Les Dessous Féminins
Par Muriel Barbier
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À propos de ce livre électronique
tant sur les affiches que dans les magazines, enveloppant des corps de
femmes parfaites ? Pour beaucoup de femmes, les dessous sont achetés
pour faire plaisir à l’autre, « l’homme ». Et pourtant, depuis la haute
Antiquité, les femmes apparaissent toujours vêtues, cachant ces tissus qui
dissimulent leur intimité.
Le sous-vêtement féminin a donc une autre fonction que celle
d’érotiser les corps. L’auteur, Muriel Barbier, s’appuyant sur une riche
iconographie, explore trois aspects de la lingerie dans son rapport à la
société, à l’intimité et à l’économie. Comment le sous-vêtement s’inscrit-il
dans l’évolution de la femme ? La lingerie féminine est-elle l’expression
d’une nouvelle liberté, ou bien suit-elle seulement la transformation de
nos moeurs s’adaptant à chaque époque à un modernisme renouvelé ?
Autant de questions traitées avec une rigueur scientifique et souvent avec
humour. Le sous-vêtement méritait un grand ouvrage, même si
aujourd’hui ces pièces d’étoffe sont de plus en plus petites.
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Aperçu du livre
Les Dessous Féminins - Muriel Barbier
Chantal Thomass, Ensemble, en dentelle blanche.
Collection Automne / Hiver 2001-2002.
Préface
La lingerie est très directement et fortement liée à l’intimité de la femme. Pendant des siècles, les hommes ont toujours considéré que la lingerie était créée dans le but de les séduire. Cette volonté de séduction existe indéniablement. Cependant, en choisissant de porter de jolis et séduisants dessous, toutes les femmes ont un comportement, une démarche quelque peu égoïste, voire narcissique.
En effet, la lingerie peut aider une femme à se sentir bien dans son corps, l’aidant ainsi à mieux l’aimer et l’accepter et, ce faisant, à être plus épanouie et surtout à affirmer une réelle assurance. La raison en est très simple. Etonnamment, bien que personne ne puisse voir nos dessous, ceux-ci contribuent efficacement à valoriser notre silhouette, et parfois à la modeler à notre convenance.
Trop souvent, la lingerie a été traitée comme un élément de séduction. Les hommes eux-mêmes ont créé ce phénomène : apercevoir une femme vêtue uniquement de sous-vêtements a un caractère infiniment plus sensuel et sexuel, que de voir une femme entièrement nue. On pourrait associer la lingerie aux talons aiguilles. Ces derniers affectent la démarche d’une femme, la rendant plus séduisante, charmante, et provocante. Associés aux bas, les talons aiguilles ont alors une charge, une vertu fétichiste indéniable, tant pour la femme, que pour la gent masculine.
La perception et l’appréciation du corps féminin ont connu bien des métamorphoses, si l’on compare par exemple notre époque, ce début du XXIe siècle, aux années 60-70. Dans les années 60, lorsqu’une femme se mariait, et encore plus quand elle devenait mère, son corps ne se devait plus d’être séduisant. Aujourd’hui, ce comportement est totalement désuet et obsolète.
En effet, les femmes ressentent le besoin d’être attirantes, à tout âge, que ce soit avant leur mariage, comme après celui-ci, et même bien des années plus tard. Pour preuve, une grand-mère de nos jours peut être encore une belle femme et avoir envie de se mettre en valeur en revêtant une lingerie affriolante, qui permettra d’embellir son corps.
Cette évolution (révolution ?) des mœurs en matière de lingerie est directement liée aux innovations et contingences techniques de la création des sous-vêtements, et assujettie aux événements historiques. L’Histoire de la lingerie mérite qu’on s’arrête un peu sur elle.
La lingerie, contrairement au monde de la Mode, est un état d’esprit. On peut aimer la lingerie et avoir envie de soigner son corps de 15 à 75 ans ! Le prêt-à-porter est un univers bien différent de celui des dessous. Les vêtements s’adressent toujours à une classe d’âge précise : la mode d’une jeune fille de 15 ans est différente de celle d’une femme de 30 ans. Alors que la lingerie est bien plus une question de mentalité et de nature : une femme ronde peut se sentir bien dans son corps, s’accepter telle qu’elle est, et avoir envie de mettre son corps en valeur dans de beaux sous-vêtements. La lingerie doit alors répondre à toutes ces aspirations et convenir à chaque nature de femme.
En tant que créatrice, mon travail est orienté dans ce sens. Pour créer une lingerie qui satisfasse de multiples styles de femme, j’aime observer celles qui m’entourent : ma fille, mes assistantes, les femmes que je rencontre dans la rue. Des attitudes que je peux remarquer dans des films peuvent aussi m’inspirer.
Outre mon entourage qui joue un rôle important pour me suggérer de nouveaux modèles, la matière est également source d’impulsion pour mes créations. Les matériaux textiles sont essentiels : la lingerie étant au plus près du corps féminin, en contact avec son intimité, les tissus et dentelles doivent être agréables, mais pas uniquement. Aujourd’hui, la lingerie doit être confortable, et pratique.
En effet, s’il y a encore 30 ans, les femmes françaises (contrairement aux femmes américaines par exemple) acceptaient, et ne rechignaient pas à porter et laver à la main une lingerie très fragile, avec de la dentelle, qu’il fallait parfois même repasser, aujourd’hui, cela n’est plus acceptable.
La lingerie doit pouvoir supporter le lavage en machine, sans repassage, tout en alliant les qualités de confort (essentiel), à la beauté des pièces. L’évolution des différents textiles utilisés dans la création et la confection des sous-vêtements reste un aspect à ne pas oublier.
Au-delà des matières, les couleurs prennent une part importante dans la lingerie. Le noir et le blanc sont toujours extrêmement flatteurs sur la peau. Le noir (plus particulièrement) permet d’atténuer les défauts que nous avons toutes.
Les couleurs chaudes (rose, rouge, framboise) contribuent elles aussi à valoriser le corps. En revanche, les couleurs froides pour la lingerie sont plus difficiles à travailler. Les couleurs vertes et bleues sont magnifiques, mais évoquent souvent trop le maillot de bain.
La lingerie doit être associée au plaisir de la femme. L’élément de séduction demeure, surtout avec certaines pièces de dessous, qui ne sont pas anodines : certaines sont fascinantes et provoquent une inévitable attirance. Les bas et les porte-jarretelles rendent une femme extrêmement séduisante, voire envoûtante. Les bustiers, guêpières et soutiens-gorge peuvent être portés sous un chemisier transparent. Cela produira un effet immanquablement équivoque, ambivalent et extrêmement fascinant aux yeux des autres, et si flatteur pour celle qui le provoque. Deux sortes de lingerie se distinguent à mon sens.
D’une part les dessous que l’on désire montrer (guêpière, porte-jarretelles, bas essentiellement), et d’autre part les sous-vêtements portés uniquement pour soi. Cette dernière catégorie doit être agréable à l’œil, mais également confortable. Pour les collants, par exemple, je m’attache tout particulièrement à faire des collants qui soient charmants et délicieux, afin de les porter chaque jour et de pouvoir, malgré tout, conserver un pouvoir de séduction, lorsque l’on se déshabille en présence d’un homme.
La lingerie est toute en suggestion dans la manière d’être, dans l’attitude. Trois termes peuvent être associés à la lingerie d’aujourd’hui : raffinement, séduction et confort. Il est nécessaire de rassembler ces trois notions pour créer des sous-vêtements, en excluant définitivement la vulgarité. Pour éviter cet écueil, l’humour et la fraîcheur sont mis à contribution.
Le monde de la lingerie touche tout le monde. Aussi bien les femmes, qui portent leurs dessous, que les hommes qui ont toujours cru qu’elles ne les portaient que pour les séduire. La lingerie mérite qu’on s’attache un peu plus à son Histoire.
Chantal Thomass
Chantal Thomass, Chaussettes hautes,
Automne / Hiver 2004.
Introduction
Il existe déjà un nombre considérable d’ouvrages sur les dessous féminins. Alors pourquoi un de plus ? L’idée de ce livre est partie de plusieurs constats : celui de l’attrait des dessous, du mystère qui plane autour et des fantasmes qu’ils déclenchent, d’une part, et, d’autre part, celui de la fonction des dessous en tant que révélateurs de la condition de la femme, de l’évolution de sa place dans la société et de son statut par rapport à l’homme.
Le terme même de dessous évoque la fonction des objets : être dessous, donc cachés. Les dessous sont, en outre, pluriels. Ils peuvent être nombreux : des dessous modeleurs, des dessous révélateurs, des dessous aguicheurs, provocateurs, pudiques ou érotiques. Erotiques, les dessous féminins le sont sans aucun doute. Du zona grec au plus moderne des soutiens-gorge en microfibres, les dessous féminins semblent être porteurs d’une importante charge sensuelle tant pour celle qui les porte que pour celui (ou celle) qui les retire. A quoi tient cet étonnant pouvoir de séduction ? Au fait que les sous-vêtements sont cachés ? Rarement dévoilés ? Peut-être parce qu’ils sont au plus proche de l’intimité des femmes ? Cependant, l’érotisme n’est pas le seul intérêt des dessous féminins.
Au sein de l’évolution du costume occidental, lingerie et corseterie ont eu et continuent à avoir un rôle fondamental. Ils permettent de structurer les formes, de modifier la silhouette et de la transformer au gré des caprices de la mode. Les dessous eux-mêmes suivent les fluctuations de la mode. On les crée dans des formes, des matériaux et des coloris qui correspondent au goût de l’époque ; si les dessous féminins sont à l’image de la mode, tout n’est pas pour autant si simple et les formes, les types de sous-vêtements, le choix des matériaux et des couleurs ont très souvent une raison sociale.
Selon les circonstances de la vie, une femme ne porte pas les mêmes dessous. Du baptême au temps du deuil, la femme vit des métamorphoses physiques et des changements de statut social dont les dessous se font l’écho. Ils deviennent ainsi emblématiques de l’âge, du rôle social et de la classe de chaque femme.
De plus, au cœur de la vie, les activités quotidiennes nécessitent des sous-vêtements différents pour le sport, la journée de travail ou la soirée. Les plus affriolants étant bien sûr les dessous de l’amour.
Les dessous sophistiqués portés pour la séduction avaient, et continuent d’avoir, un rôle symbolique dans la société judéo-chrétienne occidentale. Adulés ou diabolisés, les sous-vêtements féminins sont les emblèmes des tabous et des interdits sexuels qui aboutissent à une foule de fantasmes, d’idées érotiques voire au fétichisme.
A l’origine de la création de ces étoffes de mode et de rêves libidineux, se trouve un univers industriel et commercial dont l’origine remonte aux lingères, aux corsetiers et aux bonnetiers des temps jadis.
Des magasins de lingerie chics aux catalogues de vente par correspondance, en passant par les sex-shops, la vente et la diffusion des dessous féminins appartiennent à un monde bien organisé et en pleine expansion. Chacune y trouve de quoi satisfaire ses goûts. La publicité se charge de séduire hommes et femmes en mettant en scène dentelles, satin et broderies sur les formes les plus pulpeuses. L’univers des dessous féminins, caché ou montré, est donc bien riche.
Les dessous, à l’origine conçus pour des raisons d’hygiène et pour mettre en valeur les parties intimes du corps féminin, sont bien plus que de simples catalyseurs de désirs. Ils révèlent notamment, par leur évolution au fil du temps, la libération progressive du corps de la femme ainsi que celle de tout son être dans la société patriarcale de l’Occident.
Entrons donc dans cette histoire faite de dentelles, une histoire dont l’esprit est d’apporter information et délectation au lecteur. Notre étude est basée sur des recherches bibliographiques, mais n’a pas pour fondement un travail de spécialistes ou de scientifiques. L’esprit de ce livre est celui du plaisir ; celui d’un livre d’agrément.
Yaël Landman, Ensemble. Automne / Hiver 2003.
Dessous et mode
Corset en fer, première moitié du XVIIe siècle.
Fonds Leloir, Musée Galliera, Paris, Inv. 2002.2.X.
Nicolas-André Monsiau, Le Lacet, 1796.
Gravure, vignette pour les œuvres de Rousseau.
21 x 14 cm, Collection Maciet,
Bibliothèque des Arts décoratifs, Paris.
Lingerie, corseterie et bonneterie
Secrets ou dévoilés, simples ou sophistiqués, discrets ou provocateurs, les dessous sont nombreux et divers. Il est d’usage de distinguer au sein de cette multitude trois familles : la lingerie, la corseterie et la bonneterie.
Le rôle de la lingerie est avant tout hygiénique. Elle prend place entre le corps et les vêtements. Elle protège le corps des vêtements de dessus faits dans des textiles moins confortables, et protège le vêtement lui-même des sécrétions de l’organisme. De ce fait, elle est fabriquée dans des tissus généralement sains qui varient selon les époques. La lingerie est donc au plus près de l’intimité et de l’hygiène féminine. Les premiers linges au contact du corps féminin ne furent-ils pas d’ailleurs ceux utilisés pour les menstruations et perfectionnés en nos actuelles serviettes hygiéniques[1] ?
Le terme de linge de corps est également utilisé pour la lingerie. On parle de linge de corps pour désigner certains sous-vêtements parmi lesquels les jupons, les chemises, puis les pantalons, les caleçons, les culottes, les maillots de corps et les combinaisons.
Dans les familles modestes ou en temps de guerre, certaines pièces de lingerie sont faites à partir de linge de maison usé, bien souvent dans de vieux draps. Les matériaux du linge de corps sont proches de ceux du linge de maison. Le confort est leur premier point commun avec, en place d’honneur, le coton, choisi pour sa douceur, sa légèreté et son côté hygiénique. D’autres matières plus ou moins nobles entrent dans la fabrication de la lingerie : le lin, la soie, les tissus synthétiques dans des armures elles aussi relativement légères telles que la toile, le satin, le jersey, le linon, la mousseline, la percale ou le voile. Parfois ces tissus se voient agrémentés d’ornements décoratifs et, bien souvent, aguicheurs. Car la lingerie ne se borne pas à ce rôle protecteur, elle est également un élément raffiné de la parure. Il arrive à la lingerie de « prendre le dessus », d’être dévoilée ou encore d’être complètement visible, par coquetterie, par mode ou par provocation. Elle arbore alors tous les attributs de la frivolité que sont les dentelles, les broderies et les rubans. Selon celle qui la porte, les couleurs changent en fonction de l’âge, du statut et du rôle social, du goût, de l’effet voulu ou en fonction de la mode. Mais elle n’est que rarement complètement montrée car elle est associée à la nudité comme nous le révèle la pièce de Georges Feydeau Mais n’te promène donc pas toute nue ! où Ventroux reproche à sa femme Clarisse de se montrer en chemise devant son fils. « On te voit à travers comme dans du papier calque ! », lui dit-il. Cette dernière répond porter sa chemise de jour donc ne pas être nue[2]. Cet épisode démontre que, pour la femme, la lingerie est couvrante alors que pour l’homme, elle évoque la nudité qui est dessous.
La lingerie, par son contact avec la peau et sa proximité avec l’intimité des femmes, fut et demeure un objet de fantasmes pour la gent masculine, judicieusement entretenus par celles qui la portent. Apercevoir les volants des jupons, au XVIIIe comme au XIXe siècle, avait un impact sur l’imagination de l’observateur, tout comme deviner une culotte ou un string sous la paire de jeans d’une demoiselle. Si la lingerie est chargée d’érotisme, c’est justement parce qu’elle est au plus proche de la vie intime féminine.
La corseterie relève davantage du domaine de la supercherie. Elle est au vêtement ce que la charpente est à un édifice. Mais cette charpente prend place sur une fondation préexistante : le corps féminin. Le rôle de la corseterie est de modeler ce corps et de lui imposer les formes de la mode. On use des pièces de corseterie pour transformer trois points essentiels du corps : la taille, la poitrine et les hanches. C’est autour de ces trois points que se bâtit une nouvelle silhouette.
Corps à baleines, XVIIIe siècle.
Tissu orné de fleurs. Fonds Leloir,
Musée Galliera, Paris. Inv. 1920.1.1856.
Corset. Soie rose, et dos en lin, renforcé avec
des fanons de baleine et maintenu avec des
rubans de soie rose ; Angleterre, vers 1660-1670.
Victoria and Albert Museum, Londres.
Boîte « Le corset mexicain »,1869.
Musée de la Bonneterie, Troyes.
Boîte « Le corset mexican », 1869.
Musée de la Bonneterie, Troyes.
Corset en satin rouge, cuir jaune,
baleine et armature cintrée, 1883.
Victoria and Albert Museum, Londres.
Jupon pékiné soie noir et blanc, Collant mousseline
en soie et dentelle. Catalogue commercial
Grands Magasins du Louvre, Paris, Eté 1907.
Armand Silvestre, dans Les Dessous à travers les âges, décrit en ces termes un « bon corset » : « Il faut qu’il soit assez évasé du haut pour soutenir les seins, sans les comprimer, que les entournures soient bien échancrées ; que les doubles de l’étoffe soient minces, bien placés et flexibles […] enfin qu’il embrasse tout le bassin et trouve sur les hanches un point d’appui solide et suive la direction naturelle des flancs.[3] »
La corseterie permet donc de mettre en valeur les courbes du corps et de l’adapter aux lignes nouvelles. Elle fait les poitrines rondes, pigeonnantes, galbées ou aplaties ; la taille peut être plus ou moins fine, inexistante ou très marquée ; les