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L’Histoire des Sous-Vêtements Masculins
L’Histoire des Sous-Vêtements Masculins
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Livre électronique585 pages5 heures

L’Histoire des Sous-Vêtements Masculins

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À propos de ce livre électronique

Si à une certaine époque la mode masculine, et celle des sous-vêtements en particulier, était réservée à une élite, elle s’est aujourd’hui démocratisée, preuve manifeste de l’évolution de notre société. L’esthétisme du corps tant prisé par les Grecs semble retrouver une place prépondérante dans l’univers masculin. Miroir de l’évolution des mœurs, l’histoire des sous-vêtements souligne également le ballet incessant d’emprunts existant entre la mode féminine et la mode masculine. Les dessous se camouflent, s’exhibent, s’allongent ou se raccourcissent, instaurant un jeu entre l’interdit d’alors et la mode d’aujourd’hui, et dénoncent de fait l’aveu que pouvait trahir, autrefois, un simple vêtement. Dans cet ouvrage, à travers une étude socio-économique, Shaun Cole entreprend de restaurer pour la première fois l’importante place du sous-vêtement masculin dans l’histoire du costume, de l’Antiquité à nos jours. Reflet d’une évolution de la technologie, cette étude réserve des surprises et dégage avec force une réflexion sur le rapport de l’homme à son corps.
LangueFrançais
Date de sortie11 avr. 2018
ISBN9781785256851
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    Le travail de recherche semble plutôt intéressant, mais cela est écrit (ou traduit) horriblement : fautes de langue extrêmement nombreuses (un « je voudrait » dès le début, syntaxe lourde et maladroite, quasiment pas une phrase qui tienne debout, on dirait un écrit de collégien. Le travail d’édition n’est pas bâclé, il est inexistant.

Aperçu du livre

L’Histoire des Sous-Vêtements Masculins - Shaun Cole

Notes

Sous-Vêtements gris.

Introduction

De nombreux livres sur l’histoire et la signification des sous-vêtements ont déjà été publiés. Certains se concentrent sur des aspects spécifiques de la lingerie tandis que d’autres proposent un panorama de son histoire. Cependant, les sous-vêtements masculins sont très souvent relégués au second plan. Lorsque ce sujet est traité, sont généralement abordés les évolutions techniques et sociales ainsi que les aspects de la lingerie féminine. L’histoire de la mode masculine et féminine tend à marginaliser, voire ignorer, l’évolution des sous-vêtements masculins. L’une des raisons principales est leur simplicité comparative, en regard des sous-vêtements féminins, mais également leur aspect presque utilitaire.

Les publications exclusivement consacrées aux sous-vêtements masculins traitent souvent le sujet de manière humoristique, traduisant ainsi en image la façon dont la lingerie masculine est présentée dans la culture populaire. Un exemple de ces effets comiques est Rhys Ifans ouvrant la porte en slip ouvert en Y inversé, gris bouffant, dans la comédie romantique britannique Coup de foudre à Notting Hill (1999). Néanmoins, en 1961, Gaetano Savini-Brioni, de la maison de couture italienne Brioni, soulevait : « Pourquoi un homme devrait-il avoir l’air d’un guignol en sous-vêtements ? Un homme doit être vêtu avec autant d’élégance qu’une femme, de la veste au slip. »[1] Les dessous masculins méritent, en effet, qu’on s’y intéresse de façon moins comique et qu’on considère leur importance dans l’histoire de la mode et l’histoire culturelle ainsi que le fait qu’ils sont un élément clé de la garde-robe masculine. Comme le soulignait la revue professionnelle Men’s Wear en avril 1933, « les sous-vêtements doivent avoir la grâce d’Apollon, le romantisme de Byron, la classe de Lord Chesterfield et l’aisance, l’impudence et le confort de Mahatma Gandhi ».[2]

L’histoire des dessous féminins a abordé le rôle de la lingerie dans la séduction des hommes ainsi que son rôle en tant qu’accessoire attirant le regard des hommes sur les femmes. Richard Martin, conservateur et historien de la mode, quant à lui, a déclaré que les vêtements masculins étaient un « signe et une marque de modernité ».[3] En réfléchissant à ces deux points, nombre de questions concernant les sous-vêtements masculins nous viennent à l’esprit. Comment et pourquoi les hommes choisissent-ils leurs sous-vêtements ? Est-ce pour leur confort et leur côté pratique ou pour le moment où il sera dévoilé ou exposé ? Les hommes choisissent-ils et achètent-ils eux-mêmes leurs dessous ou est-ce leur mère, leur femme ou leur petite amie qui s’en charge ? (Selon l’historienne culturelle Jennifer Craik dans « set of denials » – « les femmes habillent les hommes et achètent les vêtements pour les hommes » et « les hommes s’habillent davantage pour le confort que pour le style ».) [4] Les sous-vêtements masculins reflètent-ils la modernité et les changements de la masculinité ? Les sous-vêtements sont-ils, de fait, personnels ? Les sous-vêtements masculins ont-ils un lien avec la séduction du sexe opposé (ou du même sexe ?) À une époque où le corps masculin est un objet de représentation sexuelle et sociale, la présentation des corps vêtus de sous-vêtements est-elle destinée aux femmes, est-elle homoérotique ou homosociale ?

Les vêtements cachent le corps tout en attirant notre regard sur ce dernier. La partie du corps qui est généralement la première couverte (pour des raisons de protection et de pudeur) est la partie génitale ; cependant, comme l’ont démontré les anthropologues, les cache-sexes sont souvent utilisés pour attirer l’attention sur le corps dissimulé. Dans son étude sur le pagne, Otto Steinmayer explique que « généralement les gens ont le sentiment qu’ils doivent rendre leur appareil génital symboliquement inoffensif avec une couverture ou une décoration… pour l’orner, l’humaniser ou le socialiser »[5] et l’historienne de mode, Valerie Steele, estime qu’un tel ornement « a primé – et prime – les aspects de la chaleur, de la protection et de la pudeur ».[6]

Les sous-vêtements englobent tous les vêtements portés qui sont complètement ou partiellement dissimulés par un autre vêtement : couvert comme est couvert le corps. Tout comme une personne portant un sous-vêtement est « à la fois habillée et déshabillée »[7], les sous-vêtements peuvent être une forme d’habillement privée et secrète ou publique. Jusqu’au XXe siècle, l’évolution de la lingerie masculine est essentiellement passée inaperçue et l’attitude prédominante était « loin des yeux, loin du cœur ». Comme l’a écrit Jennifer Craik, c’est comme si « garder les sous-vêtements masculins simples et fonctionnels permettait aux corps masculins de faire rempart à la sexualité débridée ».[8] Cependant, cela fait mentir la dynamique des changements technologiques et stylistiques. Au cours de cette dernière décennie, la lingerie masculine s’est davantage affichée et est devenue plus publique, fait dont ne se réjouissent pas tous les hommes, comme l’a indiqué le journaliste Rodney Bennet-England en 1967 : « Ce qu’il porte – ou non – sous son pantalon ne regarde que lui. »[9]

Carte postale, jeu de mots : I - er - want one of those ‘Howdyer-doos’ with long sleeves Miss Smith, show this gentleman some thingamebobs (« Je - euh - voudrait un de ces ‘Howdyer-doos’ à longues manches » « Mlle Smith, montrez à ce gentleman une paire de ces bidules »), 1932. Collection privée, Londres.

Paris Underflair, 1973. Collection privée, Londres.

Les dessous masculins (et féminins) ont diverses raisons d’être : la protection, l’hygiène, la pudeur et la moralité, s’adapter aux vêtements de dessus, être un indicateur du statut social et être érotique et sensuel. Les sous-vêtements offrent une protection du corps qu’ils couvrent de deux manières. La couche supplémentaire agit comme un modérateur de température, assurant une chaleur supplémentaire et protégeant le corps du froid ou en gardant le corps plus frais. Ils permettent aussi de réduire les irritations et la chauffe dues aux tissus rêches. En même temps, les sous-vêtements protègent les vêtements du dessus des saletés et odeurs corporelles en proposant une couche hygiénique et facilement lavable. Changer fréquemment de dessous était un moyen d’avoir une hygiène personnelle lorsque prendre un bain n’était pas toujours possible ni courant. Les concepts de « propre » et « sale », d’« intérieur » et d’« extérieur » ont été essentiels pour attribuer leur rôle aux sous-vêtements dans l’enseignement (notamment religieux) de la moralité et du corps. À la notion de moralité est associée celle de pudeur. Le corps nu a souvent été jugé inacceptable, par conséquent les sous-vêtements ont agi comme un moyen de couvrir certaines parties et d’empêcher que le porteur de dessous et les spectateurs ne soient gênés. Alors que les sous-vêtements féminins ont souvent joué un rôle primordial dans la forme des vêtements du dessus, les sous-vêtements masculins y ont accordé beaucoup moins d’importance. Avant la fin du XIXe siècle, le rembourrage et la corseterie étaient utilisés par les hommes pour créer une forme de corps à la mode et idéale sous les couches supérieures. Bien que les dessous masculins passent principalement inaperçus, certaines parties sont visibles, le tissu apparent ainsi que sa propreté étaient utilisés comme indicateur de classe sociale. Historiquement, la lingerie masculine n’était pas considérée comme érotique ou sensuelle, comme c’est le cas pour les sous-vêtements féminins. Néanmoins, en s’appuyant sur la théorie des changements des zones érogènes de James Lavers, historien des costumes britannique, Valerie Steele a conclu que la sexualité masculine résidait dans les parties génitales.[10] Les sous-vêtements masculins peuvent, donc, être vus comme le reflet et la mise en valeur de la sexualité et de la sensualité, notamment lorsqu’on prend en compte l’idée que la dissimulation a un rôle à jouer dans l’érotisme des vêtements : attirer l’attention sur ce que cachent ces vêtements. La lingerie masculine et sa représentation croissante publique des corps masculins vêtus de sous-vêtements ont joué un rôle dans l’attirance et l’attraction sexuelles, garantissant que les dessous masculins n’étaient pas uniquement appréciés par le porteur.

L’histoire des écrits et des documents sur les sous-vêtements masculins a vu ses sujets changer au cours de ces cinquante dernières années. Au départ, ils étaient étudiés dans le cadre de l’histoire des costumes, comme dans l’œuvre de C. Willet et Phillis Cunnington : The History of Underclothes, rédigée en 1951 et dans Socks and Stockings de Jeremy Farrell, en 1992 (tous deux cruciaux pour les recherches relatives au présent ouvrage). Or, au cours de ces dernières années, l’approche a quelque peu évolué pour s’intéresser davantage aux études sociales avec une analyse beaucoup plus complète et importante des vêtements et leurs contextes socioculturels, dont la présentation et le merchandising des sous-vêtements masculins. Par conséquent, l’histoire des dessous masculins peut être qualifiée, comme l’a noté Richard Martin, comme « progression de la technologie, de l’invention et de la définition culturelle ».[11]

Le présent ouvrage couvre tous les types de vêtements qui, à un moment donné, ont été considérés comme sous-vêtements, dont certains, telles les chaussettes et la bonneterie, sont souvent exclus de l’histoire des dessous. Ce livre se concentre principalement sur les sous-vêtements des pays occidentaux, mais traite également des sous-vêtements des autres régions lorsque cela est opportun. Au fil de l’histoire des sous-vêtements, certains habits dont les chemises, les gilets et les t-shirts, sont remontés à la surface et sont devenus des vêtements de dessus. D’autres vêtements ont suivi le chemin inverse, comme la culotte, qui a été dissimulée par des tuniques et est devenue un sous-vêtement. Cette indécision dans les couches de vêtements a eu une influence sur le nom de certains d’entre eux. L’habillement évoluant, leurs propriétés changent en devenant plus petits et en adoptant un nom plus court également, ce qui, par exemple, a été le cas en anglais pour les pantalons (pantaloons) homme du début du XIXe siècle qui sont devenus des culottes (pants). Les quatre premiers chapitres de cet ouvrage sont un panorama chronologique de l’évolution des sous-vêtements masculins, traitant également des changements stylistiques des vêtements, et abordent les problèmes comme les innovations technologiques, l’identité masculine, le genre et la sexualité. Le cinquième chapitre offre une approche similaire tout en étant consacré à l’évolution de la bonneterie et des chaussettes homme. Le dernier chapitre adopte une approche thématique et s’attarde sur la publicité et les façons dont sont promus et vendus les sous-vêtements masculins depuis le début du XXe siècle.

Albrecht Dürer, Adam et Ève, 1507. Huile sur panneau, 209 x 81 cm et 209 cm x 80 cm. Museo Nacional del Prado, Madrid.

I. Une Fondation solide

On dit que le tout premier sous-vêtement était la feuille de vigne, mais cela ne peut être vrai que si l’on considère le monde avec la notion de judéo-christianisme et que l’on croit qu’Adam a été le premier homme à s’habiller. Et si on admet que la feuille de vigne est bien le premier sous-vêtement, alors elle aurait dû être portée sous une autre couche, peut-être sous une feuille de vigne plus grande ! Par conséquent, il est plus judicieux de dire que le pagne, dans toutes ses formes, était le précurseur des sous-vêtements masculins. Le besoin de protéger ses parties génitales de la chaleur, du froid et de la violence a donné naissance à un vêtement simple qui couvrirait les parties génitales, et la principale évolution des dessous masculins a été dictée par la protection et le confort des parties intimes. Aucune notion de couture n’était nécessaire à la confection d’un vêtement à la forme simple et de n’importe quelle matière pouvant être enfilé par les deux jambes et tenant à la taille. Le pagne, développé dans de nombreuses régions dont la Malaisie, la Polynésie, l’Asie du Sud-Est et les Amériques, ainsi que la forme simple de tels vêtements, ont fait qu’ils ont été portés dans diverses parties du monde jusqu’aux temps modernes. Les Indiens d’Inde étaient le seul peuple indo-européen qui a toujours, de manière traditionnelle, porté un pagne. Le sous-vêtement homme chinois traditionnel a toujours été une version coupée-cousue du pagne, une culotte ressemblant à une couche avec deux pans croisés, attachés devant. Les sous-vêtements masculins des pays occidentaux sont, dans l’ensemble, des vêtements coupés puis cousus, et ce depuis le Moyen Âge.

En fait, il existe très peu d’exemples du début de l’histoire de l’homme démontrant et témoignant l’évolution des sous-vêtements masculins. En Égypte, en l’an 1352 avant J.-C., le jeune pharaon Toutankhamon a été enterré avec 144 pagnes enveloppés par lots de 12. Chaque pagne était en forme de triangle isocèle de lin tissé à la main avec des ficelles à serrer autour de la taille. La pointe du triangle pendant à l’arrière était ramenée vers l’avant en étant passée entre les jambes et coincée dans les ficelles situées à l’avant.[12] Mais ces pagnes ont aussi pu être utilisés comme unique habit et non comme sous-vêtement. À côté du corps gelé d’un homme ayant vécu vers 3 300 avant J.-C. et qui a été découvert en 1991 par des randonneurs dans les Alpes tyroliennes, on a trouvé des bouts de vêtements, dont un pagne fait de ficelles de cuir cousues entre elles avec un nerf. Ce pagne ainsi que le pantalon en patchwork de cuir semblaient tenir avec une ceinture en cuir.[13] Dans de nombreuses tribus d’Indiens d’Amérique du Nord, les hommes portaient des pantalons et des pagnes en cuir similaires jusqu’au début du XXe siècle. Les Romains de Bretagne portaient des sous-vêtements, et ils étaient suffisamment importants pour être envoyés à un soldat romain posté dans le Nord-Est de l’Angleterre entre 90 et 120 après J.-C. Dans une des lettres connues sous le nom de tablettes de Vindolanda (d’après le nom du fort romain où elles ont été trouvées), était dressée une liste des vêtements envoyés de Gaule et incluait des chaussettes et deux slips : « Paria udonum ab Sattua solearum duo et subligariorum duo. »[14] Vers la même époque, le sénateur et historien de l’Empire romain, Tacite, a noté que les « tribus sauvages » de Germanie voyaient « une marque de grande richesse dans le port de sous-vêtements ».[15] Dans le cadre de leur étude de 1951, intitulée, The History of Underclothes, C. Willett et Phillis Cunnington reconnaissent que la majorité des sous-vêtements masculins ou documents sur ces derniers, disponibles pour leur étude, indiquaient qu’ils étaient portés par la haute société ou la haute bourgeoisie ou qu’ils faisaient référence à ces deux classes sociales et qu’il existait peu d’écrits sur les sous-vêtements de la classe ouvrière jusqu’au début du XXe siècle.

Piero della Francesca, Saint Sébastien, polyptyque de la Miséricorde (détail), 1445-1462. Huile sur panneau, 109 x 45 cm. Museo Civico, Sansepolcro.

Les Sous-Vêtements médiévaux

Avant et sous le Moyen Âge, les sous-vêtements étaient purement utiles : leur double mission consistait à protéger la peau des tissus irritants des vêtements de dessus et à protéger ses vêtements des salissures corporelles. Des couches supplémentaires étaient non seulement bien appréciées pour leur chaleur mais aussi pour la protection qu’elles apportaient aux vêtements de dessus, généralement plus chers : les sous-vêtements permettaient de les garder propres en formant une barrière contre la chaleur et l’humidité du corps, et par conséquent de la saleté. Les souillures et odeurs provenant du contact direct avec le corps étaient régulièrement nettoyées. Ce besoin de sous-vêtements protecteurs au sein de la haute société s’accentuait alors que se développaient des vêtements de dessus plus finement tissés. Cette couche protégeait aussi la peau des riches de l’abrasivité du brocart (tissu de soie tissé avec du fil de métal) et de l’irritation des fibres en laine et des doublures en fourrure.

Les dessous masculins se composaient de deux vêtements : la chemise pour la partie supérieure du corps et les « braies » ou « chausses » pour la partie inférieure. L’auteur et poète anglais, Geoffrey Chaucer, a décrit ces vêtements dans The Rime of Sire Tophas, extrait de ses Contes de Canterbury :

« Il mit contre sa peau blanche

« Un tissu de lin fin et clair

« Des braies et aussi une chemise »[16]

La chemise, dont les diverses formes étaient portées par les deux sexes, était l’unique vêtement porté de manière continue, jusqu’à il y a encore une centaine d’années, directement sur la peau. Elle a également conservé sa forme basique à travers son histoire. À cette époque, elle était créée de façon simple avec un pan avant et un pan arrière reliés entre eux par une couture au-dessus des épaules et sur les côtés, avec une encolure assez grande pour y passer la tête et deux manches courtes coupées de manière simple et droite. La longueur de la chemise, au cours de cette période, a changé, pouvant à différents moments s’arrêter au niveau de la hanche ou descendre jusqu’aux genoux (ou n’importe où entre les deux). Le tissu utilisé dépendait de la classe sociale de celui qui portait le vêtement ; principalement composée de laine ou de chanvre, la chemise pouvait aussi, pour les riches, être de soie. Le statut des rangs les plus élevés était ensuite indiqué à l’aide des broderies utilisées au niveau du cou et des poignets. Vers la fin du XVe siècle, les larges plis de lin fin des hommes riches pouvaient être gonflés et montrés entre le bas du pourpoint et le haut-de-chausses.

Les braies étaient, en réalité, des vêtements de dessus avant de devenir de vrais sous-vêtements au milieu du XIIe siècle, lorsqu’on portait une tunique les dissimulant largement. À ce moment-là, la majorité des braies étaient constituées de larges jambes descendant jusqu’au milieu du mollet et se fermaient autour de la taille avec une « braiel », qui était une ficelle ou une espèce de ceinture. Au fil du siècle, le fond des braies est devenu plus ample et les jambes plus courtes, se transformant en longs bas qui étaient attachés à la ceinture des braies avec un cordon. Durant le siècle suivant, la longueur a évolué, s’arrêtant entre les genoux et les chevilles, mais avec une tendance à raccourcir au fil des ans. Au XIVe siècle, les braies sont devenues plus courtes et la taille plus basse sur les hanches. Les braies non seulement étaient plus courtes mais elles devenaient également plus serrées avant de devenir, au début du XVe siècle, un peu plus qu’un pagne et de ressembler à un maillot de bain moderne, vers la fin du siècle. Le port des braies ou de la culotte, étant de plus en plus reconnu, était considéré comme un signe de bonne manière et de civilisation. Dans le quatrième livre de ses Chroniques, le chroniqueur français, Jean Froissart décrit comment il a « guéri » les Irlandais de leurs « nombreuses habitudes grossières et inconvenantes » notamment en remédiant au fait qu’ils ne portaient pas de culotte, en parvenant à avoir une « grande quantité de sous-vêtements fabriqués en lin, et de les envoyer à leur roi et ses domestiques »[17] et leur apprenant à les porter.

L’Histoire d’Alexandre le Grand. Manuscrit enluminé, xve siècle. Musée du Petit Palais, Paris.

Propreté et moralité

Nikky-Guninder Kaur Singh estime que « les vêtements couvrant les parties intimes du corps ont à peine fait partie du discours religieux ».[18] Cependant, les décisions concernant les sous-vêtements ont été dictées par de nombreux enseignements religieux et codes de conduite. Au Moyen Âge, les sous-vêtements étaient portés par quelques ordres religieux, mais pas par tous. Dans De officiis (Des Obligations du clergé), écrit vers 391, saint Ambroise parle de la pudeur en rapport avec les parties du corps observant que la nature « nous a appris et persuadé de les couvrir ». Il recommande de porter un pagne ou une culotte lors des services cléricaux ou dans le bain, « en vue de gouverner la pudeur et de préserver la chasteté » afin de respecter les décisions de la Bible : « Comme le Seigneur a dit à Moïse : « Tu leur feras des braies de lin pour couvrir ce qui fait honte à la pudeur. Ils iront depuis les reins jusqu’aux cuisses et Aaron et ses fils en auront quand ils entreront dans la tente de l’alliance, et lorsqu’ils s’approcheront de l’autel du Saint pour offrir le sacrifice, et ils ne se chargeront pas d’un péché, de peur qu’ils ne meurent. »[19] Par exemple, les Cisterciens n’étaient pas autorisés à porter de sous-vêtements tandis que les moines bénédictins de Cluny, en France, portaient des culottes de lin, comme des laïcs, et chaque moine avait deux braies ainsi que d’autres vêtements comme deux capuchons, deux robes, deux tuniques et cinq paires de chaussettes. Au Moyen Âge, les sous-vêtements étaient associés au corps et à l’idée que le corps était immoral et avait besoin d’une discipline constante, comme le port d’une haire. Les sous-vêtements symbolisaient aussi l’humilité : les pèlerins, comme le comte de Joinville qui « [était parti en pèlerinage] nu-pieds dans sa chemise »,[20] pratiquaient une forme d’auto-avilissement en apparaissant vêtus uniquement de leurs sous-vêtements. Cette pratique n’était pas loin de celle forçant à apparaître en public en sous-vêtement en termes de punition. En 1347, les bourgeois de Calais se sont vu ordonner par le roi anglais Édouard III de se rendre en ne portant que leur chemise.

Pieter Aertsen, Le Repas des paysans, années 1560. Huile sur bois, 142,3 x 198 cm. Anvers.

L’importance des concepts binaires de la propreté et de la saleté et de leur association avec la différenciation de « intérieur » et « extérieur » en termes d’identité et de corps a joué un rôle important dans la façon par laquelle les sous-vêtements étaient considérés dans de nombreux enseignements religieux et culturels jusqu’au XIIe siècle. Les communautés de voyageurs irlandais, par exemple, avaient pour ordre que les « vêtements de dessus ne soient pas mélangés avec les sous-vêtements ».[21] Ainsi les traces de saletés que le corps avait rejetées étaient séparées de la saleté accumulée par l’extérieur du corps, et ce même dans le processus de nettoyage des vêtements. Chez les hommes juifs orthodoxes et hassidiques, le tallit katan (forme de sous-chemise à franges ou tzitzi) est porté sous la chemise, mais sur une surchemise de sorte qu’il ne touche pas la peau, comme le préconise le commandement biblique, « dis-leur qu’ils se fassent, de génération en génération, une frange au bord de leurs vêtements, et qu’ils mettent un cordon bleu sur cette frange du bord de leurs vêtements ».[22] Il en est de même chez les Hindous qui portent un Yajñopavitam, ou fil sacré sous leur vêtement comme preuve qu’ils sont passés par la cérémonie d’Upanayana, rite marquant le début de l’éducation religieuse formelle d’un garçon. Le Yajñopavitam est posé sur l’épaule de gauche et enveloppe le corps pour retomber sous le bras droit.

Durant cette période, les vêtements des riches et des classes les plus populaires étaient identiques de par leur style mais les tissus utilisés étaient différents, tout comme les détails et les ornements. Les vêtements et sous-vêtements en laine et en lin étaient portés par toutes les classes, mais l’aristocratie portait également de la soie bien plus chère. Les rapports de la garde-robe datant de 1344-1345 du roi Édouard III montrent que ce dernier et sa famille étaient bien approvisionnés en sous-vêtements, créés par un membre de la famille royale à partir de métrages de lin fournis par le tailleur de la cour.[23] L’historienne Virginia Smith a soutenu le fait que l’évolution des sous-vêtements qui pouvaient « coincer les évacuations du corps dans une couche au-dessus de la peau, permettant une décomposition bactérienne fétide d’avoir lieu » était « indépendante de l’économie, de l’Église, de l’éducation, et des bains, plus grande différence singulière dans le régime physique de l’hygiène personnelle médiévale. »[24] Les niveaux d’hygiène et de propreté étaient plus importants au sein des couches supérieures de la société, et les règles d’hospitalité voulaient que les voyageurs se voient proposer des installations leur permettant de se laver ainsi que du linge propre, au même titre qu’un lit et qu’un repas. Le sociologue et historien français, Georges Vigarello, a décrit comment, au Moyen Âge, la peau « était considérée comme perméable » et que les sous-vêtements en lin étaient portés presque comme une seconde peau dans le but d’absorber les sécrétions corporelles et celles des parasites vivant habituellement sur le corps.[25] À cet égard, les sous-vêtements étaient lavés plus fréquemment que les vêtements de dessus, créant les habitudes d’organisation et de signification de la lessive qui existe encore aujourd’hui. S’inspirant de la pensée de Vigarello, la sociologue Elizabeth Shove fait part du rôle de la chemise comme « objet barrière » formant un rempart protecteur entre les « vêtements de dessus » socialement significatifs et le « corps socialement anonyme ».[26] Le lavage était effectué par le porteur lui-même, dans les classes populaires. En 1499, un étudiant allemand du nom de Thomas Platter « avait pour habitude d’aller laver sa chemise sur les rives de l’Oder… et pendant qu’elle séchait, il nettoyait ses vêtements ». Au sein de l’aristocratie et de la royauté, cette tâche était assignée à un lavandier attitré. Selon les rapports de la cour anglaise du roi Édouard IV, une somme d’argent était régulièrement donnée à « l’homme lavandier » afin d’acquérir des fleurs et racines raffinées permettant aux robes et aux draps du roi d’avoir une odeur plus saine et délectable.[27]

Pieter Bruegel l’Ancien, La Danse de la mariée, 1566. Huile sur bois, 119,3 x 157,5 cm. The Detroit Institute of Art, Detroit.

Les Chemises 1500-1603

Jusqu’aux alentours de 1510, les chemises étaient grossièrement coupées et avaient une encolure carrée, leur permettant d’être enfilées par la tête. Au sein des classes les plus aisées, les bandes situées au niveau de l’encolure et des poignets étaient brodées pour indiquer la richesse et le statut social. En plus d’être un signe évocateur de richesse, ces broderies renforçaient les zones exposées de la chemise et masquaient les salissures. À compter de 1510, ces broderies décoratives sont remplacées par des ornements en dentelle ou par un petit jabot. La dentelle était un accessoire très prisé mais onéreux, par conséquent, lorsqu’elle était présente, elle était ostensiblement affichée. Au fil du siècle, l’encolure des chemises devient plus haute et le jabot une fraise. Fabriquées à partir de « batiste, de toile de Hollande, de linon et du tissu le plus fin qu’on puisse avoir »[28], elles étaient raidies à l’amidon de sorte qu’elles sortent du cou. Les chemises des hommes (ou des gentilshommes) continuent d’exprimer le rang social. En Angleterre, une loi somptuaire, introduite en 1533, autorise uniquement les hommes d’un rang supérieur à celui de chevalier à porter des « chemises tressées ou des chemises ornées de soie, d’or et d’argent ».[29] Après la Réforme du début du XVIe siècle, et en raison de la montée du puritanisme, il y a une réaction brutale contre ce genre d’excès dans l’habillement. En revanche, au cours de la deuxième moitié de ce siècle, il était de nouveau à la mode d’exposer sa chemise qui pouvait être sortie du pourpoint. Le lin blanc devient de plus en plus la marque des courtisans, et selon Vigarello, à la fin du XVIe siècle, changer de chemise chaque jour devient banal pour les hommes de la cour française, et il est « suffisant de toujours avoir du beau lin bien blanc ».[30] Le changement progressif dans la conception de la chemise a influencé les attitudes quant à la masculinité. La coupe horizontale basse de l’encolure du début du siècle laisse voir le haut de la poitrine et souligne la carrure du porteur. Au cours du siècle, l’encolure est plus haute mettant moins en valeur les épaules, et c’est alors la braguette qui symbolise la masculinité.

Chemise de nuit de soie brodée, 1581-1590. Museum of London, Londres.

Chemise de nuit de soie brodée (détail), 1581-1590. Museum of London, Londres.

La Braguette

Contrairement aux femmes, avec leurs vertugadins à cerceaux (à partir de 1468), leurs « hausse-culs » à compter des années 1580, les vertugadins (cerceaux situés au niveau de la hanche pour relever la robe) et les corsets (corsages à baleine pour compresser l’estomac), les hommes ont peu de structures artificielles à ajouter à leurs sous-vêtements. La braguette est l’un des objets qui a donné davantage d’importance au rembourrage. Apparue pour la première fois vers la fin du XIVe siècle, la braguette (dont le nom provient d’un terme archaïque pour scrotum, et connu sous le nom de « bragetto » en italien ou de « braguette » en français) était au départ une pièce purement pratique et utile couvrant l’ouverture de la chausse. Elle était légèrement rembourrée pour mieux protéger les parties sensibles. La braguette était attachée à la chausse et à la carmagnole ou au pourpoint à l’aide d’aiguilles. Parfois travaillées sur une base en cuir, les braguettes ont de plus en plus joué un rôle décoratif, en devenant de plus en plus grande jusqu’à atteindre des dimensions quasi ridicules et peu naturelles. Une braguette en métal doublée est même devenue une pièce maîtresse de l’armure. Le médecin et moine catholique du XVIe siècle, François Rabelais, a consacré plusieurs passages de La Vie de Gargantua et de Pantagruel (1532) aux braguettes ; l’un d’eux s’intitule « Comment la braguette est première pièce de harnais entre gens de guerre ». Ces passages mettent, avec humour, l’accent sur la taille de ces braguettes : « Panurge voulut que la braguette de ses chausses feust longue de troys pieds, & quarrée non pas ronde, ce que feut faict, & la faisoit bon veoir. Et disoit souvent, que le monde n’avoit point encores congneu l’esmolument et utilité qui est de porter grande braguette, mais le temps leur enseigneroit quelque iour, comme toutes choses ont esté inventées en temps. »[31] Alors que les sous-vêtements cachent de manière « invisible », les braguettes attirent l’attention sur les parties génitales et sont souvent très décorées. Leur vocation principale n’était pas d’être une invitation sexuelle lancée aux femmes, mais un avertissement agressif et tape-à-l’œil envoyé à la gent masculine. Son importance avait plus à voir avec la puissance sociale, temporelle et territoriale qu’avec les prouesses sexuelles. Elle devient très populaire dans toute l’Europe, où l’intérêt que portaient les hommes à vouloir projeter une image de puissance est très vif. Le dramaturge anglais, William Shakespeare, a souligné l’importance de la braguette en tant qu’élément essentiel dans l’habillement des hommes dans sa pièce Les Deux Gentilshommes de Vérone. Lucetta, confectionnant un costume homme pour que Julia se déguise : « Vous avez besoin d’une braguette, madame. Une culotte rebondie ne vaut rien de nos jours, à moins d’avoir une braguette. »[32] La braguette présente aussi des côtés pratiques comme une poche dans laquelle les hommes transportent leurs clefs, leurs pièces et un mouchoir. En raison de la popularité croissante des braguettes parmi ses compatriotes, le pamphlétaire anglais Philip Stubb[e]s les accuse alors d’être « empoisonnés par l’arsenic de la fierté ». Enguerrand de Monstrelet, chroniqueur de l’Europe des XVe et XVIe siècles, se plaint que les cuissardes et les nouvelles culottes et chausses (rendues populaires par le grand-duc de Bourgogne Philippe III) accordent trop d’importance au membre masculin et condamnent le port des braguettes.

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