Les origines du grade de maître dans la franc-maçonnerie: un classique de la littérature maçonnique
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Eugène Goblet d'Alviella
Eugène Félicien Albert Goblet d'Alviella (Bruxelles 10 août 1846 - 9 septembre 1925) est un homme politique belge et professeur d'histoire des religions à l'ULB, membre du parti libéral. Il est le fils de Louis Goblet et le petit-fils du général Albert Goblet d'Alviella. Il meurt à Bruxelles le 7 septembre 1925, renversé par une automobile avenue Louise.
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Aperçu du livre
Les origines du grade de maître dans la franc-maçonnerie - Eugène Goblet d'Alviella
PREMIÈRE PARTIE.
INTRODUCTION AU TROISIÈME DEGRÉ
DANS LA FRANC-MAÇONNERIE
I. — La maîtrise dans la Franc-Maçonnerie de pratique.
La Franc-Maçonnerie — son nom même l’indiquerait à défaut de son histoire — dérive des corporations professionnelles qui pratiquaient l’art de bâtir. Dans l’organisation économique du moyen âge, subordonnée tout entière au double principe de l’association et du privilège, les méthodes de travail, l’utilisation des matières premières, l’emploi des outils, en un mot l’application des connaissances nécessaires à l’exercice de chaque métier, étaient considérés comme le patrimoine du groupe professionnel. C’étaient des secrets qui se transmettaient sous la sauvegarde d’un serment par lequel on jurait à la fois d’observer les règlements de la corporation et de garder le silence sur ses affaires. Après un temps d’apprentissage, le nouveau venu était déclaré apte à exercer le métier ; il prenait rang parmi les Compagnons (Knaap, Geselle, Fellow). On donnait le titre de Maître (Magister, Meister, Meester, Master) au Compagnon qui avait d’autres ouvriers sous ses ordres ou qui ouvrait un atelier pour son compte.
Les droits respectifs des Maîtres et des Compagnons diffèrent suivant les temps, les localités et les métiers. A l’origine, le Maître était, comme nous venons de le voir, l’équivalent de ce qu’aujourd’hui, dans le langage industriel, nous entendons par le terme de patron. Peu à peu, dans la plupart des pays, la maîtrise tendit à devenir un privilège. Il fallut, pour l’acquérir, fournir des preuves sérieuses d’instruction et d’habileté dans le métier ; son obtention fut en outre soumise à des conditions pécuniaires assez onéreuses ; le nombre de ses titulaires fut limité ; parfois même, comme dans Certains métiers bruxellois au xvnie siècle, elle chercha à. se rendre héréditaire (¹). Toutefois la distinction des Apprentis, des Compagnons et des Maîtres ne fut jamais poussée jusqu’à faire de ces trois grades autant d’associations distinctes, officiellement organisées au sein de la corporation.
Il faut faire observer, en outre, que, tandis que la distinction du Compagnon et de l’Apprenti est fondamentale et universelle, celle du Compagnon et du Maître est loin d’être générale. Dans de nombreuses corporations, T Apprenti, après avoir fait son temps et prouvé sa capacité, était directement investi de la Maîtrise. Le serment qui engageait l’individu vis-à-vis de la corporation était prêté, suivant la coutume des différents pays, tantôt par l’Apprenti, tantôt par le Compagnon à sa sortie de l’apprentissage, tantôt par le Maître, à son entrée en fonctions.
A côté de l’organisation du métier — ou plutôt représentant une des faces de cette organisation, ses côtés charitables et mutualistes — se plaçait la Fraternité (Fraternitas, Brudershaft, Broederscap, Brother- hood ou Fdlowship, Confrérie ou Compagnonnage). Elle était généralement présidée par un Maître ; mais Compagnons et Maîtres s’y trouvaient plus ou moins sur un pied d’égalité. D’autre part, — le point est important à noter, — elle pouvait recevoir, au moins comme membres honoraires, des personnages étrangers à la profession. La charte octroyée en 1260 par l’évêque de Bâle aux tailleurs de cette ville renferme la clause suivante : « Les mêmes conditions 3 sont applicables à ceux qui n’appartiennent pas au métier et qui désirent entrer dans la Fraternité. »
Plus tard, dans certains pays, en Allemagne, en Belgique, en France surtout, les Maîtres finirent par se retirer de ces Fraternités qui, entre les mains des Compagnons, devinrent des associations de résistance et de secours mutuel. De là sont sortis notamment les Compagnonnages français qui finirent par se constituer en dehors de l’organisation officielle du métier et qui, fréquemment tracassés par l’autorité, n’en survécurent pas moins aux corporations professionnelles, pour ne disparaître que de nos jours, ou plutôt pour se fondre dans les Ligues syndicales ouvrières.
Il en fut autrement au sein des Iles Britanniques, où les Maîtres, aussi bien que les Compagnons et même les Apprentis, restèrent membres des Fraternités. C’est dans ces Fraternités, plutôt que dans les ateliers proprement dits, qu’il faut chercher les antécédents de la Maçonnerie spéculative, comme nous le verrons plus loin à propos de la Brotherhood établie dans la Compagnie des Maçons de Londres. Cette distinction, sur laquelle on n’a peut-être pas assez insisté jusqu’ici, n’a rien qui contredise l’origine professionnelle de la Franc-Maçonnerie moderne. La Fraternité, en effet, alors même qu’elle s’adjoignait des Compagnons honoraires, n’était constituée qu’en vue du métier ou plutôt dans l’intérêt exclusif de ses membres ; elle constituait souvent le lien entre ateliers de la même profession.
Les corporations qui se rattachent à l’art de bâtir ne font pas exception à ces règles générales. Elles offraient néanmoins certains caractères propres qu’il convient de rappeler. Il semble bien qu’à l’instar d’autres métiers dans le haut moyen âge, les ouvriers constructeurs — maçons, tailleurs de pierre, sculpteurs, — aient formé d’abord entre eux des associations libres et volontaires, souvent dirigées par des moines architectes, en tout cas cimentées par un lien religieux ; en un mot, de véritables confréries. De ces origines, la Franc-Maçonnerie a toujours gardé quelques traits. Cependant ces groupes, en se sécularisant, ne manquèrent pas de réclamer des franchises officielles qui impliquaient à la fois l’autonomie et le monopole. Ainsi furent constituées les corporations locales de maçons et de tailleurs de pierre.
En outre de ces gildes permanentes, établies dans les principales villes, il se forma, sur les mêmes bases, des groupements temporaires d’ouvriers rassemblés en vue de construire de grands édifices religieux et civils. Ces groupements variaient nécessairement en importance et en durée, suivant les exigences de la construction. Leurs ouvriers devaient être à même de se déplacer aisément, avec la chance de retrouver ailleurs les mêmes occupations et les mêmes avantages. D’où la nécessité de certains symboles qui devaient leur servir de passe-ports professionnels et dont ils devaient jalousement garder le secret.
En outre, l’art de bâtir, surtout après l’introduction du style gothique, impliquait des connaissances étendues et complexes. En effet, les