Eugène Delacroix
Par Camille Mauclair
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Aperçu du livre
Eugène Delacroix - Camille Mauclair
Camille Mauclair
Eugène Delacroix
EAN 8596547457459
DigiCat, 2022
Contact: DigiCat@okpublishing.info
Table des matières
La première de couverture
Page de titre
Texte
17 DESSINS SUR PAPIER MAT DE GRAND LUXE, 31 ILLUSTRATIONS TEINTÉES, 1 GRAVURE ET 1 PLANCHE EN QUATRE COULEURS
LIBRAIRIE ARTISTIQUE ET LITTÉRAIRE
65, RUE DU BAC, PARIS
1900
Index des reproductions
Pour bien comprendre la portée de l'intervention et de l'influence de l'œuvre de Delacroix dans l'école française, il est nécessaire de se rappeler la situation exacte de la peinture au moment où il parut.
La Révolution avait brutalement traité les maîtres du XVIIIème siècle finissant. Éprise d'un sévère idéal gréco-romain, dont déjà Vien avait donné des exemples et que David allait porter à son apogée, la génération jacobine avait considéré les peintres légers et délicieux du règne de Louis XVI comme les bénéficiaires de la corruption luxueuse des nobles et des fermiers généraux, et elle les avait rejetés dans le même mouvement d'injuste fureur. Fragonard mourait oublié, chassé de son logis des galeries du Louvre. Hubert Robert échappait grâce à une erreur à l'échafaud. Greuze mourait dans la misère noire. On ne parlait plus de Chardin. Un Latour se vendait quelques francs. L'«Embarquement pour Cythère», peint par Watteau pour son entrée à l'Académie, y était criblé de boulettes de papier mâché par les élèves de David, neveu de Boucher dont ils parlaient en de tels termes, qu'il était obligé, par pudeur, d'excuser à leurs yeux son oncle. Les gravures de Cochin, de Lépicié, de Choffard, de Lavreince, des Saint-Aubin, de Debucourt, de Gravelot, d'Eisen, allaient s'ensevelir dans les soupentes de quelques brocanteurs, et on attendrait quatre-vingts ans avant de les rechercher pour les couvrir d'or. Un siècle s'effondrait. Son goût exquis, sa morale profondément naturelle et humaine, son libéralisme sceptique, tout lui était imputé à vice et à crime. On rêvait d'un art moralisateur, que Greuze avait préparé aux applaudissements de Diderot par ses scènes familiales et son ingénuité bourgeoise, mêlée de libertinage hypocrite. On voulait un art héroïque, sévère, propre à élever les consciences. David apparut l'homme d'une telle œuvre, et créa d'un seul effort la réaction d'une esthétique néo-romaine, d'une peinture conçue d'après la statuaire antique, et toute consacrée à des expressions de sentiments cornéliens. La discipline de cette école fut plus dure encore que celle imposée, cent-vingt-cinq années auparavant, par Louis XIV, Le Brun et l'école de Rome. Plus de recherches de la nature, plus de grâce, plus de vérité, plus de coloris, mais simplement un art allégorique, pompeux, aride, éloigné de la vie et tout entier construit sur des théories, un art aussi opposé que possible au tempérament français.
L'Empire, après le Consulat, accentua la résolution de n'admettre qu'un art national, militarisé dans ses mœurs comme dans ses goûts. Cependant, malgré tout et par la force des choses, le modernisme si violemment rejeté allait reprendre son rôle. Napoléon voulait des illustrateurs de sa gloire, des commentateurs de sa cour. Il fallait bien quitter le nu, la toge et les héros à casques romains pour peindre les uniformes que l'Europe avait vus sur tout les champs de bataille et les belles «grandes dames» de la nouvelle aristocratie. Les héros cornéliens avaient pris vie et s'habillaient en soldats de l'armée impériale. David, lui-même, s'étant décidé à devenir un bonapartiste après avoir été un farouche tyrannicide, se résigna