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Le LE REGNE FINAL
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Livre électronique622 pages4 heures

Le LE REGNE FINAL

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À propos de ce livre électronique

Bien que Le Sommet Obscur soit affaibli par l’armée du roi, les rebelles ne perdent pas l’espoir d’un monde meilleur. La résistance est prête à tout pour reconquérir sa liberté, même si cela signifie de tout sacrifier.

Dans cet ultime volet de la trilogie, Victoria et Ethan, enfin réunis, doivent affronter leurs démons pour tourner la page de leur passé et réussir à traverser ce qui se profile à l’horizon. Grace, Juliana et tous les autres feront face au choix le plus difficile de toute leur vie : se battre jusqu’à s’oublier eux-mêmes ou accepter une mort certaine.

Le passé les hante, l’avenir les condamne, mais la liberté exige tout.
LangueFrançais
ÉditeurPratico Édition
Date de sortie10 sept. 2025
ISBN9782898561580
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    Aperçu du livre

    Le LE REGNE FINAL - Daphné Bédard

    Chapitre 1

    Victoria

    Les rayons du soleil percent à travers les arbres, diffusant de la chaleur sur la peau froide de mon visage. L’air commence lentement à se réchauffer, mais je ressens encore la fraîcheur de la nuit. Le mois de mai vient tout juste de s’installer et la température était plutôt agréable dans le Bronze, mais plus nous approchons des sommets des montagnes, plus il fait frais.

    Garel et moi sommes partis à l’aube pour rejoindre les rebelles à la Base. Ma rencontre avec Ethan et la sienne avec les parents de Grace a eu lieu hier soir. Ils ont été très soulagés quand je leur ai appris que Grace est enfermée dans la grande prison de la Cité Royale. Même si nous sommes inquiets, nous savons qu’il y a encore de l’espoir.

    — On fait une pause ? je demande à Garel.

    Nous ne nous sommes pas arrêtés depuis notre départ du Bronze une heure plus tôt. Avant de commencer l’ascension abrupte, j’ai besoin de me reposer. J’ai encore des courbatures dans les jambes de nos dix jours de marche du retour de Reyn.

    Garel acquiesce et je m’adosse à un arbre avant de me laisser glisser sur le tronc. Je prends plusieurs longues gorgées dans ma gourde d’eau et la donne à Garel. Nous avons peu parlé depuis que nous marchons. Je le sens plutôt tendu. Même si Grace est toujours vivante, je sais qu’il redoute le pire.

    — Ethan m’a dit qu’il ferait tout en son pouvoir pour faire évader les rebelles de la prison. On… on va sortir Grace de là. Il est hors de question qu’elle y laisse sa vie.

    Garel passe une main dans ses courts cheveux bruns avant de poser un regard noisette tourmenté sur moi.

    — Je ne peux pas la perdre. Je n’ai jamais ressenti de sentiments aussi forts pour quelqu’un. Si elle m’est arrachée, je… je ne survivrai pas.

    Sa franchise me fait chaud au cœur. Il est amoureux de Grace. Profondément. Et il ne le cache pas. Je savais qu’elle finirait par rencontrer un garçon qui la mériterait et qui serait prêt à tout pour elle.

    — Je suis très heureuse qu’elle t’ait trouvé. Tu es tout ce dont elle a toujours rêvé chez un homme.

    — Et elle est tout ce dont j’ai toujours rêvé chez une femme.

    Un sourire étire mes lèvres. Je l’examine quelques secondes et réalise pourquoi Grace a été attirée par lui dès leurs premiers regards. Garel est charismatique. Ses dents désalignées et sa silhouette mince et élancée, mais à la fois costaude, lui donnent un charme différent des autres garçons. Je me relève et nous nous remettons à marcher sans même nous concerter.

    — Comment ça s’est passé avec Ethan ? demande-t-il prudemment.

    — C’était encore mieux que ce que j’espérais.

    Les coins de ma bouche se retroussent en me remémorant nos retrouvailles. Nous nous sommes quittés il n’y a que quelques heures et il me manque déjà. J’ai l’impression de ne pas l’avoir assez embrassé, de ne pas avoir suffisamment parcouru son corps de mes mains. Maintenant que je l’ai retrouvé, je ne veux plus le lâcher.

    — Tu craignais qu’il ne te pardonne pas ?

    Je hoche la tête, puis Garel ajoute :

    — S’il est réellement amoureux de toi, ce dont je ne doute pas, jamais il n’aurait pu prendre le parti du roi et de la reine. Ils t’ont torturée, Victoria. Si c’était arrivé à Grace, je n’aurais même pas eu de choix à prendre.

    — Ce que je redoutais le plus, c’était qu’Ethan ne me croie pas. Qu’il s’imagine que j’avais tout mis au point pour monter ses parents contre lui.

    — Tu n’aurais jamais pu inventer de telles atrocités.

    Les mauvais souvenirs de mes trois mois passés dans les cachots du palais me reviennent fréquemment en tête. Bien trop souvent malgré moi. Et une rage indescriptible me submerge chaque fois. Même si je sais que la vengeance ne la fera pas disparaître pour autant, je suis certaine que lorsque ce jour se présentera, ça me soulagera d’un poids.

    — Ethan est très fort pour rester au palais et agir comme si de rien n’était tout en sachant ce qu’ils t’ont fait. J’en serais incapable, ajoute Garel.

    — Il le fait parce qu’il n’a pas le choix. Il le fait pour les rebelles, pour le royaume. Mais le jour où il finira par craquer approche de plus en plus. Tôt ou tard, il va devoir annoncer qu’il fait partie du Sommet Obscur.

    — Ce sera inévitable pour faire avancer la rébellion. Dès que le peuple va l’apprendre, des tonnes d’Ereyaens vont changer de camp.

    J’enjambe un tas de branches sur le sol et je réponds :

    — Il y a beaucoup plus de partisans du roi que nous le croyons. Surtout à la Cité Royale et dans l’Or.

    — L’opinion qu’ils ont du monarque ne sera plus la même quand ils vont découvrir l’histoire de Bailey. Quand ils vont apprendre que leur dirigeant n’a pas respecté les règles de son propre royaume.

    Garel a raison. Plus jamais ils ne verront le roi de la même façon.

    Je dois en rediscuter avec Bailey et Bethany, mais Ethan et moi avons pensé d’éventuellement annoncer l’existence de Bailey dans les journaux de manière anonyme. Ce serait un excellent moyen pour atteindre le peuple. Notre objectif n’est pas de dévoiler l’identité de Bailey, mais plutôt de révéler ce que le roi a fait. Certains Ereyaens n’y croiront pas, en revanche, d’autres commenceront à douter. Peut-être pourrons-nous ainsi rallier tous les rebelles, incluant ceux qui ont trahi Kristofer à la Cité Solitaire. Tous doivent réaliser que nous avons le même ennemi, que nous nous battons pour la même cause.

    Dès que nous aurons obtenu l’approbation de Bethany et de Bailey, Ethan enverra les informations à un journaliste de la Cité Royale qu’il connaît bien. Un ancien ami, à ce qu’il paraît. Je lui ai intimé d’être très prudent et de rester anonyme dans ses déclarations. Même si Ethan a déjà été proche de ce journaliste, nous n’avons aucune idée de ce qu’il pourrait diffuser sur lui, surtout en temps de guerre.

    De son côté, ma mère m’a dit qu’elle informerait les rebelles de Blateris et d’une partie du Bronze de notre retour à Ereya et qu’elle se préparerait afin d’être prête à toute éventualité lorsque nous élaborerons un plan pour sortir les rebelles de la prison.

    Nous continuons de marcher en silence un moment jusqu’à ce que des branches qui craquent résonnent à nos oreilles. Nous arrêtons subitement de bouger. J’empoigne un des couteaux à ma taille en fixant mon regard entre les arbres. Les bruits se font à nouveau entendre, et de plus près, cette fois. Garel et moi nous accroupissons derrière un tronc pour nous cacher. Je suis toujours recherchée, alors je dois être extrêmement prudente. Deux soldats de l’armée du roi apparaissent dans notre champ de vision. Ils sont assez âgés et l’un d’entre eux est très essoufflé. Il s’arrête en posant les deux mains sur ses hanches et lance :

    — Est-ce qu’on est réellement obligés de se rendre jusqu’aux sommets ? Les rebelles ne sont certainement pas assez stupides pour y retourner.

    Oui, nous le sommes assez, je me dis dans ma tête.

    — C’est un ordre du roi, dit l’autre en se grattant le crâne. On doit s’assurer que le groupe dans les montagnes a été décimé.

    — On est presque arrivés et on n’a vu personne. S’ils étaient revenus, ils auraient posté des gardes dans la forêt.

    Les deux hommes survolent le paysage autour d’eux quelques secondes, comme s’ils attendaient que des rebelles sortent d’entre les arbres.

    Je tourne la tête vers Garel et il secoue la sienne à la négative. Nous ne devons pas intervenir. Je suis certaine qu’ils repartiront vers la Cité Royale, l’effort de monter jusqu’aux sommets étant trop exigeant pour eux.

    — Et s’ils y étaient vraiment ?

    Le plus essoufflé des deux lève le regard vers les montagnes.

    — On dira qu’ils n’y étaient pas. Et de toute façon, la majorité du Sommet Obscur est soit tuée ou emprisonnée. S’il reste des rebelles, ils ne doivent pas être nombreux.

    Ils se fixent quelques secondes avant de prendre leur décision.

    — Pas un mot à personne. Si les dirigeants l’apprenaient, on serait exécutés.

    — Pas un mot, répète l’autre homme.

    Ils rebroussent chemin et repartent en direction de la Cité Royale. Garel et moi attendons quelques minutes, puis nous nous relevons.

    — Le roi a réellement envoyé ces deux hommes pour vérifier une information aussi cruciale ? je demande à Garel.

    — Ç’a bien l’air, répond-il en s’esclaffant.

    Je me mets à rire, puis nous continuons notre ascension. Nous rencontrons plusieurs cadavres, vestiges de l’attaque de l’armée du roi. Beaucoup de soldats sont morts, mais nous tombons également sur plusieurs rebelles. Ils mériteraient une sépulture décente, néanmoins, Garel et moi ne pouvons pas nous permettre d’enterrer tous ces corps ni de les porter jusqu’aux sommets. Nous nous arrêtons à leur hauteur pour prononcer quelques mots, puis nous reprenons notre route. Plus nous montons, moins il y a de cadavres de membres du Sommet Obscur. Comme s’ils avaient tous été emportés.

    En arrivant à la Base, je suis horrifiée de constater les dégâts causés par la bataille. Le gazon ravagé par les traces de pas est tapissé de sang. De nombreuses vitres de la cafétéria ont été cassées et la terrasse, incendiée. Deux des cinq habitations qui accueillent les chambres des rebelles sont encore debout, les seuls dommages étant quelques fenêtres brisées et calcinées. La salle des armes et de multiples cabanes sont entièrement détruites. Uniquement l’assemblée et la demeure des chefs semblent avoir été épargnées. Une partie de l’infirmerie s’est effondrée, ne permettant pas aux soignants d’utiliser le lieu. Ils se sont donc installés près de la rivière pour venir en aide aux blessés étendus sur le gazon ou assis contre les rochers. Je remarque Néhémie au loin en train de bander le bras d’une femme. Je passerai la voir tout à l’heure. Des rebelles travaillent déjà à réparer les dégâts, mais la majorité s’occupe de la cafétéria et de l’infirmerie, les deux bâtiments qui pressent le plus pour l’instant.

    Garel et moi avançons dans la Base, jusqu’à nous arrêter devant le cimetière. De nombreux cadavres sont enroulés dans des draps blancs et alignés sur le sol, dans une file d’attente pour être enterrés. Une boule se forme dans ma gorge à la vue de tous ces corps sans vie. Je pose une main sur ma bouche et ne peux retenir la larme qui s’échappe de mon œil. La rage prend instantanément le dessus et je serre les dents pour contenir l’eau qui envahit mes yeux. Je n’aurais jamais pensé que les dirigeants agiraient aussi rapidement, avant même que nous revenions de Reyn.

    Plusieurs rebelles creusent des trous dans le sol, mais il y a tellement de corps qu’ils le font désormais au-delà de la clôture du cimetière. Mon frère fait justement partie du groupe. Il est un des premiers à nous repérer, Garel et moi. Il plante sa pelle dans une montagne de terre avant de venir à notre rencontre. Son haut moule sa musculature et ses manches relevées dévoilent des bras bronzés couverts de saleté. Sa démarche me rappelle celle de mon père. À mesure qu’il approche, je remarque la lueur de tristesse dans son regard brun clair. Il semble bouleversé. Son visage rond est plissé et ses pommettes prononcées sont rouges en raison de l’effort. Je ne crois pas que mon frère s’imaginait enterrer des corps à son retour à Ereya.

    — Je ne pensais pas que vous débarqueriez aussi tôt, dit-il en me prenant dans ses bras.

    Il empeste la sueur et la terre. Cependant, à voir tous ces cadavres, le tenir contre moi est un véritable soulagement.

    — Je dois parler à Bethany.

    Mon frère me lance un regard paniqué.

    — Il est mort, c’est ça ? demande-t-il.

    — Non, mais il n’est pas fort.

    Rafael soupire de soulagement.

    — Dépêche-toi d’aller la prévenir, elle se ronge les sangs. Elle était à la cafétéria tout à l’heure.

    Il hoche la tête en direction de Garel avant de retourner à sa tâche. Je n’arrive pas à détacher les yeux des corps. L’ambiance qui règne aux montagnes n’est pas du tout joyeuse. Certains rebelles pleurent en réparant les dégâts, d’autres sont assis en retrait, le regard dans le vague. Mon cœur se serre sous ma cage thoracique. Je suis chanceuse qu’aucun membre de ma famille n’ait été tué, je n’imagine même pas ce que doivent ressentir ces gens. Peut-être qu’apprendre que leur chef est toujours en vie leur remontera un peu le moral.

    Je préviens Garel que je vais voir Bethany, puis il hoche la tête avant de rejoindre mon frère. Je les observe pelleter quelques secondes avant de me résoudre à me rendre à la cafétéria. Je cherche la chef et tombe finalement sur elle près de la terrasse incendiée. Elle donne des ordres en ramassant du bois et de la pierre. Ses cheveux châtains sont attachés en une natte et ses grands yeux brun chocolat semblent très perturbés par tout ce qui se déroule à la Base. Malgré la petite taille de Bethany, son fort caractère l’aide à se faire obéir et respecter des membres du Sommet Obscur. Alors qu’elle se relève pour reprendre son souffle, elle s’arrête net en me découvrant à quelques mètres d’elle. Elle sonde mon visage, fouillant dans mes traits et mes prunelles. Je ne la fais pas patienter plus longtemps.

    — Il est en vie. Il est à la grande prison de la Cité Royale.

    Bethany laisse échapper un long soupir de soulagement. Ses yeux deviennent rouges et elle appuie les mains sur ses genoux en fermant les paupières. Elle reste ainsi plusieurs secondes avant d’essuyer ses joues et de se redresser en inspirant fortement.

    — Il est gravement blessé et Grace fait de son mieux pour le soigner. Ils sont dans la même cellule.

    Bethany pose ses doigts sur sa bouche.

    — Va-t-il mourir ? demande-t-elle, la voix cassée par l’émotion.

    — Ethan m’a dit qu’il avait sérieusement besoin de soins, plus que ce que Grace peut lui donner. Mais il devait être emmené à l’infirmerie de la prison. Ethan m’a assuré qu’il ferait tout pour le sortir de là. Il va nous tenir au courant des prochains développements.

    — Pourquoi a-t-il été emprisonné ? Je suis certaine qu’il était l’un des premiers à se battre contre cette armée, peste-t-elle.

    Je grimace.

    — Je te jure que je vais finir par le tuer, marmonne-t-elle entre ses dents.

    Bethany se met à faire les cent pas.

    — Sinon, comment ça se passe ici ? je demande en observant les gens s’activer autour de nous.

    — Ce n’est pas facile. La bonne nouvelle, c’est que le groupe qui s’est réfugié près de la clôture de la Cité Solitaire est sain et sauf, tous ont été rapatriés aux montagnes. La mauvaise et la plus déchirante, c’est qu’on a perdu des centaines de rebelles.

    Elle secoue la tête en se passant une main sur le front.

    — Plusieurs n’ont pas été retrouvés. On ignore s’ils sont enfermés à la prison où s’ils sont morts quelque part dans la forêt. Plusieurs ratissent les bois pour ramener les dépouilles, mais ce… c’est difficile, murmure-t-elle.

    Je me remémore les nombreux corps inertes que Garel et moi avons rencontrés et mon ventre se noue. Est-ce qu’un jour, les dirigeants cesseront de semer la souffrance autour d’eux ?

    Une voix douce et à la fois remplie d’aplomb me sort de mes pensées.

    — Bethany ? Vous êtes réclamée près de l’infirmerie par votre sœur et deux autres hommes, annonce une vieille femme.

    Elle a attaché ses cheveux blancs et malgré la fatigue, ses yeux verts entourés de ridules semblent débordants de détermination.

    Bethany ramasse les dernières pierres à ses pieds.

    — Rejoins-moi dans le bureau de Kristofer dans une heure. On a une sérieuse discussion à avoir avec Bailey, lance-t-elle à mon intention avant de disparaître au bout du sentier.

    Je me retrouve seule avec la vieille femme qui me fixe. Suis-je censée la connaître ? Son visage ne me dit rien du tout.

    — Tu es bien Victoria, c’est ça ?

    Je hausse un sourcil.

    — Je suis Lizaney. J’ai rencontré Grace à la Cité Solitaire.

    Mes yeux s’éclairent et un sourire chaleureux pond sur ses lèvres.

    — Grace m’a beaucoup parlé de vous !

    — Pas de vous avec moi, ma chère ! m’intime-t-elle.

    Son visage redevient rapidement sérieux et inquiet.

    — As-tu des nouvelles de Grace ? Je savais que je n’aurais pas dû la quitter dans la forêt, mais elle a insisté et je…

    Je lui raconte tout ce que je sais. Lizaney ferme les paupières, puis pose une main sur son cœur.

    — Elle va finir par m’achever si elle continue de me faire subir de telles frayeurs.

    — On trouvera un moyen de la sortir de là, de tous les sortir de là, dis-je en faisant allusion aux rebelles.

    — Je n’en doute pas une seconde.

    Nous nous fixons avant qu’elle reprenne la parole.

    — J’ai entendu les grandes lignes de votre expédition à Reyn et ça m’a fascinée. Ça te dirait de m’en dire un peu plus pendant qu’on termine de nettoyer ? demande-t-elle en pointant la terrasse effondrée.

    Ce que cette femme dégage me fait me sentir bien. Elle donne envie de se confier à elle. Je comprends pourquoi Grace l’a appréciée dès qu’elle l’a rencontrée.

    Je lui souris en repoussant ma natte de cheveux bruns aux reflets dorés dans mon dos, puis je commence mon récit en me penchant pour ramasser des débris de bois.


    — On ne dévoilerait pas ton identité dans les journaux, seulement l’existence d’un autre enfant du roi, j’explique à Bailey.

    — Ça ne te mettrait pas en danger et ça aiderait à avoir encore plus d’Ereyaens de notre côté, déclare Bethany.

    Bailey nous fixe sans rien dire. Nous sommes toutes les trois assises dans le bureau de Kristofer. Bethany et moi avons exposé notre idée à Bailey d’éventuellement utiliser qui elle est à notre avantage, mais même en ajoutant plusieurs arguments, elle ne semble pas être d’accord.

    — Personne ne saura que le roi est mon père biologique ? grimace-t-elle.

    — Jamais. À moins que tu veuilles le révéler à un moment ou à un autre, répond Bethany.

    — Je ne suis pas prête pour ça. Divulguer mon identité reviendrait à poser une cible directement sur moi. Je ne suis pas là pour mourir, je dois rentrer chez moi.

    Sa voix se craque sur les derniers mots. Ce n’est pas facile pour elle d’être ici, à Ereya. Quand je suis allée la chercher tout à l’heure pour notre rencontre avec Bethany, elle était à la limite du terrain et fixait le palais au loin, le regard vide. J’ai essayé de lui parler, mais elle n’a pas voulu se confier à moi plus que ça. Je crois que c’est beaucoup à encaisser pour elle et qu’elle a besoin d’espace. Je comprends qu’elle soit bousculée à ce point. Quitter ses pères et sa maison tout en ne sachant pas si c’était la dernière fois qu’elle les voyait est déchirant, surtout qu’elle l’a fait pour revenir dans un royaume qui a pourri une partie de son enfance.

    — Alors ? s’enquiert Bethany auprès de Bailey.

    — Si ça peut vous aider, ce… c’est d’accord.

    — Personne ne va savoir que tu es la fille du roi. Tu garderas ton anonymat. Seulement toi pourras décider si tu veux te révéler un jour, la rassure Bethany.

    Bailey acquiesce et crispe sa bouche comme Ethan a l’habitude de le faire. Je souris. Je suis impatiente qu’ils se rencontrent, même si je sais qu’elle n’est pas encore prête. Chaque fois que je parle d’Ethan depuis tout à l’heure, elle arque les sourcils et serre les doigts sur les accoudoirs de son siège.

    — Je m’occupe de prévenir Ethan de ton accord. Est-ce qu’on peut toujours faire parvenir des lettres au palais ? je demande à Bethany.

    — Des rebelles effectuent le trajet chaque jour jusqu’à la Cité Royale pour avoir des nouvelles de ce qui se passe dans le royaume. Ils partent peu après le petit déjeuner. Si tu te dépêches, tu vas avoir le temps de leur donner ta lettre avant qu’ils quittent la Base.

    J’opine en me levant.

    — N’oublie pas de la laisser anonyme et d’utiliser un langage codé. On ne peut pas baisser notre garde. Le courrier est toujours autant surveillé, si ce n’est pas plus qu’avant.

    Je sors du bureau de Kristofer, Bailey sur les talons. À l’extérieur, le soleil se reflète sur nos visages. La température s’est considérablement réchauffée. L’expression de Bailey est préoccupée. Je la questionne du regard.

    — Tu as parlé de moi à… à Ethan ? murmure-t-elle.

    Un sourire rassurant étire mes lèvres. Elle ne semble pas aussi emballée que son frère par l’idée d’une rencontre. Je m’approche et pose une main sur son épaule.

    — C’est tout à fait normal que tu sois nerveuse. Si tu avais vu l’expression d’Ethan quand je lui ai appris que tu étais à Ereya. J’ai bien cru qu’il allait tomber dans les pommes.

    Elle se met à rire.

    — Puisque je te fais confiance et que tu leur fais confiance, alors je leur fais confiance.

    Quelques secondes sont nécessaires pour que je démêle ce qu’elle vient de dire. Quand je comprends qu’elle fait allusion à ses frères et à sa sœur, une chaleur se répand dans ma poitrine. Ethan, Juliana et Tenefel seront ravis d’apprendre cette bonne nouvelle.

    Chapitre 2

    Grace

    Adossée contre le mur du fond de la cellule, j’observe les soldats en uniforme bleu enchaîner Kristofer aux mains et aux pieds. Ses dents sont serrées et son visage est crispé. Les fers semblent lourds et cliquettent quand le chef des rebelles redresse ses larges épaules. Il est bien plus grand et costaud que les hommes à ses côtés.

    Kristofer a été convoqué au palais et je redoute ce qui lui arrivera. En ressortira-t-il vivant ? Réussira-t-il seulement à en ressortir ? J’ai espoir qu’Ethan interviendra, mais j’ignore à quel point son pouvoir a du poids. Je ne suis pas certaine qu’il puisse considérablement influencer les décisions du roi, surtout pour aider celui qui est à la tête de la rébellion contre la monarchie.

    Je me mords la lèvre et scrute Kristofer, inquiète. Il est grièvement blessé et j’espère fortement qu’ils lui prodigueront des soins, sinon, il ne s’en sortira pas.

    Avant que les gardes le poussent brusquement hors de la cellule, Kristofer tourne son visage vers moi. Ses cheveux blonds ras sont sales et son regard bleu perçant est dur. Il est un peu plié vers l’avant, la main sur sa blessure. Elle semble lui faire un mal de chien. Il hoche la tête dans ma direction. Comme s’il me promettait que tout irait bien. Nous nous fixons quelques secondes, puis notre contact visuel est rompu.

    J’entends les chaînes cliqueter jusqu’au bout du couloir, puis tout redevient silencieux. Les deux rebelles dans la cellule d’en face me dévisagent. Ils viennent tout juste d’apprendre l’identité de Kristofer. Ils devaient cependant s’en douter, surtout depuis la visite d’Ethan. Même si je leur ai menti, ils ne semblent pas m’en vouloir. Ils ont plutôt l’air très inquiets. Si notre chef ne ressort pas de là vivant, certainement que nous non plus.

    Je reste debout en fixant le vide. Tout ce qui arrive me dépasse. J’ai l’impression de ne pas réaliser dans quel merdier je suis embarquée. Je pourrais ne plus jamais sortir de la prison. La seule idée que j’y laisserai peut-être ma vie me terrifie à un point tel que je préfère ne pas y penser. Je m’assois sur le sol en passant mes doigts dans mes mèches rousses. La solitude me rattrape encore une fois. Mes mains se mettent à trembler. J’ai peur. Le visage de Garel flotte dans mon esprit et mon cœur se comprime. Ne pas savoir s’il va bien est une torture. Je ferme fortement les paupières pour empêcher les larmes de couler sur mes joues. Je ne peux pas imaginer qu’il soit mort. Encore une fois, je suis tellement terrifiée que je préfère ne pas y penser. Même chose pour Victoria et le groupe parti à Reyn. Si j’apprends qu’ils ont été tués ou s’ils ne reviennent jamais, je ne m’en remettrai pas. Et ça, c’est si je ne suis pas exécutée avant. Mon souffle se bloque dans ma poitrine et ma bouche devient sèche. Je serre les poings et sens mes ongles s’enfoncer dans mes paumes. Je prends plusieurs grandes respirations et colle ma joue contre le mur froid de la cellule, mes cheveux sales me voilant les yeux. Le choc de température calme ma panique. Je garde les poings fermés jusqu’à ce que je réussisse à faire le vide dans mon esprit. Jusqu’à ce que mes pensées se taisent.


    Un peu plus tard, le grincement de la porte me sort du sommeil. Je cligne plusieurs fois des paupières et me masse les tempes pour tenter d’apaiser le mal de tête qui me poursuit depuis que je suis enfermée. J’ai perdu la notion du temps et j’ignore si je dors depuis des minutes ou bien des heures. Des bottes boueuses sont postées devant moi. Je lève la tête et me réveille complètement en découvrant qui m’observe. Je me redresse en replaçant mes cheveux, mais avant même que je me mette debout ou que j’effectue une révérence, Ethan s’assoit sur le sol à mes côtés. Je le fixe, incrédule. Que fait-il ici ? Il est venu il n’y a que quelques heures, ou peut-être était-ce hier ? Il porte les mêmes vêtements que la dernière fois que je l’ai vu. De profil, je remarque sa mâchoire carrée et son long nez droit que je n’avais pas observés auparavant. Ses cheveux foncés sont emmêlés et son regard sombre étincelle d’une lueur nouvelle. Malgré l’enflure de son œil, sa pupille brille. Je me demande qui lui a fait ça. J’ouvre la bouche pour lui demander si c’est douloureux, tout en cherchant un moyen dans ma tête pour soulager l’enflure, mais il me devance.

    — Ils ont emmené Kristofer ? demande-t-il en fixant le sol devant lui.

    — Depuis un moment déjà.

    — Ce qui me laisse un peu de temps pour discuter. Je vais probablement être convoqué dans la salle du trône d’ici peu.

    Je le dévisage, ne comprenant rien à sa présence à mes côtés.

    — Je suis certain que le roi va vouloir l’interroger devant témoins. Devant nous, sa famille. S’il a l’occasion de le faire, il ne se retiendra pas de faire du mal à Kristofer.

    Le ton d’Ethan est dur. Sa rage semble s’être amplifiée dans les dernières heures.

    — Je suis désolée, mais pourquoi êtes-vous ici ? Est-ce pour me sortir de cette prison ? je l’interroge, pleine d’espoir.

    — Tutoyons-nous, je ne suis pas d’humeur à utiliser ces formules de politesse.

    J’acquiesce et penche la tête pour l’inciter à continuer. Même si Ethan m’intimide, je suis très curieuse d’apprendre ce qui l’a poussé à revenir.

    — J’aurais bien aimé être ici pour te faire sortir, mais malheureusement, ce ne sera pas pour tout de suite. Je suis là parce que Victoria m’envoie.

    — Victoria ? !

    Il me lance un sourire en coin.

    — Elle est revenue de Reyn avec les rebelles. Tout le monde va bien. Je rentre tout juste du Bronze.

    — Tu es allé voir Victoria ?

    Même si tutoyer le prince et le futur roi à la fois me rend un peu mal à l’aise, je respecte sa demande.

    — On avait beaucoup de points à clarifier ensemble.

    — Et puis ?

    — Ça s’est passé bien mieux que je l’espérais. Je ne réalisais pas qu’elle se trouvait enfin devant moi. Il y a eu tant d’obstacles et de personnes qui se sont mis entre nous que je n’y croyais presque plus.

    Ethan et moi ne nous connaissons pas très bien, ou plutôt, pas du tout, alors je suis surprise qu’il se confie à moi aussi aisément. Je me sens choyée, et très heureuse pour Victoria et lui. Je comprends enfin ses yeux brillants et ses lèvres rouges. Leurs retrouvailles ont dû être mémorables. Penser à leur relation me fait songer à la mienne. Et moi, où il est, mon amour ? Où est Garel ?

    Quand Ethan remarque le trouble sur mon visage, le sien s’adoucit.

    — Victoria ne m’a pas envoyé ici uniquement pour t’apprendre qu’elle est revenue saine et sauve, mais aussi pour que tu saches que Garel va bien.

    Ses mots me percutent violemment. Je les répète plusieurs fois dans ma tête. Garel va bien. Garel va bien. Garel va bien.

    — Tu en es bien certain ? je demande d’une voix étranglée.

    Ethan opine du chef.

    — Il était dans le Bronze. Il se rendait chez tes parents pour les prévenir de ta disparition.

    Mon cœur bondit et je serre mes mains ensemble sur ma poitrine. Garel est allé avertir ma famille ? Les coins de mes lèvres se retroussent en même temps que les larmes m’emplissent les yeux, d’amour et de soulagement.

    — C’est quand il s’est rendu chez ceux de Victoria qu’il a découvert qu’ils étaient tous revenus de Reyn. Victoria y était avec son frère, Néhémie, Bethany et Alexander.

    Ethan tique en lâchant le dernier nom. L’eau ruisselle sur mes joues tandis que je ris en essuyant la morve qui coule de mon nez.

    — Grace, tu… tu vas bien ?

    L’entendre m’appeler aussi amicalement me pousse à m’ouvrir à lui.

    — Tu ne réalises pas à quel point tu viens de retirer une énorme pression de sur mon cœur. Si Garel n’avait pas survécu, je n’aurais pas survécu moi non plus.

    Il m’observe, un sourire compatissant aux lèvres.

    — Victoria m’avait prévenu que tu serais morte d’inquiétude. Et elle ne m’a pas vraiment laissé le choix de venir à la prison. La menace qu’elle m’a faite avant que je parte m’a donné froid dans le dos.

    Je ris.

    — Elle est une des personnes qui me connaissent le mieux au monde, dis-je en essuyant mes larmes. Comment va-t-elle ? Comment ça s’est passé à Reyn ?

    Il jette un coup d’œil à sa montre avant de me raconter les grandes lignes de ce que Victoria lui a dit sur l’expédition des rebelles hors des frontières. Je suis très fière d’eux. De Victoria, surtout. Sans les arguments béton de mon amie, jamais Bailey et les rois n’auraient accepté d’aider Ereya.

    Ethan se passe une main dans les cheveux avant de regarder à nouveau sa montre. Il étouffe un bâillement et se tourne vers moi.

    — La nuit a été longue et je sens que la journée qui vient va l’être également. Je suis désolé de te laisser, mais il faut que je retourne au palais.

    Il a de profonds cernes bleutés, j’ignore depuis combien de temps il n’a pas dormi. Il semble tenir debout uniquement grâce à l’amour et l’adrénaline.

    — Ne lâche pas, me souffle-t-il alors que nous nous levons. On ne te laissera pas tomber.

    Avant qu’il referme la porte de la cellule, je lui lance :

    — Si jamais tu as la chance de croiser Garel, tu pourrais lui transmettre un message de ma part ?

    Il se retourne, à l’écoute.

    — Dis-lui que tout ira bien, qu’on a survécu à bien pire.

    Les mauvais souvenirs de notre fuite de la Cité Solitaire et des nombreux jours passés dans la forêt me reviennent en tête. Je frissonne. Nous sommes peut-être séparés cette fois-ci, mais au moins, nous ne sommes pas blessés.

    — Si j’en ai l’occasion, je ne manquerai pas de le lui dire. À bientôt, Grace.

    Je le salue et m’approche des barreaux. Je les empoigne et les serre fort de mes mains. J’en veux à Ethan de pouvoir quitter la prison alors que je suis coincée. Je me raisonne rapidement. C’est probablement lui qui me fera sortir d’ici, qui nous fera tous sortir d’ici.

    Je pose mon front contre le fer. La cellule est humide, j’ai froid et je me sens sale. Je n’imagine même pas comment Victoria a réussi à survivre, emprisonnée pendant trois mois, à être constamment seule avec ses pensées. Je suis enfermée depuis uniquement deux jours et je commence déjà à perdre la tête. Mon amie est bien plus forte et courageuse que je le croyais. Beaucoup plus que moi, en tout cas.

    Alors que je tourne les pieds pour aller me rassoir, la voix d’un gardien s’élève au loin.

    — Vous êtes convoqués pour un interrogatoire, annonce-t-il à des rebelles dans une cellule.

    Je les entends protester, puis tenter de se débattre, avant d’être emmenés. Nous savons tous ce qui les attend. Je me mets à avoir des sueurs froides. Mon cœur bat tellement vite qu’il menace presque de bondir hors de ma poitrine.

    D’ici peu de temps, ce sera moi qui serai appelée.

    Je sens ma cage thoracique se comprimer et une immense boule se forme dans mon ventre. Je suis terrifiée. Si je dois faire face au roi, je sais que je vais craquer. Jamais je n’oserais lui tenir tête ou bien lui mentir et risquer qu’il le découvre. Mon souffle est rapide et je n’arrive pas à calmer ma respiration. Je tremble. Je m’assois sur le sol pour reprendre mes esprits. J’ai mal au cœur. J’ai chaud. J’inspire fortement, puis le visage de Garel apparaît dans ma tête. Penser à lui m’apaise presque instantanément.

    Garel va bien. C’est tout ce qui compte à présent.

    Je replie mes genoux sous mon menton avant de fermer les yeux.

    Chapitre 3

    Juliana

    Je sors discrètement de l’infirmerie pour me rendre à la salle du trône et j’ai un très mauvais pressentiment. Grand-mère Acélia a essayé de me rassurer, sans succès. Toute la famille royale ainsi que plusieurs conseillers y ont été convoqués. J’ignore pour quelle raison, mais avec l’attaque sur les montagnes et l’emprisonnement de plusieurs rebelles, je ne peux que m’imaginer le pire. Seront-ils torturés sous nos yeux ? Devrons-nous assister à leur exécution ? Je déglutis à cette idée. Si on m’y oblige, j’en ferai des cauchemars pendant des semaines. Et je sais que le roi et la reine n’auraient aucun scrupule à tuer de sang-froid, même si ce n’est pas eux qui effectueraient le sale boulot. Ils se délecteraient du spectacle. Je frissonne en pensant que ces deux êtres sont mes parents. Ma haine envers eux est profonde. Je n’ai toujours pas revu Krystelle depuis leur interdiction il y a un peu plus de deux semaines, et si je ne la vois pas bientôt, je vais exploser. C’est elle, habituellement, qui me ramène les deux pieds sur terre, qui me raisonne et qui calme mes fureurs et mes peines. Mais au moment où j’ai le plus besoin d’elle, elle n’est pas là. Je serre les dents et crispe les poings. Je devrai trouver un moyen de la voir, sinon, je vais tout gâcher en prononçant des paroles que je regretterai. Des paroles qui me feront du bien à coup sûr, mais qui trahiront Ethan, Adrien et moi quant à notre rôle dans la rébellion. J’inspire et j’expire de nombreuses fois avant de réussir à me calmer.

    La voix de mon frère jumeau me sort de mes pensées. Il me hèle alors que je tourne le coin d’un couloir. Je reviens sur mes pas et l’inspecte venir vers moi. Je cligne des yeux en voyant son allure. Ses vêtements sont sales et ses bottes sont pleines de boue. Ses cheveux sont à moitié trempés et pointent dans tous les sens. Il semble exténué et également agité. Que lui est-il arrivé ? Quand il approche, son odeur me frappe de plein fouet : un mélange d’humidité et de fumée.

    — Tu ne peux pas te présenter ainsi devant le roi, la reine et les conseillers, je lui lance avant même qu’il n’ait le temps d’ouvrir la bouche.

    Ethan baisse les yeux sur ses habits. Il fronce les sourcils en bougeant ses bottes. Il a laissé des traces sur son passage, souillant les tapis impeccables du palais.

    — Viens avec moi, dit-il en me saisissant le bras.

    Il me tire vers un escalier.

    — Quoi ? Mais on va être en retard ! On se fera réprimander et c’est moi qui écoperai des conséquences parce que toi, tu…

    — Le groupe de rebelles est revenu de Reyn hier, me coupe-t-il.

    Je recule de quelques pas. Il pose un doigt sur ses lèvres pour me faire signe de me taire. Nous dépassons quelques domestiques avant d’entrer dans ses appartements.

    — Tu ne vas jamais te remettre de ce que je vais t’apprendre, commence-t-il.

    Son expression bouleversée, mais à la fois euphorique me rend totalement confuse. Comment est-il possible de ressentir ces deux émotions en même temps ?

    — Qu’y a-t-il, Ethan ? Les rebelles n’ont pas de bonnes nouvelles ? Ça ne s’est pas bien passé à Reyn ?

    Il se déshabille devant moi et se retrouve uniquement en sous-vêtement. Il pose les mains sur ses hanches en m’observant. Un sourire éclot sur ses lèvres.

    — Bailey est toujours vivante. Elle habite à Reyn et elle a accompagné le groupe jusqu’ici. Elle est à Ereya, Juliana.

    Je cesse de respirer. Je dois me tenir sur le lit pour ne pas tomber. Ma grande sœur n’est pas morte.

    — Quoi ? !

    Ethan se dirige vers la penderie en éclatant de rire.

    — Victoria et moi avions parié que tu réagirais ainsi.

    Victoria et lui ? Ils se sont réconciliés ?

    — Ethan ! Tu as intérêt à tout me dire parce que je ne comprends rien !

    Mon frère réapparaît en boutonnant sa chemise propre.

    — Je vais faire ça court. J’ai vu Victoria dans le Bronze hier soir. On a réglé nos différends et elle m’a tout raconté. Reyn va nous aider à remporter cette guerre. Notre sœur est la fille adoptive des rois de Reyn. Je suis resté une partie de la nuit avec Victoria avant de me rendre à la prison pour prévenir Grace, son amie. Kristofer venait tout juste d’être emmené par les gardes et je crains que ce soit la raison de notre convocation dans la salle du trône.

    Je le fixe, incrédule. Je suis très enchantée que Victoria et lui se soient enfin retrouvés, mais je le suis encore plus pour ma sœur Bailey. Elle est à Ereya. Mon

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