Meurtre chez les anges
Par Bernard Tétrault
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À propos de ce livre électronique
à une ex-prostituée. L’enquête, menée par le jeune privé Bernie Matte, va le conduire jusqu’à Cancún au Mexique. Elle va provoquer un attentat sanglant contre
son nouveau partenaire, l’ex-patron de l’Escouade des homicides, et va être truffée de rebondissements, dont un amour improbable qui finira dans le sang.
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Aperçu du livre
Meurtre chez les anges - Bernard Tétrault
Copyright © 2017 Bernard Tétrault
Copyright © 2017 Éditions AdA Inc.
Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.
Éditeur : François Doucet
Révision linguistique : Daniel Picard
Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Émilie Leroux
Conception de la couverture : Mathieu C. Dandurand
Illustration de la couverture : Getty Images
Mise en pages : Kina Baril-Bergeron
ISBN papier 978-2-89786-164-3
ISBN PDF numérique 978-2-89786-165-0
ISBN ePub 978-2-89786-166-7
Première impression : 2017
Dépôt légal : 2017
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque et Archives nationales du Canada
Imprimé au Canada
Participation de la SODEC.
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC)
pour nos activités d’édition.
Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.
Conversion au format ePub par:
www.laburbain.com
Du même auteur
Bernie Matte enquête — Bye, bye la police !,
Éditions AdA, 2017
Johnny Aspiro, détective très privé — Des histoires d’infidélité, Éditions AdA, 2017.
Matricule 728 — Servir et se faire salir — Mon histoire, Éditions AdA, 2015.
Me Jean-Pierre Rancourt — Les confessions d’un criminaliste, Éditions Stanké, 2015.
Claude Poirier — 10-4,
Éditions Stanké, 2013.
Confidences d’un agent double — En mission à 14 ans,
Éditions Publistar, 2009.
Claude Poirier — Sur la corde raide,
Éditions Stanké, 2007.
Prologue
Il arriva sur les chapeaux de roue. Freinant frénétiquement son bolide fumant en faisant crisser les pneus, son cœur s’arrêta de battre un moment tellement il eut un affreux pressentiment. En voyant une des grosses portes en chêne massif de l’imposante demeure ouverte aux quatre vents de sa cliente, ses craintes se multiplièrent à la vitesse que tournaient les 350 chevaux de sa Corvette quelques secondes auparavant. Sorti de sa torpeur, il s’arracha à sa caisse et se mit à courir vers la maison sans se soucier des clés laissées dans le démarreur et de la portière restée grande ouverte.
Il ne s’était pas trompé. Dès qu’il mit le pied sur le palier… l’horreur !
Trois cadavres gisaient dans une immense flaque de sang déjà partiellement coagulé, et l’odeur de la mort planait jusque dans l’entrée. Ex-policier¹, il en avait pourtant vu du sang. Des cadavres. Des corps disloqués. Il était immunisé aux boucheries de la route, aux mâchoires cassées et aux femmes battues.
Mais c’était la première fois que le jeune privé Bernie Matte connaissait une des victimes aussi intimement…
1. Bernie Matte enquête – Bye, bye la police, Éditions AdA, 2017.
Première partie
Le Mike Hammer
du Québec
– 1 –
Bernie était devenu privé après sept années ardues comme policier dans les rues pas toujours paisibles de Montréal, la ville cosmopolite à majorité francophone d’environ deux millions d’habitants — sans compter sa grande banlieue — où il était né et avait grandi. Il l’appelait affectueusement son mini New York parce qu’elle avait encore, comme sa consœur américaine, un authentique centre-ville avec son quartier des affaires, ses boutiques, ses théâtres, ses restaurants, ses bars et tous les problèmes découlant d’une vie nocturne pratiquée comme un sport national qui ne se terminait chaque nuit qu’aux petites heures.
Tous ses amis, du moins ceux qui l’étaient encore, savaient qu’il avait détesté faire partie du plus gros corps policier du Québec. Pour la pure et simple raison qu’il avait viscéralement tout le mal au monde à se soumettre à toute autorité. Il avait en revanche apprécié au centuple le bagage d’expérience inestimable qu’il en avait tiré. Il y avait décroché une véritable maîtrise en connaissance des bas-fonds de sa ville. Un doctorat sur la face peu reluisante de plusieurs de ces animaux urbains détraqués que toutes les associations de droits de l’homme persistent à nommer êtres humains. Il avait toujours senti, durant ces années d’apprentissage à la dure, que ces facettes de son expérience policière lui serviraient un jour pour se réaliser pleinement dans le seul métier dont il rêvait depuis qu’il était adolescent.
Depuis la découverte dans la bibliothèque poussiéreuse de son père des romans policiers de l’Américain Mickey Spillane et de son héros sans peur, mais non sans reproche, le privé Mike Hammer, il avait rêvé de devenir son émule québécois et, malgré ses jeunes 33 ans, il y était arrivé. Enfin presque. Il n’était pas encore le Mike Hammer idéalisé. Ses seules mésaventures, semblables à celles de son héros — assommé dans une ruelle alors qu’il était encore payé par l’argent des contribuables municipaux et percé de deux balles de revolver qui l’avaient laissé avec l’annulaire gauche en moins à son tout premier jour comme privé —, il les avait déjà enfouies dans son inconscient.
Il avait obtenu son permis officiel de détective privé dûment émis par le ministère de la Sécurité publique du Québec, et c’est ce qui lui importait. Il avait ouvert son propre bureau où il était affiché bien en vue dans un cadre en aluminium brossé. Et ce bureau n’était pas situé n’importe où. C’était sur la rue Saint-Paul Ouest, en plein cœur de la métropole du Québec, dans le Vieux-Montréal. À deux pas du Palais de justice où sévissent les tribunaux en matière civile et criminelle. À quatre pas de l’édifice du quartier général qui abritait son ex-employeur, le Service de police de la ville de Montréal, quand il était étudiant en techniques policières. Cet édifice historique loge maintenant la Cour municipale où se jugent les causes d’infractions routières et sommaires, tandis que le QG de la police est rendu sur la rue Saint-Urbain, tout près de la Place des Arts, ce qui lui vaut chez certains malfaisants le titre peu flatteur de Place des Porcs.
Bernie avait déniché, pour le seconder, une jeune et aguichante secrétaire, tout comme celle de son modèle Mike Hammer, mais il la considérait comme beaucoup plus séduisante que la célèbre Valda qu’il imaginait n’être qu’une bombe sexuelle. Shirley Graham n’avait pas la cuisse légère comme la secrétaire de Hammer. Elle était à la fois sa secrétaire et sa partenaire en bonne et due forme avec 30 pour cent des actions de leur entreprise, l’Agence de détectives Bernie Matte et associés, et elle tenait à ce que leur relation en demeure une professionnelle et amicale, même si lui fantasmait secrètement sur elle la nuit.
Bernie avait déjà au menu quelques mini-enquêtes réussies chez des commerçants aux prises avec des employés aux doigts croches et chez des particuliers aux prises avec des problèmes d’infidélité. Du gâteau pour le jeune détective. Il les avait démasqués tellement rapidement qu’il était presque gêné de déposer les sommes gagnées aussi facilement dans le compte de banque de l’agence, d’autant plus qu’il avait décidé de ne jamais facturer moins de 250 dollars l’heure. Il avait, entre autres, participé à une enquête du privé montréalais Johnny Aspiro, devenu depuis un ami, et qui avait tourné au drame². Mais c’est l’appel de service du propriétaire de bar Costas Kostasdakis qui lui avait fait le plus plaisir et avait vraiment donné le ton à sa toute jeune carrière.
C’était sa première enquête à caractère criminel, et il l’avait reçue comme un cadeau tombé du ciel dès le lendemain de l’ouverture de son agence. Bernie connaissait bien le fils de Costas, Frankie, le leader du groupe punk rock Les Minables. Il avait sauvé sa réputation quand il était toujours dans la police. Il l’avait ramené à son père sans procéder à son arrestation quand, drogué jusqu’aux oreilles, le jeune musicien avait refusé de payer les deux prostituées avec qui il s’était payé un trip à trois dans un bordel du bas de la ville. Son papa était éternellement reconnaissant envers Bernie de lui avoir évité toute poursuite judiciaire, et ce n’était pas surprenant qu’il ait fait appel à ses services quand son Frankie lui avait appris qu’il était victime de chantage. Bernie entendait encore son appel de détresse en se dirigeant vers le bar où son groupe jouait.
— On fait chanter mon fils Frank, le leader du groupe Les Minables, tu te souviens de lui ? avait crié Costas Kostasdakis dans son cellulaire, la voix étouffée par la musique qui hurlait à tue-tête dans son bar.
— Passe à mon bureau, rue Saint-Paul, demain matin pour m’expliquer tout cela en détail.
Bernie avait répondu tout excité à ce précieux contact qu’il s’était fait dans le Milieu montréalais quand il était policier et qui était propriétaire du bar de danseuses Chez Aphrodite situé rue Sainte-Catherine Est près du boulevard Saint-Laurent.
Le lendemain, fier comme un paon de recevoir son premier client comme détective à la solde, Bernie lui avait dit qu’il se souvenait évidemment de son fils chanteur et, avant d’accepter sur-le-champ de lui porter secours, il avait tenté de le calmer avec un brin d’humour.
— Je me souviens de Frankie comme si c’était hier, Costas, mais tu dis qu’on le fait chanter ; ce n’est pas cela qu’il fait dans la vie, chanter ?
— Oui, mais là, on l’oblige à chanter et pas juste à chanter. À cracher de l’argent en retour de son silence…
— Et tu veux que je trouve ceux qui tiennent le micro, c’est ça ? Eh bien, je vais faire de mon mieux, mon ami.
Fin de la conversation et début d’une enquête qui plongea le tout jeune détective privé dans le milieu underground de Montréal, un monde marginal qu’il ne connaissait pas, mais qui l’avait toujours intrigué.
2. Johnny Aspiro, détective très privé – Des histoires d’infidélité, Éditions AdA, 2017.
– 2 –
Frankie et son groupe étaient régulièrement en vedette au bar le plus hétéroclite de Montréal, L’Intersection, rue Sainte-Catherine Est, un vaste complexe comprenant trois salles bien distinctes. Une où les groupes de rap prédominaient. Une qui était un after-hour sans boissons alcooliques où les clients, gobant majoritairement pilules wake-up et ecstasy, se trémoussaient toute la nuit durant aux sons technos des DJ de l’heure. Et l’autre, plus rétro, était un monument de la scène musicale alternative de Montréal, décoré entièrement par des artistes de la rue. C’est là que Bernie se dirigeait.
En s’y présentant, Bernie se dit qu’il ne trouverait jamais les mots pour décrire comment, avec sa carrure athlétique et sa démarche de policier, il détonnait dans ce bar de bigarrés aux têtes multicolores et aux visages fleuris de clous de nez et de piercings de toutes sortes. Seules sa jeunesse et sa tête rasée convenaient un peu au décor. Et encore. Mais puisque, lors d’une enquête, il y a toujours 20 pour cent de travail acharné et 80 pour cent de pure chance, il fut chanceux. Vraiment chanceux. Il était à peine accoudé au bar, à travers l’épaisse couche de bruit de ce que les punks appellent de la musique, quand il entendit filtrer son nom.
— Bernie Matte ! Mais qu’est-ce que tu fais ici, toi ?
C’était le barman. Tête rasée, anneaux dans le nez et dans les oreilles, verres fumés miroir, maillot de corps laissant voir d’innombrables tatouages. Bernie ne le reconnut pas au premier coup d’œil. Puis l’étincelle se fit grâce au tatou unique au monde qu’il arborait au biceps gauche depuis leur époque de joueurs de hockey junior, Rosemont Forever, Rosemont pour toujours. Rosemont, c’était leur quartier natal. Et les Bombardiers de Rosemont, c’était l’équipe avec laquelle ils avaient tous deux sué leur meilleur hockey junior. Richard « Ricky » Grenier était leur capitaine. Bernie était son ailier droit, même s’il était gaucher.
— Toi, Ricky, qu’est-ce que tu fabriques dans ce trou ? ne put-il s’empêcher de lui demander.
— Ce n’est pas un trou ici, Bernie. C’est le temple montréalais de la musique alternative, répondit Ricky du tac au tac, visiblement insulté malgré les miroirs qui cachaient ses yeux.
Et il ajouta, pour le prouver :
— Savais-tu que Green Day, les Smashing Pumpkins et même le groupe Nirvana de feu Kurt Cobain s’y sont produits dans les années 90 avant de se faire connaître mondialement ?
Bernie n’eut rien à répondre à cela, plus porté sur le pop, le rock classique et le jazz. Pas trop calé en grunge, en punk rock, en heavy metal, en hardcore et quoi encore, Bernie le privé.
— Mais tu n’étudiais pas pour devenir médecin ? le questionna-t-il.
— En effet, et j’étudie toujours. C’est long la médecine, et l’université ça coûte cher. C’est ça que je fais ici, je gagne mes études. Puis j’adore ça parce que, tu dois t’en souvenir, je suis un maniaque de musique. De toutes les musiques.
Bernie s’en souvint. Ricky était, en plus de barman et aspirant médecin, un musicien accompli. Il avait joué dans plusieurs orchestres de rock, et c’est lui qui l’avait initié au jazz. C’est lui qui lui avait fait connaître Charlie Parker, Oscar Peterson et Miles Davis. Et, plus près du Québec, Oliver Jones, Charlie Biddle et Ranee Lee. C’était son père, un batteur professionnel, qui lui avait transmis cette passion. Bernie avait eu un coup de cœur pour le jazz. C’était une coche de plus musicale que Led Zeppelin et Jimmy Page. Les musiciens de jazz étaient tous des Jimi Hendrix au cube. Et il était devenu un adepte consacré.
Mais que faisait une oreille aussi musicale que celle de Ricky dans l’entourage de Frank, ses Minables et compagnie, se demanda Bernie ? Il fallait qu’il lui explique. D’autant plus que ça ne nuirait sûrement pas à son enquête de se coller sur lui.
— Tu serais surpris, Bernie, de la qualité de son de Frank et ses Minables. Ils sont très populaires, et ce n’est pas pour rien. Ils sont loin d’être ordinaires. Ce sont de solides musiciens. En fait, ils sont très, très bons.
— Loin d’être minables quoi ! ne put s’empêcher de glisser le jeune détective dans la conversation très enfumée du bar.
— Un à zéro pour toi ! rétorqua le barman en riant à gorge déployée.
Bon, se dit Bernie, comment aborder la raison de sa visite dans ce… temple ? Puis, se souvenant de leur camaraderie à toute épreuve à l’époque, il commanda une bière de marque Boréal pour ne pas avoir l’air trop perdu dans ce bled bizarre et il plongea…
– 3 –
Bernie ne s’était pas rendu à L’Intersection pour rencontrer le beau Frankie Kostasdakis, mais pour fouiner. Pour s’imprégner de l’ambiance dans laquelle il travaillait plusieurs soirs par semaine quand lui et son groupe n’avaient pas d’engagements à la télévision ou ailleurs. Il s’était fié à sa bonne étoile, se disant qu’il le verrait bien assez vite. D’autant plus que son père lui avait expliqué qu’encore une fois, c’étaient de jeunes minettes qui étaient à l’origine de ses problèmes.
Frankie — c’est comme cela qu’il aimait se faire appeler pour faire plus cool même si son nom était Frank — était très porté sur la chose. Et il n’avait manifestement pas le flair assez développé pour détecter lesquelles de ses innombrables conquêtes n’étaient pas en âge légal pour des parties de jambes en l’air en règle. Quelqu’un dans son entourage, c’était évident en partant, profitait de cette carence manifeste et, pas fou le gars, il prenait les bouchées doubles. Il faisait cracher de l’argent à Frankie, le menaçant de le dénoncer aux policiers. Et il faisait la même passe à la jeune groupie en affirmant qu’il mettrait ses parents au courant de ses tournées nocturnes dans les bars et de ses aventures sexuelles avec des musiciens. Le truc du maître chanteur fonctionnait à merveille. Il menaçait Frankie sur son téléphone cellulaire ou par courriel. Jamais en personne. Il faisait le même petit jeu avec la fille. Les deux s’en parlaient, s’énervaient mutuellement et… ils payaient. Frankie avec l’argent qu’il gagnait grâce à sa musique. La fille avec celui que ses parents lui octroyaient pour son transport en commun, ses lunchs et ses sorties entre filles. Ce n’étaient pas de gros montants, mais comme tout fraudeur dans l’âme, il revenait sans cesse sur ses promesses, que c’était la dernière fois. En fait, la dernière fois, c’était seulement lorsque Frankie Le Minable se faisait une nouvelle conquête, fille de parents à l’aise et d’un âge où les bars et la baise lui étaient interdits. Il laissait alors la paix à la jouvencelle un peu trop émancipée