Iconographie antisémite de la vie de Judas Iscariot: Légende noire, Théâtre, Folklore, Caricature
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À propos de ce livre électronique
Christophe Stener
Christophe Stener, auteur de plusieurs livres d'histoire de l'art associant exégèse biblique et histoire générale, notamment sur le Livre d'Esther, DREYFUS et Judas Iscariot, enseigne à l'Université Catholique de l'Ouest.
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Aperçu du livre
Iconographie antisémite de la vie de Judas Iscariot - Christophe Stener
Dédicace
A Maria KASTBERG
Illustrations de couverture
1ère
Festsspiele d’Oberammergau 1934, Christ et Judas, Collection CS. Carte dédicacée par Alois LANG qui tint le rôle de Jésus en 1930 et en 1934 édition à laquelle assista HITLER. Cf. p. →
« C'est donc sur Judas que vous devez pleurer et gémir, puisque Jésus-Christ, notre divin Maître, en le voyant s'est troublé et a pleuré » Chrysostome, deuxième homélie, Sur la trahison de Judas et sur la Cène mystique. https://www.bibliotheque-monastique.ch/bibliotheque/bibliotheque/saints/chrysostome/homt3/judas002.htm
4ème
Dessin de Noël FONTANET, Le Judas est à la porte. Carte suisse émise en novembre 1936 par l’Union nationale dirigée par George OLTRAMARE caricaturant Jacques DICKER, secrétaire de la Fédération socialiste suisse, collection CS. Réfugié en France, OLTRAMARE anima sur Radio-Paris sous le pseudonyme de Charles DIEUDONNE une émission de propagande. Cf. p. →
Table des matières
Introduction
La Semaine sainte, acmé de la haine de Judas Iscariot
Horions médiévaux
Horions modernes
Sommaire de l’ouvrage
Sommaire de ce tome
La Légende noire de Judas
Introduction
La Légende noire de Judas, la part sombre de la mythologie chrétienne
Judas cristallise haines et fantasmes
L’impossible réhabilitation de Judas
L’Evangile de Judas, la supposée preuve
Judas incarne les vices prêtés au peuple juif
La Légende noire, vice par vice
Androgyne
Antéchrist
Athéisme
Avare
Bestial
Bouc émissaire
Charnel
Collaborateur
Colérique
Converti
Cupide
Caïn
Déicide
Errant, Ahasvérus le Juif errant
Espion du Sanhédrin
Félonie
Inceste
Hérétique
Jaloux
Lubrique
Mal né
Menaçant
Maudit
Meurtres rituels d’enfants chrétiens
Néfaste - Le jour de Judas
Pessimus mercator
Profanateur
Puant
Sabbat
Sang chrétien
Satanisé
Sensualité
Simonie
Sorcellerie
Suicidé
Traitre
Tragique
Usurier
Vampire
Voleur
Traitrise
Zélote
Benedeit, Vie de Saint Brendan XIIe s
Le coq de Judas
Mystères et Passions du Moyen-Age
Synthèse
Les réécritures, source d’inspiration
Les pèlerinages, origine des « Actes du seigneur »
Les Miracles, préfiguration des Mystères et Passions
Le XVe siècle, siècle violent, siècle d’or des Mystères et Passions
Développement et fin des représentations de Mystères et Passions
Un théâtre populaire, par le peuple, pour le peuple
Le théâtre médiéval comme « éducation à la haine »
Le Judas des Mystères et Passions, un Judas complexe...
Le Juif, bouc émissaire
Les Juifs, créatures de Satan
Satan, tête d’affiche
Cupidité (avarice) de Judas et des Juifs
Mystères et Passions
La Passion des jongleurs XIIe siècle
Le miracle de Théophile de Rutebeuf (1230-1285)
Passion Palatine circa 1300
Le Mystère de la Passion Notre Seigneur XIVe s.
Passion provençale 1345
La Passion narrative d’Isabeau de Bavière 1398
Mystère de la Passion de Semur 1420
La Passion d’Arras d’Eustache Marcadé 1420
Mystère de la Passion d’Arnoul Gréban 1452
Passion de Jean Michel 1486
La Passion d’Autun XVe siècle
La Passion de Semur (1488)
La Passion de Valenciennes 1547
Les Mystères anglais
« Les miracles de Juifs »
Images pieuses
La Bonne Librairie des Assomptionnistes
Images stéréoscopiques
Judas dans le théâtre religieux
Introduction
Calendrier liturgique
Théâtre moderne de la Passion
Processions
Belgique - Furnes
Espagne
Châtiment en effigie de Judas
Schwarze Woche (semaine noire) ou Judaswoche (semaine de Judas)
Afrique - Sierra Leone
Amérique latine
Europe
Sanctuaires
Allemagne - Alverskirchen Everswinkel
Portugal - Braga
Les charmes de Judas
Théâtre religieux en France
Dreyfus, le Judas français
Judas, figure de l’antisémitisme français de l’entre-deux guerres à l’Etat de Vichy
L’antisémitisme français, rejeton de l’antidreyfusisme
Entre-deux guerres
La défaite de juin 1940
Etat de Vichy
Charles de Gaulle
Judas, figure du racisme nazi
Introduction
Hitler et Judas
Joseph Goebbels
Le Judas de Goebbels
Völkirscher Beobachter (l’Observateur populaire)
Julius Streicher
Une éducation allemande
Le régime nazi et les églises
L’Eglise allemande parfois ennemie du nazisme, parfois complice de la Shoah
La Passion d’Oberammergau 1934
Antisémitisme chrétien et antisémitisme nazi
De l’affaire Dreyfus à l’antisémitisme nazi, pérennité de stéréotypes iconographiques antisémites
Zoomorphisme
Métaphore christique
Judas, une insulte religieuse et politique
Une insulte religieuse
Une insulte politique
Le pendu de VINCI
Judas selon le Pape FRANÇOIS
Caricature contemporaine
Bibliographie
Antijudaïsme médiéval
Légende noire de Judas
Légende juive
Passions médiévales
Théâtre moderne
Folklore
Processions
Antisémitisme français
Antisémitisme nazi
Caricature
Glossaire
Index des noms
Index des œuvres
Introduction
Dans le tome I de cet ouvrage nous avons présenté les sources religieuses de l’hostilité à l’égard de Judas, antijudaïsme millénaire dont l’antisémitisme moderne n’est que l’acmé. Ce n’est qu’au tournant du XIe siècle, lors des croisades, que l’art chrétien devient militant et propage l’ « enseignement de la haine » (selon la formule de Jules Isaac) ; déjà présent dans certains sermons patristiques une propagande vers les fidèles illettrés se déploie par l’image de pierre des églises et vers ceux lettrés par l’enluminure. Judas est alors exclu par les artistes du cercle des bons apôtres, spatialement par la mise en place des protagonistes lors de la Cène en particulier, on le désigne par la couleur de ses vêtements et sa laideur ; toute une « iconographie malsaine » (selon l’expression de George DUBY) que nous avons présenté dans notre tome II fait florès.
Les Ecritures canoniques sont peu disertes sur Judas Iscariot ; les évangiles synoptiques sont silencieux sur ses motivations à livrer Jésus ; Jean, écrivant près d’une génération plus tard, fait de l’avarice le moteur de l’apôtre félon. Les apocryphes inventent une famille à Judas, en font un espion du Sanhédrin, lui font porter le fatum antique de l’inceste et du parricide, font chanter le coq plumé et cuit… Tout un fatras de récits que les Pères de l’Eglise, pour plupart, écartent avec mépris mais laissent prospérer jusqu’à ce que l’archevêque Voragine, au début du XIIIe siècle, vienne leur donner crédit par sa Légende dorée. La confusion entre la vie de Judas Iscariot telle que relatée en quelques versets par les évangélistes et sa Légende noire devient complète dans les Mystères et Passions du moyen-âge. Durant la Semaine sainte, les Juifs sont interdits de sortir mais ils ne sont pas protégés pour autant ; ‘au mieux’ on soufflette solennellement un Juif pour marquer la réprobation collective de leur déicide, au pire les foules excitées par la représentation des conciliabules entre Judas et Satan se livrent à des pogroms. La « Légende noire de Judas », selon notre expression, est le sujet même de ce tome III où nous présentons également la figure de Judas dans le théâtre religieux médiéval et moderne.
Nous traitons également ici du folklore car « Les rapports du folklore et de la science des religions, tant historique que comparative, sont intimes et continus … Au confins du folklore, se trouve une autre science… la psychologie … Le folklore est une étude de la mentalité populaire dans une nation civilisée. ».¹ La pratique des bastonnades, fusillades, explosions, brûlements d’effigies de Judas par le folklore moderne est l’expression dans la culture populaire de cette haine catéchisée de Judas, en tant que figure iconique, du peuple Juif meurtrier du vrai Messie. Des imprécations haineuses de certains Pères de l’Eglise, à la représentation des Passions médiévales, si scabreuses et triviales, provoquant tant de désordres, qu’elles furent, au bout à peine d’un siècle, interdites, au théâtre de patronage, au folklore contemporain, il y a un continuum : faire expier symboliquement lors de la Semaine sainte à Judas et, par antonomase, à tout le peuple Juif la mort de Jésus-Christ.
L’antisémitisme moderne, celui français que nous analysons ici à travers l’Affaire Dreyfus et l’Etat de Vichy, comme celui nazi, ne feront qu’exacerber, racialement, un fond de préjugés et de stéréotypes créés par la doxa chrétienne qui avait trahi le message de Saul-Paul. La Légende noire en avait fait un félon ; la propagande nazie instrumentalise les écrits antisémites de Luther oblitérant le message d’AUGUSTIN et de Bernard de CLAIRVAUX qui déclarait : « Il est clair que les Juifs sont pour nous des lettres vivantes des Ecritures, la représentation permanente de la Passion du Christ. Ils ont été dispersés de par le monde pour cette raison, afin d’endurer un juste châtiment de leur crime, où qu’ils soient, ils pourront être témoins de notre rédemption » ². Cf. T I
Dans ce tome III, nous présentons également la figure de Judas dans la caricature religieuse et politique tant « Judas » est, dans l’inconscient occidental, une puissante insulte polysémique.
Le tome IV, à paraître, présentera la figure de Judas Iscariot dans la littérature, la musique et le cinéma. Le tome V sera un Dictionnaire de Judas Iscariot à) usage des chercheurs.
Chacun des tomes de l’ouvrage peut se lire séparément, le lecteur étant invité par des renvois pour des développements.
¹ GENNEP Arnold van, Manuel de folklore français contemporain, 1937-1958 - Ed 1943, Vol I, p.15, 42
² BERNARD DE CLAIVAUX, Lettre 363 citée par LIPTON Sara, Dark Mirror: The Medieval Origins of Anti-Jewish Iconography, Metropolitan Books 2014, p. 58
La Semaine sainte, acmé de la haine de Judas Iscariot
Les Ecritures relatent un moment seulement de la vie de Judas Iscariot, celui de son ralliement au groupe de disciples guidé par Jésus de Nazareth, sa participation à la prédication de Celui-ci, puis sa déloyauté qui le conduit à Le trahir pour le livrer au Sanhédrin pour une trente pièces d’argent avant que de se suicider par remord. La Patristique fit des agissements de Judas un argument décisif de la prédication chrétienne de la substitution de la Nouvelle alliance sur l’Ancienne, de l’aveuglement de la Synagogue, de la culpabilité, non seulement de l’apôtre perdu, mais de celle de tout le peuple juif du déicide du Messie. La Semaine sainte célébrant la Passion du Christ met en scène en sermons et en manifestations pieuses cette accusation : processions, représentations théâtrales de la Vie du Christ sous formes de Passions médiévales et modernes, théâtre de patronage. La piété des foules chrétiennes, fouettée par l’exaltation des sermons et le spectacle des tourments infligés au Christ non tant par Pilate que par les Juifs, se défoulait en pogromes, voies de fait et parfois massacres de communautés juives, ou, symboliquement, par des bastonnades, brûlements, explosions, fusillades d’effigies de l’Iscariot. Ces débordements antijudaïques qui datent de la fin du XI début du XIIème siècle, les communautés juives et chrétiennes vivaient jusqu’aux Croisades en harmonie, a instillé dans l’inconscient chrétien occidental une haine ordinaire du Juif qui sera le terreau de l’antisémitisme moderne. La continuation moderne de ces punitions populaires, dans une ambiance joyeuse de Carnaval, peut sembler au touriste assistant à une Passio hispanique ou à une Festsspiele germanique folklorique, elle n’en atteste pas moins de la force du sentiment anti-juif des foules chrétiennes contemporaines qui rend cette vindicte banale, normale.
Que les Juifs venaissins aient appelé le Vendredi-Saint Yom Ha-Hésger (le Jour de l'Enfermement) ne doit pas surprendre car dès le synode de Macon en 581 un couvre-feu fut imposé aux communautés juives, prescription qui fut canonisé lors du IVème concile de Latran (1215) ³ une édiction prise par l’Eglise certes pour une part pour protéger ces communautés des exactions des foules excitées par les prêches et spectacles édifiants, pour partie pour interdire aux impies de voir les statues du Christ, de la Vierge et de saints exposées en processions pieuses.
Horions médiévaux
Le soufflet donné à Jésus et sa dérision par les gardes du Sanhédrin, l’Ecce homo, la libération triomphale de Barrabas, la mort du Christ exigée de Pilate par la populace juive, les pierres lancées sur Lui lors de son chemin de Croix, résonnent dans les sermons cf. T I, sont montrés par les artistes cf. T II, sont joués par les troupes théâtrales et seront montrées au cinéma cf. T IV.
« La période pascale a été longtemps marquée par une tension, pouvant dégénérer en violence et en pogromes, entre l'Église et les Juifs. Dès le IXe siècle, il était d'usage à Toulouse qu'un Juif se présentât, à Pâques, devant la porte de la Cathédrale, où l'évêque lui donnait un soufflet. Cette coutume, qui devait venger l'injure faite par les Juifs à Jésus lors de la Passion, provoqua en 1018 une scène dramatique. Un chroniqueur du temps. Adhémar de CHABANNES, raconte qu' « AYMERI, vicomte de Rochechouart, ayant fait un voyage à Toulouse accompagné de Hugues, son chapelin, celui-ci fut chargé de la cérémonie de donner un soufflet à un Juif, à la fête de Pâques, comme il en avait toujours été d'usage. Le coup fut si violent qu'il fît tomber par terre la cervelle et les yeux du Juif, qui expira sur-le-champ. La « synagogue » de Toulouse enleva de la cathédrale de Saint-Étienne le corps du défunt pour l'inhumer dans son cimetière ». Cet usage inhumain fut remplacé au commencement du XIIe siècle par un leude ou péage que payaient les Juifs versaient aux chanoines de Saint-Saturnin depuis la Toussaint jusqu'à la fin de novembre, et une redevance de 44 livres à la cathédrale de Saint-Étienne, somme qui était employée pour le cierge pascal. Israël Lévi mentionne également une coutume suivie à Béziers. Là, « le jour des Rameaux, l'évêque montait en chaire et faisait un discours au peuple pour l'exhorter à tirer vengeance des Juifs, qui avaient crucifié Jésus-Christ. Il donnait ensuite la bénédiction à ses auditeurs avec la permission d'attaquer ces peuples et d'abattre leurs maisons à coups de pierres, ce que les habitants, animés par le discours du prélat, exécutaient toujours avec tant d'animosité et de fureur qu'il ne manquait jamais d'y avoir du sang répandu. L'attaque, dans laquelle il n'était permis d'employer que des pierres, commençait à la dernière heure du samedi avant les Rameaux et continuait jusqu'à la dernière heure du samedi d'après Pâques ». L'usage ne fut aboli qu'en 1161. Guillaume, évêque de Béziers, « honteux sans doute de ce que ses prédécesseurs avaient autorisé une coutume qui, pour être ancienne, n'en était pas moins blâmable, remit un acte authentique entre les mains du vicomte Raymond TRENCAVEL, avec menace d'excommunier tous les clercs qui inquiéteraient dorénavant les Juifs et promesse de ne plus soutenir les laïques. 11 reçut pour cela la somme de 200 sols melgoriens des Juifs de Béziers, qui s'engagèrent, de plus, à payer tous les ans, le jour des Rameaux, 4 livres de monnaie de Melgueil, pour être employés aux ornements de la cathédrale ». L'Ordinaire de St. Vincent de Chalon-sur-Saône rapporte que le Dimanche des Rameaux « le clergé et le peuple lapidaient les Juifs parce qu'ils avaient lapidé Jésus-Christ ». Et jusqu'au XVIIIe siècle, lorsque la procession des Rameaux passait par la Rue des Juifs, où plus aucun d'entre eux ne résidait, les enfants lançaient des pierres contre les portes. De leur côté, certaines communautés juives élaborèrent une liturgie spécifique dénonçant l'opprobre, valorisant la souffrance et témoignant de leur espérance dans le salut. C'est ainsi que les communautés du Comtat Venaissin dénommèrent le Vendredi-Saint « Yom Ha-Hésger » (le Jour de l'Enfermement), et introduisirent des prières supplémentaires dans la liturgie transformant l'isolement et le mépris en signe d'élection. » ⁴
Horions modernes
Nous présentons dans la suite de cet ouvrage un ensemble de pratiques folkloriques associant, principalement durant la Semaine sainte, la commémoration de la Passion du Christ à la vindicte de Judas et du peuple juif déicides. Judas Iscariot est la « victime émissaire » de la juste ire chrétienne sous la forme d’une effigie de chiffon et/ou de paille et/ou de carton que l’on fusille, bastonne, traine dans les rues, noie, explose, brûle.
Pour une liste de pratiques populaires contemporaines françaises nous renvoyons à la lecture de l’article Le Feu du samedi saint en Alsace de Freddy RAPHAËL Freddy et André BONCOURT ⁵ citant, ci-après, Arnold van GENNEP ⁶ :
« En Roussillon comme en Cerdagne, on frappait avec des bâtons sur les stalles et le pavé des églises, dans le but de « tuer les Juifs » ; de même, on allumait 12 cierges, qu'on nommait les « Douze Juifs », et on les « tuait » en les éteignant. A Vernet-les-Bains, à la fin du siècle dernier, un observateur vit les ouvriers des mines de fer armés de pioches et de marteaux, les enfants et les boutiquiers de petits maillets de bois, frapper les murs intérieurs de l'église « pour massacrer les Juifs et venger ainsi la mort de Jésus-Christ ». Dans une autre localité pyrénéenne, c'est toute la population qui, armée de bâtons, défilait pour frapper des fers de chevaux cloués sur la porte de l'église, « pour fustiger les Juifs ». En Franche-Comté, pendant l'office du Jeudi saint, le prêtre jetait son livre au sol, ce qui était le signal pour les fidèles de frapper bancs et chaises, pour « tuer les Juifs ». Ailleurs encore, c'est la crécelle elle-même qui était nommée « le Juif ». ⁷ ⁸
Cette dernière pratique rappelle si étonnamment celle du Purim qu’on peut imaginer un emprunt chrétien au chambard pratiqué par les Juifs, au mois de de Nissan, celui de la Pâque juive, lors de la Lecture du Livre d’Esther, en tapant des pieds, faisant tourner des crécelles pour honnir Haman le persécuteur du Livre d’Esther, lequel Haman était pendu en effigie en mémoire de sa fin, célébration qui au Moyen-Age provoquait la colère des foules chrétiennes qui croyaient à une dérision sacrilège de la Crucifixion. Cf. STENER Christophe, Le Livre d’Esther, une exégèse en images et article précité
³ LIPTON Sara, Dark Mirror: The Medieval Origins of Anti-Jewish Iconography, Metropolitan Books 2014, p. 276, note 188
⁴ RAPHAËL Freddy et BONCOURT André, Le Feu du samedi saint en Alsace, Revue des Sciences sociales de la France de l’Est, Université de Strasbourg, n°7, 1978, pp. 11-24
⁵ Ibidem
⁶ GENNEP Arnold van, Manuel de folklore français contemporain, 1937-1958, tome premier. III. p. 1223-1
⁷ RAPHAËL Freddy et BONCOURT André, Le Feu du samedi saint en Alsace, Revue des Sciences sociales de la France de l’Est, Université de Strasbourg, n°7, 1978, pp. 11-24
⁸ GENNEP Arnold van, Manuel de folklore français contemporain, 1937-1958, tome premier. III. p. 1223-1237
Sommaire de l’ouvrage
L’ouvrage Iconographie antisémite de Judas Iscariot est publié en plusieurs tomes :
Parus
Tome I – Histoire de l’antisémitisme - Fondements religieux de l’antijudaïsme
Tome II – Art chrétien
Tome III – Légende noire de Judas – Passions médiévales – Théâtre religieux - Folklore – Antisémitisme moderne – Caricature
A paraître
Tome IV – Littérature romanesque, cinéma et musique
Tome V – Dictionnaire de Judas
L’iconographie antisémite de l’Affaire Dreyfus est l’objet de deux ouvrages spécifiques :
Dreyfus, le Judas français, une métaphore religieuse antisémite – 30 caricatures – BOD – 2020
Dreyfus, le Judas français, Iconographie antisémite de l’Affaire – 300 caricatures – BOD – 2020
Sommaire de ce tome
Introduction
La Semaine sainte, acmé de la haine de Judas Iscariot
Légende noire de Judas
Passions médiévales
Folklore
Théâtre religieux en France
Antisémitisme moderne – Allemagne nazie - France
Caricature religieuse et politique
Sigles
Index des noms
Index des œuvres
Bibliographie
La Légende noire de Judas
« Seule l’histoire de la trahison est vivement éclairée, pour autant qu’elle est liée à l’histoire de la Passion du Christ, mais la vie antérieure de Judas apôtre n’est pratiquement pas exposée. C’est la légende qui s’en est occupée tant en Orient qu’en Occident. » Père Serge BOULGAKOV ⁹
« La légende dit pleinement le sacré, autant que la doctrine. » Alain BOUREAU. ¹⁰
« L’esprit des hommes également inapte au pur savoir et à la fable pure n’est heureux que dans les régions où les eux interfèrent, dans cet immense et luxurieux pays de mythisoire où se joue notre destin, où s’égare et s’ébat notre pensée rêveuse. » ETIEMBLE ¹¹
« Mauvais dès la naissance, pire pendant sa vie et bien pire encore à l’heure de sa mort » Paull Franklin BAUM ¹²
⁹ BOULGAKOV Serge Père, Iuda Iskariot apostol predatel’, Put’n°26,1931 p. 23-60 ; n°27,p.3-42, Trad. NIQUEUX Michel, Judas Iscarioth, L’apôtre félon, Ed.des Syrtes, 2015 p.25
10 BOUREAU Alain, L’événement sans fin, récit et christianisme du Moyen Âge, Paris, 1993, p. 20. Cité par LAFRANC Anne, La « tragédie » de Judas. La légende de Judas d’après le manuscrit 1275 de la bibliothèque municipale de Reims. https://judashist.hypotheses.org/384#_ftn14
¹¹ ETIEMBLE, Le Mythe de Rimbaud, Gallimard, 1952, t. II, p. 442
¹² LAFRAN Anne, « La « tragédie » de Judas. La légende de Judas d'après le manuscrit 1275 de la bibliothèque municipale de Reims », Le Moyen Age, 2013/3 (Tome CXIX), p. 621-647. DOI : 10.3917/rma.193.0621. URL : https://www.cairn.info/revue-le-moyen-age-2013-3-page-621.htm
Introduction
La Légende chrétienne au service de la pastorale
Alors que l’exégèse patristique s’était interdite de tout emprunt à la littérature apocryphe tant son combat contre les hérésies était vif, à partir du XIIe siècle l’Eglise laisse libre cours à la constitution de légendes pour partie puisées dans ce fond caché mais jamais complétement oublié. Les moines contribuent à ces récits familiers, à ces hagiographies de saints christianisant un antique matériel païen pour une pastorale familière en les « rétrosacralisant » ¹³. On recycle aussi des mythes grecs comme celui d’Œdipe car jugé propre à susciter la haine du mauvais apôtre. La Légende dorée de VORAGINE n’est au total qu’une compilation de ces matériaux hétérogènes, compilation certes mais qui, sous la plume d’un archevêque, donne un imprimatur à des racontars écartés par les Pères de l’Eglise.
La piété populaire a besoin d’humaniser les protagonistes du Nouveau Testament. On leur invente des filiations, des vies propres à capter l’imagination. Le développement du culte marial ne pouvait se développer aisément sur un aussi pauvre matériel que celui des Ecritures. La Légende dorée vient combler les silences des évangélistes. La Légende noire de Judas n’est que l’autre face de ce mouvement général de l’imaginaire chrétien pour donner chair et corps à des êtres dont le Nouveau Testament ne nous décrit ni l’apparence et ne trace leur caractère que par leurs actes, tant exclusive est la tradition d’un enseignement, celui du Christ en paroles et en actes. L’art chrétien trouve dans ces légendes mille motifs propices à frapper l’imagination et à enseigner en images de pierre, de verre et de fresques. On assiste au début du millénaire à l’émergence d’une « théologie de l’art » car « l’art du moyen âge est d’abord une écriture sacrée » « un langage symbolique » ¹⁴ théologie par l’image, théologie non spontanée mais pensée, codifiée, enseignée dans les monastères augustins et bénédictins qui produisent et répandes les topoï antijudaïques par leurs enluminures.
La Légende noire de Judas, la part sombre de la mythologie chrétienne
Sources et ouvrages de référence
Comme le lecteur le découvrira ici, les sources de la Légende noire de Judas sont multiples : extrapolations de la relation johannique, la plus accusatoire, apocryphes, mythologie grecque, inventions médiévales. Certaines légendes comme celle du Coq de Judas ou de son adolescence œdipienne connaissent de multiples variantes issues d’une source que les chercheurs ne peuvent parfois situer exactement. Véhiculées, traduites en langues vernaculaires, les contes s’enrichissent de multiples variations selon les langues vernaculaires comme par exemple les voyages de saint BRENDAN.
L’ouvrage de Paull Franklin BAUM The medieval legend of Judas Iscariot édité par The modern Langage Association of America en 1916 reste un ouvrage de référence avec les travaux actuels de Anne LAFRAN pour la compréhension du mythe de Judas-Œdipe. Il y sera fait ici nombre de références. Celui de Hyam MACCOBY, Judas Iscariot and the Myth of Jewish Evil, Mac Millan 1992 comporte de nombreuses notations fort pertinentes. Citons également de Joshua TRACHTENBERG The Devil and the Jews: The Medieval Concept of the Jew and Its Relation to Modern Antisemitism, Jewish Publication Society, 1983 qui est, avec les publications de Bernhard BLUMENKRANZ, essentiel pour comprendre comment s’est construit un discours antijudaïque appelant Judas à preuve comme incarnation iconique de tous les travers fantasmés du peuple juif.
Notre propos ici est de tracer quelques lignes de lecture de cette légende noire en renvoyant le lecteur pour un approfondissement à ces ouvrages et aux très nombreux ouvrages et articles ici cités. Nous essaierons d’ouvrir quelques angles de lectures et d’apporter le concours d’œuvres d’art qui traduisent en images cet enseignement de la haine
(Jules Isaac).
Le mythe de Judas construit par les clercs mais aussi par le peuple chrétien, par concrétion de glose hostile, de scories apocryphes, de contes grecs, du folklore païen a façonné l’inconscient occidental. La déconstruction, à peine engagée en est difficile tant la psychè chrétienne est emplie de fantasmes.
La légende dorée, une mythologie chrétienne
La raison d’être de toutes les légendes de Judas, comme le rappelle P.F. Baum, est de noircir Judas, d’ancrer sa vie dans une fatalité du mal et de le vouer à la damnation. ¹⁵
Nous appelons Légende noire de Judas l’ensemble de légendes, interprétations, détournements, pour partie inspirées par la littérature apocryphe, pour partie inventée par l’imagination populaire. La vie du Christ, et, partant, celle de son meurtrier Judas, passionnèrent tant les esprits médiévaux qu’ils affabulèrent force détails, historiettes pieuses et édifiantes, anecdotes parfois triviale, extrapolant un apocope de verset, imaginant des récits tirés du fonds mythologique antique, celui de l’inceste de Judas, par exemple. Si l’Eglise ne dogmatisa pas toutes ces pieuses inventions, un clerc Jacques de Voragine leur apportèrent le crédit de sa position d’archevêque de Gènes ; sa Légende dorée (1260-1298), vaste compilation des dires des Pères, donne crédit aussi à des racontars qu’ils avaient pourtant évoqués pour les écarter, formant une mythologie chrétienne, devenue vérité pour les fidèles. De tout ce fatras issu d’un paganisme, si vivace que l’Eglise prit le parti de sanctifier tant il soutenait la ferveur populaire, Judas émerge au milieu de tant d’édifiantes hagiographies, comme la part d’ombre, le froid obscur de l’enfer, la Légende noire.
La noirceur d’âme du méchant apôtre fait irradier les bons apôtres. Jacques de VORAGINE, ne pouvant écrire une pseudo vie de Judas dans son recueil de vies des Saints, le fait pourtant mais au détour de sa notice sur Matthias, habilité formelle mais sa prolixité témoigne assez de la fonction démonstrative, pédagogique de l’Iscariot, de l’enjeu de sa démolition.
La Légende noire de Judas, formellement non canonisée, n’entre pas dans l’enseignement officiel de l’Eglise mais, véhiculée par mille sermons nourris de citations tirées de l’antijudaïsme patristique, inspirant l’art chrétien, elle ajoute à son portrait mille traits propres à le faire détester, et parce qu’icone du peuple juif, ) faire détester celui-ci tout entier oar le peuple chrétien. La césure entre l’antijudaïsme théologique et l’antisémitisme populaire inspirée par la doxa chrétienne n’est pas toujours flagrant. L’accusation d’inceste adressée à Judas par Jacques de VORAGINE prospéra sur l’horreur, et aussi la fascination, inspirée par sa supposée licence sexuelle, par la rupture d’un tabou ancestral, venu de la nuit des temps païens, édicté par la Bible à travers le péché des filles de Loth (Gen 19). Refoulée, la société médiévale se délecte avec horreur des turpitudes supposées de l’Iscariot et de sa famille inventée.
Judas cristallise haines et fantasmes
Judas, devenu par la force de la propagande apologétique icône de la traitrise, du mal, de la sexualité débridée, de l’avarice, entre autres vices, devient une insulte, une marque d’infamie jetée à la face des ennemis, des traitres et félons jusqu’à ses épigones, le juif DREYFUS ou le MAZEPPA de Pierre 1ER.
Les personnages haïs viennent enrichir le mythe Judas, noircissant par leurs propres forfaits, la détestation du personnage biblique. Judas endosse les crimes des autres, il accumule, il capitalise tous les défoulements populaires ; c’est le parfait Bouc émissaire. Décrier quelqu’un comme « un Judas » devient une figure de style, une insulte générique d’autant plus puissante qu’elle est polymorphe, ambivalente ; on laisse à entendre bien des vices à celui que l’on désigne ainsi, qu’il soit juif ou non, il endosse le soupçon de participer de toutes les turpitudes fantasmées de Judas. Judas se décline comme le Juif errant mais aussi dans la littérature comme l’usurier (SHYLOCK, GOBSECK, …) cf. T IV, le suborneur de jeunes filles (Julius STREICHER), le félon. Les ouvrages de piété populaires, Biblia pauperum et Speculum humanae salvationis, ces bandes dessinées bigotes, mettent côte à côte Judas et criminels vétérotestamentaires : Caïn, Tryphon, Joab. Cf. T II
L’antisémitisme moderne, celui de l’affaire DREYFUS ou du racisme nazi, viendront puiser dans ce fond de stéréotypes nés de la Légende noire. La caricature politique et religieuse, l’insulte commune ne sont que des sous-produits de ces libelles anciens.
L’impossible réhabilitation de Judas
Minoritaire, cachée car sacrilège, la glose faisant de Judas un instrument du plan de Dieu et non l’affidé de Satan reste confidentielle, occulte même. Cf. T I Thomas de QUINCEY est le premier à oser publiquement, mais en 1883 seulement, avancer cette thèse de la felix culpa qu’Origène avait discutée dés le IIIème siècle, poser le paradoxe en évidence, la livraison de Jésus au Sanhédrin par Judas était indispensable à l’accomplissement du martyr rédempteur du Fils de Dieu. Cette audace initiale inspirera la littérature romantique, en particulier slave,
