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Wallonie française !
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Livre électronique531 pages6 heures

Wallonie française !

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À propos de ce livre électronique

Cet essai engagé et polyphonique présente la Wallonie à une France censée n’en rien savoir et donne de ce territoire belge de culture française une image nuancée et libérée des poncifs. Sans prétendre être une référence scientifique, "Wallonie française !" tente d’être honnête et d’éviter les contre-vérités partisanes.

Dominée par les nationalistes flamands, la Belgique se meurt. Par amour et pour leur survie, des Wallons se tournent vers la France : ce sont les réunionistes.

L’auteur a deux langues natales : le wallon et le français. Il assiste à l’agonie du wallon, évincé par le français. Il craint que, face à l’anglais, le français ne subisse le même sort et lance un cri d’alarme pour la défense de la Francophonie, de son identité culturelle et de ses valeurs menacées par l’impérialisme anglo-saxon.

Le lecteur est invité à ne pas se prendre la tête. Souvent, il sourira, car Louis Nisse aime mêler petite histoire personnelle et grande Histoire.

À PROPOS DE L'AUTRICE

LOUIS NISSE, licencié en philologie romane, agrégé ess, a été professeur de lettres, de français et de linguistique en Humanités, à la Haute École de la Ville de Liège et à l’École européenne de Luxembourg.

Gaulliste de gauche et souverainiste, il milite à la fois pour la réunion de la Wallonie à la France, pour protéger le patrimoine monumental liégeois et pour sauvegarder, illustrer et promouvoir la langue française.


POINTS FORTS

• Préface de PIERRE-YVES DERMAGNE, vice-Premier ministre de Belgique.

• Prise de position rare d’un des premiers hommes politiques de Belgique.

• L’auteur s’adresse en particulier au public de France, ce qui lui donne l’occasion de tout expliquer, mais le public belge, et même liégeois ne manque pas d’en apprendre tout autant.
LangueFrançais
ÉditeurMols
Date de sortie24 mai 2024
ISBN9782874023026
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    Aperçu du livre

    Wallonie française ! - Louis Nisse

    WALLONIE FRANÇAISE!

    Louis Nisse

    WALLONIE FRANÇAISE!

    Préface de Pierre-Yves Dermagne,

    vice-Premier ministre de Belgique

    Les propos tenus dans ce livre n’engagent que son auteur et éventuellement ceux qu’il cite.

    En publiant ce livre, l’éditeur entend jouer son rôle et mettre sur la place publique un ouvrage littéraire d’une grande culture, posant des questions politiques fondamentales dont le sort de la Wallonie et de la Francophonie dépend.

    Puisse ce livre alimenter le débat sur l’avenir de la Région wallonne et sa viabilité et permettre, tant aux partisans qu'aux opposants des idées et solutions qu’il esquisse, de dialoguer en connaissance de cause.

    © Éditions Mols, 2024

    Collection : Hors collection

    www.editions-mols.fr

    Pour Marin et Achille.

    PRÉFACE

    « La liberté c’est pouvoir défendre ce que je ne pense pas, même dans un régime ou un monde que j’approuve. »

    Albert CAMUS, Carnets, juillet 1945.

    Dès lors qu’elle est sincère, on ne peut qu’apprécier une déclaration d’amour ! Voilà sans doute pourquoi j’ai spontanément répondu à la demande de Louis Nisse de rédiger quelques mots de préface pour son ouvrage. Parce que celui-ci est avant tout l’expression d’un attachement à la fois sentimental et rationnel à ses patries et aux valeurs qu’elles incarnent de concert. Liège, la Wallonie, la France, l’auteur les aime passionnément, autant que les hommes et les femmes qui les ont faites au fil des siècles. Et il les aime d’un seul tenant, dans un enchaînement naturel qui les place comme des cadres successifs d’identification et d’expression, s’offrant comme autant de points d’ancrage pour s’élever vers l’universel.

    Ce livre, aussi cohérent que touffu, traduit la luxuriance de cet attachement. Tantôt synthèse historique, tantôt recueil d’anecdotes, s’approchant du guide touristique dans l’évocation patrimoniale et de la carte de visite diplomatique dans l’illustration de nos talents, l’ouvrage tout entier regorge d’informations sur une Wallonie encore trop méconnue, des Français sans doute mais souvent presque autant des Wallons eux-mêmes. Son premier mérite est donc de viser, sans outrance ni chauvinisme, à rendre justice mais aussi fierté à une population qui n’a que trop intégré les stéréotypes dévalorisants dont on l’a chargée au temps de son déclin économique.

    L’ouvrage n’en est pas moins un livre à thèse, écrit par un homme dont les convictions sont tournées vers l’action. Cette thèse, à la fois idéal et ambition de son auteur, est annoncée dès le titre : Wallonie française ! qui, pour lui, est déjà une réalité humaine, qu’il conviendra de concrétiser institutionnellement, le moment venu.

    L’idée qu’il existe un destin commun entre les provinces wallonnes et la France ne date pas d’hier ; elle est même antérieure à la constitution de l’État belge. Au-delà de l’identité linguistique et culturelle que nul ne peut nier, elle fut liée à ces révolutions progressistes qui, en principauté de Liège comme en France, donnèrent pour la première fois la parole aux peuples, dans ce qui relevait jusqu’alors des ententes dynastiques. Ainsi, les années révolutionnaires qui ébranlèrent l’Ancien Régime dans nos terres virent les villes et communes liégeoises – Franchimont en tête – mais aussi Mons, Namur et Charleroi voter pour leur rattachement à la jeune République (décembre 1792-février 1793). Cette volonté se manifesta à nouveau lors de la révolution de 1830 marquant la rupture avec les Pays-Bas, qui vit les volontaires wallons se lever au chant de La Marseillaise et le Congrès national offrir la couronne du nouvel État belge au duc de Nemours, second fils de Louis-Philippe, roi des Français (soutenu par 83 % des députés wallons et 26 % des députés flamands). Le refus imposé à la France par le veto anglais le poussera à se rabattre sur sa fille Louise-Marie, unie à un roi acceptable par la diplomatie européenne.

    Paradoxalement – ou logiquement, c’est selon – cette proximité eut pour conséquence de pousser le nouvel État à chercher à consolider ses fragiles fondations sur une exacerbation de ses différences avec son voisin français, chose naturelle pour la Flandre mais beaucoup plus osée pour la Wallonie. Comme l’a très bien montré le professeur Hervé Hasquin dans son essai pionnier sur l’historiographie belge¹, ce choix suscita le développement d’une véritable gallophobie dans le chef des autorités belges et de leurs servants. Elle se nourrit des réticences momentanées des libéraux face à l’autoritarisme conservateur de Napoléon III, de l’aversion durable des conservateurs catholiques face à la France républicaine et laïque, de la haine générale de la Flandre envers l’incarnation de la langue française qui l’opprimait, et plus globalement de la volonté de distanciation de tous les « patriotes » entrés au service d’un État qui laissait sceptique et se cherchait des éléments d’une identité propre pour justifier son existence. Ce parti pris nationaliste percola depuis les travaux historiques vers les manuels scolaires et les écrits « grand public », pour constituer la doxa francophone (officielle) jusqu’au début des années 1960 quand, à l’instar de l’État unitaire, elle fut manifestement dépassée par les faits. Encore qu’on en trouve aujourd’hui encore des traces çà et là, dans les discours néounitaristes ou dans les débordements collectifs entretenus autour des coupes du monde de football.

    En revanche, la francophilie fut la compagne de route du Mouvement wallon depuis ses origines, largement issu des milieux progressistes et laïques, libéraux et socialistes. Sans remise en cause de l’État belge, l’attrait de la République française est manifeste et proclamé chez les militants wallons. En témoignent, parmi les plus illustres, le pionnier Julien Delaite, enterrant l’âme belge au congrès wallon de 1905, le tribun Destrée, chantant la victoire de la nation souveraine lors de l’érection du coq commémorant la bataille de Jemappes, ou l’héroïque François Bovesse, évoquant la continuité naturelle des patries unies par la douceur mosane. Des origines à nos jours, chez les défenseurs de l’identité et de l’autonomie wallonnes point n’est besoin d’être « rattachiste » pour se sentir proche de la France, patrie culturelle et foyer de valeurs communes.

    Mais, effectivement, à un niveau plus intense, le courant « rattachiste », « irrédentiste » ou « réunioniste » – pour reprendre le terme que je considère moi aussi comme le plus adéquat – est une composante historique du Mouvement wallon, incarnée dès ses débuts par la figure emblématique d’Albert du Bois, qui mit à mal sa carrière diplomatique pour défendre cette conviction de sa plume persuasive. Il ouvrit ainsi une veine qui ne devait jamais s’épuiser et une voie qui, sans être la plus large, devait toujours être suivie par une partie des militants wallons. En cela, le mémorable congrès national wallon de 1945 réunissant les forces vives régionales au sortir de la guerre et de la Résistance allait être un jalon essentiel de la réflexion wallonne, en ce qu’il proposa aux congressistes d’opter entre quatre scénarios qui résument aujourd’hui encore l’éventail des possibilités d’évolution institutionnelle pour la Wallonie : le maintien d’un État unitaire adapté, le fédéralisme (autonomie dans le cadre belge), l’indépendance ou la réunion à la France. On sait que le congrès plébiscita la solution française par un vote qualifié ensuite de sentimental, avant d’adopter par pragmatisme la solution fédérale… qu’il fallut encore attendre un quart de siècle. Tenant de la solution rattachiste, notre grand romancier Charles Plisnier, premier prix Goncourt attribué à un non-Français (pour Fauxpasseport en 1937), concluait alors, s’étant rallié de raison à l’expérience fédérale :

    « Ce n’est pas notre volonté, c’est la réalité qui compte […] car tous les hommes en Wallonie ne sont pas arrivés […] à cette prise de conscience qui est la nôtre.

    Camarades wallons, nous aurons peut-être un jour besoin de la France, lorsque nous aurons fait cette expérience ultime qui nous est demandée, lorsque nous l’aurons fait dans un sacrifice à la raison et au sens des réalités politiques.

    Lorsque nous aurons fait cette expérience ultime et si, comme je le crains, cette expérience avorte, alors – j’entends le dire aujourd’hui – nous serions justifiés à nous tourner vers la France et aucun reproche ne pourrait nous être adressé, car cette expérience nous la ferons en toute loyauté et sans arrière-pensée d’aucune sorte. Alors, nous lui dirions : ‘‘Maintenant, France, au secours !" et, croyez-le bien, elle viendra ! »

    Et depuis, cheminant parallèlement à l’affirmation progressive du fédéralisme et d’une régionalisation encore très incomplète, cette thèse ne demeura jamais muette. Elle fut même fréquemment scandée par des responsables politiques de premier plan tirant les enseignements de leur expérience. Je pense à l’inimitable François Perin, au Namurois Fernand Massart, dernier président du Rassemblement wallon, et bien sûr à Paul-Henri Gendebien, acteur de la fédéralisation puis fondateur du parti Rassemblement Wallonie France. Par ailleurs, qui a oublié la célèbre exclamation de Claude Eerdekens à la Chambre, ou les prises de position explicites de Robert Collignon, figure de proue du régionalisme et ministreprésident wallon qui affiche depuis des années un réunionisme assumé. Dans un autre parti, Pierre Hazette ou Daniel Bacquelaine ne font guère mystère de leurs convictions, parmi d’autres moins déclarés issus d’horizons divers.

    Louis Nisse se réclame de ce courant, minoritaire mais ancien, riche de sa constance autant que parfois affaibli par ses propres divisions. Chose appréciable, l’attachement sincère de l’auteur à la Wallonie lui évite l’écueil sur lequel certains s’abîment en abaissant notre région à seule fin de présenter l’union avec Marianne comme inévitable. Les unions par dépit ne sont jamais heureuses et, par ailleurs, tout déterminisme relève pour moi de l’illusion. Ceux qui prétendent que la Wallonie est nécessairement vouée à rejoindre la France commettent la même erreur que ceux qui clament l’immortalité de la Belgique, peut-être pour s’en convaincre ou pour plaire à une part présumée de l’électorat. Louis Nisse a donc le mérite de ne pas s’ériger en prophète mais de développer un plaidoyer, en apportant des arguments à sa thèse sans nier l’existence d’autres positions ni les difficultés à surmonter. À l’instar de l’Alliance Wallonie France inspirée notamment des analyses de Jacques Lenain, il présente aussi l’éventail des associations possibles, de la souveraineté-association de deux pays francophones à l’intégration complète dans la République une et indivisible, en passant par une intégration sous régime spécifique, autorisée par la Constitution française et qui permettrait de prendre en compte l’autonomie régionale acquise par la Wallonie au cours des quatre dernières décennies.

    Ainsi, l’auteur dépasse indéniablement le niveau de la simple critique, même s’il n’en est pas avare… mais avec équité, égratignant autant l’aveuglement citoyen que la partialité des médias et, bien sûr, la frilosité des élus. Sa critique des partis ne verse dès lors pas dans le rejet aveugle du politique qui n’est jamais qu’une forme de rejet de la démocratie. Déception et espoir partagent ainsi son analyse, résolument tournée vers l’avenir.

    On serait donc mal avisé de repousser a priori cette thèse, et plus encore de dénier à quiconque le droit de la défendre par le débat d’idées. L’ouvrage formule et promeut un scénario, celui d’une évolution possible, peut-être moins inéluctable que ne le pense l’auteur dans son approche de 2024 mais qu’il serait inconséquent de récuser comme irréaliste par nature. N’en déplaise à ceux qui refusent d’envisager ce qui les dérange, comme l’écrivait Camus: « La liberté c’est le droit de ne pas mentir. »² Et, pour un responsable politique, c’est même un devoir d’envisager tous les avenirs possibles.

    Comme devant tout grand choix de société, il appartiendra à chacun de prendre position en conscience et de manière éclairée. Une chose est pour moi certaine, c’est que l’option des réunionistes mérite l’attention et le respect dès lors que ce choix de la France a toujours été celui de l’universalisme, des droits de l’homme, de la liberté de conscience, de la laïcité et du respect de la différence, en un mot des valeurs des Lumières, de la Révolution et de la République, porteuses de liberté, d’égalité et de fraternité ; trois principes qui, partout et toujours, orienteront mon action d’homme et de citoyen.

    Pierre-Yves Dermagne,

    vice-Premier ministre du gouvernement fédéral belge,

    ministre de l’Économie et du Travail,

    bourgmestre de Rochefort.

    1. H. HASQUIN, Historiographie et politique ad Belgique, 3e éd., éditions de l’Université libre de Bruxelles et Institut Jules Destrée, Bruxelles-Charleroi, 1996.

    2. Carnets, décembre 1944.

    AVANT-PROPOS

    « Pour donner, il faut posséder, et nous ne possédons d’autre vie, d’autre sève, que les trésors hérités du passé et digérés, assimilés, recréés par nous. De tous les besoins de l’âme humaine, il n’y en a pas de plus vital que le passé. »

    Simone WEIL, L’Enracinement, œuvre posthume

    publiée par Albert Camus chez Gallimard, en 1949.

    France, dans ces temps de vertige et de désarroi, mon livre te parlera, car tu sens confusément combien la nécessité de l’enracinement dans notre culture n’a jamais été aussi pressante.

    Puisque tu ignores presque tout de nous, les Liégeois, les Wallons, les francophones de Belgique, mon témoignage t’aidera à mieux nous connaître et à nous reconnaître ! Donc, à mieux te connaître, à te rendre confiance en toi, car la Wallonie est une province française. Découvre-la ma petite patrie, ma terre wallonne : elle t’appartient, France. Laisse-moi te guider ; arpente-la avec moi en préparation de ta prochaine Joyeuse Entrée. Ta très prochaine Joyeuse Entrée : la Belgique est dans les soins palliatifs.

    Je vais donc tenter de définir ma patrie liégeoise et wallonne et mon identité française, qui est aussi un projet et un combat.

    La Wallonie – une Wallonie certes très liégeoise, la mienne –, je t’en retracerai l’Histoire, France, j’évoquerai pour toi ses richesses, son patrimoine, sa culture, ses langues et je te montrerai l’impasse politique, la nasse où son attachement à l’État belge la coince dorénavant. L’aliène et la meurtrit. J’y évoquerai aussi les enfants qui l’ont honorée et qui l’honorent ainsi que le long combat des militants wallons qui inspirent mes velléités. Je mêlerai Histoire et petite histoire, je te parlerai de notre identité culturelle wallonne et française, de notre langue française bafouée et de nos libertés démocratiques menacées. France, je t’aiderai à comprendre – autant qu’il se peut – la crise belge et le temps long dans lequel elle s’inscrit.

    Puisses-tu apprendre à nous connaître et à nous aimer autant que nous, les Wallons, nous t’aimons et te connaissons, chère France !

    *

    Cet essai aurait pu compter quelque mille pages, ce qui l’aurait rendu quasi impubliable. Aussi, l’ai-je divisé en deux tomes. Wallonie française ! reprend les chapitres les moins autobiographiques, ceux ou l’Histoire, avec un grand H, donne l’illusion de l’emporter sur l’histoire personnelle, les chapitres qui semblent plus objectifs, plus politiques. Ensuite, je tenterai de publier Nos blessures françaises qui regroupe les chapitres les plus intimes, les plus poétiques peut-être ; j’y développerai les éléments autobiographiques du présent ouvrage.

    Les mots et expressions en italiques renvoient à un Petit lexique des mots et expressions en français régional de Belgique, en wallon de Liège et en flamand.

    Les nombres en exposant renvoient aux notes, placées à la fin.

    Un drapeau, une histoire, un peuple, une culture

    1

    LE COQ WALLON

    « Les Belges ? Ils ne dureront pas. Tenez, ce n’est pas une nation, deux cents protocoles n’en feront jamais une nation. Cette Belgique ne sera jamais un pays. Cela ne peut tenir. »

    Talleyrand, en 1832, alors qu’il était ambassadeur de France à

    Londres, à la princesse Dorothée de Lieven, femme de

    l’ambassadeur de Russie.

    « La Belgique n’a pas de nationalité et, vu le caractère de ses habitants, ne pourra jamais en avoir. »

    Léopold Ier, en 1859, à son chef de cabinet. Cobourgeois puis

    anglais par son premier mariage, avec Charlotte de Galles, le

    premier roi des Belges n’eut jamais la nationalité belge !

    « Non, Sire, il n’y a pas d’âme belge. […] Vous régnez sur deux peuples. Il y a en Belgique, des Wallons et des Flamands ; il n’y a pas de Belges. […] La Belgique est un État politique artificiellement composé et n’a pas de nationalité. […] Un paysan campinois et un ouvrier wallon sont deux types distincts de l’humanité. »

    Jules DESTRÉE, Lettre au Roi sur la séparation de la Wallonie

    et de la Flandre, dans La Revue de Belgique du 15 août 1912.

    1 Le drapeau wallon¹.

    « Salut, camarade ! Quel est ce drapeau ? » me demandèrent nombre de Français, à moi qui portais le drapeau wallon durant la manif Bastille-République de la France insoumise, le 24 septembre 2017. (C’était avant que ce mouvement ne soit complaisant envers le fanatisme islamiste au point d’en devenir l’idiot utile, ne renonce à hiérarchiser les luttes, ne donne plus la priorité à la question sociale mais préfère soutenir toutes les revendications sociétales², le tout en recourant aux bonnes vieilles méthodes staliniennes qui coupent les têtes qui dépassent.³ « Il n’est pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César… ni Tribun ! » : ils ont oublié la chanson !) Nous étions venus en autocar depuis Liège avec arrêt à Charleroi. Au cas où vous partageriez la même ignorance (et la même curiosité), lecteur français, laissez-moi vous en parler de notre drapeau.

    Comme le soulignait ironiquement Suétone, en latin, gallus désigne à la fois le coq et le Gaulois. Dessiné par Pierre Paulus de Châtelet en 1913, notre coq hardi est de gueules sur or, couleurs de la ville de Liège. Les arabesques attestent bien d’un graphisme conçu dans le pays de l’Art Nouveau, ce nouveau style créé par Victor Horta (1893 : hôtel Tassel à Bruxelles) et illustré par une foison d’artistes et d’architectes de talent comme Paul Hankar de Frameries, Alfred Frère de Charleroi, les Bruxellois Georges Hobé, Léon Govaerts, Henri Privat-Livemont, les Liégeois Victor Rogister, Paul Jaspar, Joseph Nusbaum ou Gustave Serrurier-Bovy⁴, le précurseur du meuble moderne. En 1911 déjà, sur le site de la bataille de Jemappes – en 1792, cette victoire libéra les Pays-Bas autrichiens et la Principauté de Liège des têtes couronnées et mitrées –, Jules Destrée avait inauguré un obélisque sommé d’un coq chantant. Avec notre devise Wallon toujours, le coq hardi figure sur l’écusson de l’épée que la Ville de Liège offrit au Maréchal Foch lors des fastes de la remise de la Légion d’honneur.

    Le coq français est un coq chantant, le coq wallon – qui s’en inspire – est un coq hardi : il a le bec fermé et, prêt à attaquer, il tient sa patte droite levée. Le drapeau réunioniste – ou rattachiste, si tu préfères – est un drapeau français arborant en son centre le coq wallon.

    Wallon, comme Gaulois, Gallois, Welsch et Velche, pourrait venir du francique *wahla : non-Germain, étranger qui ne parle pas un dialecte germanique. C’est par ce nom que les Germains désignaient les peuples parlant celte ou latin. Ainsi, La Flandre wallonne c’est la Flandre où la langue vernaculaire n’est pas le flamand, idiome germanique, mais un dialecte latin, le picard en l’occurrence. (Ainsi, qualifions-nous de Wallonie picarde la région de Tournai-Ath.) L’adjectif wallon qualifiait donc les populations de langues latines – tant picardes que wallonnes – des actuels Wallonie et Nord-Pas-de-Calais. Quant au nom Wallon, il est attesté chez Froissart, Jean Lemaire de Belges, Shakespeare (Henry VI), Cervantès, Ronsard (La Franciade), Bossuet, dans le Dictionnaire de Trévoux… Le nom de ma petite patrie, lui, c’est d’abord en latin qu’il apparaît : Wallonia. Dans la conclusion de Wallonie, le pays et les hommes (1981), Rita Lejeune et Jacques Stiennon nous apprennent que, dès le début du XVIIe siècle, certaines cartes géographiques de congrégations religieuses comme celle des Capucins manifestent une prise de conscience de la Wallonie : Provincia Gallo Belgiae seu Walloniae.⁶ Par contre, le mot Wallonie n’apparaît pour la première fois qu’en 1825, dans l’Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands d’Augustin Thierry. Il faudra attendre 1844 pour voir ce nom utilisé pour désigner la patrie des Wallons dans son acception actuelle, par le Namurois François-Joseph Grandgagnage dans la Revue de Liège. Et ce n’est qu’en 1886 et le lancement à Liège par Albert Mockel de la revue littéraire La Wallonie que ce nom sera popularisé.

    2 Provincia Gallo Belgiae seu Walloniae.

    Version de 1712 d’une carte de 1641.

    Au-delà de l’actuelle Wallonie, cette carte, œuvre d’un Capucin de Namur, inclut Thionville, Charleville, Maubeuge, Valenciennes, Cambrai, Lille, Arras et même, en Artois flamingant, Saint-Omer en voie de francisation (ou de picardisation…) depuis la fin du moyen âge.

    *

    « Vous dites Belgique mais en réalité vous faites référence à la Wallonie. Ce n’est pas un problème. Au contraire. Mais appelons un chat un chat. Quand vous célébrez la Belgique, vous célébrez en fait la Wallonie. Quand vous voyez des stars belges, elles sont en général wallonnes. Quand vous défendez des responsables politiques belges, ce sont généralement des francophones. Quand vous hissez le drapeau belge, le coq wallon y est inscrit en filigrane. Vive la Belgique ? Dites vive la Wallonie ! Vous êtes peut-être plus wallon que vous ne le pensez. Alors pourquoi ne pas défendre votre identité en tant que label de qualité : librement et avec fierté ? Peut-être êtes-vous plus Wallon que vous ne le pensez. »

    Sander LOONES, député de la N-VA, parti indépendantiste

    flamand, le premier parti de Belgique

    (L’Écho du 2 juillet 2019)

    Il y a une nation flamande. Il n’y a pas de nation wallonne. La plupart des Flamands se disent d’abord Flamands, puis, accessoirement, Belges. Pour la plupart des Wallons, c’est inversement proportionnel. Beaucoup se sentent wallons et belges, qualités qui, chez eux, loin de s’exclure se renforcent. Je connais même des Wallons qui ne se sentent pas wallons, mais liégeois ou namurois ou ardennais, par exemple. Beaucoup n’ont pas renoncé à rêver à une Belgique qui n’existe plus, tant est qu’elle ait jamais existé. C’est ce déni, cette illusion belgicaine qui les empêche de prendre des décisions salutaires pour aborder l’après-Belgique avec réalisme.

    Durant l’Ancien Régime, les Wallons étaient loin de former une nation et d’ailleurs ils n’avaient même pas un gentilé commun pour se désigner. Carolorégiens, Montois, Namurois, Stavelotains et autres Nivellois n’avaient guère conscience des identités historiques, culturelles ou linguistiques qui les unissaient. Leur sentiment d’appartenance ne dépassait guère l’horizon de leur cité, aux bornes à peine plus lointaines que les clochers des villages dont ils étaient les uniques points de mire. Certains néanmoins étaient animés par un souffle plus ample, comme les Tournaisiens qui se réclamèrent loyaux sujets du roi de France jusqu’en 1521, puis de 1680 à 1773. Quant aux Liégeois, ils portaient aussi dans leur cœur un horizon plus large, généré peut-être par une ville plus populeuse et ouverte au monde et par un état plus vaste ; ils se sentaient apparentés aux Français, qui furent leurs alliés contre les Bourguignons au XVe siècle et qui soutinrent le parti populaire durant leurs guerres civiles du XVIIe. En 1789, les Liégeois furent les seuls en Europe à faire une révolution à l’instar de celle de France, les premiers, avant la France, à instaurer un état sans prince – que d’aucuns appelèrent République liégeoise –, les premiers à organiser un suffrage universel (masculin) pour élire les députés de leur Convention nationale, puis, peu après, pour décider de la réunion de leur Principauté à la France.

    Ni la notion de Wallonie ni même le nom n’existe dans cette Belgique qui se crée en 1830. Le pouvoir y est entre les mains d’un pour cent de nantis qui profitent du suffrage censitaire ; tant au Nord qu’au Sud du nouveau pays, ils sont francophones. Comme la Wallonie est la championne de la révolution industrielle, juste après l’Angleterre, par rapport au sous-prolétariat flamand, les ouvriers wallons, même s’ils sont exploités, ont le sentiment de tenir le haut du pavé. Pour les plus politisés, l’ennemi à abattre n’est pas une Belgique marâtre, comme la ressentent bien des Flamands, mais le capitalisme.

    C’est la montée du mouvement flamand, avec ses revendications linguistiques, culturelles voire nationalistes, qui va aider les Wallons à prendre conscience de leur originalité au sein de l’État belge. Peu à peu, comme à contrecœur, des Wallons vont prendre leur distance par rapport à cette Belgique que les Flamands, plus nombreux, vont investir de plus en plus, non sans hostilité envers ces Wallons qu’ils associent à tort, et parce que ça les arrange, à cette bourgeoisie francophone – tant flamande que bruxelloise ou wallonne – qui les a méprisés. Sans le mouvement flamand, il n’y aurait pas eu de mouvement wallon significatif.

    De 1830 à 1965, la Wallonie a soutenu de ses deniers le développement et l’industrialisation du pays flamand avec une impartialité toute belge, sans nationalisme régional. ⁷ Le fait est que, par ailleurs, les Flamands, même francophones, ont toujours été majoritaires en Belgique et ont orienté la politique en conséquence. Dans le cours des années 60, la situation bascule : le PIB par tête de la Flandre commence à dépasser celui de la Wallonie. Si la grève générale de l’hiver 1960-1961 – la grève du siècle – s’essouffla assez vite en pays flamand, elle dura six semaines en Wallonie, où elle prit un tour insurrectionnel : ma petite patrie prenait conscience de l’urgence de réformes de structure spécifiques pour enrayer son déclin dans lequel l’avait laissé s’enfoncer un État belge dominé par l’élément flamand. Le fédéralisme avait été la position de repli des intellectuels du Congrès national wallon de 1945, à défaut de la réunion à la France. Ce fédéralisme était devenu le slogan des ouvriers unis derrière André Renard⁸.

    Contrairement au mouvement flamand, nationaliste et animé par des revendications culturelles et linguistiques, le mouvement wallon est internationaliste, social et politique. Les nationalistes flamands sont conquérants et parfois racistes. Ils pratiquent la préférence nationale même quand ils ont affaire à des francophones qui ont pris la peine d’étudier le néerlandais et le parlent couramment, car à leurs yeux jamais un francophone ne sera vlaamsvoelend [de sensibilité flamande]. Aussi, les Wallons deviennent-ils des citoyens de seconde zone dans un pays qu’ils sont seuls à continuer à honorer, qui les méprise et qui les fait cocus. Pour défendre leurs intérêts, pour garder la tête haute, il leur faut une nation. Et la nation des Wallons, c’est toi, France.

    2

    LIÈGE, NÉE DU CHANT

    À la mémoire de Jacques Stiennon⁹ (1920-2012).

    « Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. »

    Ernest RENAN, Qu’est-ce qu’une nation ? (1882).

    « Le refus du passé, attitude superficiellement progressiste et optimiste, se révèle, à l’analyse, la manifestation du désespoir d’une société incapable de faire face à l’avenir. »

    Christopher LASCH, La Culture du narcissisme (1979),

    préface de la réédition chez Climats (2000).

    « Toujours s’en trouve-t-il quelques-uns, mieux nés que les autres, qui sentent le poids du joug et ne se peuvent retenir de le secouer ; qui ne s’apprivoisent jamais à la sujétion […]. Ayant l’entendement net et l’esprit claivoyant, ils ne se contentent pas, comme le gros populas, de regarder ce qui est devant leurs pieds, sans qu’ils ne s’avisent et derrière et devant et ne se remémorent encore les choses passées pour juger de celles du temps à venir et pour mesurer les présentes. […] Et la servitude les dégoûte, pour si bien qu’on l’accoutre. »

    Étienne DE LA BOÉTIE, Discours de la servitude volontaire

    ou Contr’ un, 1549. Gallimard, 1993.

    J’ai modernisé l’orthographe et légèrement transposé.

    3 Gestation de ma conscience nationale, conscience aujourd’hui chassée de l’école, moquée par un capital purement spéculatif et apatride. Avec des moyens de matraquage jamais égalés dans l’Histoire, le fétichisme de la marchandise formate, liquide les cultures enracinées, qu’il hait, nous abrutit dans l’arrogance du présent, obnubile toute vision historique, empêche tout ce qui prend sens dans la durée. Aussi, devons-nous veiller à maintenir et même à renforcer le cours d’Histoire dans nos écoles. L’Histoire, pas celle écrite par les vainqueurs, mais cet objet de quête incessante, haïe des puissants désireux d’asservir les peuples au Nouvel Ordre Mondial, d’inquiétude supérieure, de connaissance jamais aboutie, qui sont le fondement du génie européen. L’Histoire, la précieuse Histoire qui nous aide à nous regarder comme un autre et rend l’autre désirable, on ne l’enseigne plus aux USA, sauf sous la forme d’une indigne hagiographie locale¹⁰. C’est une affaire de spécialistes. Elle ne pénètre pas la culture populaire. La vieille Europe doit emboîter le pas des bienfaiteurs de la Réserve fédérale, de ce pays sans ombre dont le flambeau éclaire le monde et dont la langue en chante les contours.

    « Ceux qui disent notre plat pays à la RTBF devraient faire Liège-Arlon-Namur-Mons à vélo. »

    José FONTAINE⁶.

    Le plat pays n’est pas le mien ! C’est le pays flamand que chante Brel, le Bruxellois le plus célèbre. Aux portes de l’Ardenne, Liège est un poste avancé du monde latin, une marche romane comme aimaient le souligner le grand médiéviste Léopold Genicot et mes professeurs de philologie les plus patriotes. Vingt kilomètres au nord-ouest et c’est Tongres la flamande ; vingt au nord, Maastricht la néerlandaise ; vingt au nord-est et on parle allemand, et c’est tout de suite Aix-la-Chapelle.

    Troisième port fluvial européen, après Paris et Duisbourg, dans la Ruhr, le port de Liège s’étend sur 500 hectares. À 15 heures de navigation d’Anvers, à 24 de Rotterdam, il gère 32 zones portuaires le long de la Meuse et du canal Albert, accueille 120 entreprises, pour un total de trafic annuel de marchandises de 21 millions de tonnes (dont 16 par voie d’eau). Il est à proximité du TGV et de l’aéroport de Liège, le 8e en Europe pour le fret. (Outre le fret, l’aéroport de Charleroi, quant à lui, reçoit 8 millions de passagers par an.) Le Port autonome de Liège offre de l’emploi, direct ou non, à plus de 26 000 personnes.

    Liège (avec, entre autres, Flémalle, Grâce-Hollogne, Saint-Nicolas, Ans (le s se prononce), Herstal, Beyne-Heusay, Fléron, Esneux, Chaudfontaine et Seraing) forme une agglomération de 700 000 habitants ; un peu plus que celle de Nantes, un peu moins que celles de Nice ou de Bordeaux. (Avec 410 000 habitants, l’agglomération de Charleroi se classerait entre celles de Strasbourg et de Rouen.)

    Étendue comme le Limousin, la Wallonie – dont Namur est la capitale politique, Liège la capitale économique et Charleroi la capitale sociale – fait 16 844 km² et compte 3 600 000 habitants dont 1 100 000 en province de Liège, 1 300 000 en Hainaut, le reste se partageant entre les provinces de Namur (490 000), du Brabant wallon (400 000) et du Luxembourg (280 000), la plus vaste et la moins peuplée de nos provinces. (Le Grand-Duché du Luxembourg, lui, fait un peu plus du double en population et un peu moins en superficie que notre province du même nom.) Nous sommes donc un peu plus nombreux que les Normands. Avec Bruxelles, nous surpassons les Lorrains et les Alsaciens réunis. (Oufti ! De quoi impressionner les Chinois !)

    En 2006, le ministre-président wallon d’alors dressait le constat suivant : « À l’échelle de la France, le PIB de la Wallonie la placerait au huitième rang des vingt-deux Régions françaises et au troisième rang en matière d’exportations, juste derrière l’Île de France et la Région Rhône-Alpes. En termes d’emplois, les groupes français occupent la première place avec 34 000 postes, soit 32 des cent premières entreprises industrielles en Wallonie.¹¹

    L’État fédéral belge (11,4 millions d’habitants) compte trois

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