Deux âmes pour le Chaos: La saga de la porteuse d’âme, #2

Par Crista McHugh

La vie est ennuyeuse sans un peu de chaos.

Trouble est plus qu’un simple surnom pour Arden la porteuse d’âme. Les problèmes ont l’air de la suivre partout où elle va. Et personne ne le sait mieux que son protecteur, Devarius Tel’Brien.

Dev pensait que la vie serait plus facile en amenant Arden à Gravaria pour qu’elle puisse apprendre à contrôler Loki, le dieu du Chaos, dont elle porte l’âme dans son corps. Erreur. Non seulement il se sent constamment déchiré entre sa mission et les sentiments grandissants qu’il ressent pour la porteuse d’âme, mais il doit également composer avec un rival, le prince, qui veut s’emparer du cœur de la jeune femme. Problème supplémentaire, un groupe de mages puissants s’est formé pour débarrasser le monde du dieu du Chaos une fois pour toutes. Bien sûr, cela signifie qu’ils doivent détruire Arden pour atteindre leur objectif.

• Langue: Français
• Éditeur: Crista McHugh
• Date de sortie: 4 janv. 2017
• ISBN: 9781940559124

Aperçu du livre

Deux âmes pour le Chaos

La saga de la porteuse d’âme, Tome 2

Par Crista McHugh

La vie est ennuyeuse sans un peu de chaos.

Trouble est plus qu’un simple surnom pour Arden la porteuse d’âme. Les problèmes ont l’air de la suivre partout où elle va. Et personne ne le sait mieux que son protecteur, Devarius Tel’Brien.

Dev pensait que la vie serait plus facile en amenant Arden à Gravaria pour qu’elle puisse apprendre à contrôler Loki, le dieu du Chaos, dont elle porte l’âme dans son corps. Erreur. Non seulement il se sent constamment déchiré entre sa mission et les sentiments grandissants qu’il ressent pour la porteuse d’âme, mais il doit également composer avec un rival, le prince, qui veut s’emparer du cœur de la jeune femme. Problème supplémentaire, un groupe de mages puissants s’est formé pour débarrasser le monde du dieu du Chaos une fois pour toutes. Bien sûr, cela signifie qu’ils doivent détruire Arden pour atteindre leur objectif.

Chapitre 1

Il les regarda entrer, caché dans l’obscurité, la lumière des torches vacillant sur leurs masques dorés tandis qu’ils pénétraient dans la chambre principale. Cette nuit-là, le Tribunal des Dieux se réunirait pour la première fois depuis une décennie. Cette nuit-là, ils débattraient du destin de ce qui représentait la menace la plus récente pour leur pouvoir.

Il remit en place le masque de Nelos pour dissimuler son visage aux yeux de tous. Peu importait qui il était, ce qui importait c’était le dieu qu’il servait. Et il ne se contentait pas seulement de servir Nelos - il était sa voix dans ce royaume. De tous les prêtres et de toutes les prêtresses qui se trouvaient dans la chambre, lui seul parlait avec la véritable autorité d’une divinité. Lui seul pouvait servir de canaliseur au pouvoir du dieu de la Loi. Et lui seul pouvait les mener dans la croisade visant à débarrasser le monde du dieu du Chaos, Loki, une fois pour toutes.

Il attendit que tous les autres soient arrivés avant de faire sa grande entrée. Il agita sa main, et les torches s’allumèrent, baignant la pièce principale dans la lumière. Les joyaux qui ornaient les murs lui faisaient des clins d’œil comme s’ils approuvaient déjà son plan.

« C’est tellement gentil à toi de te joindre à nous », dit la prêtresse qui portait le masque d’Ivis lorsqu’il entra. « Par contre, on aurait pu se passer de toute cette mise en scène. »

« La lumière de la Loi chassera les ténèbres du Chaos », répondit-il en citant les enseignements de Nelos.

Tout en s’asseyant à la place qui lui revenait et en drapant sa robe argentée sur son siège, il observa les onze autres membres du Tribunal en essayant d’identifier leurs faiblesses.

« Après tout, c’est pour ça que nous sommes ici - pour débattre de ce que nous devons faire de Loki. »

« D’une certaine manière, oui, c’est vrai. »

La prêtresse d’Ivis plissa les yeux comme si elle le défiait.

Il étouffa un grognement. Ivis était peut-être celle qui comptait le plus de fidèles à Gravaria, mais c’était une déesse faible. Trop gentille, trop clémente, trop alignée avec la prétendue Dame Lune adorée à Ranello.

La prêtresse d’Ivis finit par détourner son regard.

« Loki a un nouveau porteur d’âme. »

« En quoi ça devrait nous concerner ? », demanda le prêtre de Jussip en jouant avec la hache d’armes dorée qui pendait à sa ceinture.

Comme le dieu qu’il servait, c’était un soldat, un homme d’action. Il souhaitait probablement que la réunion se termine aussi vite que possible, mais il serait également le plus facile à rallier à la cause de Nelos.

« Je suis d’accord. »

La prêtresse de Sulia enroula ses cheveux autour de ses doigts.

« Loki a eu beaucoup de porteurs d’âme, et ils ont tous subi le même sort. En quoi ce serait différent avec celui-là ? »

Il se pencha en avant. Est-ce qu’ils ne savaient vraiment pas ? Est-ce qu’ils avaient tous fait la sourde oreille aux rumeurs venant de Ranello ?

« Pour commencer, c’est une femme. »

Une des autres prêtresses eut un hoquet, et toutes les paires d’yeux derrière les masques dorés se concentrèrent sur lui. Nelos lui avait tout dit à propos de cette femme, tous les détails concernant la jeune fille connue sous le surnom de Trouble. Pour une fois, il avait le dessus, et il utiliserait cet avantage pour faire plier les autres à sa volonté.

La prêtresse de Sulia arrêta de jouer avec ses cheveux.

« Mais Loki n’a jamais eu de porteur d’âme femme. »

« Elle succombera probablement plus vite à la folie qu’un homme. »

La prêtresse de Jussip se trémoussa sur son siège.

« C’est pour ça que tu as organisé cette réunion, Ivis ? Pour marquer cette étape dans la régression de Loki ? »

« Non ».

La voix d’Ivis résonna contre le mur et une explosion de magie ondula dans les airs.

Il sentit un frisson parcourir sa colonne vertébrale et ses muscles se contracter. Est-ce qu’elle aussi avait le pouvoir de servir de canaliseur à sa divinité ?

« Ne la crains pas, mon serviteur », murmura la voix familière de Nelos dans son esprit. « C’est elle qui se sert d’une mise en scène. Ivis ne lui porte pas la même estime que celle que je te porte. Tu es mon élu. Tu es celui qui apportera la paix et l’ordre dans ce royaume. »

Il se détendit de nouveau dans son siège.

« C’est une Ranellienne. »

Une fois encore, il avait toute leur attention, et cela sembla légèrement perturber la prêtresse d’Ivis.

« C’est juste. Et puisque tu as l’air d’en savoir tellement sur elle, Nelos, tu veux bien nous faire part de la raison pour laquelle tu penses que je suis si inquiète ? »

Ses lèvres se retroussèrent dans un sourire sous son masque, et il dit : « Contrairement aux autres, elle a utilisé les pouvoirs de Loki pour autre chose que pour son profit personnel. »

« C’est ce qu’on m’a dit. »

Ivis s’adressa aux autres membres du Tribunal : « Arden Lesstymine, c’est le nom de la jeune femme. D’après les rapports que j’ai reçus, elle a réussi à utiliser les pouvoirs de Loki pour détruire un nécromancien qui semait la terreur dans le royaume. »

« Mais la magie est illégale à Ranello. »

Le prêtre de Kylow, le dieu de la Mer, se frotta le menton.

« Le roi Heodis ordonnera qu’elle soit brûlée sur le bûcher avant qu’elle ne représente une menace pour nous. »

« Ou il l’utilisera contre nous et il essayera de conquérir notre Empire. »

Jussip saisit sa hache et bondit sur ses pieds.

« Moi, je dis qu’il faut la détruire avant qu’elle ne traverse la frontière. »

Plusieurs autres firent écho à ses sentiments. Il était tellement facile de les mettre en colère. Oui, ils servaient leurs divinités, mais dans leurs cœurs, ils restaient tous de fervents Gravariens.

Tous sauf lui. Il servait une cause plus élevée. De tous les prêtres de l’Empire, Nelos l’avait choisi lui pour l’aider à inaugurer une nouvelle ère de paix.

« Silence, je vous prie. »

La voix d’Ivis gronda au-dessus de leurs cris, et une fois encore une autre explosion de magie souffla dans l’air.

« Heodis connaît les capacités de cette femme, et il lui a même donné un titre en reconnaissance de ses efforts. Mais je ne pense pas qu’elle se laissera manipuler par lui. »

« Est-ce que Devarius Tel’brien est toujours le protecteur des porteurs d’âme ? »

La prêtresse de la déesse ornathienne, Lireal, prit tout le monde au dépourvu avec sa question. D’ordinaire, elle restait silencieuse, dans la lignée de la nature de la déesse qu’elle servait. Dans les rares occasions où elle s’exprimait, les gens l’écoutaient.

Jussip eut un petit rire.

« Pauvre Dev. Toujours le protecteur, jamais le porteur. Si ça ça n’est pas un châtiment sans fin. »

« Oui, Sire Devarius est toujours son protecteur », répondit Ivis d’une voix ferme, ignorant les remarques sarcastiques de Jussip.

« Alors on n’a pas grand-chose à craindre d’elle. »

La prêtresse de la déesse ailée ornathienne replongea dans son silence et laissa les autres réfléchir à ce qu’elle venait de déclarer. Le chevalier avait la réputation de garder les porteurs d’âme sous contrôle, sans se départir de sa loyauté indéfectible envers l’Empire. Ils avaient presque l’air convaincus que la nouvelle porteuse d’âme n’était pas une menace tant que Devarius restait dans le paysage.

Il sentit la rage bouillir en lui. Il devait prendre un nouvel élan. Il devait les convaincre qu’elle était aussi dangereuse que le dieu qui vivait en elle.

« Peut-être, mais d’après ce que j’ai entendu, elle a utilisé les pouvoirs de Loki plusieurs fois et elle n’a montré aucun signe de démence. Est-ce qu’il serait possible qu’il soit en train d’essayer une nouvelle stratégie ? Une stratégie qui consisterait à manipuler sa porteuse d’âme pour lui faire faire ce qu’il veut sans éveiller aucun soupçon ? »

« Qu’est-ce que tu sous-entends ? »

Les articulations de Jussip blanchirent lorsque ce dernier serra sa hache d’arme encore plus fort.

« C’était une sorcière avant qu’elle ne soit infectée par Loki. Je ne serais pas surpris s’il était en train d’étendre son influence sur elle par un autre moyen. Au lieu de la rendre folle comme il l’a fait avec les autres, peut-être qu’il est en train de la séduire pour qu’elle devienne volontairement sa servante. Loki n’a pas ouvert le portail du Royaume du Chaos sans l’aide de ses fidèles. »

Sa menace eut l’effet escompté. Le doute se mit à remplir tous les yeux.

Tous, à l’exception de ceux d’Ivis. Cette dernière leva son menton avec un air de défi.

« Tu as tout à fait raison. On devrait la surveiller aussi attentivement qu’on l’a fait avec les autres porteurs d’âme dans le passé. Le printemps arrive, et Sire Devarius l’amènera ici aussi vite qu’il le pourra. Une fois qu’elle sera enfermée dans le Conclave des Mages, on aura largement l’occasion d’étudier l’influence que Loki peut avoir sur elle. »

Les autres hochèrent la tête pour montrer leur approbation, mais Nelos serra son poing et l’écrasa sur l’accoudoir de son fauteuil.

« On a seulement eu un aperçu de ce qu’elle est capable de faire, et regardez ce qu’elle a fait à son propre royaume. Elle a abattu les murs de la ville de Trivinus. Je dis qu’il faut frapper maintenant avant qu’elle n’amène le chaos à Gravaria. »

Ivis se leva et fixa son regard déterminé sur lui.

« Est-ce que le dieu de la Loi condamnerait quelqu’un sans avoir la certitude absolue que cette personne a violé des lois ? »

« Elle a violé des lois, ou est-ce que tu as oublié que la magie est illégale à Ranello ? »

« Mais pas ici. »

Elle se déplaça jusqu’au centre du cercle, puis elle se retourna lentement pour parler tour à tour à chacun des prêtres et à chacune des prêtresses de l’assemblée.

« Nous disposons de peu d’informations concrètes sur cette nouvelle porteuse d’âme en dehors des rumeurs qui sont parvenues jusqu’ici. Je vous encourage tous à prier vos divinités pour obtenir des conseils à ce sujet, mais à ne pas agir tant que nous ne connaissons pas tous les faits. Si elle a réussi à résister à la folie jusqu’ici, alors peut-être qu’on a trouvé le porteur d’âme le plus puissant qui n’ait jamais existé. »

Puis, elle se tourna enfin vers lui.

« Est-ce que ça te convient, Nelos ? »

Il bouillonnait de rage intérieurement. D’une manière ou d’une autre, elle avait réussi à tous les retourner contre lui, à les réduire à l’état de lâches qui préféraient attendre que la menace arrive sur leurs terres avant d’agir.

« Patience, mon serviteur. Tu n’as pas besoin de leur aide pour te débarrasser de Loki. Je suis tout le pouvoir dont tu as besoin. »

Les paroles de son dieu l’apaisèrent, et le voile rouge qui couvrait sa vision se dissipa.

« Je prierai pour ça », répondit-il calmement.

Et je frapperai quand il me dira de le faire.

Chapitre 2

« Où est-ce que vous m’emmenez, Kell ? »

Le troisième prince de Ranello fit un clin d’œil à Arden et serra davantage la main de cette dernière tandis qu’il l’entraînait dans les couloirs du palais.

« C’est une surprise. »

« Dev va être furieux si vous essayez de me faire sortir d’ici en cachette. »

« J’ai été absent pendant plus d’un mois, et c’est la seule chose à laquelle vous pensez ? »

Il s’arrêta et il l’attira dans ses bras, puis il effleura la joue de la jeune femme de ses lèvres.

Un frisson parcourut la colonne de cette dernière après ce baiser en apparence innocent. Lorsque l’hiver avait débuté, elle avait pensé que l’attention que Kell lui portait aurait diminué comme cela avait été le cas avec les femmes qui avaient attiré son regard avant elle. Au lieu de cela, il demeurait inébranlable dans son affection malgré ses longues absences.

« C’est parce qu’il n’a pas obtenu ce qu’il veut de toi », siffla Loki.

Elle se raidit au son de la voix familière dans son esprit. L’autre chose qui était restée constante, c’était le flux continu des commentaires lubriques venant du dieu du Chaos désincarné qui vivait en elle.

« Tu veux dire qu’il fera semblant de s’intéresser à moi jusqu’à ce qu’il me mette dans son lit. »

Loki se mit à rire.

« Il te veut dans plus de sens que tu ne le penses, ma petite porteuse d’âme. »

Kell remarqua le changement dans le comportement de la jeune femme et il recula.

« Il y a un souci ? »

Elle secoua la tête et elle l’étudia. Diaboliquement beau avec des cheveux châtain foncé qui bouclaient autour de l’ovale de son visage et avec une fossette qui apparaissait quand il souriait, Kell aurait pu avoir n’importe quelle femme du royaume. Le fait qu’il l’avait choisie elle continuait de l’intriguer, après tout elle était une sorcière de basse naissance dans un pays où la magie était interdite. S’il n’avait pas été là, elle aurait été brûlée sur le bûcher quelques mois plus tôt pour avoir utilisé cette dernière. Et au lieu de cela, elle jouissait d’une place d’honneur, non seulement au palais, mais également aux côtés du jeune homme.

Le chagrin assombrit les yeux noisette de celui-ci, et elle arbora un sourire.

« Vous m’avez manqué », admit-elle en penchant sa tête sur l’épaule du prince.

C’était la vérité. Même si elle avait reçu un titre pour le rôle qu’elle avait joué dans la défaite du nécromancien qui semait la terreur dans le royaume quelques mois plus tôt, la plupart des nobles l’ignoraient ou faisaient tout pour l’éviter afin de lui rappeler qu’elle leur était inférieure. Même Dev, son protecteur, était devenu plus distant pendant l’hiver, préférant se cacher dans les archives du palais quand il ne lui enseignait pas ce qu’il appelait la magie de base.

« Vous aussi, vous m’avez manquée. »

Kell la garda dans ses bras encore un moment, et le timbre riche de sa voix pleine d’émotion apaisa tous les doutes qui s’attardaient dans l’esprit de la jeune femme.

« Mais si on ne se dépêche pas, ma surprise sera gâchée. »

Tout en suivant Kell dans les corridors éclairés par des bougies, Arden essayait de décrypter les sentiments qu’elle ressentait pour lui. Autrefois, elle pensait connaître l’essence de son propre cœur, mais elle avait dû reconnaître qu’elle avait tort. Dev, l’homme qu’elle croyait aimer l’avait repoussée, choisissant son devoir plutôt qu’elle et la laissant avec un grand vide en elle. L’amitié du prince l’avait aidée à soulager sa peine et l’amenait à se demander si elle tenait plus à lui qu’elle ne l’avait tout d’abord pensé.

« Admets-le, tu aimes la manière dont ses baisers enflamment ton sang et te font regretter de ne pas pouvoir sortir de ta robe en quelques secondes. »

Les joues d’Arden devinrent brûlantes lorsque Loki eut le culot mettre des mots sur la réaction de son propre corps à chaque fois que Kell s’approchait d’elle. Il avait toujours eu cet effet sur elle, et elle soupçonnait qu’il en allait de même pour de nombreuses jeunes femmes du royaume à en croire la réputation qu’il avait. Elle toucha le pendentif en or qui pendait à son cou, et elle se rappela de ne pas faire les mêmes erreurs que celles de sa mère.

Leur périple se termina à l’orangeraie située à la lisière du palais. L’air était rempli d’humidité émanant des vrilles de vapeur qui s’élevaient des palmiers exotiques qui se trouvaient à l’intérieur. Au centre de la pièce, un cercle de candélabres entourait un pique-nique posé sur une couverture.

Arden sourit. Pour un prince qui avait grandi en dînant autour des meilleures tables du royaume, la relative simplicité du repas semblait plus appropriée pour une personne comme elle que pour lui.

« Qu’est-ce que c’est ? »

Kell l’emmena jusqu’à la couverture.

« Vous saviez qu’il doit y avoir une éclipse lunaire ce soir ? »

Arden s’assit et leva les yeux vers les trois lunes au-dessus d’eux. Malgré les vitres embuées, le plafond de verre de l’orangeraie restait transparent, révélant une ombre glissant le long du bord de la lune la plus grosse.

« Comment vous le savez ? »

« Ça arrive tous les vingt-sept mois. Je suis revenu de Cordello aussi vite que j’ai pu pour pouvoir la regarder avec vous. »

Elle sentit le souffle du prince baigner sa nuque, faisant fondre à la fois sa détermination et son corps tandis qu’elle se penchait en arrière pour se pelotonner dans ses bras. Kell continuait de persévérer dans sa quête de la conquérir, mais des petits moments tels que celui-ci l’amenait à se demander s’il voulait autre chose que son corps.

« Vous aviez planifié tout ça ? »

« Vous avez l’air surprise. »

Il guida le menton de Trouble afin que le visage de cette dernière soit incliné vers le sien.

« Vous ne pensez pas que je suis capable d’être romantique de temps en temps ? »

La familiarité de son geste combinée à la brusquerie de sa question provoqua en elle une gêne qui rampa jusque dans son ventre. Elle s’éloigna de lui.

« Je pense que vous êtes tout à fait capable d’être romantique, Kell. Après tout, vous connaissez le centre du labyrinthe par cœur. »

Le jeune homme poussa un profond soupir et expira par le nez.

« Bon sang, Arden, qu’est-ce que je dois faire pour vous prouver que j’ai changé ? »

« C’est ça, ma petite porteuse d’âme. Fais comme Dev et repousse tout le monde. Après tout, si personne ne compte à tes yeux, tu ne peux pas être blessée. »

La raillerie de Loki raviva la peine qu’elle ressentait dans son cœur et qu’elle pensait avoir enterrée depuis des mois, au moment où Dev lui avait dit qu’il ne pouvait rien y avoir de plus entre eux. Est-ce que Kell ressentait la même douleur due au rejet que celle qu’elle ressentait ? Elle posa sa main sur le bras du prince, luttant contre l’étrange cascade d’émotions qui se mêlaient en elle.

« Je suis désolée. »

« Vous êtes désolée pour quoi ? Oh, ne vous en faites pas. »

Il bondit sur ses pieds.

« Je comprends. »

Lorsqu’il commença à s’éloigner, le pouls d’Arden s’accéléra. Elle ne pourrait pas supporter de le perdre, pas après qu’il ait été là pour elle quand elle avait le plus besoin de lui. Le désespoir lui serra la gorge. Elle saisit la main de Kell et elle l’attira de nouveau sur la couverture. Comme les mots lui manquaient, elle lui fit part de sa requête par le biais d’un baiser.

La bouche du jeune homme s’ouvrit, en grande partie à cause du choc, mais elle prit cela comme une invitation à intensifier son baiser. Une seconde plus tard, il serrait ses bras autour d’elle et il lui rendait son baiser d’une manière telle qu’elle en eut des vertiges. Ses baisers avaient toujours cet effet sur elle, la laissant étourdie, pleine de désir et à bout de souffle lorsqu’il finissait par reculer.

« Je veux dire, je suis désolée d’avoir dit ça », dit-elle une fois qu’elle eut retrouvé son souffle.

Elle fit courir ses doigts sur la mâchoire du prince, reconnaissante d’avoir eu une chance de voir le véritable Kell et non le débauché que toutes les autres personnes du royaume voyaient en lui.

Il prit sa main et il la leva jusqu’à ses lèvres.

« Alors ça veut dire qu’on pourrait peut-être être plus que des amis ? »

Elle n’était pas encore prête à répondre à cette question, et il remarqua son hésitation.

« Qu’est-ce que c’est ? »

Elle ferma les yeux et elle se laissa retomber sur la couverture. Il serait tellement facile de lui mentir et de lui dire qu’elle ne ressentait rien pour son protecteur, mais il méritait de connaître la vérité.

« J’ai peur de souffrir », admit-elle.

Il leva un sourcil.

« Et vous pensez que je pourrais vous faire souffrir sciemment ? »

« Peut-être. »

« La peur est rarement rationnelle, mais en général elle se base sur quelque chose. »

Il prit une profonde inspiration avant de poursuivre : « Dev vous a fait souffrir à ce point-là ? »

« Ce n’est pas que lui. »

Elle joua avec son collier tandis que des images de sa mère en train de pleurer apparaissaient dans son esprit.

« Ma mère... »

Sa voix se brisa. Elle n’avait jamais parlé à Kell de son passé par peur qu’il ne veuille plus rien avoir à faire avec elle après avoir appris quelles étaient ses origines. Elle était la fille illégitime d’une femme qui avait été rejetée, ce qu’il y avait de plus bas dans la société. Quelle chance pouvait avoir quelqu’un comme elle avec le troisième prince de Ranello ?

Elle prit une inspiration en tremblant. Il était temps de le mettre à l’épreuve.

« Ma mère a été rejetée par mon père quand elle était enceinte. »

Voilà. Elle lui avait dit. À présent, tout ce qu’elle avait à faire, c’était attendre qu’il fronce son nez dans une expression de dégoût et qu’il mette un terme à ses avances amoureuses.

Le visage de Kell devint sérieux, mais il ne bougea pas.

« Est-ce que vous savez qui était votre père ? »

« Ma mère ne parlait jamais de lui. Je sais que je dois lui ressembler puisque je ne ressemble presque pas à ma mère. »

Elle marqua une pause avant d’ajouter : « Et je sais à quel point il lui a brisé le cœur. »

« Alors peut-être qu’il vaut mieux que vous ne puissiez pas vous réclamer de son sang. C’est un homme sans honneur. »

Elle serra ses doigts autour du petit pendentif, refusant de le lâcher. Kell donnait l’impression que tout était tellement simple, qu’il était tellement facile d’oublier l’homme qui avait ruiné la vie de sa mère et qui avait fait d’Arden une étrangère sur sa propre terre natale. Si seulement c’était le cas.

« Mais ça ne vous dérange pas de savoir ça ? »

« Vous vous attendiez à ce que je vous juge par rapport aux actions de vos parents ? »

« C’est ce que font la plupart des gens du royaume, ou est-ce que vous n’avez pas remarqué la manière dont la plupart des gens au palais font comme si je n’existais pas ? Ou pire, comme ils reculent à cause de la peur que je leur inspire parce que je suis une sorcière ? »

Kell rejeta sa tête en arrière et éclata de rire.

« Les gens reculent devant mon père parce qu’ils ont peur, mais ça ne veut pas dire qu’ils ne le respectent pas. »

Il se rapprocha d’elle.

« Je me préoccupe plus de la femme que je vois devant moi. »

« Et qu’est-ce que vous voyez en moi, Kell ? »

En dehors d’une sorcière blonde avec un dieu du Chaos complètement fou qui vit en elle.

« Je n’apprécie pas qu’on me traite de fou », souffla Loki.

Arden l’ignora et attendit la réponse de Kell. Comme ce dernier ne répondait pas tout de suite, elle sentit une douleur se former au fond de sa poitrine.

Il s’éclaircit la gorge et il dégagea une mèche de cheveux des yeux de la jeune femme.

« Je vois une femme magnifique avec un cœur bon. Une femme qui possède un grand pouvoir mais qui l’utilise pour aider les autres au lieu de les asservir. »

La voix du prince devint rauque lorsqu’il ajouta : « Une femme qui est bien au-dessus de toutes les femmes que je connais. »

La douleur s’intensifia avec les palpitations de son cœur.

« Vous le pensez vraiment ? »

« Qu’est-ce que je dois faire pour vous en convaincre ? »

Il l’attira plus près de lui et il posa une main sur sa hanche.

« Ce n’est pas moi qu’il faut convaincre. »

Il se blottit plus près d’elle au point que leurs fronts se touchèrent.

« Alors sur qui je dois faire usage de mes charmes ? »

« Votre père, d’abord. Il avait l’air plutôt déterminé à nous tenir éloignés l’un de l’autre cet hiver. »

Kell fronça les sourcils.

« Je suis un prince de Ranello. Il est de mon devoir de m’occuper des affaires de mon père dans le royaume. »

« Et ça comprend le fait d’aller dans les montagnes du nord au cœur de l’hiver ? Ça ne vous semble pas étrange ? »

« Pas sachant qu’il y a des rapports qui indiquent que des troupes thalliennes se rassemblent le long de la frontière. »

Kell l’amoureux disparut, et cédant la place à l’homme qu’elle avait connu au moment de leur première rencontre, l’homme qui cherchait à protéger son royaume à tout prix.

« En plus, si quelqu’un a l’air déterminé à nous séparer, c’est votre protecteur. Il est décidé à vous emmener le plus vite possible à Gravaria dès qu’il aura trouvé un bateau. »

« Vous ne comprenez pas. »

Elle recula.

« Je dois aller à Gravaria. »

« Pourquoi ? »

Les conversations incessantes qu’elle avait avec la voix dans sa tête étaient la dernière chose qu’elle avait envie d’expliquer. L’idée de se transformer en Robb, le précédent porteur d’âme, la terrifiait toujours.

« C’est amusant que tu sois capable de lui parler de ta traînée de mère, mais que tu ne veuilles pas lui parler de moi. Je ne sais pas si je dois me sentir honoré ou vexé. »

Un flux de magie parcourut ses bras lorsque Loki essaya de prendre le contrôle de son corps. Elle lutta contre celui-ci comme Dev le lui avait enseigné et elle repoussa le dieu du Chaos.

« Tu veux qu’on me brûle sur le bûcher ? »

« Il y a peu de risque que ça arrive. Kell sait déjà que tu es une sorcière. »

« Si tu prends le contrôle de mon corps, il pourrait changer d’avis. »

« Arden ? »

Kell l’arracha à sa conversation avec Loki. Comme la plupart des habitants de Ranello, le prince ne croyait qu’en Dame Lune. Le concept selon lequel il pouvait exister d’autres divinités leur était aussi étranger que la présence d’elfes dans le royaume - les Ranelliens avaient beau être au courant de leur existence, ils refusaient de le reconnaître. Même si elle essayait d’expliquer ce que signifiait le fait d’être une porteuse d’âme, elle doutait qu’il puisse la croire.

« C’est compliqué », finit-elle par dire.

« Je ne vois pas ce qu’il y a de si compliqué là-dedans. Dev est votre protecteur, il n’est pas votre sang. Vous pouvez choisir de rester ici et il devra vivre avec votre décision. »

Elle visualisa ce scénario dans sa tête et elle pouffa de rire. Dev la traînerait probablement pieds et poings liés jusqu’à Boznac si elle refusait de partir, et ce pour une bonne raison. Si elle voulait préserver sa santé mentale, elle devait apprendre à contrôler Loki avant qu’il ne la fasse plonger dans la folie.

« Est-ce que vous êtes en train de vous moquer de moi ? »

Kell se pencha au-dessus d’elle, l’empêchant de voir l’éclipse et arborant le sourire séducteur qui avait coûté leur vertu à plus d’une jeune femme.

« Je ne démords pas de ce que j’ai dit tout à l’heure, celle que je dois convaincre, c’est vous. »

Une sensation de chaleur envahit le corps de la jeune femme dont les bras s’enroulèrent autour du prince contre son gré, sans qu’elle ne puisse rien y faire.

« Et comment vous avez l’intention de vous y prendre ? »

« En étant absolument irrésistible. »

Il l’embrassa de nouveau en appuyant son corps contre le sien sans rien cacher du désir qu’il ressentait pour elle.

Quelque part dans un coin de sa tête, Arden luttait pour résister, mais plus le baiser durait, plus ce besoin de lui tenir tête faiblissait. Un besoin plus primaire monta en elle pour remplacer ce dernier, un besoin qui - comme Loki l’avait dit avec éloquence - lui faisait regretter de porter sa robe en laine aux lacets si serrés.

« Profites-en pendant que tu le peux. Dev ne tardera pas à t’emmener loin de lui. »

Le petit rappel de Loki resta dans un coin de l’esprit d’Arden, influençant la lutte qui faisait rage en elle à chaque fois qu’elle se retrouvait dans les bras du prince. Il serait tellement facile de vivre l’instant présent et de se laisser tenter par les plaisirs qu’il lui proposait, de tomber amoureuse de lui.

Elle ouvrit brusquement les yeux au moment où les lèvres de Kell commencèrent à descendre plus bas le long de son cou. La lune était totalement cachée à présent, laissant les étoiles qui se trouvaient près d’elle scintiller et briller encore plus qu’elles ne le faisaient en temps normal sans le rayonnement de l’astre. Arden resta immobile, respirant l’odeur familière du jeune homme qui sentait les feuilles de laurier et le savon, terrorisée à l’idée de bouger de peur de gâcher ce moment. Mais le feu qui coulait dans ses veines devenait trop intense, et son corps ondula en réponse aux caresses de Kell. Un gémissement s’échappa de sa gorge, indiquant sa capitulation.

Enhardi par la réaction de la jeune femme, Kell traça un chemin sur son corps avec ses mains, allant de ses hanches à ses seins. Pendant qu’il enflammait la peau nue d’Arden avec ses lèvres, ses doigts entreprirent de défaire le nœud qui retenait sa robe. La manière dont il murmurait son nom entre ses baisers envoyait des frissons exquis dans la poitrine d’Arden.

Puis, quelque chose changea. Les frissons devinrent plus intenses, remontant le long de sa colonne à une vitesse vertigineuse. Sa respiration devint irréguliuère et elle planta ses ongles dans la chair du prince. La terre trembla en-dessous d’eux, mettant un terme à l’opération de séduction de Kell aussi vite qu’un orage aurait pu éclater.

Il recula brusquement.

« Arden, c’est votre œuvre ? »

Elle secoua la tête. Cette magie était étrange, même pour elle. Elle sentit le goût métallique de la panique envahir sa bouche.

« Loki ? »

La tour de garde qui se trouvait à côté de l’orangeraie oscilla, se balançant d’un côté puis de l’autre avant de s’effondrer vers l’endroit où ils se trouvaient. Arden saisit Kell et roula sur le côté, rassemblant sa magie pour lever un bouclier. Le plafond de verre vola en éclats et elle poussa un cri perçant.

Chapitre 3

Les gémissements de Cinder détournèrent l’attention de Dev de la pile de parchemins posée devant lui. Le loup de feu leva son museau et renifla, puis il se remit à gémir.

Dev se baissa et caressa l’animal sur la tête, puis il remarqua que les poils de Cinder restaient hérissés.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »

Le loup de feu bondit sur ses pattes et gratta la porte la plus proche.

« Je te laisserai sortir quand j’aurai fini. »

Dev se remit à lire la transcription du dernier émissaire diplomatique gravarien envoyé à Ranello. Connaissant certains des acteurs impliqués, y compris son propre père, il doutait que les civilités consignées l’aient été en des termes aussi polis que ceux qu’il pouvait lire sur le parchemin. Mais il ne s’intéressait pas à ce qui avait été dit, ce qui l’intéressait c’était de savoir qui avait quoi.

D’après ce qu’il avait découvert, seuls deux membres de la famille di Miloria faisaient partie de ces émissaires.

Et l’un d’entre eux devait être le père d’Arden.

Malheureusement, aucun des deux ne semblaient être du genre à être suffisamment amoureux pour appeler une servante du palais l’étoile la plus brillante dans le ciel. Caz était bien trop vaniteux et ambitieux pour ne serait-ce qu’envisager l’idée de badiner avec la mère d’Arden. Varrik était bien trop assidu et froid pour ne serait-ce que remarquer une femme. S’il n’y avait pas eu le pendentif avec la rose des di Miloria, Dev aurait pu citer dix autres Gravariens qui auraient plus de chances d’être le géniteur d’Arden.