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Les plans les mieux conçus
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Les plans les mieux conçus
Livre électronique524 pages7 heures

Les plans les mieux conçus

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À propos de ce livre électronique

Les navires des pilleurs se regroupent et cette fois, leur proie est le dirigeant suprême du Templum : l'Ipsissimus lui-même.

Avec Shader mort et son fragment de la Statue d'Eingana dans les mains de Shadrak l'Invisible, la menace du Déliement de toute la Création est plus forte que jamais.

Dr. Cadman réalise qu'il est trop embourbé et qu’il n'y a rien d'autre à faire que de passer à l'offensive. S'il doit survivre à la guerre latente pour la statue, quels meilleurs alliés pourrait-il avoir qu'une armée de morts-vivants ?

Alors que Sektis Gandaw se rapproche et qu'un choc des cultures menace le Sahul, le philosophe Aristodeus a encore des idées bien à lui pouvant décider du destin de toute l'existence.

Mais avec le passage vers le royaume céleste d'Araboth couvert par l'Abysse, les choses ne sont pas ce qu'elles devraient être. Aristodeus sait que même la mort de Shader peut être tournée à son avantage, après tout, c'est une longue partie et il a toutes les cartes en main.

Mais même les plans les mieux conçus...



Les plans les mieux conçus est le deuxième livre de la saga épique Shader par D.P. Prior.

Voici ce que les lecteurs disent du livre 1, L'Épée de l'Arckon :

« C'est le meilleur livre de fantasy en autopublication que j'ai lu jusqu'à maintenant. » – Rex Jameson 

« Sans concession et faisant réfléchir, Shader est un triomphe absolu de la fantasy. » – Journal of Always

« Si vous avez aimé la trilogie d'Abercrombie, je pense que vous aimerez ça. » – Ray Nicholson

« Cet auteur a beaucoup de talent. » – Readers Favourite

LangueFrançais
ÉditeurHomunculus
Date de sortie16 juin 2017
ISBN9781547505357
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    Aperçu du livre

    Les plans les mieux conçus - D.P. Prior

    LIVRE DEUX

    LES PLANS LES MIEUX CONÇUS

    SHADER

    LIVRE DEUX

    LES PLANS LES MIEUX CONÇUS

    D.P. PRIOR

    Troisième édition, 2013

    ISBN 13: 978-1466417410

    ISBN 10: 14664-17412

    Copyright © 2011 D.P. Prior. Tous droits réservés.

    Le droit de D.P. Prior à être reconnu comme l'auteur de cette œuvre a été affirmé en accord avec les sections 77 et 78 du Copyright, Designs and Patents Act de 1988.

    Tous les personnages de ce livre sont fictifs et toute ressemblance avec une personne, morte ou vivante, ne serait que pure coïncidence.

    Ce livre est vendu à condition qu'il ne soit ni prêté ni autrement diffusé, y compris par la voie commerciale, sans le consentement préalable de l'éditeur, sous une présentation différente de celle de l'original et sous réserve que la même condition soit imposée au prochain éditeur.

    REMERCIEMENTS

    J'aimerais remercier mon éditeur, Harry Dewulf pour les excellents commentaires concernant la langue et son attention aux menus détails.

    Paula Kautt a été d'une aide inestimable avec ses suggestions et ses demandes de clarification, mais aussi pour avoir relevé les incohérences et avoir relu l'histoire.

    Je remercie fortement Valmore Daniels pour la cruciale réédition du texte après qu'il fut changé en anglais américain, pour le formatage et la couverture.

    Theo Prior, comme toujours, a été une oreille attentive et a écouté patiemment chaque révision lue à voix haute. Il a également fourni l'inspiration pour un certain nombre de nouveaux personnages et de développements de l'intrigue lors des longues balades pour se rendre au magasin de BD de Naperville. Et comme si cela n'était pas suffisant, il a aussi produit la carte du Sahul, ce qui n'est pas rien à neuf ans.

    J'adresse également des remerciements à Mike Nash pour l'image emblématique de Shader sur la couverture et la carte de la Théocratie Nousienne.

    Et enfin, il me faut remercier ceux qui ont lu mes trucs et ont pris le temps de faire des commentaires : John Jarrold, pour ses commentaires sur l'histoire originale, Tony Prior, Ian Prior, David Dalgish, C.S. Marks, Moses Siregar III, Ray Nicholson, Dallas Dredske et M.R. Mathias.

    ŒIL DE L'OCÉAN

    Aethir : Époque du Jugement

    Maldark se tenait fermement au mât de son bateau, les yeux plissés pour faire face aux embruns et à la rafale. Le voilier se cabra et plongea, le vent s’engouffrant avec force dans la voile. Ses cheveux frappaient son visage, sous l'influence d'une forte bourrasque, le bateau vacillant alors que les vagues ne cessaient de se briser contre la proue. Il y eut un moment d'apaisement, un faible balancement, puis le calme.

    Il retint son souffle, les yeux fixés sur le reflet des soleils jumeaux ondulant sur la surface.

    Articulant une prière, il tordit sa barbe pour l'essorer, sentant son goût salé. Il se laissa tomber sur le banc, passa ses doigts froids dans ses cheveux mouillés et écouta.

    Rien. Il était presque déçu.

    S'allongeant, il regarda vers les lourds nuages, le sang battant dans ses oreilles. Il se mit à fredonner l'air en tout temps tapis au fond de son esprit : les lamentations des autres nains dans l'Abysse. Une lamentation ou une accusation, car ne les avait-il pas trahis ? Eux, ainsi que les hybrides et toutes les races d'Aethir ?

    La coque en chêne se mit à grincer, d'abord doucement, puis de plus en plus fort. Il y eut un bruit de raclement puis de fracas quand son marteau de guerre glissa le long du pont avant de se loger sous un banc. Sa main s'élança comme un serpent pour attraper son casque par une corne, alors que celui-ci suivait le même chemin. L'enfonçant sur son crâne, Maldark fit rapidement le tour du bateau en regardant par-dessus bord. Une force phénoménale déformait et tordait la quille, la mer l'aspirant avidement alors que de violents tourbillons se formaient droit devant.

    Il y eut une soudaine rafale de vent, le bateau se soulevant dangereusement tout en étant ballotté par la houle. Des murs d'océan s'élevèrent de chaque côté, un couloir écumeux d'eau rugissante. Maldark s'agrippa au mât alors que l'embarcation filait le long du canal, vers un tourbillon noir.

    – Seigneur ? appela-t-il en gardant les yeux rivés vers les ténèbres tourbillonnant droit devant. Est-ce enfin toi ?

    Il pria pour que ce soit le cas, il pria pour que prennent fin ces années à naviguer les mers, cherchant l'expiation, mais sachant qu'il n'y en aurait aucune, espérant trouver un moyen d'arranger les choses, de mettre un terme à Sektis Gandaw. Sektis Gandaw, toujours intouchable dans sa montagne noire, continuant de déformer les créatures d'Aethir et rêvant du déliement de la création toute entière. Comment Maldark avait-il pu croire en ses mensonges ?

    La peau de son visage était tendue, son dos écrasé contre le mât. Fermant les yeux et fixant son esprit sur le nom béni de Dieu, Maldark hurla une imploration pour être pardonné alors que le navire tombait dans l'œil noir et sans merci du vortex.

    L'oubli ne vint pas.

    Le balancement du bateau lui en fit prendre conscience. Ses yeux s'ouvrirent sur une brume s'élevant d'une rivière d'un liquide noir et épais bouillonnant dans une gorge de roche brûlante.

    Géhénna, réalisa-t-il. Le monde souterrain reliant Aethir à l'Abysse. Il était déjà venu ici, quand il avait fait disparaître la hache noire, Pax Nanorum, du monde d'au-dessus de peur que son peuple ne tombe dans le piège. Le pouvoir est l'appât qu'utilise le Démiurgos, avait-il expliqué à l'époque, et la plupart des nains avaient accepté sa sagesse. La plupart, mais pas tous. La solution la plus sûre avait été de la renvoyer d'où elle venait. Mais sa malédiction ne l'avait jamais quitté, malgré les précautions qu'il avait prises, malgré la brièveté du contact. Il n'avait pas vieilli d'un jour depuis, et il avait maintenant oublié son âge. Impossiblement vieux, même pour un nain.

    De larges stalactites tombaient du plafond comme une forêt inversée, des gouttes de liquide huileux accrochées à leurs pointes, lourdes et menaçantes, comme le poison d'une des pipettes de Sektis Gandaw. Un poison qui altérait au lieu de tuer, forçant la vie le long de routes déterminées, s'entortillant, se transformant. La métamorphose, ainsi que l'appelait Sektis Gandaw. Évolution forcée. Les termes ne voulaient pas dire grand-chose pour Maldark, mais les effets du processus avaient été clairs. De nouvelles créatures, des créatures obscures. Des créatures pour répondre à tous les besoins de leur créateur. Des créatures qui seraient écartées comme des torchons tachés une fois qu’elles ne seraient plus utiles. Des créatures comme Maldark et les restes de sa race bercée d'illusions.

    Des cris étouffés pénétraient le brouillard, un son s'affaiblissant sur les murs de la gorge et s'éteignant dans un silence de mort sur la rivière s'écoulant lentement. Des fumées de souffre lui brûlaient les narines, le faisant tousser à s'en arracher les poumons.

    Le bateau fut attrapé par un courant invisible et fila vers le centre de la rivière. Maldark redressa la proue par la simple pensée, dirigeant son embarcation vers les cris. C'était étrange comme une action si naturelle lui faisait encore penser aux nains qui avaient bâti le navire, qui avaient fabriqué tant de merveilles sur Aethir. Son cœur était lourd quand il pensait qu'il ne les reverrait jamais. Il ne le méritait pas.

    Un triste gémissement s'éleva de la rive, lui glaçant le sang. L'obscurité était encore plus noire plus loin le long de la berge : des espaces vides, ou des ombres roulant dans la brume, lui murmurant quelque chose, l'implorant, l'accusant. Un spectre costaud se détacha de la foule et glissa au-dessus de la rivière noire. Maldark eut soudain du mal à respirer et son cœur battait la chamade dans sa poitrine. Il savait ce que c'était avant même que le visage n'émerge de la brume : un visage marqué par la douleur, des yeux pareils au Vide et une barbe emmêlée par le sang.

    Maldark ouvrit les bras, les tremblements de ses jambes menaçant de le faire tomber par-dessus bord. Le nain fantôme accepta l'accolade, le froid de son toucher repoussant toute chaleur en Maldark. C'était une communion de mort, une condamnation et un plaidoyer, tout cela à la fois. L'air autour du spectre scintilla, ses yeux passant du noir au gris, sa barbe devenant blanche comme de la laine vierge. Il passa à travers le mât, flottant en silence au-dessus de la rivière et s'estompant.

    Le bateau continua son chemin, allant là où la rivière noire le mènerait. Les oreilles de Maldark étaient emplies des appels des morts marchant vers lui sur la surface âcre. Les bras grand ouverts, comme un père pour ses enfants, il les invitait à venir.

    ***

    Il n'était pas sûr de savoir combien de temps s'était écoulé, mais il était sûr qu'il avait traversé le passage vers l'Abysse. Cela semblait juste. Peut-être Dieu lui avait-il enfin donné ce qu'il méritait.

    Le bateau dériva le long de scènes de feu et de sang, des silhouettes grotesques grognaient ou criaient sur le rivage. Il avait perdu le compte du nombre de spectres qu'il avait étreints, les fantômes des nains qu'il avait menés à leur damnation. Leur douleur semblait plus misérable au fur et à mesure qu'il avançait, plus il s'enfonçait dans le royaume du Démiurgos. Son toucher les aidait-il vraiment ? Les libérait-il de ces limbes infernaux ? Ou avait-il été trompé ?

    Ils cessèrent de venir quand la gorge présenta une bifurcation, le cours d'eau partant vers la gauche moussant d'écume noire alors qu'il coulait vers l'obscurité. Les eaux partant vers la droite se précipitaient vers un tourbillon brillant d'une lumière verdâtre. Avec seulement quelques secondes pour faire un choix, la volonté de Maldark fit tourner le gouvernail pour prendre à droite. Il s'agrippa au mât alors que le bateau succombait à l'attraction du maelstrom, tombant dans une spirale étourdissante. Il ferma les yeux et lutta pour ne pas vomir. Il y eut une brève poussée de pression, un grand « pop » et un souffle d'air chaud.

    Le portail aquatique cracha le petit navire, trembla et se rétracta jusqu'à devenir un point infinitésimal. Le bateau atterrit lourdement sur de la pierre et Maldark fut secoué contre le mât.

    La première chose qu'il remarqua fut la couleur du ciel. Le bleu cobalt familier d'Aethir avait été remplacé par un bleu azur, un ciel vaporeux, sans nuages et brillant de l'intensité d'un unique soleil étranger. Maldark regarda les dégâts subis par la quille et vit qu'ils étaient minimes. Se penchant par-dessus la poupe, il regarda cette nouvelle terre, aride, depuis une hauteur vertigineuse. L'horizon s'étirait vers l'infini, le terrain un désert rougeâtre taché ici et là d'arbustes vivaces et de monolithes s'élevant vers le ciel. Le bateau s'était échoué sur une immense montagne au sommet aplati.

    Attrapant son marteau de guerre et grimpant sur la rambarde du bateau, Maldark descendit sur la roche rouge et dure et laissa ses yeux parcourir la surface. Sur sa droite, à environ cent mètres, quelque chose brillait sous le soleil. Il se dirigea vers la lumière et vit qu'elle venait d'une petite crevasse dans le sommet. Plongeant la main dans l'interstice, il en sortit un éclat d'ambre brillant effilé, un centimètre et demi de long, une extrémité légèrement incurvée.

    Maldark pouvait entendre le sang affluer dans ses oreilles. Il reconnaissait cet objet, ce qui le remplissait d'exultation et de crainte. Que faisait un fragment de la Statue d'Eingana ici ? Pourquoi la statue avait-elle été scindée ? Quel coup du sort avait fait converger son destin et celui de l'être céleste qu'il avait trahi ?

    Quelque chose dans le rayonnement du crochet lui parla de détresse. Avec empathie, l'ambre s'adressa à lui et guida ses actions. Plaçant le fragment sur la surface rocheuse, il leva le puissant marteau de guerre et l'abattit avec force. Il y eut un intense éclat de lumière et un bruit de tonnerre. Maldark fut projeté en arrière, ses mains agrippant le marteau comme si elles étaient collées au manche. Tremblant, il se leva et alla voir là où s'était trouvé le fragment. Il ne vit qu'une tache noire sur la roche rouge. Levant la tête du marteau au niveau de ses yeux, il vit qu'elle émettait une douce lueur ambrée qui s'estompa au bout de quelques instants, le marteau redevenant gris.

    Comment un être si indigne pouvait-il se voir confier un artefact si crucial ? Était-ce une blague du Créateur capricieux ? Maldark leva les yeux vers le soleil inconnu et s'interrogea sur la pénitence que Dieu lui avait trouvée. Serait-il un jour débarrassé de la tache du péché, des atrocités qu'il avait commises ? Non, jamais, conclut-il, car comment pourrait-il jamais être pardonné ?

    Regardant une nouvelle fois l'horizon infini, Maldark le Déchu décida de tirer le petit navire avec des cordes pour traverser ce large et hostile paysage, comme si c'était là la contrepartie physique des péchés que tous les océans d'Aethir réunis ne pourraient laver.

    DÉLICATE VENGEANCE

    908 ans plus tard

    Shadrak sauta par-dessus les dernières marches et chuta près du bord, s'agrippant à la corniche du bout des doigts.

    Je sais, je sais, dit-il au visage de Kadee qui avait surgi dans son esprit et lui adressait un regard désapprobateur. Mais qu'est-ce que j'étais censé faire ? Ma vie ou la sienne, c'était vite vu. Le chevalier de merde, Shader, était on ne peut plus mort. Ça ne servait à rien de se faire du mauvais sang à ce sujet. Parfois, la présence de Kadee pouvait être une vraie épine dans le pied.

    Il sentit un froid surnaturel souffler sur ses doigts et se raidit, prêt à tomber s'il le fallait. Il attendit quelques instants, puis leva le menton au-dessus de la corniche et risqua un coup d'œil. Le spectre était arrivé à un cul-de-sac, il fit passer ses mains à travers le mur et semblait être sur le point de disparaître dans la roche, mais il s'arrêta, tournant sa tête coiffée d'un grand heaume, ses yeux de braise brûlant et fixant ceux de Shadrak. Le chevalier spectral se lança vers lui comme une voile attrapant le vent et Shadrak lâcha prise.

    Il atterrit avec fracas sur le sol métallique du Labyrinthe et voulut prendre un globe de verre dans sa pochette, mais des mains l'attrapèrent par derrière.

    – J'te tiens, dit un jeune homme aux cheveux blonds.

    Il portait une tenue similaire à celle que Shader portait quand Shadrak l'avait poignardé et il tenait l'assassin fermement par le bras.

    Un chevalier aux cheveux couleur sable le tenait par l'autre poignet. Shadrak connaissait son visage, il l'avait vu cette nuit-là au Griffin quand le barde avait chanté le récit du Jugement.

    Quelle négligence, Shadrak. Quelle étourderie ! Mais que pouvait-on attendre d'une telle situation ?

    Un cercle de jeunes en armure l'entoura rapidement, il en reconnut certains qui avaient également été présents au Griffin. Mais le blond n'avait pas été là, Shadrak en était sûr. Cependant, son visage avait quelque chose de familier.

    – Je te connais, non ? demanda le chevalier aux cheveux couleur sable.

    Son visage était ridé par l'effort de tenir Shadrak en place et de fouiller son cerveau à la recherche d'une réponse à sa propre question.

    – Tu étais au pub quand Elias a présenté son récit épique, continua-t-il. Ce que j'aimerais savoir...

    Une ombre tomba sur le groupe alors que le spectre flottait vers eux.

    Les yeux du chevalier aux cheveux couleur sable s'écarquillèrent.

    – Au nom de Nouse !

    – Callixus, dit le blond. Reste en dehors de ça. Il est à moi.

    Il tordit le bras de Shadrak derrière son dos et colla sa bouche à son oreille.

    – Je sais ce que tu as fait, petit enfoiré. Et j'ai une petite surprise pour toi. Tu te souviens du prêch...

    – Il a quelque chose dont Dr. Cadman a besoin, siffla le spectre. Donnez-le-moi et aucun de vous ne sera blessé.

    Un guerrier grisonnant, pas vraiment plus grand que Shadrak, se fraya un chemin au milieu du cordon de chevalier, des étincelles crépitant autour de la tête de son marteau de guerre.

    – Bigne de ces lieux, grogna le nain, ou tu gosteras au courroux de mon marteau.

    Callixus tira une épée noire, la lame composée de fumée, aussi immatérielle que son corps. Mais alors qu'il se rapprochait du nain, Callixus et son épée devinrent plus solides, la lame se renforçant pour devenir de l'obsidienne enveloppée de lueur noire. Le nain leva son marteau pour frapper, mais une vieille femme en robe blanche avança pour se poster à ses côtés. Son crâne était rasé, son visage large et austère. Elle tenait un petit livre noir et déclamait les paroles qu'elle y lisait.

    Non timebo mala quoniam tu mecum es.

    Le spectre vacilla et lança un regard vers le livre, le feu dans ses yeux diminuant.

    – De l'aeternien. Cela faisait longtemps que je n'en avais pas entendu.

    La femme releva les yeux.

    – C'est toujours la langue des serviteurs de Nouse. Son esprit ne pourra jamais t'être retiré, mon frère, même dans la mort. Va en paix. Je prierai pour toi.

    Le regard de Callixus passa de la femme à Shadrak, puis le spectre rengaina son épée.

    – Mater, j'ai... J'ai fait...

    – Je sais, dit la femme. C'est toi qui as attaqué l'Abbé Gris, n'est-ce pas ?

    Le spectre baissa la tête.

    – Et tu as mené les forces qui ont attaqué le temple.

    La femme ferma son livre et étudia le spectre avec un regard que Kadee aurait sans aucun doute adressé à Shadrak si elle avait été en vie, un regard à la fois affligé et plein de compassion.

    – Tu t'es perdu, mon frère, reprit-elle, mais Ain te trouvera. Ne perds pas espoir. Il ne t'abandonnera pas. Maintenant, va retrouver ton maître et dis-lui que tu n'as rien trouvé ici. Je sais que c'est un mensonge, mais Ain te pardonnera.

    Callixus vacilla quelques instants puis s'éleva dans les airs.

    – Je ferai ce que tu demandes, Mater, mais sache une chose, dit-il en tournant son regard fumant vers Shadrak. Je viendrai pour toi, assassin. Tu n'es pas aussi invisible que tu aimes le penser.

    Le spectre se retourna ensuite et se fondit dans les ombres.

    Le chevalier blond relâcha légèrement sa prise. Shadrak jeta un œil sur le côté. Le jeune homme tremblait. Il leva les yeux, la haine brûlant dans ses yeux humides et à ce moment-là, Shadrak se souvint où il avait déjà vu ce visage. Pas exactement le même visage, celui dont il se rappelait était plus âgé, mais les pommettes, le menton et le nez, leur origine était limpide.

    – Comme je disais, dit le jeune homme à travers des dents serrées. J'ai une petite surprise pour toi. Je sais qui tu es. Un visage tel que le tien n'est pas vraiment difficile à repérer.

    Il relâcha sa prise afin de pouvoir tirer son épée.

    C'était tout ce dont Shadrak avait besoin. Il fit pivoter ses hanches et se retourna, écrasant son poing sur le nez du chevalier aux cheveux couleur sable. Le jeune homme tomba en arrière dans un jet de sang. Shadrak brisa le cercle de chevaliers et courut le long du tunnel, il trébucha et atterrit sur une femme gémissante et trempée de sueur allongée sur le sol. Le couloir était jonché de gens toussant et gémissant, il n'y avait aucun moyen de les contourner, il ne restait que la possibilité de grimper par-dessus. Il lança un regard en arrière et vit les chevaliers, épées au poing, qui lui bloquaient toute retraite. Plus loin devant lui, il pouvait voir un gros prêtre et trois prêtresses qui s'occupaient des malades. Une des femmes s'avança vers lui, slalomant entre les corps au sol. Il la reconnut du Griffin, elle aussi, c'était la soûlarde qui était partie tôt. Ses cheveux noirs étaient attachés en une longue queue de cheval, son visage était pâle, ses yeux cernés. Du sang tachait sa robe au niveau de l'épaule, qui était ostensiblement rembourrée, sans doute par un bandage appliqué par un amateur plus que zélé.

    – Arrêtez-le ! hurla le jeune blond en se frayant un passage à l'avant des chevaliers.

    La femme aux cheveux noirs croisa les bras sur la poitrine et regarda Shadrak en fronçant les sourcils.

    – T'es qui toi, enfoiré ?

    Une prêtresse âgée porta une main à sa bouche, ses yeux s'écarquillant.

    – Rhiannon ! Langage !

    – Le laisse pas passer, dit le blond. C'est Shadrak l'Invisible, l'assassin qui a tué mon père.

    Ce putain de Bovis Rayn. Un bâtard nousien froussard. Il a couiné comme un goret quand je l'ai tiré. Je me demande si son fils fera de même.

    – Bien, bien, bien, dit Shadrak en tirant deux couteaux de son baudrier et en réajustant sa cape sur ses épaules. Bovis Rayn avait un fils, et moi qui pensais que c'était qu'un vieux Nousien desséché.

    Le jeune homme fit un pas en avant, plissant les yeux, les articulations de ses doigts devenant blanches à trop serrer son épée.

    Bien, pensa Shadrak. Tranquillement.

    – T'as un nom, mon gars ? demanda Shadrak en s'accroupissant. Ou devrais-je t'appeler Couineur, en hommage à ton père ?

    – Toi et moi, dit le jeune. Un contre un.

    Encore mieux.

    – OK, ça marche. Prêt quand tu l'es.

    – Gaston, dit le jeune aux cheveux couleur sable du pub. Fais pas l'idiot. On est assez nombreux pour le descendre sans que personne soit blessé.

    – La ferme, Barek, dit Gaston. C'est entre lui et moi.

    – Gaston, t'es un abruti, dit la femme aux cheveux noirs que la vieille fille avait appelée Rhiannon. Écoute Barek.

    Gaston se lécha les lèvres et fit prudemment un pas en avant.

    – Tu crois que j'peux pas me charger de lui ? Je suis peut-être pas aussi bon que Shader, mais c'est pas moi qui suis allongé mort dans le temple avec le couteau de cet enfoiré planté dans le dos.

    La vieille prêtresse apparut derrière Gaston et posa une main sur son épaule dans un geste visant à le retenir.

    – Gaston, dit-elle, ce n'est pas notre façon de faire.

    – Peut-être pas, dit Gaston, mais c'est la mienne.

    L'attaque du chevalier fut si rapide que Shadrak dut se balancer vers l'arrière pour éviter d'être embroché. Son talon toucha quelque chose qui le fit trébucher et Gaston en profita pleinement, fonçant vers sa poitrine. Shadrak tourna la lame avec le poignard dans sa main gauche et fit une feinte avec celui de droite. La tête de Gaston s'éloigna rapidement et Shadrak jeta un rapide coup d'œil vers les obstacles derrière. Il y avait un étroit passage entre les patients, qu'il mémorisa instantanément. Alors que Gaston se jetait sur lui avec des coups d'estoc et de taille, Shadrak s'éloigna à reculons, comme un danseur, sur la pointe des pieds.

    Gaston continua d'avancer comme un homme marchant sur une corde, un bras tendu pour maintenir son équilibre, l'autre suivant Shadrak avec la pointe de son épée. Shadrak lança un poignard que Gaston détourna, il heurta alors le mur métallique avec fracas. Le deuxième couteau égratigna la joue de Gaston tandis que Shadrak continuait sa retraite, un pas, deux pas, puis il fit un salto arrière pour passer les corps restants. Le gros prêtre et les prêtresses s'écartèrent du chemin à la hâte.

    Shadrak retomba sur ses pieds à un carrefour, ce qui lui offrait plus de liberté de mouvement. Gaston dépassa les derniers corps et chargea avant qu'il ne puisse lancer un autre poignard. Shadrak esquiva un coup de taille en se baissant, pivota sur son talon et donna à Gaston un coup de pied dans le tibia. L'épée s'abattit mais frappa le sol dans un bruit métallique alors que Shadrak s'éloignait en roulant, il se releva d'un bond, un brise-épée dans la main droite et un push dagger dans la main gauche.

    Gaston tournait alors prudemment autour de lui, palpant son tibia de sa main libre. Shadrak baissa les épaules, permettant à sa cape de tomber en avant. Le jeune saisit l'occasion et abattit son épée vers sa tête, mais le brise-épée se leva, attrapant la lame de Gaston entre ses dents et la tenant fermement. Shadrak avança immédiatement et enfonça le push dagger entre les côtes de Gaston. Il aurait pu alors achever la vermine sur place, mais Kadee détourna son attention et Shadrak se retira.

    Gaston avait la main plaquée sur sa plaie, le sang gouttant entre ses doigts. Il regarda Shadrak et grogna, tenant son épée à deux mains et abattant de puissants coups. Shadrak se jeta hors du chemin et enfonça le push dagger dans le rein de Gaston. Le jeune homme hurla et répliqua d'un coup de taille, mais Shadrak sauta pour esquiver. Ignorant le visage implorant de Kadee, il était sur le point d'asséner le coup fatal quand Rhiannon se rua sur lui, venue de nulle part. La tête de Shadrak frappa le mur et il laissa tomber ses lames. Les poings de la jeune fille étaient un brouillard trouble alors qu'elle martelait son visage, et pendant un moment, il ne parvenait pas à réagir. L'instinct reprit le dessus et il s'effondra au sol, roulant pour esquiver un coup de pied vicieux. Sa main glissa dans une pochette et attrapa un flacon de verre, qu'il brisa en le jetant au sol. Il y eut un éclat de lumière et de la fumée noire envahit le couloir. Sans regarder en arrière, Shadrak se lança dans le tunnel sur la gauche, une main tapotant sa poche pour s'assurer qu'il avait encore la Statue d'Eingana.

    MAMBA

    Il faisait noir à l'intérieur. Encore plus noir qu'à la maison quand papa et maman éteignaient les lanternes et soufflaient les bougies. À l'époque, Sammy pleurait jusqu'à s'endormir. Parfois, Rhiannon se glissait dans son lit contre lui et le câlinait. La chaleur de son corps collé contre lui lui manquait presque autant que papa et maman lui manquaient. Le monde était devenu bien plus sombre le jour où on les lui avait pris, mais pas aussi sombre que sous le Domaine.

    Il pouvait entendre Chasseur respirer quelque part derrière lui, mais il savait que ce n'était pas de là qu'il obtiendrait du réconfort. C'était l'endroit du test, l'endroit où Chasseur avait trouvé son pouvoir. L'endroit où Sammy trouverait le sien, s'il en était digne.

    Quelque chose craqua sous ses pieds, le faisant sauter en arrière et geindre. Au pas suivant, son pied se posa sur un objet dur qui roula au loin. Sammy perdit l'équilibre et trébucha sur un tapis de brindilles, ou de coquilles, ou d'autre chose. Il sentait les larmes arriver et se mit à renifler, mais il refusa de pleurer. Chasseur l'avait fait et il le ferait aussi. S'il y avait de la magie à trouver sous la montagne au sommet plat, alors Sammy la trouverait, quoi qu'il arrive.

    – Ssssssssss.

    Sammy se plaqua une main sur la bouche et essaya de ne pas respirer. Le son était venu de sur sa gauche, un murmure sifflant qui provoqua un picotement dans sa colonne vertébrale. Ses yeux faisaient des efforts pour voir dans le noir, mais sans succès. Il agita son autre main devant son visage, mais il ne voyait que les ténèbres. Il écouta, essayant d'écarter le bruit des battements de son cœur, espérant entendre la respiration de Chasseur, de sentir sa présence.

    Rien.

    Le silence.

    Les ténèbres.

    Sammy se retourna, cherchant le petit rayon de lumière venant de l'entrée, mais même cela avait disparu après les virages du tunnel qui s'ouvrait sur la grotte. Il se mit à paniquer. Comment allait-il sortir ? Il n'avait aucune idée du côté auquel il faisait face. Il pourrait passer l'éternité à tâtonner dans le noir sans jamais revenir sur ses pas.

    – Sssamuel.

    Deux soleils jumeaux, pareils à des trous d'épingle jaunes, s'allumèrent dans la nuit sans autre étoile. Ils se balançaient et s'agrandissaient, des fentes noires se découpant en leur centre.

    – Ssssahul a parlé de toi. Le garsssson qui parle aux fourmis. Chasssseur est isssi avec toi ?

    Sammy se protégea les yeux alors qu'un feu s'alluma, illuminant le visage du Rêveur.

    – Oui, dit Chasseur.

    Une petite flamme vacillait sur la paume de sa main. Il la tendit vers celui qui avait parlé qui s'avança alors dans la lumière.

    Une tête écailleuse prit forme autour des yeux jaunes et une longue langue fourchue goûta l'air. Au départ, Sammy pensa qu'il s'agissait d'un serpent géant, puis il réalisa ensuite que le long cou ondulant s'élevait du corps d'un homme, un grand homme noir, fortement musclé et presque nu, portant seulement un tissu couvrant son entrejambe. Sammy recula à tâtons sur une mer d'os, cherchant la sécurité du noir.

    L'homme-serpent leva un bras protubérant, sa paume tournée vers Sammy.

    – Resssste, petit. N'aies pas peur. Je sssssuis Mamba.

    Chasseur s'inclina légèrement et tendit une main à Sammy qui s'en servit pour se relever avant de se cacher derrière le Rêveur.

    – Mamba est ami, Sammy, dit Chasseur. Un dieu du peuple Barraiya.

    – Pas un dieu, dit Mamba avec un rire profond. Ssssimplement un aîné. Tu as une mère, Ssssamy ? Un père ?

    Sammy secoua la tête, une boule se formant dans sa gorge. Il serra plus fort la main de Chasseur et le Rêveur lui caressa les cheveux.

    Mamba roula la tête et cligna des yeux.

    – Je sssuis désolé, dit-il en s'agenouillant et en regardant Sammy à travers le creux du bras de Chasseur. Mais tu as des grands-parents, n'est-sssse pas ?

    Sammy hocha la tête. Il n'avait pas vu Papi Piet et Mami Josie depuis qu'ils avaient déménagé dans le sud quand il avait quatre ans. Et Pépé Tom et Mémé Anwen ne parlaient plus à papa et maman. Sammy se demanda s'ils savaient ce qui était arrivé, s'ils s'en souciaient.

    Chasseur se mit sur le côté alors que le serpent approchait sa tête du visage de Sammy, sa longue langue sortant et lui léchant le bout du nez.

    – Donc tu sssais ssse que ssss'est d'être un petit-enfant. Les gens de mon peuple ne sssont pas des dieux, vraiment. Mais nous sssommes les petits-enfants d'Eingana et beaucoup pensssent qu'elle est une déessse.

    Chasseur fronça les sourcils et ses lèvres s'incurvèrent vers le bas. Il ouvrit la bouche pour parler, mais secoua la tête.

    Sammy sursauta quand la langue de Mamba sortit à nouveau, humidifiant le bout de son nez. Il essaya d'avoir un air sérieux, mais il laissa échapper un rire. La langue de Mamba le toucha sur l'oreille puis sur une paupière et Sammy balbutia et gargouilla avant d'éclater de rire.

    Mamba riait avec lui, chatouillant Sammy sur les côtés avec ses gros doigts noirs. Chasseur affichait un large sourire et rugit de rire quand Sammy lécha le visage de l'homme-serpent.

    Mamba le hissa en l'air et le fit tournoyer, Sammy couinant de joie. L'homme-serpent l'envoya dans les airs. Sammy cria, mais Mamba l'attrapa et le coinça sous un bras massif, lui tapotant la tête.

    – Il a l'air bien pour un blanc, dit Mamba qui imitait assez bien Chasseur.

    – Il n'est pas sssi mal, railla Chasseur. Ssss'est un garssson très ssspésssial.

    Mamba posa Sammy par terre et le regarda de près. Sammy baissa les yeux et se blottit derrière l'homme-serpent, lui prenant la main.

    – On devrait l'emmener voir les autres, dit Mamba. Aucun autre blanc n'est jamais venu dans la grotte en ami.

    – Ni n'a parlé avec des fourmis, ajouta Chasseur.

    Mamba serra légèrement la main de Sammy.

    – Tu veux rencontrer ma famille ?

    Sammy aimait bien le grand homme-serpent. Il était gentil et drôle. Peut-être sa famille le serait-elle aussi.

    – OK, dit-il.

    Mamba s'agenouilla et offrit son dos à Sammy.

    – Ssssaute, petit Ssssamy. Le vieil oncle Mamba va te porter.

    Sammy passa ses bras autour du cou écailleux et s'accrocha avec ses jambes quand Mamba se leva.

    – On desssssend, chanta l'homme-serpent tout en avançant d'un pas lourd dans les ténèbres. En bas, en bas, tout en bas.

    – En bas, en bas, tout en bas, accompagna Sammy.

    – Dans la tanière de l'araignée, ajouta Chasseur.

    Et il offrit à Sammy un large sourire qui signifiait que tout irait bien.

    ARABOTH

    Une chaude brise le caressa alors qu'il marchait avec légèreté sur un tapis de pétales de roses soyeuses sous un ciel couleur saphir. Il avala les lieues avec facilité et sans effort, les pétales tombées s'ouvrant sur des sables polychromes flanqués par de lumineux pics argentés ; une majestueuse cité étincelante née de la terre elle-même.

    Il s'arrêta un long moment au-milieu de la lueur des monolithes argentés, savourant la fraîcheur de l'air et se réjouissant de son indépendance des gaz donneurs de vie. Quelque chose battait en lui, mais ce n'était pas un cœur de chair. Non, c'était une note harmonieuse, le liant en harmonie avec tout ce sur quoi il posait son regard et bien plus encore.

    Il aurait pu rester assis là pour l'éternité, tellement il était heureux, mais quelque chose l'appela, comme le murmure d'une amante familière. Il apprenait vite. Il n'avait alors plus besoin de parcourir le glorieux paysage, il se contentait d'observer l'horizon et se retrouvait à la destination de son choix à la vitesse de la pensée. Et pourtant, il n'y avait plus de pensées comme telles, juste une harmonie naturelle qui le transportait délicatement, aussi insouciant qu'un bébé endormi.

    Une clairière apparut au loin et en un instant il se retrouva sous ses arbres. Ce n'étaient pas des arbres ordinaires. Ceux-là s'élevaient à des hauteurs impossibles et luisaient de la lumière des étoiles. Des fruits mûrs et succulents pendaient de leurs lourdes branches et il savoura la vue de leur beauté, mais il ne les mangea pas, le besoin n'étant pas là.

    Un vieil homme avec une barbe blanche et des yeux brillants était assis en tailleur sous un arbre. Il portait un simple habit brun serré à la taille par une ceinture en cuir noir. Ses pieds étaient chaussés de sandales simples et un bol d'aumône était posé sur son giron.

    Alors que le promeneur approchait, la silhouette du vieil homme brilla et se transforma, les années s'envolant. Son corps désormais nu se tonifia et se muscla, ses yeux devinrent vifs et bleus comme le ciel. Une lueur aveuglante irradia de sa chair, forçant le promeneur à se protéger les yeux jusqu'à ce qu'ils s'accoutument à l'éclat.

    – Bienvenue, Frater, dit l'homme en souriant. Je m'appelais Jarmin et je ne vois aucune raison de me dispenser de ce nom.

    – Jarmin ?

    – Jarmin l'Anachorète. Je demeurais dans la ville de Gladelvi.

    – Et maintenant ?

    – Et maintenant, ricana légèrement Jarmin, je demeure, c'est tout.

    – Quel est cet endroit ?

    – C'est la salle d'attente de la Fin de Toutes Choses, l'avant-cour du Jardin de l'Éternité.

    – Et je suis ?

    – Vous vous appeliez Deacon Shader, Frater, répondit Jarmin avec un sourire radieux plein de compassion. Et si vous le voulez, vous pouvez rester Deacon Shader.

    – C'est un nom aussi bon qu'un autre. Puis-je rester assis ici un moment ?

    – Mais bien sûr, dit Jarmin. Vous pouvez rester assis pour toute l'éternité si vous le désirez.

    Alors qu'il s'installait sous l'arbre, Shader prit conscience de sa propre nudité et de la forme et du fonctionnement parfaits de son corps, qui brillait également, mais pas avec la même intensité que celui de Jarmin.

    – Donc, je suis mort ?

    – Tué par un couteau dans le dos et un démon.

    Shader fronça les sourcils alors que des pensées commençaient à se former et à disparaître, comme des dauphins sautant dans une mer agitée. Il y avait un capitaine, un jeune avec un sextant, un gros cuisinier noir. L'odeur de fromage grillé vint chatouiller sa mémoire avant de disparaître.

    – Je ne m'en souviens pas.

    – Je ne me souviens pas de ma propre mort, cependant Tajen me dit que c'était horrible.

    – Tajen ?

    – Le vénérable. Vous le rencontrerez bien assez tôt.

    – Suis-je à Araboth ?

    Jarmin fronça les sourcils avant de répondre.

    – Oui, comme le sont tous ceux qui sont rachetés, mais en même temps, vous n'y êtes pas encore.

    Shader secoua la tête. Il lui semblait qu'un nuage s'était posé sur ses souvenirs, étouffant ses pensées.

    – Ce que vous appelez Araboth se trouve à la fin des temps. Par sa nature, nous y sommes déjà, et pourtant, pour ceux qui sont encore liés au monde temporel, cela présente un paradoxe plutôt compliqué. Quand vous mourrez, votre souvenir suivant est de la fin des temps, et pourtant pour ceux qui vous pleurent, le temps continue son voyage à travers les siècles. Vous ne pouvez pas être à la fois hors du temps et un souvenir en déliquescence pour ceux qui l'habitent encore.

    – Et donc ?

    – Et donc vous êtes ici, et là-bas. À la fin des temps vous passerez là-bas, mais la fin des temps n'est pas un temps, et donc vous y êtes déjà, et n'y êtes pas.

    – Et Ain ?

    – Ah, voilà le dilemme actuel. On nous dit que dans la mort, nous Le verrons face à face, mais, même si les choses sont merveilleusement harmonieuses ici, la foi n'est pas encore redondante. Tajen est la personne à qui parler de ces choses. Il appelle cet endroit le jardin d'Ain, qui est un pas de plus vers notre maison éternelle. Peut-être devrions-nous rendre visite ensemble à Tajen. Je sais qu'il sera intrigué par votre présence ici.

    – Et pourquoi donc ?

    – En dehors de moi-même, vous êtes la seule personne en d'innombrables générations à avoir atteint Araboth. Apparemment, tout ne se passe pas comme prévu dans le royaume temporel.

    – Que se passe-t-il ?

    – Tajen croit qu'Ain a été séparé de la Terre.

    – Comment cela est-il possible ? Assurément, Ain étant Ain, Il doit être tout puissant.

    – Quelle que soit la vérité de cette affaire, l'Esprit d'Ain n'infuse plus toute la vie sur Terre et ne l'a pas fait depuis très longtemps. Il y a une ombre à travers le Vide

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