Les cinq saisons de l'Avenir tome 8: Qui ne trouvaient pas drôle la drôle de guerre
Par Michel Bélil
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À propos de ce livre électronique
Avec la prospérité renaît l’espoir en des jours meilleurs. Trop beau pour être vrai ? Dans les Territoires cantonaux, un dictateur affermit son emprise sur les tribus du sud. Sa capitale, Brooke, devient le centre de tous les dangers. On retient son souffle. C’est la drôle de guerre, c’est-à-dire une guerre larvée, une guerre qui n’avoue pas encore son nom.
Pendant ce temps, une jeune femme est retrouvée baignant dans son sang au lac Ulverton, au même endroit qu’une jeune scientifique, douze ans plus tôt. L’enquête est confiée aux jumelles N’guyen, d’anciennes rebelles, alors que leur mère, la capitaine Léanille N’guyen, doit résoudre un fait divers qui se complique au Bec-du-Canard. Ces deux histoires vont se croiser de façon surprenante.
Plus tard, un présentateur radio est tué chez lui. Pour résoudre ce meurtre, il faudra infiltrer les milieux extrémistes et météophobes du quartier du marché.
Est-il possible d’échapper à son destin quand on habite la région de L’Avenir et qu’il faut survivre aux cinq saisons ? N’guyen et ses jumelles, surnommées les veuves noires, pourront au moins clore l’année ensemble sur une note d’espoir.
C’est avec nostalgie que s’achève ce huitième et dernier tome de la mémorialiste anonyme. À d’autres le soin de poursuivre l’œuvre de mémoire. Une finale étonnante, explosive, révélatrice de cette partie du monde en proie au tourment des civilisations, entre la dictature, les brutalités et les amitiés durables.
Michel Bélil
Michel Bélil propose une série policière qui met en scène quelque deux cents personnages dans une cité-État appelée L’Avenir. Chaque tome se lit séparément. L’auteur a déjà publié chez d’autres éditeurs deux romans, trois recueils de nouvelles, tout en participant à sept anthologies professionnelles. Il a obtenu les prix Boréal du meilleur roman et du meilleur recueil fantastique. Il a aussi remporté le prix Septième Continent. Il est revenu à la fiction avec une 101e nouvelle dans la revue Solaris. Sa novella inédite À fond de train peut être lue dans son blogue. Elle constitue une incursion dans l'univers réaliste d'une petite ville de l'Estrie, Richmond, avec meurtre à la clé.
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Aperçu du livre
Les cinq saisons de l'Avenir tome 8 - Michel Bélil
Les Cinq saisons de L’Avenir
Qui ne trouvaient pas drôle la drôle de guerre
Michel Bélil
Une image contenant texte Description générée automatiquementConception de la page couverture : © Les Éditions de l’Apothéose
Image originale de la couverture : Johanne Laroche
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Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2025
Dépôt légal — Bibliothèque et Archives Canada, 2025
ISBN : 978-2-89878-074-5
Imprimé au Canada
À mon frère Daniel, parti sans laisser d’adresse
Déjà parus :
Qui avaient des âmes en panne
Qui n’aimait pas comme les autres
Qui ne faisait pas qu’écrire sur les murs
Qui ne parlait pas comme les autres
Qui se cherchaient là-bas et pas ici
Qui arrachait des perles de sang
Qui ne trouvaient pas drôle la drôle de guerre
À paraître :
En reportage à l’île de la Quarantaine
Rappel historique
C’est en l’an trente-six de notre ère qu’un mystérieux virus a infecté des millions de personnes de tous les âges, de tous milieux et de toutes les santés. L’épidémie s’est répandue comme une traînée de poudre, sans attirer l’attention, comme si elle rasait les murs. Peu à peu, le virus a muté, devenant plus dangereux, plus mortel. Dès l’an quarante-sept, la contagion a foudroyé les quelques civilisations qui peinaient à survivre.
Crise des matières premières et krach financier des Bourses ont affligé le monde connu. Le cours des monnaies s’est écroulé ; la décroissance s’est accélérée, le prix des énergies a explosé ; les autres ressources ont fait défaut. Les loups et les coyotes ont flairé l’aubaine. Le carnage des victimes venait de sonner.
Les récoltes de riz, de blé et de maïs ont été affectées. Avec la famine, la sécurité alimentaire devenait un lointain souvenir, une sorte de légende dorée en quelque sorte. Comme si ce n’était pas suffisant, les cyclones ont redoublé de violence ; les feux de forêt ont semé la désolation, les eaux ont envahi les côtes.
On a ainsi connu de fortes hausses des températures qui, d’abord, ont frappé les plus démunis sur des continents maintenant oubliés – le mot « continent » est d’ailleurs un archaïsme –, ensuite les masses populaires, enfin les élites retranchées dans leurs bunkers. Le pergélisol a relâché le carbone accumulé depuis le début des temps.
Le poumon de la terre crevait comme un ballon. La sécheresse combinée aux températures extrêmes avait de quoi donner le vertige : +2 degrés en l’an quarante, +4 degrés en l’an soixante, +10 degrés en l’an quatre-vingt-dix-neuf, +12 degrés en l’an cent onze. Pour ne pas être en reste, les survivants ont déterré la hache des guerres de religion, des guerres de pouvoir, des guerres de conquête.
Tout n’est pas désespéré. Tant bien que mal, des communautés comme L’Hériotte et L’Avenir, mais aussi comme Brooke en Zone tribale, se remettent d’aplomb et connaissent un semblant de renaissance, sans être prospères tout de même. L’espoir renaît.
En l’an cent onze, la table est mise pour qu’une guerre d’ampleur se déclare. Il suffirait d’un prétexte, comme d’un meurtre au lac Ulverton, pour que le torchon brûle entre l’amicale et les Territoires cantonaux.
« Un tyran l’emporte par son génie, mais son successeur sera toujours une franche canaille. »
(Albert Einstein)
« Le fanatisme est un monstre qui ose se dire
le fils de la religion. »
(Voltaire)
« Je serai l’eau que tu recueilleras dans le creux de tes mains. Je tambourinerai contre le toit sous lequel tu dormiras. »
(Lars Petter Sween, Les Enfants de Dieu)
Table des matières
Première partie : mi-décembre 111
Chapitre 1 Un vol de voiture au Bec-du-Canard
Chapitre 2 Hommage à une légende
Chapitre 3 La gorge tranchée
Chapitre 4 Une note griffonnée à la hâte
Chapitre 5 Une voûte promise à un bel avenir
Chapitre 6 Ça ne tient pas debout
Chapitre 7 La préférée
Chapitre 8 Une colonne de mots
Chapitre 9 La solitude des prénoms premiers
Chapitre 10 Un formulaire pour exporter
Deuxième partie : mi-décembre 111
Chapitre 11 Elle va s’appeler comment?
Chapitre 12 Un leurre ou une affaire d’État?
Chapitre 13 Les navets sont cuits
Chapitre 14 La cellule de crise en crise
Chapitre 15 Une tête en sortant de chez lui
Chapitre 16 Le marchand de l’ombre
Chapitre 17 Le voleur volé
Chapitre 18 Nuit éclatée au Trouble-Fête
Chapitre 19 La lutte n’a pas été longue
Chapitre 20 Un ours mal léché
Chapitre 21 Les météophobes du marché
Épilogue-1 : En l’an 127
Avec la volonté d’en finir
Épilogue-2 : En l’an 129
Avec la volonté de continuer
Document historique : Les Voyages extraordinaires d’un explorateur en terres tribales et cantonales [extraits choisis et commentés]
Première partie
Jour Un : 12 décembre
Chapitre 1
Un vol de voiture au Bec-du-Canard
Sans surprise, aujourd’hui, le ciel porte mal ses cernes d’un bleu fatigué. Par la fenêtre, je contemple, songeuse, la première neige flotter dans le ciel avant de se déposer au sol où elle ne peut qu’expirer sur l’asphalte encore tiède. Si le passé est garant de l’avenir, il ne va pas y en avoir d’autres. Ces flocons sont-ils annonciateurs de bonheur ou de malheur ?
Il est agréable de me parler de météo, fin seule, porte close, dans l’intimité de mon bureau, et de transgresser en toute impunité les tabous qui ont suivi la catastrophe de trente-six. Cet interdit nous donne mauvaise conscience. Ce ne sont pas tous les natifs de l’amicale qui osent le faire, je veux dire de parler du temps qu’il fait. Moi-même, je ne le ferais jamais en public. Trop dangereux.
C’est évident : je pourrais froisser de chastes oreilles et m’attirer un tas d’ennuis. Simple prudence de ma part. Mon poste de capitaine de police à L’Hériotte ne me le permet vraiment pas. Des plaintes sont si vite arrivées.
Les rues ne sont pas plus animées ou désertes qu’à l’habitude. Jadis, cette période de l’année était synonyme de réjouissance. C’est du moins ce que prétendent les passéologues qui ont lu sur le sujet et consulté des livres poussiéreux. Mais il n’en reste rien, sauf peut-être une certaine nostalgie qui, comme la neige, flotte dans l’air avant de s’écraser au sol et de disparaître dans un ultime soupir.
Je hausse les épaules, toujours aussi songeuse. Et indécise. Ce matin, je n’aurais pas dû me présenter au travail. J’ai la tête en compote. Ma gorge est irritée. Je tousse et je me mouche sans arrêt. Si je ne me retenais pas, je m’allongerais sur le plancher pour reprendre le sommeil perdu. Je souffre de partout.
Depuis quelques jours, je couve un de ces satanés microbes qui foisonnent au début de chaque hiver. Ça n’a rien à voir avec le virus qui, d’après ce que j’entends, a commencé à se répandre au sud de notre frontière, dans les Territoires cantonaux peuplés de tribus prêtes à se chamailler comme des chiffonniers pour un croûton de pain.
Pourvu que ce virus ne traverse pas la rivière Ulverton. Nos gardes-frontières y veillent, paraît-il. Je ne suis pas rassurée. N’importe qui provenant de Richmond ou de Brooke pourrait atteindre L’Avenir par les marais, par le fleuve Saint-François ou par les innombrables tunnels qui, mauvais plaisantins, s’affaissent parfois sans prévenir sur des clandestins.
J’en ai encore pour une semaine à me sentir lourde. J’évite les contacts inutiles. C’est plus prudent. À se présenter au travail sur l’étage, il n’y a que la lieutenante Magélianne Yockell, mon adjointe, que tout le monde surnomme Yock.
Au rez-de-chaussée, c’est différent. Il y a les agents en poste et quelques fonctionnaires qui assurent la permanence des services, dont celui des plaintes. À ce propos, nous avons bon espoir de fracasser le record de quatre-vingt-dix-neuf. Au rythme actuel, nous n’avons besoin que d’une seule plainte pour atteindre le chiffre enviable de cent, ce qui n’est pas rien. Il reste deux semaines. Croisons-nous les doigts.
Notre édifice de la rue Lindsay ronronne. Un peu plus et il miaulerait. Au moins, c’est tranquille. Un silence d’enterrement. Au menu, de simples faits divers que les policiers de ma direction peuvent résoudre sans moi. Je n’ai qu’à lire leurs rapports qui sont écrits au petit bonheur, au hasard des mots, mais qui restent compréhensibles avec de la bonne volonté. Je ne demande à lire que les faits bruts. Par pitié, pas de fioritures.
La neige s’essouffle. Dans peu de temps, elle va s’arrêter d’elle-même. L’asphalte va triompher et le temps doux va revenir dès février. Tel est le cycle de nos cinq saisons, la plus folle faisant rage à la mi-septembre. C’est d’ailleurs à ce moment que nous enregistrons le plus de plaintes. Mais que pouvons-nous faire contre le mauvais temps ? Répéter que ce n’est pas de notre faute ? On ne nous croirait pas.
Je dérive sans fin de pensée en pensée, mauvaises pour la plupart. Au centre de mes préoccupations immédiates, mes jumelles. Elles semblent avoir retrouvé le droit chemin après avoir joué aux rebelles pour la libération ratée du ghetto situé dans la partie ingrate de L’Avenir, là où coulent, grises et basses comme le ciel, les eaux grasses du Grand-Ruisseau. Sans surprise, la quatrième émeute a échoué. On attend la cinquième qui tarde.
Carmelle Cameroun et Cabotine Cambodge, mes filles, sont intelligentes et débrouillardes. Après l’échec du ghetto, elles ont sagement décidé de retourner sur les bancs de l’école de police d’Odanak. J’y croyais à peine quand mes filles sont venues me l’annoncer. À trente-deux ans, elles étaient premières de la promotion avec des notes identiques, donc ex aequo, ce qui ne s’était jamais vu.
Enfants, elles en ont mangé de la croûte et de la vache enragée, faute de pouvoir mieux se nourrir. Nées dans les Zones tribales, elles ont été séparées à la naissance. La cause : une superstition accolée aux jumeaux et aux jumelles.
Au sous-gouvernorat de L’Avenir, les policiers Beaulac et Bergeron viennent de prendre leurs retraites. Gallagher les a devancés. Il y avait donc trois postes vacants. Madame l’archigouverneure Lupien a décidé de supprimer un poste à L’Avenir et de le rapatrier à L’Hériotte. Elle est de nature très possessive.
Le petit nouveau à L’Hériotte possède deux prénoms, comme les territoriaux, mais il se défend d’en être un, ce qui m’apparaît suspect. Comme stagiaire, il sert de bouche-trou. C’est un bon dépanneur et un bel homme dans la fleur de l’âge. Il lui faut bien commencer quelque part s’il veut se faire les dents.
Quant à mes filles, elles ont été engagées à L’Avenir pour acquérir sans douleur de l’expérience sur le terrain. Elles ont commencé à travailler sous les ordres du lieutenant Junior Picard, mon autre adjoint. (Malade, il vient de me prévenir qu’il doit s’absenter. À la mi-janvier, il devrait nous revenir en pleine forme.)
En somme, je suis très satisfaite de mes deux équipes. Ça me libère des tracas quotidiens. En outre, ça me permet de pouvoir fermer ma porte et de rêvasser en paix, comme en ce moment. En jetant un coup d’œil à la fenêtre, je constate que les flocons ont abandonné la partie.
Dans mon dos, on murmure que j’y suis pour beaucoup dans l’engagement de mes jumelles à L’Avenir. Si j’en attrape un, je lui serre les couilles. Parce que ça ne peut provenir que d’un agent masculin. Façon de parler quand même. Je ne suis pas méchante et peu rancunière, mais il m’arrive d’avoir une poigne de fer quand on s’en prend à mes filles.
Il y a quand même un peu de vrai. Je ne nie pas l’évidence : j’y suis pour quelque chose. Ça ne m’empêche pas d’être inquiète, de douter. Mes filles ont le devoir de réussir leurs stages d’enquêtrices débutantes. Les attentes sont élevées et l’archigouverneure Eustachée Lupien les tient à l’œil. Au fond, à travers elles, c’est un peu moi qu’on surveille.
Tu parles ! Bon, là, c’est assez.
Le capitaine Éméric Liu, directeur des services secrets, en d’autres mots, mon vis-à-vis et mon voisin de bureau, serait trop heureux de me reprocher d’avoir manœuvré dans l’ombre et au mépris de l’intérêt supérieur des natifs. Des paroles si creuses qu’à y regarder de près je suis saisie de vertige.
« Quelle idée d’enrôler ses propres enfants ! Conflit d’intérêts manifeste ! » Je l’entends de loin, celui-là, alors que je flâne toujours devant ma fenêtre. Un peu par jeu, un peu pour tromper mon ennui, je guette le premier piéton qui va glisser sur le trottoir de la rue Lindsay, feindre de se blesser, puis poursuivre l’amicale afin de boucler sa fin de mois.
Je sors un autre mouchoir pour faire sortir le méchant qui squatte mon nez. Une autre toux qui m’irrite encore plus la gorge. À la fin de décembre, comment appelait-on ces réjouissances des temps si anciens ? Je l’ignore. Les passéologues pourraient mieux me répondre.
Les natifs ont oublié l’esprit des fêtes depuis la catastrophe de l’an trente-six. L’important, c’est de survivre.
Ça alors ! Une vieille dame tente de se laisser tomber. Une belle âme la retient. On ne va peut-être pas être poursuivi à la suite de cette neige hâtive. Dommage. On pourrait atteindre à cent plaintes. Un chiffre tout rond, tout chaud, facile à retenir, magique.
***
J’aimerais retrouver le sourire, sauf qu’un danger imminent gronde au sud de notre frontière. Les Zones tribales s’agitent de plus en plus sous l’impulsion d’un dictateur qui a centralisé tous les pouvoirs. Son nom fait rager le capitaine Liu et ses agents secrets : Happy Hongrie Pleineton, surnommé le Serpent. Malheur à qui se dresse sur son chemin. Quand il tire la langue, c’est pour tuer.
Ce tyran règne sans partage depuis Brooke, sa capitale située au sud de Richmond. En guise de réponse, madame l’archigouverneure renforce son armée dans le plus grand secret. Pour le moment, elle n’en est qu’aux généraux. Le reste de l’état-major devrait suivre, suivi de la piétaille. Car ces hordes barbares, un jour ou l’autre, vont chercher à nous conquérir.
Notre seule lueur d’espoir, c’est d’espérer que la même épidémie de l’an trente-six revienne en force dans les Territoires cantonaux, et qu’elle y reste. On se souvient encore des épidémiens qui contaminaient leurs semblables avant de venir crever comme des rats à Richmond. Leurs cadavres gonflés étaient nombreux à dériver sur le fleuve Saint-François.
Ces dépouilles immondes barbotaient un temps devant les récifs d’Ulverton, étaient secouées aux rapides, longeaient ensuite nos côtes de l’amicale, descendaient jusqu’à Odanak, puis se perdaient dans le Grand-Fleuve qui, on s’en doute, possède un appétit d’ogre.
Toujours en l’an trente-six, l’épidémie avait fini par se propager à L’Avenir, puis dans toute l’amicale, puis à l’étranger. Un très grand nombre avait péri. C’était pire qu’un cauchemar, c’était la catastrophe. Les personnes âgées, qui à l’époque n’étaient que de jeunes enfants, en tremblent encore en évoquant cette abomination.
De ma fenêtre, je recule d’un pas. La neige est disparue aussi vite qu’elle est descendue du ciel. Nos hivers ne sont pas ce qu’ils étaient avant la catastrophe. La température descend rarement sous la barre du zéro centigrade. Est-ce une bonne chose ? Au moins, on ne meurt plus de froid.
La neige a beaucoup reculé. Elle n’est plus visible qu’au nord du Grand-Fleuve, dans des amicales restées un peu à l’état sauvage. Les habitants se nomment Autotte, Rajotte, Marcotte, Sicotte ou Brulotte. Ils ont les yeux bridés et sont en général plus grands que nous. On prétend qu’ils s’habillent en peaux d’animaux et qu’ils dévorent de la viande crue.
C’est archifaux. Ils sont blonds, ont les yeux bleus et parlent un dialecte compréhensible à nos oreilles. (Ce qui n’est pas du tout pareil avec les langues cantoniennes qui fleurissent au sud de la frontière.) Là-haut, ils s’habillent d’ailleurs comme nous. Ils ne mangent pas de viande crue.
J’ai déjà eu l’occasion de rencontrer une famille d’étrangers qui réside depuis une quinzaine d’années sur la route Charpentier, à L’Avenir. Le père fait un excellent pain. La mère se nomme Cléophée Autotte. Elle est devenue une artiste à succès. (Avant elle, les peintres n’existaient pas chez nous.) Les couleurs qui reviennent souvent dans ses toiles sont le blanc, le gris et beaucoup de noir. Depuis peu, elle apprivoise les couleurs vives qui réchauffent les cœurs.
Oups ! Avec de telles pensées vagabondes, où me suis-je encore égarée ?
Il ne reste que peu de jours avant d’aborder l’an cent douze. Que nous réserve-t-il ? Bien que dans la cinquantaine bien portante, je suis restée désespérément seule. Pour bercer mes angoisses, il me reste les jumelles que je ne vois que trop rarement. Je comprends qu’elles ont leurs propres vies. Je ne veux pas devenir un fardeau.
On murmure sous cape de vilaines choses à propos de mes filles. Elles seraient délurées. Ces rumeurs ne concernent pas leur nouveau travail d’enquêtrices. Pas du tout. On les décrit comme des mangeuses d’hommes. Elles seraient de noir vêtues, n’ayant de rouge que les lèvres. On va jusqu’à les traiter de vampires, de sorcières et, comble de mépris, d’épidémiennes. Qui peut bien colporter de tels cancans ? Des amants éconduits ? Des punaises de sacristie ? Des langues de vipère ?
Ne devrais-je pas retourner à la maison, prendre un sirop réputé miraculeux et me coucher ? Je résiste, car je suis de service aujourd’hui, étant la plus haute gradée en l’absence de madame l’archigouverneure et de son cabinet, de l’énergique capitaine Liu en mission au ghetto ou ailleurs sur le terrain, ainsi que des directeurs en congé de fin d’année. Sur l’étage, le calme plat, ce qui est loin de me déplaire.
J’entends au loin la sonnerie du téléphone. Mon adjointe Yock répond aussitôt.
***
Ça provient du rez-de-chaussée, en fait du stagiaire qui répartit les appels tout en répondant aux natifs, à la réception. À propos, quel est son nom de famille ? Je me gratte la tête. Un trou de mémoire, ce qui m’arrive parfois. Ça va me revenir.
Depuis quelques mois, ce jeune agent remplace Olaffe Leblan, un vétéran qui ne voulait pas prendre sa retraite, mais qui, gentiment, a été poussé vers la sortie. Je l’aimais bien, Leblan. Nous finissions par nous habituer à sa façon de parler quand il chuintait les s et les z. Ce défaut de langage lui était venu d’une balle reçue à la joue droite. Traumatisé, il n’avait plus été capable d’occuper ses fonctions de policier. On l’avait converti en homme à tout faire de la centrale. Pour son plus grand bonheur, sans perte de salaire.
Je dirige une formidable équipe qui rend ma vie au bureau facile. Fraîchement promue capitaine, en l’an quatre-vingt-quatorze, je remplaçais le capitaine Hénédin Samson à la tête de dix hommes et de six femmes. J’avais craint d’être boudée, car il y a parfois des ambitieux qui veulent sortir des rangs et gravir les échelons. À mon grand soulagement, tout le contraire s’était produit.
Il faut préciser que l’archigouverneure Eustachée Lupien m’avait remarquée quand j’étais cheffe par intérim à L’Avenir, alors que je venais de remplacer mon mentor O’Bom. J’avais à mon actif des faits d’armes assez uniques, ce qui m’a aidée à obtenir cette promotion. Je suis toujours en selle en dépit des sautes d’humeur de ma patronne.
L’équipe de la sécurité publique m’avait tout de suite adoptée, sans doute grâce à mon style de gestion et à ma façon d’assumer mon rôle de capitaine, et ce, après le long règne de Samson. Je ne suis pas une carriériste comme mon collègue Liu. Je donne volontiers le crédit à mes policiers quand ils font un bon coup.
Des fois, je me pince pour m’assurer que je suis bien capitaine de la cité-État la plus importante de l’amicale. Pas par intérim, mais de façon permanente.
— Je peux entrer ? me demande poliment Yock.
Au début, mon adjointe était pointilleuse sur tout ce qui touchait à la hiérarchie. À force de l’inviter à laisser tomber le protocole, j’ai pu la voir changer peu à peu et devenir plus familière. Ça a pris le temps qu’il fallait. Avec le lieutenant Junior Picard à L’Avenir, nous formons maintenant un trio efficace, pour ne pas dire redoutable. (J’avais un autre lieutenant, Loukas Husk. Il a été transféré sous les ordres du capitaine Liu.)
— Tu parles ! Fais comme chez toi. Allez, hop ! pas de manières avec moi. (Elle m’honore d’un large sourire complice.) Quoi de neuf ? Qui c’était ?
Du menton, je lui désigne l’un des deux fauteuils servant à accueillir les visiteurs. Ils n’ont pas encore eu le temps de s’user, les fauteuils, je veux dire.
Yock prend ses aises. Je recule d’instinct pour ne pas lui transmettre ma grippe. De qui ai-je bien pu l’attraper ? Ce n’est pas en posant la question que je vais avoir une réponse.
— La routine.
— Dis quand même.
— Adelme-Didacien Surprenant m’a parlé d’un couple habitant le Bec-du-Canard. (Voilà enfin le nom du stagiaire qui m’est servi sur un plateau d’agent !) On vient de lui voler sa voiture dans sa propre cour, à ce couple. Au Bec-du-Canard, tu t’imagines ? Un quartier sans histoire. Un quartier sûr.
— Les bandits ont perdu le peu de manières qu’ils conservaient.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
Mon ironie ne passe pas la rampe.
— Aucun respect pour la propriété privée, je veux dire. (Mon adjointe me dévisage, un moment perplexe. Est-ce la grippe qui me fait dérailler ? Je ne peux retenir plus longtemps un sourire fatigué.) Tu t’en charges ?
— Sans problème. Je me fais accompagner d’une policière. Ça va me changer de la paperasse.
— Qui est de service ?
— Zénaïde Brouillard. On devrait être revenues dans pas grand temps.
— Un vol de voiture, vraiment ? Les types peuvent pas se rendre bien loin, que je remarque sans le moindre effort.
C’est l’évidence à sa face même. Le Bec-du-Canard est un quartier aisé. Il est protégé par une guérite derrière laquelle veillent deux gardiens du privé. Ces résidents-là répugnent à se mêler au commun des natifs. Ils doivent se croire d’un rang supérieur avec leurs maisons cossues et leurs grosses voitures importées de l’Extrême-Ouest.
C’est d’ailleurs dans ce quartier que la célèbre Ferréolle Husk a élu domicile. Parfois, on peut voir son caniche qui la promène. Tous les deux sont habillés à la dernière mode. Mais le plus souvent, l’artiste est en tournée interamicale, car elle est très en demande. Son toutou l’accompagne. Deux bêtes de scène, à leur manière.
Je salue mon adjointe et, dès qu’elle me tourne le dos, j’étouffe une grimace de douleur. La tête me tourne. Il n’est pas midi. La journée risque d’être interminable. J’ai besoin de voir du monde tout en gardant mes distances, bien entendu.
Pour me changer les idées, je vais manger au resto du coin. Sur l’enseigne, on peut lire deux noms pour désigner le même établissement. D’abord La Fille d’Aryane, en petits caractères, d’après Aryane, sœur de l’ex-chef de police Hénédin Samson et mère de la proprio actuelle, Arlita. Ensuite, juste en dessous et en plus gros caractères, un nom
