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Dans l'univers des Contes Interdits - Étienne, démasqué
Dans l'univers des Contes Interdits - Étienne, démasqué
Dans l'univers des Contes Interdits - Étienne, démasqué
Livre électronique291 pages3 heures

Dans l'univers des Contes Interdits - Étienne, démasqué

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À propos de ce livre électronique

Un militant à la tête des Singes Ailés, en faveur du retour de la peine de mort et friand de doctrines élitistes.
Un piège, une accusation de meurtre et le surnom qui vient avec : le Démon Morceleur.
Une expérience de mort imminente et une âme ramenée de l’enfer par un nécromancien.
Un ex-enquêteur tenace traînant dans son sillage les fantômes qui le hantent…
Étienne Lebel est le mâle alpha dans toute sa splendeur.
Un homme béni des dieux, pourrait-on croire sans connaître la raison pour laquelle il a été mis au monde... et avant que sa route croise celle de Dorothée Noroît ! Le jour où cette tueuse en série a ramassé un mégot portant son ADN, avait-il encore une chance de s’en sortir indemne ?
LangueFrançais
Date de sortie30 mai 2024
ISBN9782898191886
Dans l'univers des Contes Interdits - Étienne, démasqué

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    Aperçu du livre

    Dans l'univers des Contes Interdits - Étienne, démasqué - Maude Royer

    Notes de l’autrice

    Ce roman est l’histoire d’Étienne Lebel, un personnage du Conte Interdit Le Magicien d’Oz, lui-même adapté du roman Le Magicien d’Oz, écrit par Lyman Frank Baum et publié aux États-Unis en 1900.

    Il est dédié aux lecteurs du Conte Interdit Le Magicien d’Oz qui, après avoir suivi jusqu’au bout une tortueuse route de briques jaunes, se risquent à nouveau à avancer dans cet univers.

    Pour apprécier tous les détails de l’histoire d’Étienne, il est donc conseillé de lire d’abord Le Magicien d’Oz, mais aussi Jim le poète vagabond (Dans l’univers de Pinocchio).

    « Le ciel s’assombrit, tandis qu’un sourd grondement résonnait dans les airs, suivi bientôt de battements

    d’ailes innombrables et d’un caquetage mêlé de rires. Quand le soleil émergea du ciel obscurci, on pouvait voir

    la Sorcière entourée d’une multitude de singes, chacun muni d’une paire d’ailes immenses et vigoureuses.

    Le plus grand semblait conduire la troupe. D’un coup d’ailes, il vint se poser près de la Sorcière. »

    — Lyman Frank Baum, Le Magicien d’Oz, 1900.

    L’épouvantail : « Il me semble qu’il y a

    des fantômes par ici. »

    L’homme de fer-blanc : « Grand imbécile…

    Des fantômes ? C’est ridicule ! »

    Le lion : « Mais est-ce que vous ne croyez

    pas aux fantômes ? »

    L’homme de fer-blanc : « Non, bien entendu ! »

    — Le Magicien d’Oz

    (film musical de Victor Fleming), 1939.

    « […] les ailes représentent les petits anges

    qu’on devrait laisser s’envoler.

    Quant aux singes, ils sont une version inférieure

    de l’être humain.

    Comme le sont les handicapés. »

    — Étienne Lebel, Le Magicien d’Oz

    (Les Contes Interdits, Maude Royer), 2022.

    4 décembre 2017

    Possible trafic d’ossements à Québec

    Achille Milan | La Sphère

    En pleine nuit, le cadavre de Monsieur X disparaît de la morgue de Québec.

    Au début du mois de novembre dernier, les policiers avaient fait de macabres découvertes dans le sous-sol d’une résidence du quartier Saint-Romuald, à Lévis. Le corps de Daphnée Nocchio, assassinée par son propre frère, le tristement célèbre Patrick Nocchio, avait été profané dans une horrible mise en scène. Un deuxième corps, celui d’un jeune homme d’une trentaine d’années, avait également été retrouvé dans la chambre froide de la propriété. Une mort violente et un état de décomposition avancé le rendant méconnaissable, il n’avait pu être identifié.

    Même si les preuves recueillies affirment le contraire, Nocchio n’a jamais avoué avoir tué cet homme. Paralysé et ayant perdu l’usage de la parole, le jeune meurtrier a pu être interrogé grâce à une technologie qui permet de communiquer avec les yeux, ces derniers tenant le rôle de curseur sur un écran numérique. La déclaration de Nocchio, ainsi obtenue, se résume à ces mots : « Je n’ai rien fait. Il n’était pas réel. Il n’a jamais existé ».

    Il y a quelques jours, une reconstitution numérique du visage de Monsieur X, réalisée par un artiste judiciaire, a été rendue publique. Des enquêteurs ont alors cru reconnaître un éventuel témoin, jusque-là introuvable, dans le meurtre du populaire animateur Manuel Jasmin. Or, avant même que leur hypothèse ait pu être vérifiée, dans la nuit du 3 au 4 décembre, la dépouille de Monsieur X, emballée dans du plastique blanc, a mystérieusement disparu de la morgue de Québec. Une enquête est en cours. S’il peut s’agir d’une simple bévue de la part d’un employé, la police n’écarte pour le moment aucune piste, et la thèse d’un vol est envisagée.

    Un examen plus approfondi du cadavre aurait-il pu ­dévoiler une sinistre vérité que quelqu’un cherche coûte que coûte à cacher, ou a-t-on plutôt affaire à un trafic d’ossements ? « C’est vrai que le commerce de restes humains a explosé sur internet dans les dernières années, répond le responsable de l’enquête. Un squelette complet peut rapporter dans les 5000 $. »

    Un homme louche aurait été aperçu rôdant aux alentours de la morgue dans les jours précédant la disparition du cadavre. Selon le témoin, le suspect serait particulièrement grand, corpulent, et aurait les cheveux longs.

    « À ce stade-ci de nos investigations, déclare l’enquêteur, une seule chose est certaine : la dépouille n’est pas disparue par magie. »

    Quiconque possède des renseignements qui pourraient contribuer à éclaircir ce mystère et à retrouver la dépouille de Monsieur X est prié de communiquer avec le bureau du coroner.

    Prisonnier

    Jour 3

    Dans un bruit de métal agressant, la porte se verrouilla à double tour pour la nuit. Passant entre les barreaux d’une minuscule fenêtre, la pâle lueur lunaire projetait des ombres au plafond de la cellule d’Étienne Lebel, l’informant du moindre mouvement de son colocataire. Installé sur la couchette surplombant la sienne, Pow pow était en pleine séance de masturbation. Un peu plus tôt, il avait fouillé dans les affaires d’Étienne et volé les lettres érotiques de ses ­admiratrices. Analphabète, Pow pow avait exigé qu’Étienne les lui lise. Sa couchette n’avait pas tardé à grincer.

    — Maudit crisse ! beugla Pow pow quand son bras cessa enfin de s’agiter pour retomber le long de son corps. T’a fermes-tu ta crisse de yeule ?

    Ayant terminé sa lecture, Étienne n’avait pas ouvert la bouche depuis deux bonnes minutes. Il vivait dans la hantise de déclencher la colère de Pow pow, ce taré qui, même dans son sommeil, avait la fâcheuse manie de se parler à voix haute, balançant des réponses à ses propres questions et allant jusqu’à s’obstiner violemment avec lui-même.

    Dring ! Dring ! Pow ! Pow ! Chick ! Chick ! Wow ! Wow !

    Étienne ignorait où il venait de pêcher ce souvenir de cette comptine enfantine, mais il comprenait maintenant d’où sortait le surnom de Rénald Levac.

    — Toé, ta yeule !

    Rénald « Pow pow » Levac était le parfait exemple du genre d’humain qu’Étienne exécrait.

    Il est dangereux. On sait jamais ce qui va lui passer par la tête. Personne est en sécurité avec un dégénéré dans son genre dans les parages.

    Enfermé avec lui dans une cellule de 70 pieds carrés, Étienne avait de quoi être nerveux.

    Pourquoi est-ce qu’on paye pour garder des détraqués pareils en vie ? C’est pas comme s’ils étaient récupérables !

    Pow pow n’était évidemment pas son seul souci. Dans ce trou à rats, se méfier de tout le monde était vite devenu sa principale activité. Bien qu’il ne soit incarcéré que depuis trois jours, l’information avait déjà atteint tous les recoins de la prison : il était le meneur des Singes Ailés. Tout le monde savait qu’il était un activiste aux idéologies d’extrême droite qui militait, entre autres, pour le retour de la peine de mort pour les meurtriers, les violeurs et les pédophiles. À cause des ailes blanches dont les Singes Ailés s’affublaient et du visage séduisant d’Étienne, ses codétenus l’avaient baptisé « Gueule d’ange ». Il se serait accommodé de ce charmant sobriquet s’il ne venait pas chaque fois avec la menace qu’on lui arrange le portrait ou qu’on lui défonce le cul. S’il était plus costaud que la plupart de ses détracteurs, il était dépourvu d’alliés.

    Je peux pas rester ici. Je survivrai pas jusqu’à mon procès.

    Dans sa tête, la voix de sa mère le gronda :

    « Tu es fait fort, Étienne. Tu es capable d’en prendre. Arrête de pleurnicher, il y a plus mal pris que toi. »

    Les ronflements, le grondement des tuyaux et son sevrage forcé à la nicotine empêchaient Étienne de dormir. Il se mit à fulminer contre la responsable de son malheur, l’enquêteuse St-Gelais. En plus de n’avoir aucune manière et de s’habiller comme la chienne à Jacques, cette femme manquait manifestement de jugeote.

    J’ai pas tué Évan Pouliot-Taillon ! Comment est-ce que cette grosse torche a réussi à convaincre tout le monde du contraire ?

    L’enquête n’était pas close, car les policiers cherchaient des complices dans l’entourage d’Étienne. Mais pour trouver le fou responsable du meurtre dont ils l’accusaient et de ceux dont ils le soupçonnaient, il aurait fallu qu’ils cherchent ­ailleurs. Étienne était certain que ses amis, comme lui, n’avaient aucun lien avec le tueur qui faisait des ravages dans le Grand Montréal.

    À l’aube, une envie pressante d’uriner l’arracha à son sommeil inconfortable. Transi, il hésita à sortir de sous son drap, mais finit par se traîner les pieds jusqu’à la toilette. Dans la pénombre, il sentit avant de le voir l’amas de matières fécales qui macéraient dans la cuvette sous forme de purée. Incommodé par l’abominable odeur, il tira machinalement la chasse d’eau. Le boucan entraîné par son geste réveilla Pow pow et fit remonter – trop tard – un règlement à la mémoire d’Étienne : interdiction de flusher la nuit. En bondissant à genoux sur son matelas, Pow pow marmonna :

    — C’est le signal, c’est ça ?

    — Quel signal ?

    Pow pow sauta en bas de sa couchette. Il attrapa une cuillère sale sur la tablette qui leur servait de table et la pointa sur Étienne en déclarant :

    — Tu peux pas rester icitte plus longtemps.

    — Tu suggères qu’on se creuse un tunnel ? lâcha Étienne, les yeux sur l’ustensile.

    Pow pow déposa son arme insignifiante et se rua sur la toilette. Agrippant la cuvette des deux bras, il se mit à tirer dessus. Étienne recula en direction des lits.

    — Qu’est-ce que tu fous ? Arrête ça, tu vas avoir des problèmes.

    Il renonça à appeler à l’aide. D’une façon ou d’une autre, les gardiens n’interviendraient pas à temps. Et s’il exagérait le danger encouru en criant au loup, c’est sur lui que retomberaient les fameux problèmes.

    — Que c’est qui se passe, encore, calvaire ? vociféra quelqu’un, dans une cellule voisine. On peut-tu dormir tranquille juste une nuite ?

    Apparemment décidé à arracher la cuvette du sol, Pow pow grognait comme un ours enragé. Étienne se rassura en se disant que, trapu et de faible musculature, Pow pow n’avait aucune chance de parvenir à ses fins. Cependant, à force de s’acharner en tordant son affreuse face de bouledogue, il y arriva. La cuvette brandie au-dessus de sa tête, il se dirigea droit sur Étienne.

    — Qu’est-ce que… ?

    Pow pow disparut, puis tout le reste avec lui, alors qu’Étienne perdait à la fois le son et l’image. Quand il retrouva la faculté d’entendre, il comprit, aux bruits des klaxons, qu’il avait quitté sa cellule. Il entendait une sirène, aussi, et sentait une vibration dans tout son corps. Il était allongé. En mouvement.

    Sur la route ?

    — Vous êtes encore là, monsieur Lebel ?

    Étienne ne reconnut pas la voix de cet homme qui lui pressait la poitrine par à-coups.

    Il est en train de me péter des côtes.

    — Il est mort, annonça une deuxième voix. Fatigue-toi pas pour rien.

    Je suis vivant ! hurla Étienne, sans pourtant qu’aucun son franchisse ses lèvres.

    — Je continue, s’obstina la première voix. Ce gars-là, c’est le Démon Morceleur ! Pas le goût qu’on m’accuse de l’avoir laissé mourir exprès !

    Le Démon Morceleur ? C’est comme ça qu’ils surnomment le tueur ?

    — Qui t’en voudrait, sérieusement ?

    29 octobre 2018

    LE DÉMON MORCELEUR REVIENT D’ENTRE LES MORTS !

    Noémie Desjardins | Le Royal

    ÉTIENNE LEBEL S’ACCROCHE À LA VIE

    Contrairement à ce que les médias du pays ont annoncé hier, Étienne Lebel n’a pas succombé à ses blessures en prison. Il repose toutefois dans un état critique à l’hôpital Sainte-Victorine. Selon ses médecins, les chances qu’il se réveille un jour de son coma sont faibles.

    Rappel des faits

    Étienne Lebel, 41 ans, était incarcéré en attente de son procès pour le meurtre d’Évan Pouliot-Taillon. L’activiste montréalais, meneur des Singes Ailés, réclame l’arrêt des soins prodigués d’emblée aux grands prématurés ainsi que l’euthanasie pour les personnes lourdement handicapées.

    Henri Duhaime, responsable de l’enquête sur le Démon Morceleur, a été démis de ses fonctions quelques jours avant l’arrestation de Lebel. « La chasse aux singes est lancée ! » déclare Émilienne St-Gelais, qui a pris le relais. Convaincue que Lebel n’a pas agi seul, la lieutenante-détective compte bien interroger les 23 membres de sa bande, dont plusieurs sont recherchés. « Une gang sans chef, c’est comme une poule pas de tête, explique St-Gelais. Ça court un bout dans tous les sens, mais ça finit toujours par frapper un mur pis tomber. »

    On encourage la population à communiquer avec la Sûreté du Québec pour partager tout renseignement qui pourrait aider à retrouver l’une ou l’autre des personnes recherchées ou à faire avancer l’enquête.

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    Prisonnier

    Jour 14

    Étienne n’éprouvait aucune douleur physique. Dans un état de faiblesse extrême qu’il ne connaissait que trop bien, il avait l’impression de flotter au-dessus de son propre corps. Le monstre approchait, trahi par l’effluve ferreux qu’il traînait toujours dans son sillage. Même s’il y avait longtemps que la peur qu’Étienne éprouvait à sa venue s’était muée en haine, il demeura tétanisé. Ouvrir ou fermer les yeux ne changeait rien. Dans le gouffre où il errait régnait une obscurité abyssale. À la merci du monstre, Étienne s’était souvent senti seul, vulnérable et lamentable, mais jamais autant qu’en cet instant qui s’éternisait. Au contact du corps angulaire contre le sien, il retint son souffle, qui gela instantanément en lui avant de se répandre sous sa peau en une couche cassante de givre.

    Ce sera bientôt fini, pensa-t-il.

    Dans un bruit de déchirement, les lèvres du monstre se séparèrent l’une de l’autre, et la chair du cou d’Étienne céda sous ses dents tranchantes. Le monstre aspira son sang en une longue succion glaciale. L’air se chargea d’une odeur écœurante, bientôt occultée par un parfum brut de résine. Puis, une voix vigoureuse s’éleva au loin, à la fois granuleuse et mielleuse.

    « Démon, gardien des morts, je te commande d’intercéder auprès du Dieu de la désolation, de la torture et de l’enfer. Je te conjure d’obtenir la bénédiction divine afin que le défunt puisse vaincre la mort, se relever, marcher et parler. »

    Qui est là ? demanda Étienne. Je vous en supplie, aidez-moi.

    Sachant sans doute son temps compté, le monstre assoiffé continua à boire avec une ardeur décuplée. Pénétrante, l’odeur résineuse venait par vagues de plus en plus intenses. Transférée dans le corps du monstre, la vie d’Étienne le fuyait. Tranquillement, le froid le libérait de son étreinte. Étienne implora le suceur de sang de s’arrêter.

    Si tu m’achèves, de qui tu vas te nourrir ?

    « Démon, gardien des morts, je te commande d’intercéder auprès du Dieu de la désolation, de la torture et de l’enfer, répéta la voix exaltée. Je te conjure d’obtenir la bénédiction divine afin que le défunt puisse vaincre la mort, se relever, marcher et parler. »

    Des murmures féminins accompagnaient maintenant la voix rauque, et le monstre buvait toujours. Étienne se sentait basculer dans un monde dont il ignorait tout.

    C’est trop, se dit-il, persuadé qu’il s’agissait là de sa dernière pensée. Il boit beaucoup trop.

    Sans décrocher sa bouche de son cou, le monstre posa une main sur son cœur. Courbant les doigts, il gratta sa peau de ses ongles pointus.

    Pas ça, gémit Étienne. Tu m’as déjà tellement pris. Ce cœur atrophié, c’est tout ce qui me reste !

    Les griffes lacérèrent sa peau. Les doigts, et ensuite toute la main, se forcèrent un chemin à travers son cartilage costal, le sac fibreux de son péricarde et les racines de ses vaisseaux sanguins.

    Non ! hurla Étienne.

    « Démon, gardien des morts, je te commande d’intercéder auprès du Dieu de la désolation, de la torture et de l’enf… »

    Une lumière cruelle perça les ténèbres, provoquant la fuite du monstre. Le cœur d’Étienne se mit à battre à tout rompre. Sur un tracé en montagnes russes, un électrocardiogramme lui en jetait aux yeux les mouvements endiablés. La douleur l’assaillit brusquement. Gonflant dans sa tête, elle tambourinait en échos lancinants.

    Une alarme retentit.

    — Sortez ! ordonna une infirmière en pénétrant en trombe dans la chambre.

    — M… moi ? bafouilla Étienne.

    Ce n’est qu’à ce moment qu’il prit conscience de la présence de deux autres individus – une femme et un homme – tout près du lit dans lequel il était allongé. Tenant la femme par les épaules, l’homme avait une expression extatique sur son visage ridé encadré de boucles poivre et sel. Sa corpulence était telle que trois personnes auraient pu se tenir dans l’espace qu’il occupait. Penchée vers Étienne, la femme paraissait minuscule aux côtés de ce mastodonte. Elle avait un visage rond, maternel, et une queue de cheval grisonnante. Il eut le réflexe de lui sourire.

    — C’est ma faute, lui avoua spontanément Étienne. Je l’ai tué…

    Dans un chuchotement de connivence, la femme le força à se taire.

    — Dis pas ça, mon grand. Si t’as fait du mal à quelqu’un, c’est qu’il l’avait mérité, pis pas qu’un peu.

    Autant son sourire était doux, autant la paume qui caressait sa joue était rêche. Elle sentait l’eau de Javel.

    — Dehors ! insista l’infirmière auprès du couple. Laissez la place aux médecins !

    — On revient

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