Staline exécuté par Picasso: D'un portrait qui en cache un autre.
Par Paul Fuks
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À propos de ce livre électronique
Ni l'insolence du toast "À ta santé Staline" Ni ça qu'il en a dit dans ses poèmes, etc.
Paul Fuks
Auteur de "Staline, pervers narcissique", où il est démontré que Staline n'était pas paranoïaque, comme il est dit partout, mais un grand pervers narcissique au sens précis du terme.
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Avis sur Staline exécuté par Picasso
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Aperçu du livre
Staline exécuté par Picasso - Paul Fuks
Du même auteur :
Staline pervers narcissique, L’Âge d’Homme, Lausanne, 2014. Book on Demand, 2023
Table
Le cœur des communistes saigne
Aragon n’a pas envie
Picasso n’a pas envie
Le drame éclate
Protestations spontanées en rangs serrés
Mission du mensonge
Picasso furieux
Aragon humilié
Picasso s’en fout
Thorez, paralysé, met les pieds dans le plat
Qu’en dit Picasso ?
Le Portrait lui-même, enfin
Picasso communiste ?
Le scandale
Staline, femme à barbe
Le travail graphique, lui-même
Et maintenant, attention !
Picasso érotique
Un quant-à-soi irréductible
Picasso secret
Le zob
Le caché non-caché
Le pied de nez final
Le cœur des communistes saigne
« Le camarade Staline est mort » La nouvelle est tombée. Nul n’ose y croire. Mais c’est vrai, puisque c’est dans l’Huma¹. À la une. Les camarades aguerris par les luttes, les militants infatigables, les anciens résistants, sont frappés de stupeur ou pleurent sans retenue.
« Le cœur de Staline, l’illustre compagnon d’armes et le prestigieux continuateur de Lénine, le chef, l’ami et le frère des travailleurs de tous les pays, a cessé de battre. Mais le stalinisme vit. Il est immortel. Le nom sublime du maître génial du communisme mondial resplendira d’une flamboyante clarté à travers les siècles et sera toujours prononcé avec amour par l’Humanité reconnaissante [...] sous le drapeau invincible de Staline, nous marcherons sur le chemin de la victoire². »
Comme une ornière gorgée de boue, la cervelle de chacun est saturée par cette phraséologie.
Je rêve d’une grande manif entre la Bastille et la République³, où tous les anciens stals brandiraient chacun une pancarte avec cette seule inscription : « J’ai vraiment été con ! » Je rêve, bien sûr...
La veille, la radio avait diffusé l’annonce d’une maladie. Un adolescent s’est écrié : « On va le soigner ! » Il lui fut répondu : « Quand on annonce ça d’une telle personnalité, c’est très grave. » Le lendemain, ce blanc-bec n’a pas pleuré, mais longtemps le souvenir de la mort de Staline lui a ôté l’envie de rire.
Au même moment Soljenitsyne⁴, qui termine ses huit années de camp et passe de la détention à la relégation à perpétuité au Kazakhstan, constate dès son arrivée :
« [...] la matinée du 6 mars comble et dépasse tout ce que nous pouvions espérer ! [...] voici l’instant que nous espérions, mes amis et moi, quand nous n’étions encore qu’étudiants ! Voici l’instant qu’appelaient de leurs prières tous les zeks du goulag [...] il est mort, le dictateur asiate ! Il est clamecé, le salaud ! Oh, quelle jubilation débordante ce doit être en ce moment chez nous au camp spécial ! [...] j’ai envie de hurler devant le haut-parleur, et même d’exécuter une danse cannibale ! Mais hélas, ils sont lents, les fleuves de l’histoire. Et mon visage entraîné à tout compose une grimace d’attention affligée. Attention, et dissimulons comme devant. »
Varlam Chalamov⁵, lui, raconte ce qu’au fin fond de la Sibérie les détenus se chuchotaient à l’oreille :
« L’essentiel, c’est de survivre à Staline. Tous ceux qui lui survivront pourront vivre. Vous avez compris ? Il n’est pas possible que les malédictions de millions de gens ne se matérialisent pas sur sa tête. Vous avez compris ? Il mourra obligatoirement de cette haine générale. Il aura un cancer ou encore autre chose. Vous avez compris ? Nous pourrons encore vivre. »
Et Vassili Grossman⁶, quant à lui, écrit :
« Des colonnes de détenus se rendaient à leur travail dans les ténèbres du petit matin. [...] et soudain, comme si se levait l’aurore boréale, une clameur jaillit dans les rangs : « Staline est mort ! » les dizaines de milliers d’hommes sous escorte se transmettaient la nouvelle à voix basse : « il a crevé... crevé ! » et ce chuchotement de milliers et de milliers d’hommes grondait comme le vent. »
Tandis que Maurice Thorez et Jeannette Vermeersch, en URSS, ayant appris la nouvelle, pleurent toute la nuit⁷ ⁸ ; tandis que les normaliens envoient un télégramme où il pleurent « le père des droits de l’homme et l’humaniste le plus profond de notre temps »⁹, tandis que la radio du Vatican annonce que les catholiques prient pour l’âme de Staline¹⁰ ; tandis que la France met ses drapeaux en berne et que l’Assemblée nationale observe une minute de silence, tandis que Paul Claudel¹¹ offre un autre son de cloche : « Merveilleuse nouvelle ! Staline est mourant ! ... O moment longtemps attendu ! » ; les communistes guidés en toute occasion par la pensée du grand Staline, ne restent pas les bras ballants.
À Paris, Louis Aragon¹², directeur des Lettres françaises¹³ depuis la semaine précédente, trace en deux minutes pour Pierre Daix, son rédacteur en chef, le plan du numéro : « un article de Joliot, un de moi, un article de Courtade, un autre de Sadoul, un de toi. Il faut quelque chose de Picasso. On ne sait jamais, s’il voulait écrire... »
¹ L'Humanité, 6 mars 1953.
² France nouvelle, n° 378, du 14 mars 1953.
³ Pour les jeunes lecteurs : c’était le trajet habituel des grands défilés du PCF du temps de sa splendeur.
⁴ Alexandre SOLJENITSYNE, Archipel du Goulag, tome 3, Le Seuil, Paris, 1976, p 460.
⁵ Varlam CHALAMOV, Récits de la Kolyma, La découverte/Fayard, Paris, 1986, p 340.
⁶ Vassili GROSSMAN, Tout passe, Julliard/L’Âge d’Homme, Paris, 1984, p. 41.
⁷ Maurice Thorez : secrétaire général du PCF de 1930 à 1964 qui s’est fièrement attribué le beau titre de «premier stalinien de France ». Jeannette Vermeersch, sa digne épouse, s’est farouchement opposée à la contraception : « un vice de la bourgeoisie », selon elle.
⁸ Jeannette THOREZ-VERMEERSCH, La vie en rouge. Mémoires, Belfond, Paris, 1998, p. 164.
⁹ Arnaud RAMSAY, Jean D'Ormesson ou l'élégance du bonheur, Éd. du Toucan. Paris. 2009
¹⁰ Le Figaro, entrefilet du 6 mars 1953.
¹¹ Paul Claudel, Journal, II, p 831 :
¹² On prête souvent à Aragon une Ode à Staline. En fait, celle-ci a été écrite en 1950 par Paul Éluard et publiée après sa mort, en 1959, dans Poèmes pour tous (EFR, éditions du PCF, p. 175.) Cette ode se termine par : « Et Staline pour nous est présent pour demain / Et Staline dissipe aujourd’hui le malheur / La confiance est le fruit de son cerveau d’amour / La grappe raisonnable tant elle est parfaite. »
¹³ Les Lettres françaises, publication littéraire issue de la Résistance, créée en 1941 et hebdomadaire culturel du PCF. Aragon en fut le directeur de 1953 à 1972, quand le soutien financier du PCF lui fût retiré pour avoir pris parti contre l’intervention soviétique lors du Printemps de Prague. Dans son dernier éditorial, avant la disparition du journal, Aragon écrit : « Mais si vous voulez qu’au moins en une chose je me vante, je vous dirai que, de cette vie gâchée qui fut la mienne, il me reste pourtant un sujet d’orgueil : j’ai appris quand j’ai mal, à ne pas crier. Cela m’a beaucoup servi ces jours-ci. » (Aragon, La Valse des adieux, dans Œuvres romanesques complètes V).
Aragon n’a pas envie
Dans un film¹⁴, 13 journées dans la vie de Pablo Picasso, Pierre Daix nous décrit la scène par le menu. Ainsi, pour l’illustration de la une, Aragon propose d’abord de s’adresser à Fernand Léger, autre peintre communiste. Mais le rédac-chef objecte : « Si tu demandes à Léger, tout le monde dira : Pourquoi il n’a pas demandé à Picasso ?
Tu ne peux pas échapper à la question. Alors, il me dit :
Comment on devrait faire ça ? Je lui dis :
Ecoute, on va envoyer un télégramme à Picasso. S’il veut faire une déclaration, il n’y a qu’à lui mettre Staline est mort, fais ce que tu veux, dernier délais...
Je fais le télégramme que je signe Aragon. Et je dis à Aragon : Il va faire un portrait.
Moi, je trouvais ça très amusant parce que tout le monde avait défié Picasso de jamais faire un portrait de Staline. Je me dis, il va relever le défi, donc ça va être intéressant. » « J’ai été d’instinct pour le portrait parce qu’il déplaçait l’image convenue et conduisait à s’interroger sur Staline. » (À lire les mémoires des communistes de l’époque, on jurerait que personne n’a été stalinien, surtout pas eux.)
Et Daix envoie à Vallauris, où réside Picasso, un télégramme pressant : « Nous faisons un numéro des Lettres en hommage à Staline - stop - il n’est pas possible que cela se fasse sans toi - stop - envoie ce que tu voudras, texte ou dessin avant mardi. Affectueusement. Aragon¹⁵». En même temps, des photos du « petit père des peuples » sont envoyées. « Le seul moyen pour qu’il [Picasso] les reçoive à temps étant de les faire déposer en gare de Cannes par le chef de train d’un rapide venant de Paris, je fis appel aux cheminots du PCF. » relate Daix¹⁶.
Notons qu’Aragon, ami de toujours de Picasso¹⁷, semble préférer un écrit, ce qu’il suggère à trois reprises : « On ne sait jamais, s’il voulait écrire... » « s’il veut faire une déclaration. » « envoie ce que tu voudras, texte ou dessin... ». Cette phrase où texte vient avant dessin, c’est Aragon qui a obligé Pierre Daix¹⁸ à la rajouter.
Une inquiétude prémonitoire habite Aragon. Cramt-il de voir rappliquer un Staline cubiste ou quelque peu désarticulé ?
Elsa Triolet le confirme qui écrit en 1965, s’adressant à Aragon : « Tu avais demandé à Picasso d’écrire quelques mots. À la place de mots est arrivé du midi un dessin, le portrait de Staline : Picasso aimait mieux dessiner qu’écrire. C’est à peine si tu as eu le temps d’y jeter un coup d’œil, et tu envoyais le dessin au clichage. [...] et j’ai su aussitôt que nous allions vers un drame¹⁹. »
Aragon tente donc d’abord une diversion en proposant Léger pour l’illustration. Mais, contraint de faire quand même appel à Picasso, il espère en recevoir plutôt un écrit. Puis, non sans raison, coincé entre un mauvais pressentiment et la menace du reproche de ne pas avoir mobilisé le plus célèbre des peintres pour l’hommage le plus grandiose au plus grand homme de tous les temps, Aragon laisse faire son jeune et fougueux collaborateur amusé à l’idée d’une aventure artistique étonnante.
Et l’on attend, sachant que Picasso a toujours refusé de représenter Staline d’après photo et, sans doute, espère-t-on qu’il maintiendra son refus en se contentant d’envoyer de simples condoléances convenues.
À propos de Fernand Léger, qui avait adhéré au PCF, en 1945 à son retour des USA, et qui comme Picasso en est resté
