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Les Princes de Santerre 1 : Premier mal
Les Princes de Santerre 1 : Premier mal
Les Princes de Santerre 1 : Premier mal
Livre électronique414 pages5 heures

Les Princes de Santerre 1 : Premier mal

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À propos de ce livre électronique

Deux frères que tout unit, car ils sont jumeaux et Marqués-du-destin par Vorgrar, le plus puissant des six membres de la Race Ancestrale, Deux frères que tout oppose, car l'un élevé par son père, le Grand Seigneur Alisan, et l'autre par sa mère, originaire du Pays se Santerre. C'est en eux que se précisent les deux Pensées, celles qu'on nomme le Bien et le Mal. Ils deviendront des adversaires, qui s'aiment autant qu'ils se haïssent. De l'issue de leur affrontement dépendra l'avenir de tous les peuples du Monde d'Ici.Tome 1 : Premier MalTandis que Vorgrar tourne le dos à ses froeurs, les énénements se précipitent à Saur-Almeth, la flamboyante cité Alisane. Le Grand Seigneur Mithris Sauragon découvre que son épouse s'est enfuie en emmenant un de ses fils en Pays de Santerre. Une poursuite sans pitié s'engage tandis que le second fils reste auprès de son père, convoitant son pouvoir, première étape qu'il doit franchir afin de dominer le Monde d'Ici. Inexorablement, les Races Anciennes, les Races Premières et Moyen Peuple seront entraînés dans le Premier Mal.
LangueFrançais
ÉditeurDe Mortagne
Date de sortie23 août 2011
ISBN9782896621033
Les Princes de Santerre 1 : Premier mal

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    Aperçu du livre

    Les Princes de Santerre 1 - Luc Saint-Hilaire

    Données de catalogage avant publication (Canada)

    Saint-Hilaire, Luc

    Les Princes de Santerre

    Sommaire : t. 1. Premier Mal.

    ISBN 978-2-89662-103-3 (v. 1)

    I. Titre. II. Titre : Premier Mal.

    PPS8613.O79P74 2008

    C843’.6

    C2007-941415-X

    PPS9613.O79P74 2008

    Édition

    Les Éditions de Mortagne

    Case postale 116

    Boucherville (Québec)

    J4B 5E6

    Distribution

    Tél. : 450 641-2387

    Téléc. : 450 655-6092

    Courriel : info@editionsdemortagne.com

    Aspects visuels

    Conception de l’auteur

    Illustration de la couverture : Carl Pelletier

    Dessins des cartes : François St-Hilaire

    Signature de la série et graphisme des cartes : Roger Camirand

    Conversion numérique

    Mathieu Giguère, www.studioC1C4.com

    Tous droits réservés

    Les Éditions de Mortagne

    © Ottawa 2008

    Dépôt légal

    Bibliothèque nationale du Canada

    Bibliothèque nationale du Québec

    Bibliothèque Nationale de France

    3e trimestre 2008

    ISBN : 978-2-89662-103-3

    1 2 3 4 5 — 08 — 12 11 10 09 08

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) et celle du gouvernement du Québec par l’entremise de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour nos activités d’édition. Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)

    Luc Saint-Hilaire

    Tome 1

    Premier Mal

    Du même auteur

    Les Histoires du Pays de Santerre

    L’Eldnade

    1. Ardahel le Santerrian

    2. Loruel l’Héritier

    3. Eldwen la Désignée

    4. Vorgrar l’Esprit Mauvais

    À la mémoire de mon père,

    homme de douceur, de justice et d’engagement

    Remerciements

    Je veux remercier tellement de gens que j’ai peur d’en oublier. Voici donc, de façon bien incomplète assurément, quelques personnes dont l’apport est si apprécié.

    D’abord, je tiens à exprimer ma reconnaissance à chaque lecteur qui me fait l’honneur de m’accompagner en Pays de Santerre. Je souhaite vous entraîner dans un voyage fantastique.

    Aussi, Hélène, mon épouse, qui facilite à sa manière mes incessants voyages en Monde d’Ici. Monique, ma grande sœur, qui assume le rôle ingrat de première lectrice et de critique. François, mon fils aîné, qui fait les dessins finaux de mes cartes, traçant patiemment et habilement arbres, montagnes et rivages du Monde d’Ici. Roger, confrère de pub et néanmoins ami, brillant concepteur visuel à qui je dois de voir mes brouillons devenir dignes d’être présentés aux lecteurs. L’équipe des Éditions de Mortagne que je salue en bloc (et « Y », dictionnaire des synonymes en main), chacune et chacun m’étant si précieux par leur enthousiasme et leur complicité.

    Amicalement,

    Luc

    … Dans ce monde que ses habitants nomment tout simplement le Monde d’Ici, je crus d’abord qu’il n’y régnait qu’une seule conscience. Celle qui dirigeait les pensées, les paroles et les actes des Races Anciennes, des Races Premières et du Moyen Peuple.

    Puis je constatai qu’un peuple était guidé autrement. Celui qui présidait à son épanouissement engendra une Pensée différente. Il indiqua une autre voie à ceux qu’il aimait. Il voulut qu’elle s’inscrive dans les esprits et les cœurs de tous les autres peuples qui vivent en ce Monde.

    Les Pensées s’affrontèrent.

    Les Races se tournèrent le dos.

    Les Peuples levèrent les armes.

    Les Familles se disloquèrent.

    Les Frères s’opposèrent.

    Heureusement, le Dieu de tous les Mondes de l’Univers ne demeura pas insensible. Dans leur liberté, il leur offrit des Guides pour retrouver sa Pensée Bienveillante…

    Gouand

    Présentation des cartes de Gouand

    Les trois cartes qui suivent ont été réalisées par Gouand afin d’aider le lecteur à se situer au fil du récit.

    Le Monde d’Ici

    Cette carte illustre les Terres connues par les marins du Moyen Peuple. Le Monde d’Ici est alors représenté depuis la Terre Cahan au Levant jusqu’à la Terre Abal au Couchant, et des Terres Blanches à la Mi-Jour aux Terres de Glace à la Mi-Nuit. Au-delà, il n’y a que des îles ou des landes désertiques et inexplorées. Le continent du Lentremers occupe une place centrale puisqu’il s’agit des lieux les plus importants, ceux d’où sont issues toutes les Races des terres connues. Mentionnons que l’orientation se fait en référence aux quatre points cardinaux reliés au mouvement du soleil, soit le Levant, la Mi-Jour, le Couchant et la Mi-Nuit.

    Les Terres du Lentremers

    Gouand a tracé des cartes illustrant différents moments de l’histoire du Lentremers, le continent le plus important du Monde d’Ici, puisque tous les peuples en sont originaires. Chaque document permet de constater les changements les plus importants. La carte présentée dans ce tome correspond à l’époque de gloire du Grand Seigneur Alisan Mithris Sauragon.

    Le Pays de Santerre

    Terre d’accueil de Gouand, le plus puissant et le plus important des états situés au Couchant du Lentremers, le Pays de Santerre est en fait une confédération de quatre régions, à la fois distinctes et interdépendantes. À l’époque du Roi Alahid, le pouvoir central s’exerçait depuis la Région de la Baie. La carte présentée ici date de cette époque.

    Avant-propos

    Vouloir situer le Monde d’Ici s’avère à la fois facile et impossible. Gouand, troubadour, jongleur, diseur et chantre du Moyen Peuple, a rédigé moult récits qu’il assembla en des livres fort instructifs. Il eut accès à des cartes très précises qu’il recopia minutieusement, illustrant les régions connues des marins, depuis la Terre Abal jusqu’à la Terre Cahan. Ses documents permettent aussi de constater l’évolution du Lentremers, le plus important continent, ainsi que du Pays de Santerre où il élut domicile durant son séjour en Monde d’Ici. Donc, rien n’est plus simple que de situer les lieux qu’il connaissait alors qu’il entreprit de transcrire la tradition orale des Gens du Moyen Peuple. Toutefois, il s’avère utopique de situer Santerre par rapport à nous puisque Gouand ne donna aucun point de repère sur les Mondes d’Ailleurs, cela autant en ce qui concerne les endroits que les époques.

    Et Gouand lui-même, qui est-il vraiment ? Bien malin celui qui pourrait affirmer quoi que ce soit à son sujet. Il va et vient de par les Mondes de l’Univers, sage ou naïf, peut-être les deux à la fois, posant sur les gens et les événements un regard qui sait toujours s’émerveiller. C’est probablement, et même certainement, ce qui compte le plus. Qu’importe de savoir d’où il vient, vers où il se dirige. Diseur et jongleur tant avec les objets qu’avec les mots ou les idées, il ne demande qu’à raconter ses histoires à ceux qui savent encore s’ouvrir au féerique et se laisser emporter dans ses mondes magiques conçus pour charmer. Nous savons toutefois, grâce à un petit récit autobiographique, que Gouand possède le don des langues et qu’il peut ainsi converser aussi bien avec les Races Premières qu’avec des membres de la Race Ancestrale ou des Basses Races. Gouand rencontra maintes gens au cours de voyages qui lui permirent d’apprendre en détail les événements survenus dans le Monde d’Ici. Son désir de mettre tous les faits par écrit, d’en séparer le véridique de la légende et d’en faire un document à transmettre par tous les Mondes lui ouvrit même le fameux Vérécit méticuleusement tenu à jour en Augenterie. La profonde sincérité de Gouand apparaît si manifestement dans ses écrits qu’il n’y a aucune raison de douter que le troubadour ne se soit acquitté avec le plus grand sérieux de cette tâche.

    Les Histoires du Pays de Santerre

    Parmi les écrits de Gouand figurent les Histoires du Pays de Santerre qui sont, et cela, de son propre avis, ses plus belles chroniques. Bien qu’elles couvrent des événements ayant eu lieu par tout le Monde d’Ici, Gouand les intitula ainsi car ce fut le Pays de Santerre qui devint sa patrie d’adoption durant son séjour en ce monde. Il s’agit en fait d’une multitude d’histoires, contes ou poèmes de ce conteur prolifique qui décrivent la vie du Moyen Peuple, ses légendes, ses espoirs ainsi que toute l’histoire du Monde d’Ici. On trouve d’ailleurs à la fin du présent ouvrage quelques notes de Gouand à propos du Monde d’Ici. Celles-ci permettent de mieux situer les différentes races et les nombreux peuples qu’il a côtoyés lors de sa rédaction des Histoires du Pays de Santerre.

    En abordant ce récit, le lecteur doit se souvenir que le texte qu’il lit est une traduction de la langue du Moyen Peuple, fort différente de la nôtre. Les noms des gens ou les toponymes prennent donc une saveur nouvelle. Parfois, le lecteur trouvera des désignations qui traduisent le sens littéral, parfois ce sera le terme d’origine qui sera utilisé. Il faut se rappeler que tous les titres tels que Prince, Sage, Noble, Prétendant, Capitaine ou Gens s’utilisent indifféremment pour les hommes et pour les femmes. La langue du Moyen Peuple ne fait aucune distinction entre le féminin et le masculin. Que le lecteur note, en lisant des mots comme Roi ou Reine, que cette différenciation est apparue seulement à la traduction.

    D’autre part, les désignations comportent des nuances parfois très subtiles selon les circonstances et les interlocuteurs. Par exemple, « mi-jour » au masculin et écrit en minuscules signifie un moment de la journée, le midi, tandis que « Mi-Jour » au féminin et avec des majuscules désigne un point cardinal, le Sud. En outre, comme si la tâche de traduire les récits de Gouand n’était pas assez ardue, certains mots de la langue du Moyen Peuple n’ont aucun équivalent dans notre langage. Notons ainsi l’emploi du mot frœur qui s’applique seulement pour désigner les liens familiaux des membres de la Race Ancestrale, ceux-ci étant hermaphrodites. Ce texte-ci diffère légèrement de celui de Gouand, mais malgré tout, que le lecteur soit assuré que l’essence des récits de ce troubadour enchanteur ne fut aucunement altérée.

    Introduction aux Princes de Santerre

    L’œuvre de Gouand s’articule autour de deux récits majeurs dans l’histoire du Pays de Santerre : en premier lieu, le récit Les Princes de Santerre raconte l’origine du combat contre l’Esprit Mauvais, puis L’Eldnade en apporte la conclusion.

    Le présent livre est le premier tome des Princes de Santerre dont l’action se situe à l’époque de la scission entre Vorgrar et ses frœurs de la Race Ancestrale. Gouand nous plonge à l’origine même du Mal en Monde d’Ici, soit cinquante générations avant le récit de L’Eldnade.

    À ce moment de son histoire, le Roi Alahid dirige le Pays de Santerre après avoir uni les quatre grandes régions où vivent les Fretts, les Artans, les Baïhars et les Culters. Situé en Terres du Couchant, ce pays s’avère le plus important pour le Moyen Peuple, cette nouvelle race dont l’importance se dessine résolument. Par contre, la civilisation dominante est encore celle des Alisans, une Race Première qui occupe le centre du Lentremers. La cité de Saur-Almeth sur le Plateau des Alisans affiche d’ailleurs une opulence et une créativité sans précédent sur tous les plans.

    Il reste un dernier fait à souligner. Pour commencer ses histoires, Gouand utilise une formule bien connue de nous : Il était une fois… Si cette expression n’est pas reprise dans la traduction, c’est qu’il fallait amalgamer différents textes et inclure dans le récit certaines descriptions de pays ou de peuples que Gouand avait consignées ailleurs et que le lecteur devait connaître pour mieux suivre la présente chronique. Mais il aurait été dommage de passer ce détail sous silence, car il prouve que dans tous les Mondes de l’Univers, les récits merveilleux demeurent les mêmes, c’est-à-dire des moments privilégiés où l’esprit oublie la raison pour rêver à des histoires peut-être plus vraies que la réalité perçue par nos sens. Sait-on jamais…

    Alors donc : Il était une fois en Monde d’Ici…

    Ruptures

    1.

    — Vous ne comprenez pas la grandeur de mon œuvre, mes frœurs. De notre œuvre.

    — Au contraire, Orvak Shen Komi notre très cher frœur, toi qui fus notre Guide vénéré jusqu’à ce jour. Nous saisissons totalement la pensée qui t’anime désormais. En y adhérant, nous précipiterions le Monde d’Ici dans les tourments, les affrontements et la destruction au lieu de réaliser notre mission de sérénité.

    — Notre mission de perfection, répliqua fermement le Guide maintenant contesté par ses frœurs.

    Les six membres de la Race Ancestrale se tenaient au sommet d’une colline, isolés des regards qui auraient pu surprendre la scène impressionnante d’une rare réunion de ces êtres sublimes. Grands, magnifiques, leurs longs cheveux doucement gonflés par le vent, vêtus de longues tuniques toutes simples, mais aux riches teintes du rouge le plus vif au bleu le plus profond, tout en eux, tous leurs gestes, toutes leurs paroles, tout leur être exprimait un équilibre absolu. Chacun était masculin et féminin à la fois, doute et certitude, pouvoir et faiblesse, savoir et ignorance… Surtout, ils — ou elles — rayonnaient d’une beauté incomparable, digne des maîtres du destin des Races appelées à peupler le Monde d’Ici.

    Au loin s’élevait la majestueuse cité de Saur-Almeth dont les feux enchanteurs brillaient avec de plus en plus d’éclat, alors que la nuit enveloppait doucement le paysage de forêts opulentes et de plaines fertiles du Plateau des Alisans. Orvak Shen Komi désigna la ville avec fierté.

    — Les Alisans ne sont-ils pas la preuve que je sers pleinement les desseins de notre Maître ultime, notre Dieu créateur Elhuï ?

    Sans monter le ton, sans se départir du plus grand calme, les six membres de la Race Ancestrale s’affrontaient avec violence. D’un côté, Orvak Shen Komi, le chef spirituel et le Guide, celui à qui le dieu Elhuï avait confié la tâche de veiller à l’épanouissement du Monde d’Ici. En face de lui, ses cinq frœurs qui partageaient désormais une volonté commune de le contrer. Il flottait autour du petit groupe une atmosphère trouble, une certitude de colère retenue, un amalgame oppressant des sentiments exacerbés de chacun. Quelque chose d’irréconciliable s’était développé depuis déjà trop longtemps et le choc se produisait maintenant.

    Deuxième en puissance parmi les siens, Hunil Ahos Nuhel parlait au nom des autres.

    — Tu t’écartes du chemin que tu devais suivre. Au nom d’Elhuï et de la Race Ancestrale, je te retire tes pouvoirs d’enfantement des peuples du Monde d’Ici. Je te relève de tes responsabilités, de tes devoirs et de tes privilèges jusqu’au moment où ta réflexion t’aura fait comprendre et admettre tes erreurs. Pendant ce temps de pénitence, tu seras désigné sous le nom de Vorgrar, Celui-dont-la-pensée-est-différente. Nous espérons que cette période à l’écart sera courte et qu’après avoir retrouvé le juste chemin, tu nous rejoindras avec toute la grandeur, la bonté et la sagesse qui justifiaient notre admiration et notre obéissance envers toi.

    Orvak Shen Komi reçut chaque parole comme autant de coups douloureux. Il ne broncha pas, conservant en apparence un parfait contrôle de ses émotions, mais sa détresse emplit l’espace où se tenaient les membres de la Race Ancestrale. Puis l’affliction se transforma en un froid courroux.

    — Ainsi, je suis désormais Vorgrar, lança-t-il avec un mélange d’ironie et de défi dans la voix. Hypocrites, il y a longtemps que vous me nommez ainsi entre vous. Alors, sachez que j’assumerai pleinement ce nom. Je serai le seul vrai et le plus grand d’entre tous les serviteurs d’Elhuï pour conduire le Monde d’Ici à sa perfection.

    Celui qui agissait jusqu’à cet instant comme le Premier Guide de ce monde avait réuni ses frœurs dans l’espoir de les associer intimement à ses nouveaux projets. Pourtant, ils avaient choisi de l’écarter. Alors, Orvak Shen Komi décida qu’il poursuivrait seul sa tâche. Dès maintenant, il se rendrait dans la grande cité Alisane où le jeune Seigneur Mithris Sauragon et son épouse célébraient la naissance de leurs jumeaux. Là, pour la première fois, des enfants réunissaient en eux le passé d’une Race Première et l’avenir du Moyen Peuple. En effet, leur père était Alisan et leur mère du Pays de Santerre. La chair de leur chair était le fruit d’une formidable fusion entre la race préférée de Vorgrar et celle destinée par ses frœurs à dominer le Monde d’Ici. Alors, il veillerait sur le destin de ces êtres exceptionnels. Oui, quoiqu’en pensent les autres membres de la Race Ancestrale, il irait inscrire sa marque personnelle sur ces nouveaux-nés. Puis, comme ils deviendraient adultes, il formerait leur esprit afin qu’ils soient prêts à régner en maîtres d’un monde guidé par la perfection de sa Pensée.

    Vorgrar toisa ses cinq frœurs. Un instant, ceux-ci redoutèrent un déchaînement de l’immense puissance de leur ancien Guide. Finalement, il n’en fut rien et le Maître déchu s’éloigna d’un pas assuré en direction de Saur-Almeth, sans marquer la moindre hésitation, sans se retourner vers ceux de sa Race qu’il reniait définitivement.

    2.

    Le cœur du Plateau des Alisans offrait aux regards des plaines fertiles et des boisés de feuillus vigoureux. À perte de vue, le paysage se déroulait en douces vagues où, parfois, surgissaient quelques timides hauteurs aux flancs paisibles. Véritable joyau au centre de ce paysage magnifique, la Cité Alisane de Saur-Almeth était délimitée par sept de ces basses collines dont une plus importante au centre. C’était là, au-dessus de toutes les autres constructions, que s’élevait l’élégant palais des Mithris, cette famille qui comptait parmi les plus grandes du peuple Alisan et qui dominait la cité du pouvoir depuis déjà plusieurs générations. Depuis les hautes terrasses du bâtiment de marbre d’un blanc immaculé, on voyait les rues aux pavés de teintes criardes tracer des lignes multicolores à travers la blancheur des constructions parsemées des taches vertes d’une multitude de jardins suspendus. Les traits colorés menaient à des parcs aux arbres immenses, dispensateurs d’ombre et de fraîcheur, à des bassins d’eau fraîche agrémentés de fontaines complexes ainsi qu’à des places publiques grouillantes de gens, dont la couleur des vêtements affichait le rang dans la hiérarchie de Saur-Almeth.

    En public, les Alisans portaient des tuniques blanches. Les membres de leur maison, serviteurs et esclaves, portaient du jaune. Les natifs du Plateau des Alisans avaient le droit de se vêtir dans différentes teintes d’orangé, selon qu’ils étaient propriétaires d’un commerce, qu’ils étaient des artisans établis ou qu’ils participaient à l’administration de la cité. Les étrangers étaient tenus d’être couverts de vert ou de bleu selon qu’ils venaient pour le commerce ou pour d’autres motifs. Le violet, couleur hautement estimée à Saur-Almeth, était strictement réservé à ceux qui faisaient profession de maîtriser les sciences ou la magie. Les gens d’armes et d’autorité s’habillaient de noir. Enfin, ceux sans véritable statut, les esclaves et autres exclus de l’abondance de la cité allaient nus jusqu’à ce qu’un citoyen établi les prenne à son service et leur donne un vêtement.

    Une seule couleur était proscrite, le rouge, réservé au Guide des Alisans, ce personnage légendaire, le Créateur de la Race Alisane, vénéré comme un dieu. Mythique pour le peuple, visiteur imprévisible pour les Grands Seigneurs Alisans, le Guide se faisait connaître par cette désignation plutôt que sous son identité d’Orvak Shen Komi, membre de la Race Ancestrale, et encore moins sous le nom de Vorgrar qu’il portait depuis que ses frœurs lui avaient retiré son autorité absolue en Monde d’Ici.

    Héritier du pouvoir de la cité, cela faisait vingt et un ans que Mithris Sauragon, dit le Splendide, avait pris la relève de son père pour diriger Saur-Almeth. Il arrivait maintenant au second des trois âges adultes, celui de la maturité qui commence à quarante ans, après l’âge de l’énergie et avant celui de la sagesse. Vêtu en toute occasion de légères mais riches tuniques blanches, il impressionnait par sa prestance métissée de noblesse et d’assurance. Grand de taille, le corps fin et puissant à la fois, il portait très longs ses cheveux d’un blond clair qui encadraient un visage harmonieux aux pommettes saillantes, au menton volontaire et au nez fort. Ses yeux bleus brillaient toujours intensément, seuls témoins de l’ouragan de passion qui l’animait, mais qu’il domptait parfaitement en public, aussi bien qu’en privé, afin de montrer sans cesse une image de maîtrise absolue.

    Porteur du titre de Grand Seigneur Alisan qui lui donnait préséance sur tous les autres Nobles et Seigneurs, il imposait sa volonté avec autant d’intransigeance que de magnificence. Sous son impulsion, la cité était devenue encore plus riche et plus affairée, attirant non seulement les esprits alisans les plus créatifs des arts et de la science, mais aussi ceux des différents peuples du Lentremers. Dans leur sillage, les commerçants audacieux et les bâtisseurs habiles convergeaient vers ce bouillonnant creuset des intelligences et des talents.

    Habitué d’être respecté et de se faire obéir par tous ceux qui le côtoyaient, Mithris Sauragon tolérait difficilement que son épouse Delbiam lui tienne tête. Pire encore, elle déformait la pensée de leurs fils avec ses idées étranges qu’elle tenait de Sages du Pays de Santerre, cette lointaine contrée du Couchant d’où elle était arrivée avec son père commerçant. Elle avait alors tout juste dix-sept ans, de trois ans la cadette de Mithris Sauragon, d’une beauté renversante, d’un enthousiasme communicatif et d’une intelligence vive qui avaient séduit l’Alisan même si elle faisait partie des Basses Races, du Moyen Peuple en fait, et non des Races Premières. Aujourd’hui encore, tous admiraient son allure remarquable, son corps ferme et élancé, d’une grâce et d’une souplesse évoquant les grands félins, son visage d’un ovale parfait, ses traits fins, sa longue chevelure dont le noir faisait briller avec plus d’évidence ses yeux envoûtants qui passaient selon son humeur du vert de la forêt au bleu du ciel.

    Ce matin-là, une nouvelle querelle avait éclaté entre les époux. Comme d’habitude, l’Alisan maîtrisait parfaitement ses émotions, tandis que Delbiam réussissait tant bien que mal à en faire autant. Autoritaire, Mithris Sauragon dictait sa volonté comme à son habitude, posément et fermement, n’acceptant des autres que leur soumission.

    — Je pars pour huit ou neuf jours, dix au maximum, et Mithris Egohan vient avec moi. La prochaine fois, ce sera au tour de Mithris Santhair. Ainsi en ai-je décidé et ainsi il sera.

    — Tu n’as pas à leur imposer cela, répliqua Delbiam avec colère. Ce n’est pas à eux d’exercer cette domination que tu aimes tant !

    — Tu te trompes… comme d’habitude, fit l’Alisan avec condescendance. Tu sais à quel point je déteste ces tâches qui m’éloignent de mon laboratoire et de tous les grands savants qui œuvrent sous ma responsabilité. Il revient à nos fils de les assumer le plus tôt possible.

    Delbiam eut envie de répondre qu’elle n’accordait aucune réelle valeur aux recherches incessantes que la famille Mithris poursuivait depuis des générations. Elle se ravisa, préférant éviter ce sujet sensible pour son époux qui attendait impatiemment que les jumeaux prennent sa relève dans ses tâches administratives. Il pourrait dès lors se consacrer tout entier à ses savantes activités censées ajouter à l’œuvre familiale de Connaissance. Pour l’instant, il valait mieux s’en tenir à la raison même du voyage.

    — Ils sont encore trop jeunes pour aller contraindre les Nobles de la région à ton bon vouloir et prélever les impôts que tu exiges, plaida Delbiam.

    — Au contraire, affirma tranquillement Mithris Sauragon, ils le feront très bien, avec assurance et efficacité. Depuis leur naissance, je leur enseigne comment diriger les gens et un tel périple fait partie de leur apprentissage. De cette manière, ils apprendront leur rôle. Ils doivent être forts car ils sont les Marqués-du-Destin par…

    Delbiam perdit patience. Elle hurla presque son mépris pour les desseins de son époux.

    — Cesse de te raconter des histoires quant au destin de nos enfants. Ton Guide n’est qu’un rêveur malsain, un illuminé dont les idées sont nocives.

    — Tu te dois de respecter le Guide des Alisans, s’indigna Mithris Sauragon. Même si tu n’es pas de notre sang, tu lui dois la même vénération que nous.

    — C’est un esprit sombre et, toi, le Splendide que tout le monde craint, tu rampes devant lui comme une larve apeurée…

    Le geste fut aussi soudain que surprenant. Pour la première fois depuis qu’il était Grand Seigneur Alisan, Mithris Sauragon perdit le froid contrôle qu’il affichait en toutes circonstances. Pour la première fois depuis qu’il formait un couple avec Delbiam, il la frappa. La gifle fit un bruit sec. Elle marqua la joue de la femme de traits rouges et son cœur d’une blessure infinie, impardonnable.

    Un silence insupportable s’abattit sur le couple. Un silence définitif.

    3.

    Les frères Mithris se faisaient face, leurs armes brandies bien haut, prêtes à porter le coup décisif. Ils s’affrontaient, l’un souriant, affichant sa froide certitude de l’emporter, l’autre déjà résigné, tentant au mieux d’éviter l’humiliation de la défaite.

    Sans être des jumeaux totalement identiques, ils se ressemblaient naturellement beaucoup, tous deux grands de taille, le corps svelte et fort à la fois, le visage aux mêmes traits nobles et séduisants qui empruntaient également à chacun de leurs parents. De l’un, ils avaient le front haut et large, bien dégagé, les pommettes marquées et le menton rond, volontaire. À l’autre, ils devaient le nez droit et fin, au-dessus d’une bouche bien dessinée, et le visage plutôt ovale d’une belle symétrie. Toutefois, si leurs yeux brillaient d’une semblable intensité, le premier les avait bleus et l’autre bruns. Leur chevelure aussi les distinguait, Mithris Egohan ayant hérité de celle de son père alisan, longue, fine et blonde, tandis que celle de Mithris Santhair était d’un brun aux reflets roux qui provenait de son ascendance du Moyen Peuple. Par ailleurs, plus ils approchaient de l’âge adulte, plus il se dégageait des adolescents une différence qui prenait le pas sur leur ressemblance.

    Les deux frères s’affrontaient en plein soleil, au centre de la cour de sable blanc du quartier des gardes. Couverts de sueur, exténués par le maniement de leur lourde épée, ils serraient les dents en silence. Soudain, Mithris Egohan frappa avec force et précision, faisant tomber l’arme des mains de son adversaire, le laissant à sa merci. Leur entraîneur intervint, le ton exprimant son mécontentement envers son mauvais élève.

    — Tu vois, Mithris Santhair, jamais tu ne vaincras ton frère ainsi. Vous êtes de même force, de même habileté, et pourtant, il te manque la soif de gagner à tout prix. Alors que Mithris Egohan brûle de réussir en tout, toi, tu n’es qu’un insouciant… Désire la victoire par-dessus tout si tu espères l’arracher à ton rival !

    — Bah, fit le jeune homme en haussant les épaules. À quoi bon mettre tant d’énergie à maîtriser l’art des combats alors que nous ne nous battons jamais ?

    — C’est pourtant crucial, intervint son frère d’un ton convaincu, ne serait-ce que pour démontrer aux gens d’armes comme aux autres que nous leur sommes supérieurs en tout.

    Mithris Egohan évoquait la coutume des Alisans qui ne faisaient jamais métier des armes eux-mêmes, préférant engager des mercenaires des peuples voisins pour les tâches militaires ou pour le maintien de l’ordre. Les gardes, les soldats ou autres gens d’armes responsables de l’application de la loi et de la justice provenaient d’origines diverses, rarement des Races Premières et pratiquement toujours du Moyen Peuple. Ils étaient le plus souvent Darchais, Mauserans, Kahopiens, Haylabois, Borians, Sorvaks ou Kalardhins.

    L’entraîneur des jumeaux était un Darchais à la longue chevelure blonde mêlée de blanc et à la barbe de neige. La prétention de supériorité du jeune Mithris Egohan irrita l’homme de grande expérience. Sans laisser paraître son ressentiment, il mit abruptement fin à la séance.

    — Ce sera tout pour aujourd’hui. D’ailleurs, Mithris Egohan, tu dois rejoindre rapidement ton père. Vous partez dans peu de temps.

    Les jumeaux laissèrent tomber au sol leurs armes et leurs protections d’entraînement, confiant au Darchais la tâche de tout ranger. Ils se dirigèrent rapidement vers le palais, heureux de retrouver un peu d’ombre dans les luxuriants jardins intérieurs et des boissons fraîches pour se désaltérer. Mithris Egohan en profita pour passer le bras sur l’épaule de son frère et lui faire doucement la leçon.

    — Écoute Santhair, tu dois offrir meilleure figure au combat ! Tu n’ignores pas que l’entraîneur rapporte tout à notre père. Tu sais à quel point il tient à ce que nous excellions en tout, tant des habiletés de l’esprit que celles du corps.

    — Je n’ai aucun plaisir à me battre, moi ! Et puis, j’en ai assez de toujours me plier aux volontés de notre père ! Nous serons bientôt officiellement adultes. Alors, je ferai selon ce que je pense juste et non comme lui l’entend ! Joue ton rôle d’enfant soumis si tu le veux, moi je n’aspire aucunement à diriger Saur-Almeth. Du moins, pas à la manière de la grande lignée Mithris…

    — Voilà encore les idées étranges de notre mère qui te font contester les enseignements de notre Guide Suprême.

    Mithris Egohan ouvrit sa chemise d’une main et celle de son frère de l’autre, dévoilant les tatouages qu’ils portaient près du cœur. En les désignant, il poursuivit avec sérieux.

    — N’oublie pas qui

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