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Livre électronique298 pages4 heures

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À propos de ce livre électronique

Des membres sectionnés. De la chair en décomposition. Des os qui jaillissent. Ian, Kendra et PJ ont tout vu et ils ont passé les derniers mois à risquer leur vie pour débarrasser le monde de zombies repoussants qui semblent les suivre à la trace. Ils doivent à présent relever le plus important des défi s : retrouver l’ex-fossoyeur vengeur qui retient prisonnière dans une cité souterraine hostile leur mentor, O’Dea. Cachée dans les profondeurs d’une grotte désaffectée en Indonésie, Kudus est sombre, effrayante et grouille d’une dangereuse espèce évoluée de zombies… Malgré sa formation, le clan ne se sent absolument pas prêt à combattre ces nouveaux monstres terrifi ants. De plus, de troublantes surprises au sein du groupe même prennent celui-ci au dépourvu. Kendra doit faire face à d’étranges nouveaux pouvoirs qu’elle ne peut expliquer, tandis que Ian s’aperçoit qu’il éprouve des sentiments pour Kendra qu’il ne peut expliquer. Quant à PJ, il s’est vu révéler une prophétie concernant son avenir qu’il a peur de partager avec ses amis. Mais ils vont devoir unir leurs forces pour sauver O’Dea avant que ses pouvoirs soient utilisés à des fi ns mortelles. Dans ce dernier tome de la série, le destin de l’humanité repose sur les épaules des fossoyeurs… Mais sortiront-ils de Kudus vivants?
LangueFrançais
Date de sortie31 mars 2015
ISBN9782897522919
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    Aperçu du livre

    Enterrés - Christopher Krovatin

    morts.

    Remerciements

    U n grand merci à Claudia Gabel, Alex Arnold, Katherine Tegen et à tous les membres de HarperCollins, qui ont permis de donner vie à la série Les fossoyeurs ; à tous les auteurs et publicitaires qui se sont joints à moi en tournée ; et à ma famille et amis pour leur soutien indéfectible, notamment mes parents, Anna et Gerry, qui croient en moi. Toute ma reconnaissance aux nombreux artistes et musiciens qui m’ont inspiré tout au long de l’écriture de ce livre, notamment les Misfits et Cannibal Corpse. Des remerciements par­ticuliers à Max Brooks, Mike Mignola, et bien sûr, H. P. Lovecraft, dont les récits d’horreur peu orthodoxes m’ont toujours donné envie de repousser les limites de ma propre compréhension.

    Et enfin, je m’incline humblement devant Ian, Kendra et PJ, mes frères et sœur d’armes. Cela fut un honneur de cheminer avec vous dans votre combat contre le froid et l’obscurité. Merci.

    Tiré du

    Manuel d’une gardienne

    de Lucille Fulci

    Chapitre 3 : Les maudits

    3.5 — La morsure

    L a malédiction, à jamais insidieuse et incessante, attaque de deux façons significatives. L’une est sa présence dans l’air même d’un paysage maudit, ce qui lui permet non seulement d’assombrir l’esprit, mais aussi de s’attacher à n’importe quel corps humain récemment décédé à l’intérieur des limites du périmètre affecté. N’importe quel malheureux qui s’y aventure, même en cas de mort naturelle, verra son corps habité et investi par les forces obscures qui traversent cet endroit. Sinon, l’autre méthode, plus connue, est celle par laquelle le malin se répand par une morsure infligée par l’un des maudits.

    Si l’acte même de la morsure n’entraîne pas la damnation, c’est la méthode de damnation la plus courante. De manière générale, tout contact physique avec les morts-vivants est déconseillé. Il est arrivé que des égratignures apparemment bénignes causent la mort et la ranimation, tandis que certains individus sont morts d’avoir reçu du sang maudit dans les yeux et la bouche. Cependant, en raison de l’appétit insatiable des morts-vivants, il est plus probable qu’ils mordent leurs victimes avant de les égratigner ou de leur transmettre leur ichor. Nous devons ainsi considérer la morsure comme la méthode d’attaque la plus puissante de ces créatures.

    L’observation de certaines morsures a établi les éléments suivants : les dents des morts-vivants doivent ouvrir la peau pour contaminer le sang et transmettre la malédiction. (Sans doute en raison d’impératifs de fonctionnement, les dents sont l’une des dernières parties des maudits à pourrir, bien que l’on ait déjà rencontré des morts-vivants édentés.) Une fois la peau fendue, l’hémorragie cesse rapidement, et la victime sent habituellement un regain de force, plus d’énergie qu’avant, sur un laps de temps de trente minutes à deux heures. Toutefois, peu de temps après, la victime devient fiévreuse et étourdie. Viennent alors les vertiges, les nausées et l’impossibilité de reprendre son souffle. À cet instant, la personne affectée éprouve un engourdissement rendant indolores et inaperçues les blessures subséquentes. Il a été avancé que l’effet du venin de certains serpents et insectes est semblable, ayant pour but de paralyser la victime afin qu’elle soit plus facile à attraper et à dévorer. Après cela, la personne affaiblie commence à avoir des hallucinations visuelles et auditives. De nombreuses victimes ont fait état d’un gémissement ou d’un babillage étouffé, comme celui d’un vent violent, ainsi que de voix parlant fort dans leur esprit et de pensées suicidaires. Au bout d’une douzaine d’heures, les victimes ferment les yeux et cessent de respirer. À cet instant, la gardienne dispose à peu près de trente minutes pour démantibuler le corps. Il est ensuite officiellement ranimé, et donc intouchable pour la gardienne.

    Il convient de noter que contrairement aux autres articles de ce volume, la suite d’événements décrite ci-dessus n’est pas gravée dans le marbre. Selon la localisation de la malédiction, la gravité de la morsure et les autres circonstances atténuantes, la vitesse à laquelle se produisent l’infection et la mort peut varier. Dans certains cas, tel le massacre de Chimney Rock (voir La Fugue, p. 138), on a vu des individus mordus mourir de leurs blessures et être ranimés en l’espace d’une heure. De même, de nombreuses gardiennes ont signalé des sorts et des cataplasmes capables de retarder l’effet de la malédiction pendant plusieurs jours avant que les victimes succombent à leurs blessures. Quoi qu’il en soit, il ressort de tout ceci un élément incontestable dont n’importe quelle gardienne conviendra et au sujet duquel l’auteure ne saurait trop mettre en garde toute jeune gardienne se croyant dotée de capacités exceptionnelles :

    La morsure équivaut à une condamnation à mort.

    Oublier ce principe factuel revient à créer de faux espoirs et à vous mettre, vous et d’autres, en danger. Lorsque quelqu’un est mordu par l’un des maudits, il mourra et il reviendra. Aucun sort, totem, sigil ou autre objet magique ne pourra y remédier. Il pourra tout au plus retarder l’inévitable. À ce jour, personne n’a jamais survécu à la morsure d’un maudit et personne n’est jamais mort sans revenir sous la forme d’un robot sans cervelle. Le temps perdu à espérer en vain sera mieux utilisé à rassembler ses esprits, accepter ce qui s’est passé, et soit détruire le spécimen, soit mettre de la distance entre celui-ci et soi-même.

    UN

    Ian

    A u secours ! m’écrié-je. Ça m’arrache la figure !

    — Du calme, Ian, dit PJ. Je sais. Je suis désolé. Encore un morceau…

    PJ tend la main vers mon sourcil, son visage hyper concentré comme s’il était une espèce de savant fou maigrichon, la langue entre les dents, les yeux exorbités, sans cligner des yeux ni rien. L’espace d’un instant, j’espère que ce dernier morceau ne va pas être trop douloureux, et puis je sens ses ongles attraper le bord en latex, et il le tire lentement. Et ma peau s’étire, s’étend et là, scratch, il se décolle en emportant un bon paquet de poils de sourcil, et ça pique horriblement.

    Assise sur le bord de la baignoire, Kendra a la tête baissée. Je ne peux donc voir qu’une masse de cheveux bruns, mais je sais qu’elle essaie de ne pas rire. Je ne sais pas pourquoi, mais j’en suis certain. Hé, regardez-la… Tellement bizarre de la voir en robe — en plus, jaune poussin —, tenue qu’elle a dégotée pour le film de PJ.

    — Là, dit PJ pendant que je me frotte le sourcil, c’est fini, espèce de bébé.

    Il pose le sourcil en latex sur le lavabo, à côté des autres morceaux, et c’est assez sympa de voir ma tête de loup-garou en morceaux me dévisager. Deux gros faux sourcils, deux oreilles marron pointues en latex, une muselière et un menton empestant les produits chimiques et la peinture faciale. Une partie de moi regrette déjà le loup-garou du film de PJ. Peut-être que je pourrais me remettre tous ces trucs et passer encore quelques heures à hurler et à gronder, mais je me souviens alors qu’il y a à peine trente minutes, la fausse fourrure me rentrait dans les narines, ça me grattait de partout et la sueur commençait à s’accumuler dans le menton en caoutchouc. Je suis ravi de ne plus avoir à supporter tout ça, plus jamais.

    — Mon visage me fait mal, dis-je parce que c’est ce que je ressens, là, tout de suite.

    Kendra lève les yeux sur moi, et la voilà qui se mord la lèvre, ses joues virant au marron foncé. Mes cris et mes glapissements la font éclater de rire.

    — Intéressant, dit-elle, parce que moi, le voir comme ça, ça me tue.

    Silence. Et j’y suis. Ces derniers temps, Kendra s’essaie aux blagues.

    — Oh, dis-je. Ce n’est pas vraiment comme ça.

    Le sourire et l’air radieux de son visage s’évanouissent, et tout à coup j’aimerais pouvoir extraire cette dernière remarque de ma propre bouche.

    — En fait, c’est « Ton visage te fait mal ? ». C’est une question. Et là, on ajoute : « Non ? Parce que moi, le voir comme ça, ça me tue. » Mais ça ne fonctionne pas vraiment si mon visage me fait réellement souffrir.

    Elle hoche la tête avec détermination, d’une manière que j’ai appris à décrypter comme voulant dire « Merci, tu m’as appris quelque chose ». C’est dingue de penser que plus tôt dans l’année on se détestait et qu’on était complètement à côté de la plaque. Kendra, PJ et moi errions à travers bois, pleurant, reniflant et mangeant des termites pour ne pas mourir de faim. Et maintenant, nous voilà : PJ en génie cinglé arborant une expression ardente quand il nous maquille en monstres et organise nos déplacements dans mon jardin ; et Kendra, l’air…

    Enfin, elle… porte une robe.

    PJ me passe un flacon de démaquillant et un gant de toilette, et il me pousse légèrement vers la porte.

    — Je t’appelle quand nous serons prêts pour ta formation, dit-il. En attendant, sers-toi de ça.

    — Tu es sûr ? dis-je. Il faudrait peut-être que je voie le procédé…

    — Cela irait à l’encontre du but visé, dit Kendra. Ne t’inquiète pas, il ne devrait pas y en avoir pour longtemps. N’est-ce pas, PJ ?

    — Normalement non, dit notre petit ami aux yeux noirs de cette voix basse et intense qu’il prend lorsqu’il travaille.

    Il se tourne vers sa trousse de maquillage spéciale pour monstres débordant de colle, de caoutchouc, de peinture faciale et de prothèses. Il fait craquer ses jointures tel un génie maléfique super flippant.

    — On va faire simple, cette fois. Pas de blessures, juste des couleurs. Enfin… juste quelques blessures, peut-être.

    — Eh bien…, si tu en es sûr, dis-je.

    Kendra m’adresse un grand sourire, et c’est comme si l’intérieur de mon cerveau se liquéfiait.

    — À tout de suite, Ian.

    — J’imagine que…

    À l’instant où je passe la porte, PJ me la ferme au nez. Une partie de moi devient toute tendue et contrariée, se demandant ce qui se passe là-dedans et ce que Kendra et PJ racontent sur moi, sauf que je sais ce qui se passe, alors où est le problème ?

    « Redescends en température, m’a dit O’Dea il y a deux semaines. Garde-la pour le combat. Tu auras alors besoin d’être suffisamment chaud pour découper l’acier. »

    D’accord. Je vais enlever ce magma de ma figure et prendre un soda glacé. Ça devrait me ramener à une bonne température.

    Ma mère est dans la cuisine en train d’enfourner des lasagnes. Tout d’abord, elle sourit en me voyant, puis elle met ses mains sur sa bouche et essaie de ne pas rire. Ouais, ouais, c’est hilarant, pas de doute.

    — Peux-tu m’aider à enlever cette saleté ? demandé-je en brandissant le flacon de démaquillant.

    Elle hoche la tête, s’empare du gant de toilette et se met à enduire mes joues et mon menton de démaquillant qui sent l’hôpital. Chaque fois qu’elle écarte le gant de toilette, il est un peu plus marron foncé.

    — J’avais presque oublié que PJ était là, dit-elle en tamponnant mon visage. Samantha n’a pas appelé cinq fois, aujourd’hui. T’a-t-il aimé en loup-garou ?

    — Je crois que ç’a été. Il a fallu que je coure dans tous les sens en grondant.

    — J’ai entendu ça, dit-elle. Kendra a passé les deux dernières heures à hurler. Cette fille possède des poumons exceptionnels.

    — C’est ce que font les filles dans les films d’horreur, m’man.

    Elle fit alors son espèce de sourire en coin qui me donne l’impression de ne pas comprendre la blague en cours.

    — En tout cas, Kendra est drôlement mignonne avec cette robe.

    Hum. On dirait qu’elle lit dans mes pensées et qu’elle essaie de me tirer les vers du nez en même temps.

    — Ah oui, dis-je d’une manière qui, avec un peu de chance, lui fera croire que je n’ai aucune idée de ce dont elle parle.

    — Ça ne va pas durer. PJ est en train de la transformer.

    — Ah oui ? dit ma mère. Vas-tu l’attraper entre tes griffes, ou quelque chose comme ça ? Je croyais que tu m’avais promis que ce ne serait pas très violent.

    — Non, c’est… autre chose qui va lui arriver, dis-je, la bouche sèche et anesthésiée, comme si je revenais de chez le dentiste.

    C’est comme si l’île revenait d’un seul coup.

    — PJ… essaie quelque chose. Une nouvelle technique de maquillage.

    — Cela a-t-il quelque chose à voir avec ton interminable appel hebdomadaire ? demande-t-elle.

    — Non.

    Bon sang, je suis tellement nul en mensonges ces temps-ci. Je n’ai jamais été très doué, mais dernièrement je bats des records, je m’embrouille lamentablement. Peut-être est-ce parce que je passe beaucoup de temps avec Kendra et PJ en ce moment et que nous pouvons parler de ce qui est arrivé quand bon nous semble, comme si le fait de m’habituer à dire la vérité rendait le mensonge plus difficile. Je crois que c’est pareil pour eux : leurs parents deviennent soupçonneux.

    Mais ma mère ne peut pas savoir, ce dont je conviens toujours, ce dont nous convenons tous les trois. Aucun d’eux ne peut savoir que les morts sont partout, que lors de nos deux derniers déplacements, nous sommes tombés sur des endroits maudits regorgeant de zombies assoiffés de sang cherchant à nous manger et que sans ce réseau dément de sorcières appelées « gardiennes », nous serions tous transformés en nourriture pour cadavres. Parce que même s’ils ne nous croient pas et nous prennent pour des cinglés, nous serons confrontés au psychothérapeute et peut-être aux comprimés ou aux cours particuliers et, pendant ce temps, nous ne pourrons pas faire notre boulot, qui consiste à combattre ces horribles créatures dès qu’elles se montrent.

    C’est la raison pour laquelle O’Dea, notre gardienne locale, nous appelle une fois par semaine : elle nous aide à nous entraîner à être ce que nous sommes, ces espèces de fameux tueurs de zombies appelés les « fossoyeurs ».

    Les fossoyeurs. Je sais. Après la première fois, je n’y croyais pas. Nous sommes vraiment tombés par accident sur ces danseurs modernes morts-vivants, et nous les avons en quelque sorte tués par accident également, les amenant par la ruse à se mettre en pièces les uns les autres. Mais après la dernière fois ? Jouer de la machette contre une horde de touristes zombies dégoulinants sur une espèce d’île déserte détenue par un fichu super-méchant adolescent. Depuis lors, je fonctionne avec l’idée que tout ceci est vrai, et ça fait du bien juste de l’admettre.

    C’est pourquoi aucun de nos parents ne peut savoir : ils se mettraient en travers et saboteraient notre boulot. Ils ne sont peut-être pas destinés à être des chasseurs de zombies, mais ce sont nos parents quand même. Et si nous sommes punis et que les morts se rendent quelque part ? Désastreux !

    — Voilà, dit ma mère, tu es presque parfait. En revanche, n’oublie pas de prendre une douche avant de te coucher.

    Elle me regarde en plissant les yeux, comme si elle essayait de savoir si elle devait me punir ou non pour quelque chose que j’étais susceptible de faire et que je fais effectivement.

    — Tu sais que je t’aime, mon garçon. Sois sage, d’accord ?

    — Toujours, dis-je avant de rejoindre mes amis, mourant d’envie d’être en dehors du champ de vision de ma mère et de savoir ce qui s’est dit dans notre salle de bain.

    Je tape à la porte.

    — Les amis, vous avez fini ?

    — Presque ! crie PJ.

    — Allez, dis-je en frappant de nouveau, et comme ça ne marche pas, il me vient cette idée maléfique de me mettre à cogner sur la porte tout en poussant des gémissements gutturaux.

    La porte s’ouvre immédiatement, et la tête de PJ jaillit de l’ouverture, ses yeux cernés de noir arrondis et légèrement inquiets.

    — Ce n’est pas drôle, dit-il. Tu es un grand malade.

    — C’était assez drôle. Allez, laisse-moi entrer, je suis prêt.

    Tout d’abord, je pense que le petit sourire qui se dessine sur le visage de PJ est dû à ma blague, comme s’il essayait de ne pas rire. Puis il ouvre grand la porte et dit :

    — Voilà.

    Gel cérébral instantané. Comme si mon cœur poussait dans ma gorge et que tout ce qui est inférieur à mes genoux était en glace.

    Kendra est là, le visage gris et allongé, les yeux vagues et vitreux, comme si elle me voyait pour la première fois. Ses joues sont creuses ; sa peau, toute fripée comme si elle n’avait pas été tendue correctement ; et ses lèvres, d’un marron foncé sombre, mais leur coin supérieur droit est lacéré, dévoilant des dents blanches et des gencives brun-rose. Les deux balafres qui s’étendent, l’une sur son visage, l’autre sur son bras, sont brillantes et humides d’une substance noire grumeleuse. Mais ce sont ses cheveux, bon sang — cette parfaite boule frisée devenue une espèce d’enchevêtrement crasseux —, qui me tuent.

    — Je suis désolé, dit PJ de cette voix douce et compréhensive qu’il fait si bien.

    Ses mains se posent sur mon épaule, et paf, je suis de retour ici avec mes amis, et pas perdu dans un état de terreur à glacer le sang.

    — C’était juste pour me venger de ton coup à la porte digne d’un zombie. Je n’avais pas l’intention de te faire flipper.

    — Ça va, parvins-je à dire en haletant. J’allais bien finir par le voir.

    Kendra se défait de son expression lointaine et, après avoir cligné des yeux, affiche un sourire ravi.

    — Est-ce vraiment aussi réussi ? As-tu sincèrement été effrayé ?

    Lorsque je parviens à opiner, elle pouffe et se tourne vers PJ.

    — Bien joué, PJ. Apparemment, tu as fait un excellent boulot de maquillage.

    — Je me débrouille, dit-il avec un petit sourire. Allons-y.

    On entre dans ma chambre, et une fois que j’ai poussé tous les vêtements sales, l’équipement de basket et les cahiers dans les coins, nous avons un bel espace pour nous entraîner.

    — Prêt, Ian ? demande PJ alors que je fais face à Kendra la zombie en train de taper vivement quelque chose sur son téléphone.

    — Je le serais, dis-je, si quelqu’un pouvait couper ce stupide Internet.

    — Désolée, désolée, marmonne-t-elle en rangeant son téléphone. Les redditeurs¹. Vous savez ce que c’est.

    Quand elle se retourne vers moi, elle a repris cette expression vide et morte, et mon cœur accélère de nouveau. C’est ma session de formation. Pour celle de Kendra, nous n’avons cessé de lui sauter dessus pour la faire agir rapidement et, pour celle de PJ, nous lui avons hurlé des horreurs tout en lui montrant des photos d’araignées et de corps morts (quelle drôle de recherche sur Google). Maintenant, c’est à moi : confrontation avec les morts.

    Lors de notre dernier combat contre les zombies, j’ai eu un vrai problème au début quand il s’est agi de les affronter : j’étais pris d’une frousse terrible. O’Dea a dit que nous devons nous « familiariser avec l’ennemi » pour être capable de les fixer de manière directe et ne pas les confondre ni les traiter comme des gens, même si ce sont des personnes que nous connaissons. La façon dont elle a dit cette dernière partie nous a laissés penser qu’elle avait vécu une telle situation.

    — D’accord, Ian, faisons-le au ralenti, dit PJ en faisant passer sa caméra de la séquence du loup-garou à un nouveau dossier. Kendra va venir vers toi, et tu vas essayer de la repousser et de la descendre, mais fais-le lentement afin que tu puisses voir et te rappeler ton instinct. Compris ?

    — Compris, lui dis-je en essayant de ne pas respirer trop vite.

    — Bien, dit PJ. Kendra, prête à y aller ?

    — Affirmatif.

    — Super.

    PJ lève sa caméra, et au bout d’un instant la lumière rouge s’affiche.

    — Et… action !

    D’un seul coup, Kendra arrive sur moi en titubant avec un gémissement rauque, et je dois reconnaître que son expression de zombie est très convaincante. Elle traîne une jambe comme si celle-ci était cassée au niveau du tibia, et elle parvient à tordre ses doigts exactement comme le faisaient les morts-vivants que nous avons combattus. L’espace d’un instant, en dévisageant mon amie, ou cette créature censée avoir été mon amie, c’est comme si j’étais pétrifié encore une fois, figé à l’intérieur de mon propre corps…

    C’est alors que ces étranges doigts tordus touchent légèrement mon bras, et tout se remet en place. Le tranchant de ma main s’abat à vitesse réduite et s’arrête juste au milieu du cou de Kendra.

    — Attends, arrête, dit-elle, abandonnant instantanément le rôle du zombie et me laissant hébété et haletant comme si elle m’avait jeté un sort.

    — Tu ne peux pas te contenter de la gorge. Cela ne les arrêtera pas, tu te souviens ?

    — Je me suis dit que ça pourrait leur casser le cou, tenté-je de dire. Surtout si j’ai une machette. Les décapiter ne fonctionne pas ?

    — Techniquement, si ! dit Kendra en levant un doigt peint en gris devant mon visage. Il faut se concentrer sur le dos, Ian. Te souviens-tu de ce qu’a dit O’Dea ? Tant qu’on n’a pas entièrement brisé leur colonne vertébrale, ils peuvent toujours attaquer. Voici ce que j’ai chorégraphié mentalement…

    Elle prend une de mes mains et la pose sous son menton, le bord de ma paume contre sa gorge, et alors… Ouah, attends, elle prend mon autre main… Attends, voilà qu’elle m’attire contre elle, ouah, et la colle sur son dos, au niveau de sa taille.

    Non, mais elle fait quoi là ?

    — Pousse avec cette main sous le menton, dit-elle, pour garder la bouche à distance. Ensuite, tends l’autre main vers l’arrière et enfonce tes doigts — elle pose sa main sur la mienne, fait une pince et l’appuie sur sa colonne vertébrale — autour de la colonne. Tire alors d’un coup sec et ouvre la colonne en deux. Ceci devrait au minimum les faire chuter et les ralentir, de façon à ce que tu puisses les achever. Tu piges ?

    — Euh, ouais, dis-je comme un gros imbécile.

    Heureusement, mon père fait irruption, me donnant une bonne excuse pour m’écarter de Kendra et essayer de me débarrasser de l’étrange sentiment qui tourne dans ma tête. La mauvaise nouvelle, évidemment, c’est que mon père tient un ballon de basket dans ses mains et affiche un sourire radieux, ce qui signifie qu’il est ici pour tenter de me séparer de mes amis.

    — Vous avez fini ? dit-il en faisant rebondir le ballon avec un gros « ping ». Allez, Ian, on doit s’y mettre. J’ai vu Larry Leider à la station-service, hier, et il dit qu’il sera content de te faire jouer si tu reviens au niveau auquel tu étais avant de te faire exclure

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