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Si vivre est encore possible
Si vivre est encore possible
Si vivre est encore possible
Livre électronique239 pages3 heures

Si vivre est encore possible

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À propos de ce livre électronique

Sarah a vécu un drame, un vrai, celui que redoute toute mère de famille. Une descente aux enfers commence et la pousse à commettre une folie qui marquera à jamais sa destinée. Dans sa quête éperdue pour échapper à sa réalité, le chemin est long et parsemé d’obstacles. Sarah sera guidée par des rencontres d’âmes bienveillantes et la spiritualité profonde des terres qu’elle explore. Parviendra-t-elle à raviver la flamme de vie qui sommeille en elle ?




À PROPOS DE L'AUTRICE

Emma de Retz a écrit cet ouvrage en s’inspirant de sa plus grande peur, des défis de sa vie, de ses nombreuses lectures passées et des initiations en développement personnel qu’elle a suivies. Si vivre est encore possible est son tout premier roman publié.
LangueFrançais
Date de sortie5 mars 2024
ISBN9791042216689
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    Aperçu du livre

    Si vivre est encore possible - Emma de Retz

    1

    — Sarah… Sarah…

    Du brouhaha, des petits clapotis de clavier, une porte qui grince autour de moi…

    — Sarah, Sarah ? Tu dors ? Allez, viens !

    Et meeerde… Qui me tire de ce sommeil ?

    — Ouais c’est bon… je suis là, dis-je.

    Et la douleur revient, tout recommence… mon estomac remonte jusqu’à ma gorge… il faut que je boive un verre d’eau…

    Chaque fois, chaque jour, chaque réveil sera désormais la plus grande des souffrances. Indescriptible, arrachement, torture, j’aimerais rester, toujours, dans ce sommeil quand il est salvateur, reposant, inconscient. Quand il n’est pas cauchemar. Qu’on me laisse tranquille et dormir, personne ne va pouvoir comprendre à la fin !

    — Lâche-moi… c’est bon…

    — La réunion va commencer, on y va.

    — J’arrive…

    Je parviens tant bien que mal à décoller ma tête de mes coudes et à me redresser. Je me recoiffe vite fait et me frotte les yeux. Sans réfléchir, j’embarque un cahier, un crayon… je soupire en vérifiant l’heure et je jette un coup d’œil rapide sur mes mails, sans y croire… sans croire une seule seconde qu’un seul mot ne pourra susciter en moi le moindre intérêt, ni même le moindre infime espoir d’intérêt.

    Les journées passaient vraiment vite avant, là rien que depuis ce matin, j’ai l’impression que la journée s’est répétée trois fois… longueur, indifférence, ennui et douleurs. Voilà ma vie, ma terrible vie ou plutôt ma première mort… car en fait je suis déjà passée de l’autre côté, en tous cas mon âme, mon esprit sont déjà loin, réduits en poussière. J’ai toujours envie de vomir, à chaque réveil, à chaque reprise de conscience, l’envie de vomir cet ennui et cette douleur, envie de vomir ma vie, ma mort, vomir tout le monde…

    Toutes ces personnes sont si complaisantes, si faussement gentilles, ou alors, réellement gentilles, mais complètement à côté de la plaque. « Tu es jeune Sarah, il faut que tu vives. Je peux passer un soir ? On papotera, on boira un petit coup… ça te fera du bien ». « Oui bien sûr, viens quand tu veux ça me fera plaisir… »

    Quelle hypocrite je suis ! Mais pourquoi j’aurais envie de papoter avec elle… de boire un coup ? Pour quoi faire ? Oublier ? Me vider la tête ? OK, alors viens avec plusieurs bouteilles, ça ne sera pas de trop pour me faire oublier. Et elle, elle est peut-être encore plus hypocrite que moi, je suis sûre qu’elle se dit au fond : « j’espère qu’elle ne va pas accepter ma proposition, qu’est-ce que je lui dirai, à part que ce qu’elle vit est horrible, de quoi allons-nous parler ? »

    Je m’installe autour de la table, après avoir dit bonjour à toute l’équipe. Ils sont si gentils avec moi, ils excellent en supers sourires compatissants dès le lundi matin. Je voulais revenir vite, retravailler à toute vitesse, voir du monde, me concentrer sur mes projets. Je pensais que ça irait mieux, que j’oublierais, au moins l’espace de quelques minutes. Là, tout de suite, ce que je me dis c’est à quoi bon, pour quoi faire ? Je m’en fous de leurs foutus projets à tous. Ils parlent tour à tour de leurs avancées.

    Ils pensent qu’ils jouent leur vie, leur salaire, ils sont si fiers, ceux qui présentent leur PPT… et les autres. Les moins ambitieux, à part regarder leur montre ou leurs SMS toutes les cinq secondes tout en croyant que le grand chef ne les voit pas… finalement j’aurais presque envie de rire, là, maintenant…

    Mais en réalité c’est moi que je ne supporte plus, moi qui ne sais plus sourire, moi qui ne sais plus voir le côté positif… jamais… la plus aigrie de toutes les personnes autour de cette table et c’est bien moi qui n’ai plus de cœur, plus aucune compassion… plus aucune amitié. Je ne me reconnais plus. Est-ce que cela sera toujours ainsi maintenant ? Ce goût amer, cette colère, vont-ils me poursuivre, où que j’aille, quoi que je fasse ? Il faut que cela cesse, tout doit s’arrêter, je veux récupérer ma vie d’avant…

    La journée s’est déroulée à une vitesse folle, je veux dire ma première journée, celle au boulot. Réunion tôt le matin, lors de laquelle j’ai proposé le nouveau plan remis à jour pour la construction de l’espace loisirs-jeunes. Ensuite, enchaînement avec la rédaction du rapport concernant le plan d’urbanisme puis les corrections de la soutenance de mon apprentie. Tout ça, agrémenté d’un déjeuner plus qu’agréable avec mes copines autour de nos gamelles réchauffées au micro-ondes. Derniers potins, projets du week-end, dernières informations sur la nutrition naturelle et bio… Nos sujets favoris y passent et nous détendent. Il n’est pas rare qu’un fou rire pointe le bout de son nez lors de ces heures bénies. Parfois ces discussions sont interminables et à coup de trois ou quatre thés enfilés, le boulot ne reprend qu’au milieu de l’après-midi. Nous sommes privilégiés, je le pense et je le répète à ceux qui critiquent un peu trop et trop vite. Nous avons tous eu la chance d’intégrer cette entreprise florissante dans laquelle, il faut bien l’admettre, nous avons plutôt la vie tranquille : No stress ! Great place to work !

    Il est 17 h et j’arrache mon sac à main, mon écharpe et mon gilet, je cours aux toilettes et saute dans ma voiture… direction la maison, ma campagne, pour ma deuxième journée… la plus belle.

    Je déchausse mes chaussures à toute vitesse et fonce dans le séjour, un gros bisou à chacun… mon mari et ma fille qui elle, me saute dans les bras.

    — Maman !

    — Coucou ma puce ! Alors cette journée ? Tu as été sage à l’école ? Pas de punition ?

    — Pas de punition maman… j’ai été un peu sage, mais la maîtresse m’a un peu fâchée quand même !

    — Ah… et bien je crois qu’il faut faire mieux la prochaine fois !

    Je tourne la tête vers mon mari avec un petit sourire…

    — Bon… pas de punition c’est déjà ça !

    — Oui, elle a juste fait le clown à la récré, me répond-il, lui aussi un petit sourire aux lèvres.

    — OK, et toi, ta journée ?

    Et la discussion continue, banale, habituelle, mais agréable. Que va-t-on manger ce soir ? Le programme du week-end, durant lequel se profile un petit repas entre amis, comme très souvent, les rendez-vous quelconques des semaines les plus chargées : il faut penser à changer les pneus de la voiture, prendre rendez-vous chez le dentiste, la routine quoi ! Les jours, les années défilent encore plus vite depuis que nous sommes trois… mais le bonheur ça doit être ça ! Ne pas s’ennuyer, profiter de chaque moment, des petits moments de bonheur comme un bon repas partagé, un petit achat spécial, un fou rire entre copines, une soirée croque-monsieur devant la télé. Il y a des miettes partout après, surtout avec Valentine… mais peu importe on se la coule douce.

    — Mamannnnnnnn !

    — Oh ce n’est pas vrai, mais arrête de crier comme ça Val ! Viens me voir si tu as un souci !

    — Mammmmmmaaannnnnnn.

    Là, je perds patience ! C’est si dur d’avoir, pour une fois, un réveil en douceur sans entendre hurler dès le petit matin ! Je me lève en furie et débarque dans la chambre de ma fille.

    — Val, ma puce ce n’est plus possible ! Tu as bientôt quatre ans, tu ne dois plus te réveiller en hurlant. Je pense que tu es assez grande pour monter me voir dans ma chambre !

    Et voilà une journée qui démarre encore sur les chapeaux de roues. Nous sommes samedi, c’est le week-end, et la petite terreur de la maison s’est encore éveillée aux aurores… la matinée va être longue.

    Pourquoi suis-je la seule maman à galérer comme ça avec sa fille ? Cette petite tornade est la seule de la terre à se lever trop tôt et à craindre de sortir de son lit sans moi ou son père. Je n’ai pas cette patience et cette douceur qu’ont certaines mamans qui sont à mes yeux des saintes… c’est plus fort que moi je ne peux pas… j’ai toujours l’impression qu’elle fait les choses contre moi, en fait elle me hait, c’est ça, elle me déteste. Je rigole toute seule de mes pensées extrêmes et ridicules… mais n’empêche… un petit moment, rien qu’un tout petit réveil calme et doux… un seul en quatre ans… est-ce vraiment trop demander ?

    La partie la plus dure dans le fait d’avoir des enfants c’est la partie discipline et le côté : « Je n’entendrai plus jamais le silence… et je ne serai plus jamais seule plus de dix minutes dans la maison ! »

    Mais il faut l’avouer, cette vie, ce schéma basique, cette normalité, nous l’avons voulue, travaillée, programmée. Chaque décision de notre vie, de jeune couple sans enfant, préparait cette vie. Ma base, mon socle, pour toujours.

    J’ai toujours pensé que les grands malheurs c’était pour les autres. Moi ? Je n’ai jamais eu à me plaindre réellement… jamais de gros drames, jamais de grosses difficultés. Mes parents n’ont jamais eu de soucis financiers, nous étions « à l’aise », nous partions en vacances deux fois par an, je n’ai jamais vu ma mère se poser des questions sur les prix pour faire les courses.

    Si je pouvais citer deux périodes dans ma vie où les choses n’ont pas été vécues de manière si facile, il y aurait d’abord la préadolescence… Le début des années collège. Franchement est-ce génial, sur le moment, de voir son corps changer à vitesse grand V ? Les boutons d’acné apparaître, les rondeurs ?

    Cette période, si marquée par le manque de confiance en soi, la recherche même d’une petite identité, la peur d’être impopulaire, moche, de ne pas plaire… J’ai beaucoup de mauvais souvenirs de cette période-là. Des crises d’angoisse nocturnes, des pleurs, des disputes avec les copines, les clans, les premiers chagrins d’amour…

    Ensuite viendrait… l’année lors de laquelle mon père a sombré dans la dépression. Magique année, terrible année, pas vraiment facile à l’âge du lycée d’être confrontée à la dépression nerveuse d’un de ses parents.

    L’année de mon premier petit copain, de mes premières soirées arrosées et de mes meilleurs souvenirs avec ma bande de potes. Une année complètement bipolaire durant laquelle se sont mêlés instants magiques et instants assez tragiques et traumatisants. J’avais enfin trouvé une identité de jeune adulte parmi mes proches et mes amis, mais dans le même temps, j’avais découvert une certaine vérité et difficulté du monde adulte… mes parents n’étaient peut-être pas si « parfaits » que je ne le pensais et certains secrets commençaient à transparaître.

    Malgré cela, finalement, comparé à d’autres de mes amis et à certains drames familiaux chez des amis de mes parents, je me sentais encore largement privilégiée et protégée.

    Ces années lycée resteront gravées dans ma mémoire avec de merveilleux souvenirs. Les amis de l’époque, dont certains sont toujours très présents aujourd’hui, auront toujours une place à part dans mon cœur.

    Eh bien ça y’est, je paie cette sérénité trop longue d’avant… mais je la paie dix mille fois.

    Il fait nuit ce soir-là, quand je sors du boulot un peu plus tard que d’habitude, je voulais vraiment boucler ce projet avant demain pour l’exposer à ma chef rapidement et partir en week-end l’esprit tranquille.

    L’esprit tranquille… quelle ironie ! Quelle naïveté de croire que je pourrais encore avoir, un jour, l’esprit tranquille…

    Le plus grand malheur qu’une maman puisse connaître s’abat sur moi et c’est bien au sens propre et non figuré que ce putain de malheur s’est abattu sur ma vie, sur mon bonheur, sur ma famille, sur ma maison !

    Je n’ai plus rien, comment cela est-ce possible ? Qu’ai-je fait pour mériter cela ?

    Ce maudit avion, j’aurais aimé connaître la probabilité pour qu’il explose après quelques minutes de son décollage, au-dessus de ma maison, réduisant en fumée tout ce qu’on avait construit et tout ce que je chérissais tant.

    Bien sûr, cette tragédie a fait la une des journaux, le plus stupéfiant des accidents de l’aviation française venait de réduire ma vie en miettes, mon mari et ma fille ayant perdu la vie, écrasés par la chute et l’effondrement de la maison, à la suite de l’explosion de l’A310.

    Le bruit tonitruant des sirènes des pompiers et des secours résonne encore dans ma tête, à tout jamais, elles bourdonnent ces sirènes, mon cerveau ne peut plus les faire taire, ni les cris des proches voisins se rapprochant, ni ceux des enfants de ma voisine qui se rendent compte que leur mère est aussi ensevelie, en dessous cette brutalité de la vie.

    L’odeur non plus ne s’effacera jamais de ma mémoire, ça sentait le chaud, le brûlé, le malheur et la mort.

    Je suis morte ce soir-là, mais malheureusement pas au sens propre du terme, j’aurais dû y mourir également, à quoi bon, rester là et regarder sa vie disparaître, à quoi bon continuer à respirer, à penser, se souvenir… je ne veux plus me souvenir, plus jamais, j’en ai marre de penser et de repasser tous ces instants dans ma tête. Marre de ne plus trouver le sommeil, marre de ne plus avoir le goût à rien, marre du regard des gens quand ils me voient et essaient de s’occuper de moi… Je ne veux plus qu’on s’occupe de moi, bordel !

    Ce jour-là, cette réunion n’en finit pas, je veux dire, elles sont toujours très longues et depuis ma « mort », très chiantes ces réunions, mais là, c’est inhumain, je ne peux plus, je ne supporte plus, j’ai besoin d’une clope et de prendre l’air !

    Mon gentil collègue me regarde et mon apprentie me sourit délicatement, ils voient bien que je vais péter un câble, que je ne vais pas bien…

    Avant j’étais la collègue à qui on ne pouvait rien reprocher et la seule à être toujours de bonne humeur, ils le voient bien que ce fléau qui s’est abattu sur moi me tue, trop lentement, me change…

    Et ils ne m’en veulent même pas, ils savent que personne ne supporterait cela.

    Concentre-toi, Sarah, aller, essaie d’écouter ce qu’ils disent et de t’y intéresser, c’est forcément intéressant, quelque part, ce beau projet de construction qui va voir le jour grâce à toute l’équipe, une belle promotion à la clé sûrement… quelle merde ! Mais qu’est-ce qu’on s’en fout que le devant du bâtiment fasse penser au Colisée de Rome et que cela sera vraiment innovant dans cette petite ville d’Île-de-France … Y’a quand même des choses plus importantes dans la vie.

    Je ne sais pas, on n’a qu’à faire un bâtiment beaucoup plus simple et moins coûteux et avec l’argent économisé faire avancer la recherche contre le cancer, ça, au moins ça sauvera des vies !

    Pitié, merde, faites que cette phrase soit bien restée encrée dans ma tête, faites que je ne l’aie pas formulée à voix haute…

    Bon, cette fois, l’honneur est sauf et mon emploi aussi peut-être, pour l’instant…

    Si j’étais mon patron, la lettre de licenciement aurait déjà été envoyée, six mois, plus de vingt-cinq semaines à faire et dire de la merde et à pourrir l’ambiance et le travail de chacun… vite un licenciement ! Mais, à mon grand regret, mon boss est beaucoup trop humain pour me virer maintenant. Il me convoque toutes les semaines dans son bureau pour me demander comment je me porte, si les collègues sont sympas avec moi, s’ils continuent à me décharger d’un maximum de travail, si j’ai besoin de quelque chose. Poliment, je le remercie et lui assure que je ne pourrais pas trouver meilleurs collègues.

    Il est adorable et à la fois, je le déteste, il ne peut pas comprendre, il a sa famille, lui, sa petite femme qui l’attend tous les soirs à la maison. Il le boit encore lui, ce petit verre de vin plaisir du moment de détente avec son amour, il parle encore à ses deux fils tous les soirs, en les embrassant avant d’aller se coucher.

    Je n’ai plus rien, rien à quoi me raccrocher, je sais bien que j’inquiète tout le monde. Le week-end dernier mon frère Christophe et sa femme ont débarqué à l’improviste, les cons ! À 14 h je n’étais toujours pas habillée ! J’étais juste sortie du lit pour prendre mes médocs, mes antidépresseurs… Ces molécules pour lesquelles j’ai toujours eu une aversion bien exprimée, en ayant vu leurs ravages sur mon père, sont aujourd’hui mes meilleures amies… il paraît qu’elles aident mon cerveau à tenir le choc et à ne pas trop avoir d’idées noires et bien je me demande ce que cela serait sans…

    J’ai failli ne pas aller leur ouvrir, j’avais bien reçu le SMS de Nathalie, ma belle-sœur, une fois qu’elle était plantée devant la porte, mais j’espérais qu’elle s’en aille si je ne répondais pas.

    J’ai essayé dans les premiers temps de rassurer tout le monde et de tenter de faire renaître ce positivisme qui me caractérisait. Je pensais que j’allais trouver une cause qui me sauverait. J’ai pensé monter une association pour les victimes collatérales de crashs aériens, une association pour tous les parents ayant perdu un enfant, un époux, une épouse… il faut dire que ce genre d’association ne manque pas, on peut en compter bon nombre. Forcément, pas mal de gens ont eu la même idée que moi, trouver quelque chose qui fasse avancer, encore et quand même.

    J’ai pensé tout plaquer pour aller vivre au fin fond de la campagne française dans un village en autarcie et autonome pour tenter de couper et d’éliminer tout ce qui aurait pu encore me faire me souvenir…

    Ne plus avoir à faire aucun geste de ma vie d’avant, peut-être était-ce cela la solution pour ne plus se souvenir, et ne plus y penser ?

    Un soir triste et sombre comme tant d’autres, je ne sais pas ce qu’il se passe, cette dernière idée ne me quitte pas. Ne plus avoir à faire aucun geste commun à ma vie d’avant, aucun endroit, aucune personne, aucune odeur… pour ne plus y penser, ou moins, ou plus jamais… cette idée m’emmène et me transporte, je ne peux m’en empêcher, tout le trajet me ramenant du boulot… Je crois que je ne vois même pas la route, je conduis en mode robot, perdue et fixée avec cette vision.

    Pourquoi ce soir-là, je ne me l’expliquerai jamais, la goutte d’eau comme on dit, une association de pensées à un moment donné.

    Il faut que je change tout, absolument tout ou que je meurs. Je ne vois plus que ces deux alternatives possibles et malheureusement je suis trop peureuse pour provoquer la deuxième.

    Le jour commence à s’éteindre, la lumière se fait douce et basse, presque orangée. Je me gare dans mon parking et regagne le petit studio que je loue depuis… depuis ce terrible soir de février.

    Je prends une valise cabine, y jette quelques vêtements simples, un jean, un gilet, deux shorts, cinq tee-shirts, quelques culottes et chaussettes, ma liseuse, une boîte de doliprane, un déodorant, un gel douche et un tube de BB-crème. Je ne peux pas m’en empêcher, je prends aussi le mouchoir en tissu qui servait de « doudou » à ma chipie… l’alliance de mon défunt époux. Je vérifie que j’ai mon passeport, ma carte bleue dans mon sac à main et mon chargeur de téléphone. Dans la petite valise, je fourre également ma tablette et mon disque dur avec toute ma vie à l’intérieur, toutes mes photos… puis j’appelle un taxi.

    En l’attendant, je n’ai pas oublié de prendre un tranquillisant et je m’enfile deux verres de vin blanc cul sec, de toute façon la bouteille est entamée et je ne suis pas près de revenir, je la termine ! Ce que je m’apprête à faire va raviver en moi de trop douloureux sentiments… mais c’est le prix à payer, pour partir loin et tout oublier…

    2

    Pendant le trajet du taxi, je vérifie et sauvegarde sur un cloud tous les codes et mots de passe dont j’ai besoin, celui de la banque, de la sécu, des impôts. Je me surprends moi-même, mais pendant quelques minutes je suis d’une lucidité incroyable, je pense à tout, je suis efficace et je prépare ma fuite tel un tueur en cavale. J’en profite pour regarder mes comptes, je calcule dans ma tête quelques trucs vite fait. Et puis je

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