacile (16 avr.) par une victoire à Raab (14 juin) — grâce aux conseils de Macdonald qu’il a la sagesse d’écouter. En 1812, il participe à la campagne de Russie, et c’est à lui qu’échoit la lourde tâche de ramener et de réorganiser en Allemagne les débris de la Grande Armée au début de 1813. Il avait épousé en 1806 la fille du roi de Bavière, Augusta ; c’est en Bavière qu’il se retire pour y finir sa vie après avoir perdu sa vice-royauté en 1814 ; la dignité qu’il montrera dans sa retraite lui vaudra l’admiration de Goethe qui en parlera avec éloge (Entretiens de Goethe avec Eckermann). De tous les hommes de la famille impériale, il est le seul qu’une confiance mutuelle vraiment affectueuse et jamais démentie ait lié à Napoléon.

    Jean MASSIN

    BERNADOTTE JEAN-BAPTISTE (1763-1844)


    Fils d’un magistrat de Pau, engagé à dix-sept ans, sergent-major en 1788 et connu alors sous le sobriquet de « Belle Jambe », Bernadotte prend ses grades dans les armées de la Révolution, devient le lieutenant de Jourdan à l’armée de Sambre-et-Meuse puis de Bonaparte à l’armée d’Italie. Ambassadeur à Vienne pendant deux mois en 1798, il y rencontre Beethoven et lui conseille de consacrer une symphonie à Bonaparte. Ministre de la Guerre en 1799, il refuse de participer au 18-Brumaire. Bonaparte le ménage, car Bernadotte a épousé Désirée Clary, ancienne fiancée du Premier consul, et se trouve ainsi le beau-frère de Joseph Bonaparte ; il est presque membre de la « famille » — ce qui ne l’empêche pas de multiplier les intrigues, quitte à désavouer ses affidés dès que les choses tournent mal.

    Les principaux exploits militaires de Bernadotte dans les années glorieuses sont les suivants : en 1805, il ne sert que peu à Austerlitz ; en 1806, il reste inactif à quelques kilomètres d’Auerstaedt où Davout (qui l’avait en vain appelé à l’aide) remporte seul la victoire ; en 1807, il ne rejoint le gros de l’armée que quarante-huit heures après Eylau, malgré les ordres exprès de Napoléon ; en 1809, il commande à Wagram le corps des Saxons qui se débandent, puis leur attribue tout le mérite de la victoire dans un ordre du jour ronflant. Cette fois Napoléon le casse de son commandement.

    Il noue encore quelques intrigues, qui tournent mal, avec Fouché pendant l’été de 1809. Et puis l’inlassable activité du prince de Ponte-Corvo (prince à titre civil, car Napoléon n’a pu ni voulu lui donner aucun duché à titre militaire pour célébrer ses faits d’armes) va trouver enfin un champ à sa mesure : il avait pris soin de ménager ses adversaires suédois dans la campagne de 1806-1807 en Poméranie ; en 1810, il réussit à se faire élire prince héréditaire de Suède avec promesse de succession au trône, et extorque non sans mal le consentement de Napoléon méfiant, en lui jurant une loyauté indéfectible. Dès 1812, il s’allie avec le tsar ; en 1813, il commande avec succès une des armées alliées en Allemagne ; en 1814, il commande l’armée d’invasion contre la Belgique. À l’annonce de la chute de Paris, il y accourt dans l’espoir de succéder à Napoléon sur le trône de France, grâce à l’appui du tsar ; mais la trahison est trop fraîche pour que la candidature soit viable.

    Bernadotte va se consoler en arrachant la Norvège au Danemark, malgré l’opposition unanime de la population norvégienne. En 1818, de prince héréditaire il devient roi sous le nom de Charles XIV et se montre à tout le moins un aussi bon roi que tous les monarques nés sur le trône, à la satisfaction et à l’estime de ses sujets. Quand il mourra, chargé d’ans et de respectabilité, on découvrira sur sa poitrine un tatouage : « Mort aux rois ! » — et on comprendra enfin pourquoi le roi de Suède refusait toujours démocratiquement, avec autant de simplicité que de modestie, de se laisser déshabiller par ses valets de chambre.

    Jean MASSIN

    BERTHIER ALEXANDRE (1753-1815), maréchal d’Empire (1804), prince de Neuchâtel (1806), prince de Wagram (1809)


    Né à Versailles, ingénieur-géographe et officier de carrière, combattant valeureux de la guerre d’Amérique, Berthier, déjà connu comme officier d’état-major modèle, est lieutenant-colonel en 1789 ; avant de devenir le major-général (c’est-à-dire chef d’état-major) de Napoléon, il est celui de La Fayette à la tête de la garde nationale parisienne dès l’automne de 1789. Patriote à tout le moins fort tiède, instrument docile de La Fayette, il devient vite l’une des cibles favorites de Marat ; puis il s’éloigne de la scène politique et sert dans divers états-majors, destitué de temps à autre et toujours remis en poste sans trop tarder. On lui reproche son « modérantisme ». En fait, Berthier n’est ni un homme politique ni un homme de guerre, ce n’est qu’un technicien, mais un technicien hors pair.

    Le 27 mars 1796, il devient chef d’état-major de Bonaparte à l’armée d’Italie, et de ce jour son destin est fixé : Leporello a rencontré Don Giovanni. Par deux fois, en Italie (1798) et en Allemagne (printemps 1809), il commande en chef une armée, de façon minable ; mais comme chef d’état-major de l’armée d’Italie, de l’armée d’Égypte, de la Grande Armée (longtemps aussi comme ministre de la Guerre), il est d’une incomparable efficacité ; sans lui, le verbe stratégique napoléonien ne saurait s’incarner, et l’Empereur n’éprouvera que trop à Waterloo ce que coûte l’absence de son maréchal. Les deux hommes ne peuvent se passer l’un de l’autre et se comprennent presque à demi-mot. Pourtant Berthier demeure un homme d’Ancien Régime, toujours effrayé par les audaces de son maître, même quand il s’emploie à le seconder avec un dévouement absolu. Et il a de plus en plus peur.

    D’où le drame final de sa vie : quand Don Giovanni est vaincu, Leporello le quitte, furieux, soulagé, déchiré tout ensemble ; parmi les premiers, il se rallie au roi. Louis XVIII le comble de faveurs : enfin, parmi tant de soldats de la Révolution, un homme avec qui on peut trouver une langue commune ! Mais Don Giovanni revient de l’île d’Elbe ; dans un réflexe presque irraisonné de peur, Berthier suit son roi à Gand. Napoléon le raye de la liste des maréchaux mais lui fait savoir qu’il est prêt à tout lui pardonner s’il accepte pour toute pénitence de se présenter devant son Empereur en uniforme de garde du corps de son roi. C’en est trop pour Berthier ; il est trop pusillanime et trop modéré pour se replonger dans une aventure qu’il sent désespérée, mais il ne supporte pas de rester parmi les ennemis de son ancien dieu. Il quitte Gand, se rend en Bavière avec sa femme (fille du prince Guillaume de Bavière) ; il tombe d’une fenêtre du palais de Bamberg, dix-sept jours avant Waterloo. Quand Napoléon apprendra cette mort, sans aucun doute un suicide, il s’évanouira d’émotion.

    Sur le drame intime de Berthier, sur son amour pour Mme Visconti, amour presque sadiquement contrarié par Napoléon, on ne peut que renvoyer aux admirables pages de La Semaine sainte d’Aragon.

    Jean MASSIN

    BERTHOLLET CLAUDE LOUIS (1748-1822)


    Introduction

    Berthollet est, après Lavoisier, le chimiste français le plus important de la fin du XVIIIe siècle. Il a été à la fois un théoricien et un praticien. On lui doit notamment des ouvrages sur le blanchiment (découverte de l’eau de Javel) et sur la teinture. Dans son essai de statique chimique (1803), il fut le premier à définir les notions d’équilibre chimique et d’action de masse. Les règles dites de Berthollet sont la première contribution sérieuse au problème de la prévision des réactions chimiques.

    • Le savant

    Claude Louis Berthollet, né à Talloires, près d’Annecy, situé alors en territoire piémontais, fit ses études à Chambéry, puis surtout à Turin, où il fut reçu licencié et docteur en médecine, en janvier et mai 1770. En 1772, il vint à Paris, où il s’intéressa à la chimie en suivant principalement les cours de Macquer et Bucquet. Reçu médecin de la faculté de Paris en 1779, naturalisé Français l’année précédente, il était devenu, grâce à la protection du médecin genevois Tronchin, « médecin ordinaire » de Mme de Montesson, épouse du duc d’Orléans. Grâce à ce poste, il disposait d’un laboratoire pour ses recherches personnelles.

    Ses premiers mémoires furent présentés à l’Académie royale des sciences dès 1778. Le jeune chimiste y fut admis comme adjoint le 15 avril 1780, associé le 23 avril 1785, et pensionnaire le 7 janvier 1792. Avec Fourcroy, Guyton de Morveau et Monge, il faisait partie du petit cercle de jeunes savants qui se réunissaient à l’Arsenal, autour de Lavoisier, dont il subit ainsi directement l’influence. En 1784, il succéda à Macquer à la « direction des teintures de la Manufacture des Gobelins ». Son ouvrage Éléments de l’art de la teinture (1791) était un traité sur cet « art » qui devint, grâce à lui, une technique dérivée de la chimie. Objet d’une seconde édition en 1804, l’ouvrage de Berthollet resta longtemps le manuel des ouvriers en teinture. Il découvrit aussi le procédé du blanchiment des toiles par le chlore. La chimie industrielle lui doit enfin des études importantes sur la fabrication et la nature des aciers, qu’il réalisa en 1786 avec Vandermonde et Monge.

    Comme théoricien, Berthollet fit progresser la chimie par ses découvertes de la composition des acides prussique (HCN) et sulfhydrique (H2S), ainsi que de celle de l’ammoniaque. Il étudia également les propriétés du chlore (acide marin déphlogistiqué), ce qui le conduisit à la découverte de l’eau de Javel appelée à l’époque « lessive de Berthollet », ainsi qu’à celle du chlorate de potassium.

    C’est à l’occasion de l’étude des propriétés du chlore que Berthollet se rallia officiellement à la nouvelle théorie de Lavoisier, dans son mémoire Sur les propriétés de l’acide marin déphlogistiqué, lu à l’Académie le 6 avril 1785. Cette adhésion entraîna celle des chimistes de la jeune génération, parmi lesquels Fourcroy, qui l’enseigna immédiatement dans ses cours. Après l’expédition d’Égypte, où il participa à la fondation et aux travaux de l’Institut d’Égypte, les travaux de Berthollet prirent une orientation nouvelle.

    • L’auteur

    Revenu à Paris, Berthollet entreprit, en effet, de rédiger ses cours de l’École normale et de Polytechnique. Retiré à Arcueil, il mit au point les deux volumes de son ouvrage le plus important : l’Essai de statique chimique. C’est une œuvre originale : l’auteur n’a pas voulu faire un traité de chimie, mais un exposé des plus récentes théories de l’époque, pour les soumettre à la réflexion critique de ses lecteurs, par les questions qu’il pose à leur sujet. De plus, Berthollet y expose des idées personnelles sur le problème des affinités chimiques et donne son explication des réactions de précipitation des sels, connue sous le nom de « lois de Berthollet ». On y trouve également la notion d’équilibre chimique, qui justifie le titre de l’ouvrage, et qui ne devait être développée et précisée que cinquante ans plus tard par Rose, Guldberg et Waage, et Sainte-Claire Deville.

    Malheureusement, à côté de ces idées originales et fécondes, Berthollet dans son œuvre se montrait adversaire de la loi des proportions définies établie par Proust, dont il n’acceptait pas la généralité. Une controverse entre les deux savants dura plusieurs années. Berthollet n’était pas un adversaire absolu de l’hypothèse de Proust, mais entendait la soumettre à toutes les critiques et à toutes les expérimentations possibles ; dans ses derniers écrits, il ne considère toujours pas cette hypothèse comme une loi absolument générale.

    Cette attitude, qui montre la position philosophique de Berthollet vis-à-vis de la valeur d’une hypothèse scientifique, se manifesta de la même manière à propos des nouvelles théories atomique de Dalton et électrochimique de Davy.

    Après son retour d’Égypte, vers 1801-1802, Berthollet devint un directeur de laboratoire de recherche, au sens moderne du mot. Grâce à la protection de Napoléon, qui le combla d’honneurs et de dons, il se trouvait libéré de tout souci financier et disposait de revenus importants pour se consacrer entièrement à cette activité.

    • La Société d’Arcueil

    Berthollet réunit alors autour de lui, avec l’aide de Laplace, un petit nombre de jeunes gens, presque tous issus de l’École polytechnique, auxquels il offrait l’usage de son laboratoire, équipé spécialement des appareils nécessaires à leurs recherches ; ils étaient fabriqués par le célèbre Fortin.

    En 1807, le groupe prit le nom de Société d’Arcueil et commença à publier des mémoires. Le premier recueil parut en 1807, le deuxième en 1809, le troisième en 1817. Parmi ses membres au nombre restreint, nous trouvons Gay-Lussac, Biot, Thénard, Malus et de Humboldt, pour ne citer que les plus célèbres, ainsi que le fils de Berthollet, Amédée. La place de cette société dans la vie scientifique française du début du XIXe siècle est importante par la qualité exceptionnelle des hommes qui la formaient et le haut niveau des recherches qui s’y poursuivirent. Berthollet abandonnait peu à peu ses recherches pour étudier les grands problèmes chimiques et les nouvelles théories, atomique et électrochimique, et diffuser les travaux des autres savants, français et étrangers.

    En 1809, il écrivit encore un texte important, la préface de la traduction française de la quatrième édition du Système de chimie de Thomas Thomson. C’est un exposé des connaissances chimiques acquises de 1803 à 1809 et de la position personnelle de Berthollet à leur égard. Il rédigea une Revue de son Essai de statique chimique, projetée depuis quelques années. Il mourut à Arcueil, entouré de ses fidèles amis Gay-Lussac et Biot.

    Michelle GOUPIL-SADOUN

    Bibliographie

    J. A. CHAPTAL, Discours prononcé par M. le comte Chaptal à l’occasion de la mort de M. le comte Berthollet, Chambre des Pairs, Paris, 1823

    M. CONTIS, Le Chimiste Claude-Louis Berthollet : 1748-1822, Bibliothèque interuniversitaire, Lyon, 1989

    M. GOUPIL-SADOUN, Claude Louis Berthollet, revue de l’« Essai de statique chimique », éd. critique, École polytechnique, Palaiseau, 1980

    E. M. JOMARD, Notice sur la vie et les ouvrages de C. L. Berthollet, Annecy, 1844

    P. LEMAY & R. E. ŒSPER, « C. L. Berthollet (1748-1822) », in Journ. chem. Éduc., XXIII, 1946.

    BLOCUS CONTINENTAL


    Introduction

    Instrument principal de la lutte conduite par Napoléon Ier contre l’Angleterre, le Blocus continental amena dans toute l’Europe des perturbations profondes. Bien que son étanchéité n’ait jamais été absolue, il faillit ruiner l’économie britannique et provoqua en Angleterre de très graves désordres sociaux. Mais, son extension à l’ensemble des pays d’Europe continentale étant la condition de son efficacité, il fut aussi une des raisons qui entraînèrent l’Empereur à poursuivre sans fin sa politique d’intervention, et contribua ainsi à l’effondrement militaire de la France.

    E.U.

    • Les origines

    Leur histoire enseignait aux Français à voir dans le crédit une base instable et fragile dont l’écroulement entraînait la chute du gouvernement qui s’était appuyé sur lui. De Thomas Paine à Lasalle (Des finances de l’Angleterre, 1803), de nombreux auteurs avaient mis en lumière l’accroissement démesuré de la dette nationale anglaise : celle-ci, en un siècle, s’était multipliée par vingt-huit, tandis que les exportations avaient à peu près triplé et le revenu des terres pas tout à fait doublé, la monnaie de papier commençait à se discréditer et des milliers d’hommes étaient réduits au chômage. Si imposante en apparence, la prospérité anglaise n’était-elle pas artificielle ? Fermer à la Grande-Bretagne le continent, c’était l’amener par la banqueroute à implorer la paix. La Convention en lutte avec l’orgueilleuse Albion y avait déjà songé et amorcé une tentative en ce sens.

    Après la rupture de la paix d’Amiens, Napoléon reprend l’idée à son compte. L’initiative vient d’ailleurs des Anglais qui, sans tenir compte des réactions des neutres, obligent tous les navires étrangers à subir la visite de leurs cargaisons et saisissent les marchandises françaises ; le 16 mai 1806, ils déclarent les côtes de France en état de blocus. Après Iéna, Napoléon se juge assez fort pour riposter.

    • Blocus sans maîtrise des mers

    Le 21 novembre 1806, par le décret de Berlin, il proclame : « Considérant qu’il est de droit naturel d’opposer à l’ennemi les armes dont il se sert, nous avons résolu d’appliquer à l’Angleterre les usages qu’elle a consacrés dans sa législation maritime et décrété en conséquence : Art. 1er, les îles Britanniques sont en état de blocus. » Ainsi, initialement il ne s’agit aucunement de bloquer le continent. L’exclusion de leurs navires, de leurs produits et des denrées de leurs colonies, des ports européens et des États en guerre avec eux, n’est pour les Anglais qu’une conséquence de la mise en état de blocus de leur pays : ils se sont arrogé la domination des mers, on fera du domaine conquis par eux une sorte de désert. « Je veux, dit Napoléon, conquérir la mer par la puissance de la terre. Tout commerce et toute correspondance avec les îles Britanniques sont interdits. »

    Londres riposte en déclarant n’accorder la libre circulation sur mer qu’aux navires qui seraient venus dans un port britannique payer des droits de douane (11 nov. 1807). Rendant coup pour coup, Napoléon ordonne, par le premier décret de Milan du 23 novembre 1807, la saisie des navires ayant touché un port d’Angleterre, par le second la saisie de tout bâtiment qui se serait conformé aux ordres anglais du 11 novembre.

    Le continent se ferma donc à l’Angleterre, dont les exportations tombèrent à 21 p. 100 du niveau de 1805. La tension amenée avec les États-Unis par les prétentions britanniques vint encore aggraver la crise manufacturière et alimentaire (pénurie de coton et de blé) de l’année 1808.

    Si cette crise put être surmontée, c’est grâce à la contrebande qui s’organisa avec la complicité fréquente des douaniers et des consuls français. Par Salonique, Héligoland, Göteborg, Hambourg, les marchandises anglaises s’introduisaient sur le continent et se négociaient à Francfort et à Bâle. Cette évolution de la lutte allait provoquer le grand revirement de 1810.

    Depuis Tilsitt, l’alliance russe assure à Napoléon la maîtrise du continent ; la seule puissance qui lui résiste est brisée à Wagram. Mais, depuis Trafalgar, l’Empereur ne peut plus espérer la maîtrise de la mer. Les flottes britanniques ont pris sans difficulté Le Cap aux Hollandais, la Guadeloupe à la France. En Amérique, le Mexique, le Pérou, la Colombie se soulèvent contre l’Espagne du roi Joseph et s’ouvrent au commerce anglais. La contrebande fleurit sur toutes les côtes du continent « avec l’approbation tacite des gouvernements incapables de concourir loyalement à la politique dont, en dernier ressort, ils doivent souffrir ».

    • Le tournant de 1810

    Pour des raisons diverses, considérations fiscales (le revenu des douanes baisse de près de 50 millions en 1809), revendications des industriels français, privés des matières premières indispensables, de coton surtout, mécontentement de l’opinion devant la cherté des denrées coloniales, sucre et café principalement, Napoléon consent à excepter les Américains de ses propres prescriptions et organise même un système occulte de licences spéciales. Mais, s’il était facile à nos douaniers de distinguer les produits de l’Angleterre de ceux de l’industrie américaine, comment auraient-ils pu reconnaître un grain de café du Brésil d’un autre de la Jamaïque, un flocon de coton de La Nouvelle-Orléans d’un autre des Barbades ? Napoléon, voulant à la fois maintenir le continent fermé aux produits des colonies anglaises et rouvrir ses ports aux Américains, déclara toutes les denrées coloniales « réputées de provenance anglaise » et les soumit au célèbre tarif de Trianon du 5 août 1810, complété le 27 septembre par celui de Saint-Cloud. Un droit de 400 F frappait le quintal de café, de 800 F le quintal de coton d’Amérique, de 900 F le thé hyswin, de 1 000 F le cacao, de 2 000 F la cannelle fine et la muscade.

    L’Angleterre a été fortement ébranlée par le Blocus. En 1811, l’inflation fit baisser la livre et monter les prix de 76 p. 100 par rapport à 1796. L’effondrement du cours des denrées coloniales (le prix du café baisse des deux tiers), la réduction des salaires, la disette, les émeutes ouvrières accompagnées de bris de machines montrent que le Blocus continental n’était pas une chimère. Cependant, il se révéla pour la France une arme à double tranchant. Si l’industrie française tira de la suppression de la concurrence quelque bénéfice, elle fut de plus en plus gênée pour se ravitailler en matières premières. Le manque de débouchés pour certains produits agricoles (blé, eaux-de-vie) irrita certains secteurs de la paysannerie. Enfin, les grands ports furent passagèrement ruinés.

    Pour être efficace, il eût fallu que le Blocus fût strictement appliqué dans toute l’Europe. Il entraîna, hélas, une politique d’interventions militaires et d’annexions indéfinies, d’où devaient sortir notamment les deux conflits fatals à l’Empereur, la guerre d’Espagne et la guerre de Russie.

    Marcel DUNAN

    Bibliographie

    F. CROUZET, L’Économie britannique et le blocus continental, Paris, 1958, 2e éd. Economica, 1987

    M. DUNAN, « Napoléon et le système continental en 1810 », in Rev. Hist. dipl., Paris, 1946 ; Napoléon et l’Allemagne. Le système continental et les débuts du royaume de Bavière, 4e éd., Paris, 1943

    O. VIENNET, Napoléon et l’industrie. La crise de 1810-1811, Paris, 1947.

    BLÜCHER GEBHART LEBERECHT VON (1742-1819)


    La carrière de Blücher, général prussien qui attacha son nom à la défaite de Napoléon à Waterloo, se déroule en deux temps. Jusqu’à la soixantaine, il mène la vie assez obscure d’un officier de cavalerie. À partir de 1805 il est l’un des chefs du parti anti-français en Prusse.

    Né au Mecklembourg, il s’engage à quatorze ans au service de la Suède, comme simple hussard, car il n’a aucun goût pour les études. Il passe en 1758 au service de la Prusse. Sous-lieutenant à seize ans, il est toujours capitaine à trente ans et quitte l’armée en 1773 pour mener la vie d’un hobereau. Il épouse la fille d’un général saxon et gère assez mal son domaine, qu’il doit vendre en 1789 pour payer ses dettes. En 1787 il parvient à se faire réintégrer dans l’armée prussienne et les guerres de la Révolution lui offrent des possibilités d’avancement : en 1794, il est colonel de hussards et son Journal de campagne de 1793-1794 abonde en renseignements sur l’utilisation de la cavalerie légère. En 1801, nommé général, il est gouverneur militaire de Münster en Westphalie. De sa carrière de cavalier il garde le goût de l’action offensive. On l’appellera d’ailleurs le général Vorwärts (« en avant »).

    Dès cette époque il voue une véritable haine aux Français en général et à Napoléon en particulier, et pousse à la rupture avec la France. Pourtant, le 7 novembre 1806, il doit capituler près de Lübeck. Nommé gouverneur de Poméranie, il se lie avec Scharnhorst ; il voit dans la Prusse le sauveur de l’Allemagne. En 1809 il incite son pays à entrer en guerre aux côtés de l’Autriche. Personnage encombrant, Blücher doit quitter Berlin pour un exil en Silésie. En 1813 il reprend du service : Scharnhorst lui confie, en février, une armée qui combat à Lützen et à Bautzen. À l’automne 1813 il est placé à la tête de l’armée de Silésie, qui compte 90 000 hommes, avec laquelle il fera la campagne de France. Nommé maréchal, il entre à Paris le 31 mars 1814, mais doit démissionner le 2 avril car, ignorant le français, il est incapable de mener la moindre négociation.

    Pendant les Cent-Jours, le gouvernement prussien lui confie l’armée du Rhin. Battu à Ligny le 16 juin 1815, Blücher manque de peu d’être pris par Napoléon, mais il échappe à Grouchy et se porte au secours de Wellington. Le soir du 18 juin 1815, toujours intrépide, il tombe sur l’aile droite de Napoléon et permet aux Anglais de gagner la bataille de Waterloo. Il se lance alors à la poursuite des Français et contraint Paris à capituler le 3 juillet.

    Malade, fêté comme un héros, couvert d’honneurs, il vivra désormais retiré jusqu’à sa mort.

    Jean BÉRENGER

    BONAPARTE CAROLINE (1782-1839), grande-duchesse de Berg (1806-1808), reine de Naples


    La plus jeune des « trois Grâces » de la famille Bonaparte fait assez ingrate figure, dans l’imagerie impériale, à côté de ses sœurs, d’Élisa, la femme bas-bleu et l’énergique administratrice, et de l’enchanteresse Pauline. Pourtant Caroline ne manque ni de charme (un très beau portrait d’Ingres en témoigne), ni d’amants (une de ses liaisons faillit provoquer un duel scandaleux entre Junot et Murat), ni même d’une certaine intelligence. Mais elle n’a ni la lucidité mesurée de l’aînée ni l’heureux caractère de la deuxième ; elle est affligée d’une ambition

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