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Vincent van Gogh par Vincent van Gogh - Vol 2
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Livre électronique286 pages2 heures

Vincent van Gogh par Vincent van Gogh - Vol 2

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À propos de ce livre électronique

Ce paradoxe — la tristesse et la force de la campagne — reflète l’état d’esprit de Van Gogh lui-même : la nature a toujours été une sorte de refuge pour lui, mais un refuge qu’il n’a jamais pu partager avec quelqu’un d’autre. À Saint-Rémy, Van Gogh avait réalisé une œuvre appelée Le Faucheur : « Je vis alors dans ce faucheur […] l’image de la mort, dans ce sens que l’humanité serait le blé qu’on fauche. Il est donc — si tu veux — l’antithèse du semeur auquel je me suis déjà essayé. Mais dans cette mort rien de triste, cela se passe en pleine lumière avec un soleil qui inonde tout d’une lumière d’or fin. » […]
Quelques semaines avant son suicide, Van Gogh avait écrit à Théo : « Je crois que tout ce à quoi j’ai travaillé sera continué. Non pas directement, mais on n’est pas seul à croire à des choses qui sont vraies. Et qu’importe-t-on personnellement alors ! Je sens tellement que l’histoire des gens est comme l’histoire du blé, si on n’est pas semé en terre pour y germer, qu’est-ce que ça fait, on est moulu pour devenir du pain. La différence du bonheur et du malheur ! Tous les deux sont nécessaires et utiles et la mort ou la disparition… c’est tellement relatif — et la vie également. » L’avenir lui donnera raison.
LangueFrançais
Date de sortie9 déc. 2019
ISBN9781785256929
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    Aperçu du livre

    Vincent van Gogh par Vincent van Gogh - Vol 2 - Victoria Charles

    Notes

    Arles : 1888-1889

    « L’Atelier du Midi »

    Le 19 février 1888, Van Gogh quitta Paris pour Arles. Deux jours plus tard, il écrivait à Théo :

    « Il me semble presque impossible de pouvoir travailler à Paris, à moins que l’on ait une retraite pour se refaire, et pour reprendre son calme et son aplomb. »[1]

    La région d’Arles lui rappelait non seulement les paysages néerlandais, mais aussi le Japon des estampes. Il prit pension à l’auberge Carrel et se mit aussitôt au travail. Il partait dès le matin dans les champs et les jardins, ne rentrant qu’en fin d’après-midi. Il passait ses soirées au Café de la Gare, où il écrivait des lettres et lisait les journaux ou des romans tels que Madame Chrysanthème de Pierre Loti. C’est là qu’il se lia d’amitié avec le sous-lieutenant zouave Paul-Eugène Milliet, le facteur Joseph Roulin et le couple Ginoux, les patrons du café. Dans une lettre à Théo, il explique : « J’aime mieux blaguer que de me sentir seul. »[2] Van Gogh tenait ses nouveaux amis en haute estime – plus tard, pendant sa période de crise, ils allaient devenir ses soutiens les plus fidèles et les plus solides – mais la compagnie de gens avec qui il aurait pu discuter d’art lui manquait.

    En mai de la même année, il loua deux pièces dans une maison inhabitée près de la place Lamartine. Les pièces n’étant pas meublées, il dormait au Café de la Gare, ayant quitté l’auberge Carrel après une querelle avec les patrons. Il entreprit aussitôt de décorer la maison – qu’il nommait à la fois la « maison jaune » et « la maison d’artiste » – tâche qui l’emplissait d’un ravissement sans fin. Dans son esprit, cette maison était destinée à devenir le noyau d’une colonie d’artistes, l’Atelier du Midi.

    « Tu sais que cela m’a toujours semblé idiot que les peintres vivent seuls », écrivit-il à Théo. « On perd toujours quand on est isolé. »[3]

    Dépendant de sa famille financièrement, Van Gogh se mit à réfléchir à la position de l’artiste dans la société :

    « Il est pénible, très pénible de continuer à travailler quand on ne vend pas et qu’on doit payer les couleurs, littéralement avec l’argent dont beaucoup ne se contenteraient pas pour s’assurer le manger, le boire et le gîte, même pas ceux qui prétendent vivre petitement […]. Pendant qu’on construit des musées nationaux qui engloutissent des centaines de milliers de gros billets, et autres choses de ce genre, les artistes crèvent. »[4]

    Pour Van Gogh, les musées étaient des cimetières. Il méprisait tout autant le commerce de l’art :

    « Dites-vous que dix années sont nécessaires pour apprendre le métier. Celui qui en a passé six, ayant fait toutes les dépenses nécessaires, et qui doit ensuite abandonner, si vous saviez combien c’est misérable ! Et combien sont dans ce cas ! Les hauts prix dont on entend parler paient le travail de peintres morts qui n’ont jamais été payés ainsi durant leur vie. C’est une sorte de commerce de tulipes, où les peintres vivants ont plus de désavantages que de profit. Et cela aura une fin, tout comme le commerce des tulipes. »[5]

    Seule alternative à cet état de fait : la communauté d’artistes. Les peintres devraient travailler ensemble, se soutenir les uns les autres et confier leurs œuvres à un marchand d’art fidèle – Théo en l’occurrence – qui leur verserait une somme mensuelle, même s’il n’avait pas vendu.

    Van Gogh voulait à tout prix convaincre Gauguin de se joindre à l’Atelier du Midi. Pendant plus de six mois, de mars à octobre 1888, il l’inonda de lettres. Il demanda à Théo de monter sa pension mensuelle à 250 francs, afin de permettre à Gauguin de vivre avec lui à Arles. En retour, Théo recevrait un tableau de Gauguin. Ce dernier, qui vivait en Bretagne, se dérobait sans cesse, prétendant parfois être trop malade pour supporter le voyage, d’autres fois manquer d’argent pour l’entreprendre. Les mois pendant lesquels Van Gogh attendit Gauguin furent l’époque la plus productive de sa vie : d’une part, il voulait avoir le plus de tableaux possibles à montrer à son ami, par ailleurs, il tenait à soigner la décoration de la maison jaune :

    « Dès le commencement j’ai voulu arranger la maison non pas pour moi seul, mais de façon à pouvoir loger quelqu’un […]. Il y aura pour loger quelqu’un la plus jolie pièce d’en haut, que je chercherai à rendre aussi bien que possible comme un boudoir de femme réellement artistique. Puis il y aura ma chambre à coucher à moi, que je voudrais excessivement simple, mais des meubles carrés et larges : le lit, les chaises, la table, tout en bois blanc. En bas l’atelier et une autre pièce atelier également, mais en même temps cuisine […]. La chambre où alors tu logeras, ou qui sera à Gauguin, si G. vient, aura sur les murs blancs une décoration de grands tournesols jaunes […]. Je veux réellement en faire une maison d’artiste, mais non pas précieuse, au contraire rien de précieux, mais tout, depuis la chaise jusqu’au tableau, ayant du caractère […] Je ne saurais t’exprimer combien cela me fait plaisir de trouver ainsi un grand travail sérieux. »[6]

    Au milieu du mois d’août, il commença la série des tournesols pour la chambre d’invité :

    « Je suis en train de peindre avec l’entrain d’un Marseillais mangeant la bouillabaisse, ce qui ne t’étonnera pas, lorsqu’il s’agit de peindre des grands tournesols. J’ai trois toiles en train : 1° trois grosses fleurs dans un vase vert, fond clair […] ; 2° trois fleurs, une fleur en semence et effeuillée et un bouton sur fond bleu de roi […] ; 3° douze fleurs et boutons dans un vase jaune […]. Le dernier est donc clair sur clair, et sera le meilleur j’espère […]. Enfin si j’exécute ce plan, il y aura une douzaine de panneaux. Le tout sera une symphonie en bleu et jaune donc. »[7]

    Sur les douze tableaux de tournesols prévus, Van Gogh n’en termina que deux : les « modèles » fanaient trop vite. Aussi se tourna-t-il vers un nouveau sujet : le jardin du poète. Trois variations sur ce thème, associées aux deux peintures de tournesols, servirent à décorer la chambre d’invité, qui attendait l’arrivée de Gauguin. Le nid était prêt, mais il restait vide. Van Gogh s’efforçait de rester optimiste :

    « Si je suis seul, ma foi, je n’y puis rien, j’ai alors moins le besoin de compagnie que celui d’un travail effréné […]. Alors seulement je ressens la vie, lorsque je pousse raide le travail. Et en compagnie j’en sentirais un peu moins le besoin, ou plutôt je travaillerais à des choses plus compliquées. Mais isolé je ne compte que sur mon exaltation de certains moments, et je me laisse aller à des extravagances alors. »[8]

    En même temps, il cherchait à contrôler son exaltation :

    « Ne crois donc pas que j’entretiendrais artificiellement un état fiévreux, mais sache que je suis en plein calcul compliqué, d’où résultent vite l’une après l’autre des toiles faites vite, mais longtemps calculées d’avance. Et voilà lorsqu’on dira que cela est trop vite fait, tu pourras y répondre qu’eux ils ont trop vite vu. D’ailleurs je suis maintenant en train de repasser un peu sur toutes les toiles, avant de te les envoyer. »[9]

    Le 23 octobre, Paul Gauguin arriva enfin à Arles. « Il est très intéressant comme homme », écrivit Vincent à Théo, « et j’ai toute confiance qu’avec lui nous ferons des tas de choses. Il produira probablement beaucoup ici, et peut-être j’espère moi aussi. »[10] La première chose que Gauguin produisit fut de l’ordre. Quinze ans plus tard, il écrivit dans ses souvenirs de son séjour à Arles :

    « Tout d’abord je trouvai en tout et pour tout un désordre qui me choqua. La boîte de couleurs suffisait à peine à contenir tous ces tubes pressés, jamais refermés, et malgré tout ce désordre, tout ce gâchis, tout rutilait sur la toile ; dans ses paroles aussi. »[11]

    Au milieu du mois de novembre, Gauguin déclara à son marchand d’art et bailleur de fonds Théo :

    « Le bon Vincent et le grièche Gauguin continuent de faire un couple heureux et mangent à la maison les petits repas qu’ils se préparent eux-mêmes. »[12]

    Avant, Vincent mangeait au restaurant, engloutissant ainsi l’argent que lui envoyait Théo : entre 150 et 250 francs par mois. Pour donner un ordre d’idée, le facteur Roulin, qui était marié et avait trois enfants, ne gagnait que 135 francs. En d’autres termes, le manque d’argent chronique de Van Gogh résultait de son mode de vie quelque peu fantasque. Quand il voyageait, il logeait à l’hôtel ou dans des auberges – ce qui ne lui plaisait d’ailleurs pas du tout. Pourtant, il n’était pas gaspilleur ; il demandait toujours les chambres les moins chères et s’interdisait les gros repas.

    Mais son ascétisme était toujours à la limite du ritualisme : même lorsqu’il était invité, il refusait de manger, croyant que, à l’instar des moines, il ne devait absorber que le strict nécessaire à sa survie. Même du temps de ses études, à Amsterdam, cette tendance se manifestait déjà. Il confia un jour à son professeur Mendès da Costa qu’il s’était frappé avec un bâton pour n’avoir pas assez travaillé. Ce régime déséquilibré, à base de pain et de fromage essentiellement, finit par entraîner des troubles gastriques et des maux de dents. Cependant, ces problèmes de santé n’étaient peut-être pas exclusivement le résultat d’une alimentation insuffisante ; ils auraient également pu être des symptômes de syphilis, une maladie dont souffrait Théo.

    1. Les Tournesols, Arles, août 1888. Huile sur toile, 92,1 x 73 cm. The National Gallery, Londres.

    2. Verger en fleurs, Arles, mars-avril 1888. Huile sur toile, 72,4 x 53,3 cm. The Metropolitan Museum of Art, New York.

    3. Pruniers en fleurs, Arles, avril 1888. Huile sur toile, 54 x 65,2 cm. National Gallery of Scotland, Édimbourg.

    4. Verger en fleurs, Arles, avril 1888. Huile sur toile, 72,5 x 92 cm. Van Gogh Museum, Amsterdam.

    5. Jardins des thermes, Arles, août 1888. Crayon, stylo rouge et encre brune, 61 x 49 cm. Van Gogh Museum, Amsterdam.

    Les deux frères parlaient souvent du traitement que ce dernier suivait – alimentation équilibrée, repos, abstinence sexuelle, et Vincent finit par se convaincre qu’un style de vie identique le délivrerait aussi de ses maux. Une autre raison des difficultés financières de Van Gogh était qu’il dépensait beaucoup pour l’achat de couleurs et de toiles dès qu’il recevait de l’argent. Là aussi, Gauguin put contrebalancer l’impulsivité de son hôte : au lieu de commander des toiles toutes prêtes à Paris, il se procura de simples toiles à sac à Arles et entreprit de fabriquer les cadres lui-même. Bien qu’impressionné par l’habileté technique et pratique de son ami, Van Gogh se rebiffa lorsque Gauguin essaya « de débrouiller dans ce cerveau désordonné une raison logique dans ses opinions critiques ».[13]

    Paul Gauguin se voyait dans la position du sage et reléguait Van Gogh au rôle de disciple :

    « Vincent, au moment où je suis arrivé à Arles, était en plein dans l’école néo-impressionniste, et il pataugeait considé-rablement, ce qui le faisait souffrir […]. Avec tous ses jaunes sur violets, tout ce travail de complémentaires – du travail désordonné de sa part, il n’arrivait qu’à de douces harmonies incomplètes et monotones ; le son du clairon y manquait. J’entrepris la tâche de l’éclairer, ce qui me fut facile car je trouvais un terrain riche et fécond. Comme toutes les natures originales et marquées au sceau de la personnalité, Vincent n’avait aucune crainte du voisin et aucun entêtement. Dès ce jour mon Van Gogh fit des progrès étonnants. »[14]

    Pourtant, si l’on regarde les tableaux que Van Gogh peignit avant et après que Gauguin eût entrepris de l’éclairer, on voit peu de traces de « progrès ». En avril 1888, Van Gogh peignit Le Pont de Langlois ; en juillet, La Mousmé ; Le Facteur Joseph Roulin et Les Tournesols en août ; en septembre, Le Jardin du poète, La Nuit étoilée, La Maison jaune, l’Autoportrait dédié à Paul Gauguin, le Café de nuit et La Chambre de Vincent à Arles. Ces mêmes tableaux dont Gauguin jugeait les harmonies « incomplètes et monotones » sont aujourd’hui considérés comme ses chefs-d’œuvre.

    Avec Gauguin à ses côtés, Van Gogh peignit moins et sans cette force qui avait caractérisé son travail plus tôt dans l’année. Peut-être les discussions avec son collègue plus sûr de lui mettaient-elles ses nerfs à rude épreuve. Puis, vers la fin de l’année, il y eut aussi le mauvais temps, qui l’empêcha de travailler sur le motif. Or, à la différence de Gauguin, Van Gogh avait besoin de la réalité pour modèle. Il ne pouvait dissocier ses pensées de ses sujets, s’efforçant de réaliser une synthèse de la réflexion et de l’impression immédiate ressentie devant les choses et les gens. Dans ses lettres, il explique le sens de certains motifs : les tournesols, qu’il nommait « sa fleur », symbolisent la gratitude. Le Semeur (d’après Millet) représente la nostalgie de l’infini.

    Le but de Van Gogh était d’« exprimer l’amour de deux amoureux par un mariage de deux complémentaires, leur mélange et leurs oppositions, les vibrations mystérieuses des tons rapprochés. Exprimer la pensée d’un front par le rayonnement d’un ton clair sur un fond sombre. Exprimer l’espérance

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