Le 1% LE PLUS RICHE: L'exception québécoise
Par Nicolas Zorn
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À propos de ce livre électronique
En analysant l’évolution du 1% le plus riche au Québec, Nicolas Zorn montre bien comment les institutions jouent un rôle crucial dans la modération ou l’élargissement des inégalités, bien davantage que l’innovation technologique ou la mondialisation. Ce livre est important pour ceux qui se préoccupent de l’accroissement des écarts de revenus et il explique ce que nos sociétés peuvent accomplir pour s’en prémunir (Emmanuel Saez, professeur d’économie, UC Berkeley).
Ce livre fournit la description la plus complète et la plus claire sur le 1% québécois, et est porteur d’une leçon essentielle : l’augmentation des inégalités n’est pas inéluctable, c’est avant tout un choix politique (Gabriel Zucman, professeur adjoint d’économie, UC Berkeley).
Nicolas Zorn est analyste de politiques à l’Institut du Nouveau Monde et doctorant en science politique à l’Université de Montréal. Spécialiste des inégalités économiques, il a écrit plusieurs études sur le sujet.
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Aperçu du livre
Le 1% LE PLUS RICHE - Nicolas Zorn
Nicolas Zorn
LE 1% LE PLUS RICHE
L’exception québécoise
Préface de Pierre Fortin
Les Presses de l’Université de Montréal
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Zorn, Nicolas, 1984-
Le 1% le plus riche: l’exception québécoise
(PUM)
Présenté à l’origine par l’auteur comme mémoire (de maîtrise – Université du Québec à Montréal), 2013 sous le titre: Le modèle québécois à l’épreuve des excès?
Comprend des références bibliographiques.
ISBN 978-2-7606-3736-8
1. Revenu - Répartition - Québec (Province). 2. Richesse - Québec (Province). I. Titre. II. Titre: Un pourcent le plus riche.;III. Collection: PUM.
HC79.I5Z67 2017 339.209714 C2017-940476-8
Mise en pages et ePub: Folio infographie
ISBN (papier): 978-2-7606-3736-8
ISBN (pdf): 978-2-7606-3737-5
ISBN (ePub) 978-2-7606-3738-2
Dépôt légal: 2e trimestre 2017
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
© Les Presses de l’Université de Montréal, 2017
www.pum.umontreal.ca
Les Presses de l’Université de Montréal remercient de leur soutien financier le Conseil des arts du Canada et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec (SODEC).
À ma mère, Louise.
Préface
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, au Québec, comme ailleurs dans les pays riches, deux périodes opposées ont marqué l’évolution globale de l’économie. Durant les trente années qui ont suivi la Guerre, la croissance économique a été rapide et l’inégalité du revenu a diminué. Depuis quarante ans, à l’inverse, la croissance a été lente et l’inégalité du revenu a augmenté. En deux mots, le «gâteau» a grossi moins vite et il est plus inégalement partagé entre les classes de la société.
Au Québec, on peut immédiatement vérifier que le niveau de vie moyen par habitant – le gâteau – progresse deux fois moins vite depuis quarante ans que durant les trente années antérieures. Sa croissance moyenne est passée de 3,2% par année de 1947 à 1977 à 1,5% de 1977 à 2016. La principale explication de cette chute de la croissance économique, commune à tous les pays riches, est que les trente années qui ont suivi la Guerre ont achevé de diffuser les fruits de la Seconde Révolution industrielle de la fin du 19e siècle, tandis que la Troisième Révolution industrielle, amorcée au milieu des années 1970, n’a pas eu jusqu’ici la même envergure que la Seconde.
La Seconde Révolution a produit l’eau courante au robinet, les toilettes intérieures, les égouts souterrains, l’électricité, l’éclairage, les électroménagers, le chauffage central, le téléphone, l’automobile, les vaccins, les antibiotiques, le phonographe, la radio, le cinéma, la télévision, l’aviation commerciale, l’air climatisé, le crédit hypothécaire, les assurances, la sécurité sociale. La Troisième Révolution, elle, nous a donné l’ordinateur personnel, Internet et les produits numériques. Nul doute que cette dernière a permis à l’économie de continuer de progresser, mais jusqu’ici elle n’a pas eu l’impact transformateur sur le bien-être individuel et collectif qui a surgi de la révolution précédente. Comme le soulignait récemment un chercheur américain, sourire en coin, si on donnait aujourd’hui le choix à nos concitoyens entre se priver de l’eau du robinet et de toilettes intérieures ou se priver de l’accès à Internet, il est bien évident que c’est Internet qu’on laisserait massivement tomber!
Le présent ouvrage de Nicolas Zorn ne porte pas sur le fait que le gâteau économique grossit moins vite depuis quarante ans, mais que son partage est plus inégal qu’avant. Il sera bon toutefois de garder à l’esprit que les deux phénomènes sont liés. Lorsque l’économie va bien, on tend à être plus généreux envers ceux qui sont moins bien nantis. Lorsqu’elle va moins bien, on tend à se replier sur soi.
La montée des inégalités a été importante au Canada et aux États-Unis depuis trente ans. Le Québec n’a pas échappé à cette tendance, comme le démontre le tableau à la page suivante. On y constate que les riches et surtout les très riches ont vu leur part du revenu marchand provincial (avant impôts et transferts gouvernementaux) augmenter, tandis qu’à l’inverse la part de la classe moyenne et surtout des moins pauvres a essuyé un recul. Le revenu marchand de ces derniers a même diminué de 14% en niveau absolu. Il était 25 fois plus faible que celui des très riches en 1985, mais 48 fois plus faible en 2014.
L’accroissement de la part des riches et des très riches et le recul de celle de la classe moyenne et des moins riches en Amérique du Nord s’expliquent par plusieurs évolutions concomitantes. L’éducation collégiale et universitaire ne progresse pas assez vite pour répondre aux besoins en croissance rapide des nouvelles technologies. Une multitude de tâches routinières codifiables comme le travail de bureau, la tenue de livres et autres tâches répétitives sont automatisées, robotisées ou numérisées. Des activités intensives en main-d’œuvre faiblement rémunérée sont délocalisées vers les pays émergents. Et, surtout aux États-Unis, on a laissé s’affaiblir la syndicalisation et les normes du travail.
Ces phénomènes concourent à appauvrir les travailleurs faiblement scolarisés, qui n’ont pas plus qu’un diplôme du secondaire. Mais ils n’expliquent pas la totalité de l’accroissement des inégalités que décrit le tableau. L’envol du 1% le plus riche, tout en haut de l’échelle sociale, est frappant. Le revenu marchand déclaré de ces Québécois très riches dépassait 182 000 dollars en 2014 (gains en capital exclus), après avoir crû de 67% en trente ans, comme on le voit dans le tableau. Cette ascension est notable, et en témoigne la hausse trois fois moins importante (de 21%) du revenu des 9% suivants (les riches), qui se situait entre 76 000 et 182 000 dollars en 2014.
L’augmentation de la part du revenu captée par le 1% le plus riche depuis quarante ans n’est pas un phénomène propre au Québec. En 2014, elle avait grimpé à 20% aux États-Unis et à 12 ou 13% dans de grandes provinces canadiennes comme l’Ontario et l’Alberta. Depuis 2010, on la trouve autour de 13% au Royaume-Uni et en Allemagne, de 10% au Japon, de 9% en France, en Italie, en Espagne, en Australie, en Suède et en Suisse, et de seulement 6% aux Pays-Bas.
Ces observations soulèvent plusieurs questions fondamentales pour la recherche sur les individus qui sont très riches. Premièrement, pourquoi, dans presque tous les pays, réussissent-ils à capter une part plus importante du revenu national aujourd’hui qu’il y a trente ans, et pourquoi faut-il s’en préoccuper?
Deuxièmement, pourquoi la hausse de leur part du revenu a-t-elle été si variable d’un pays à l’autre, atteignant 20% aux États-Unis, mais ne dépassant pas 6% aux Pays-Bas?
Troisièmement, pourquoi la part de 10% du revenu national présentement dévolue aux Québécois très riches est-elle inférieure au niveau qu’on observe dans les autres grandes régions d’Amérique du Nord, qui font pourtant partie de la même économie continentale, et est-elle plutôt voisine de la médiane européenne (France, Italie, Espagne, Suède et Suisse)?
Quatrièmement, quels types d’interventions permettraient de mieux contrôler l’évolution de la part du 1% le plus riche, si on le juge souhaitable?
Ce sont à ces questions que l’ouvrage de Nicolas Zorn propose de s’attaquer. Il s’agit du premier examen méthodique et détaillé de l’augmentation de la part du revenu national captée par le 1% le plus riche des contribuables depuis trente années au Québec. Comme il se doit, sa perspective est internationale: on ne se comprend bien que lorsqu’on se compare. Elle porte aussi à l’action: sans proposer de plan définitif, Zorn réfléchit aux interventions qui sont envisageables pour corriger la situation, si tant est qu’on désire le faire.
Quelles réponses apporte-t-il aux questions posées? Il faut lire l’ouvrage au complet – ce que vous vous apprêtez à faire, n’est-ce pas? – pour en connaître les contours détaillés. Mais voici les conclusions auxquelles il aboutit dans l’ensemble.
Tout d’abord, Zorn souligne que l’ascension de la part du revenu national captée par le pourcentage le plus riche ne peut être le simple résultat du fonctionnement concurrentiel des économies de marché soumises aux changements technologiques et à la mondialisation des échanges. Ces phénomènes internationaux ont sûrement favorisé les revenus de travail et de capital des riches et des très riches, mais il est difficile de croire qu’ils ont fait croître la productivité véritable du 1% beaucoup plus que celle des 9% suivants. De plus, comme le contexte technologique, commercial et financier est commun à tous les pays avancés, il est tout à fait improbable que son évolution ait pu porter la part du 1% le plus riche à 20% du revenu national aux États-Unis, mais l’ait fait augmenter à seulement 10% au Japon et au Québec et encore moins dans plusieurs pays d’Europe, y compris à un maigre 6% aux Pays-Bas. Zorn en déduit logiquement que la hausse de la part des très riches et sa grande variabilité d’un pays à l’autre doivent s’expliquer autrement.
C’est pourquoi il accorde plus de crédibilité aux explications qui reposent sur la capacité accrue qu’ont certains groupes de contourner les forces de la concurrence sur les marchés et de s’ériger en «extracteurs de rentes» qui ont pu obtenir plus, et souvent beaucoup plus, que ce que vaut vraiment leur contribution à la production de biens ou de services. Parmi les très riches, les opérateurs financiers ont énormément bénéficié de la déréglementation de leur secteur, tout particulièrement aux États-Unis. Les médecins canadiens, eux, contrôlent l’accès à leur profession et ont réussi à négocier des rémunérations très avantageuses avec les gouvernements provinciaux.
Quant aux hauts dirigeants d’entreprise, ils ont, plus que tout autre groupe de travailleurs, la possibilité d’établir eux-mêmes leur propre rémunération et de faire en sorte que cette dernière augmente quand les choses vont bien, sans nécessairement diminuer quand elles vont moins bien. De plus, l’affaiblissement des syndicats et une certaine évolution des normes sociales en faveur de la richesse, exemplifiée par le «Morning in America» du président Ronald Reagan et le «Greed is good» de Gordon Gekko dans le film Wall Street, ont renforcé leur pouvoir sur leur rémunération et leur intérêt à exercer ce pouvoir. Dans le secteur pétrolier canadien, les hauts dirigeants ont pu s’approprier une rente particulièrement avantageuse quand le prix de la ressource a explosé, sans que cela découle d’une amélioration réelle de leur performance en tant que gestionnaires.
Zorn insiste sur le repli de la progressivité fiscale, qui a été généralisée, mais variable d’un pays à l’autre. Il a été considérable aux États-Unis et au Royaume-Uni, et moins prononcé dans le reste de l’Europe, au Canada et au Québec. On s’attendait à ce qu’un fardeau fiscal allégé pour les riches et les très riches encourage la croissance économique globale. La recherche statistique semble indiquer que cela ne s’est pas produit, mais que la réduction du taux marginal maximal d’imposition sur le revenu a bel et bien été l’une des causes de l’augmentation de la part du revenu national captée par les très riches avant impôts. Moins les derniers dollars sont imposés, plus on s’est montré prêt à mettre les efforts supplémentaires pour obtenir un revenu accru, le plus souvent par extraction de rentes et sans nécessairement travailler plus d’heures ni fournir une meilleure productivité horaire.
Zorn observe que, si les très riches réussissent à porter à un niveau élevé leur part du revenu national, cette situation va tendre d’elle-même à s’autoperpétuer, voire à se renforcer, pour deux raisons, l’une économique et l’autre politique. Sur le plan économique, leur revenu accru leur permet d’épargner plus et, par conséquent, d’accroître leur patrimoine plus rapidement et d’en retirer des revenus de capital plus abondants. Leur part du revenu national augmentera donc encore plus. Sur le plan politique, le revenu élevé des très riches leur confère un net ascendant sur les élus. Leurs importantes contributions politiques aident à mettre au pouvoir les partis qui leur sont favorables et à influencer à leur avantage les lois, les règlements, la fiscalité et les dépenses de l’État. Ils peuvent ainsi protéger et même accroître leur part du gâteau économique. Au passage, la démocratie peut se muer en ploutocratie, puis entraîner une révolte de la classe moyenne contre les élites, comme on l’a vu récemment se produire aux États-Unis et au Royaume-Uni.
La preuve est claire. Ce ne sont pas les changements technologiques et la mondialisation des échanges, communs à tous les pays, qui ont pu faire en sorte que la part des revenus nationaux captée par les très riches se détache aussi nettement du peloton. Comme la hausse varie considérablement d’un pays à l’autre, il est impossible de ne pas conclure que les institutions et les politiques en place dans les divers pays, qui sont elles-mêmes très variables, ont exercé une grande influence sur les résultats observés. Zorn en tire un corollaire important: il est possible de réduire l’inégalité au sommet de l’échelle sociale si on adopte les «bonnes» institutions et les «bonnes» politiques.
Une contribution marquante de son analyse est le lien qu’il établit entre l’importance de l’augmentation de la part du centile le plus riche d’un pays et son «modèle institutionnel». Il veut dire par là que les causes de cette augmentation ne viennent pas en pièces détachées, mais se présentent comme une combinaison d’arrangements institutionnels cohérents entre eux. Par exemple, dans les pays dont le régime est «libéral», comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Irlande, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les actions individuelles reposent sur les mécanismes des marchés décentralisés. Les normes sociales, les institutions du marché du travail, les institutions financières, la gouvernance d’entreprise, le système fiscal et le rôle joué par l’État sont organisés autour de cette vision du monde unifiée. En Europe continentale, en Scandinavie et au Japon, le régime est plutôt de type «coordonné». Dans ces pays, l’économie de marché a recours dans une plus large mesure aux relations associatives, coopératives, concertées et non marchandes.
Zorn montre deux choses. Premièrement, en général, les institutions des pays «libéraux» favorisent collectivement une plus grande inégalité du revenu et une part plus importante du revenu captée par le 1% le plus riche que ce que produisent les institutions des pays «coordonnés». Deuxièmement, en particulier, tout en étant imbriqué dans l’environnement libéral de l’Amérique du Nord, le Québec parvient à s’en distinguer parce qu’il a adopté plusieurs institutions associatives, coopératives, concertées et non marchandes qui rapprochent son économie du type coordonné. La différence québécoise inclut un rejet populaire plus net des inégalités, un degré de syndicalisation plus étendu, des institutions financières et des entreprises plus coopératives, une fiscalité plus progressive et des programmes sociaux plus innovateurs et développés. C’est de là que Zorn tire l’explication logique du fait que la part du revenu captée par les Québécois très riches a moins augmenté au Québec qu’aux États-Unis et autres grandes provinces canadiennes.
Si on désire limiter l’augmentation de la part du 1% le plus riche dans l’avenir, il faudra revenir à une progressivité fiscale plus importante, tout en haut de l’échelle des revenus. En 2014, au Québec, la fiscalité et les transferts gouvernementaux ont ensemble abaissé la part du 1% le plus riche de 10,4% du revenu marchand à 7% du revenu finalement disponible, tandis qu’ils ont haussé celle des 50% moins
