Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Roseau: Littérature blanche
Roseau: Littérature blanche
Roseau: Littérature blanche
Livre électronique179 pages2 heures

Roseau: Littérature blanche

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Dans Roseau le lecteur retrouve Henri Boulant, un garçon fragile, rongé par les doutes et les obsessions. Orphelin, Henri grandit dans des établissements religieux, où ses maîtres, les Pères Jésuites, lui insufflent bientôt d’autres craintes. En effet, le catholicisme auquel il est initié dans son adolescence est moins la religion de l’amour et du pardon fraternel (dont se font porte-voix ses « tantes-nonnes ») que celle de l’homme déchiré entre l’aspiration au Bien et la tentation du Malin ; la religion de la Grande Peur, la peur du péché, celui de la chair en premier. « Il faut rééditer André BAILLON », écrivait en 1950 Marie de Vivier, la poétesse bruxelloise avec qui l’écrivain a noué une liaison amoureuse durant les deux dernières années de sa vie. « Voici un maître dont on parle souvent sans l’avoir lu, faute de le trouver en librairie. À cette époque d’inflation littéraire, où l’on gaspille tant de papier pour abuser un public qui ne se laisse pas abuser et fait la grève du Lecteur, ne pourrait-on pas faire un petit effort, tant en faveur de ce public que d’un écrivain exemplaire ? »

À PROPOS DE L'AUTEUR

Lancé en 1921 par la maison d’édition parisienne Rieder et Cie, André BAILLON (1875-1932) a connu quelques années de grand succès : ses livres sont tirés à plusieurs milliers d’exemplaires et bientôt traduits en diverses langues étrangères. Ce n’est qu’en 1976 que l’éditeur bruxellois Jacques Antoine réédite Un homme si simple, préfacé par Marie de Vivier. L’une après l’autre, la plupart de ses œuvres paraissent à nouveau, en Belgique.
LangueFrançais
ÉditeurLe Cri
Date de sortie10 août 2021
ISBN9782871067368
Roseau: Littérature blanche

Lié à Roseau

Livres électroniques liés

Fiction littéraire pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Roseau

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Roseau - André Baillon

    PRÉFACE

    par Maria Chiara Gnocchi

    André Baillon, cet inconnu ?

    « Il faut rééditer André Baillon », écrivait en 1950 Marie de Vivier, la poétesse bruxelloise avec qui l’écrivain a noué une liaison amoureuse durant les deux dernières années de sa vie.

    Voici un maître dont on parle souvent sans l’avoir lu, faute de le trouver en librairie. À cette époque d’inflation littéraire, où l’on gaspille tant de papier pour abuser un public qui ne se laisse pas abuser et fait la grève du Lecteur, ne pourrait-on pas faire un petit effort, tant en faveur de ce public que d’un écrivain exemplaire ? ¹

    Lancé en 1921 par la maison d’édition parisienne Rieder et Cie, Baillon a connu quelques années de grand succès : ses livres sont tirés à plusieurs milliers d’exemplaires et bientôt traduits en diverses langues étrangères. Puis, peu à peu, c’est le déclin. Le déclin pour Baillon, qui souffre de plus en plus de crises de neurasthénie, et qui songe au suicide, s’y mesurant plusieurs fois. Le déclin pour Rieder aussi, qui connaît des conflits internes, aggravés par la crise économique de la fin des années vingt. En 1939, les Presses Universitaires de France rachètent l’ensemble du fonds ; il ne manquera plus que le deuxième conflit mondial pour jeter dans l’oubli et cette aventure éditoriale, et la plupart des auteurs qu’elle avait conduit à une plus ou moins grande notoriété.

    Baillon compte parmi ces auteurs. On fera, pendant des décennies, le silence presque total autour de son œuvre.

    Ce n’est qu’en 1976 que l’éditeur bruxellois Jacques Antoine réédite Un homme si simple, préfacé par Marie de Vivier. L’une après l’autre, la plupart de ses œuvres paraissent à nouveau, en Belgique cette fois : Histoire d’une Marie, Zonzon Pépette, Délires, puis chez Labor Le Perce-oreille du Luxembourg, Par fil spécial, Histoire d’une Marie, Chalet I, que L’Éther vague (Toulouse) avait entre-temps réédité avec En sabots. Des commentaires de plus en plus nombreux accompagnent ces publications : articles, mémoires, analyses diverses. Une biographie par Frans Denissen (tout récemment traduite en français) ² vient consacrer – et relancer – ce regain d’intérêt.

    Mais si depuis vingt-cinq ans Baillon fait encore parler de lui, il ne reste pas moins largement inconnu par le grand public. Qui est-ce, au juste, André Baillon ?

    Tout en renvoyant à l’excellente étude de Frans Denissen, essayons de tracer un portrait synthétique. André Baillon est né à Anvers en 1875 ; orphelin de père un mois après sa naissance et de mère six ans plus tard, il est confié aux bons soins de son grand-père maternel et d’une tante très pieuse et autoritaire qui habite Termonde. Il fait ses études en tant qu’interne chez les sœurs de Saint-Vincent de Paul à Ixelles d’abord, puis chez les Jésuites à Turnhout et Alost, enfin chez les Joséphites à Louvain. Ayant commencé des études universitaires à l’École des Mines, il se fait renvoyer pour mauvaise conduite et pour avoir noué une relation avec une prostituée, Rosine, qui dilapide sa fortune dans les années à venir. Baillon exerce divers métiers avant d’être engagé, en 1905, par le quotidien belge La Dernière heure. Entre-temps, il a définitivement quitté Rosine et s’est marié avec Marie Vanderberghe, une ancienne prostituée flamande. À part deux courts séjours à Westmalle, où il espère calmer ses nerfs en élevant des poules dans un isolement presque total, Baillon réside à Bruxelles jusqu’au début des années vingt. En 1912 il rencontre une pianiste, Germaine Lievens, à qui il adresse des lettres d’amour de plus en plus insistantes : il parvient à la conquérir un an plus tard. Profitant d’une bourse du gouvernement belge, il s’installe avec elle à Boendael (Bruxelles) au début de la première guerre mondiale : c’est pendant ces années de loisirs forcés qu’il écrit tous ses premiers chefs-d’œuvre. En 1920 il suit sa compagne qui, en quête de succès, a déménagé à Paris.

    À l’âge de 45 ans, Baillon n’a publié que quelques contes, parus pour la plupart entre 1899 et 1903 dans la revue bruxelloise Le Thyrse, à laquelle collaborent ses amis l’écrivain Gaston-Denys Périer et le peintre Pol Stiévenart. En 1920, juste au moment où Baillon quitte une première fois la Belgique, les éditions de la Soupente, fondés à Bruxelles par Georges Eekhoud, publient son premier récit long : Moi quelque part…³ . Introduit et soutenu dans les milieux littéraires parisiens par des personnalités telles que Charles Vildrac, Pierre Mille, Colette et quelques autres, Baillon commence à faire parler de lui. En 1921 son Histoire d’une Marie inaugure la collection des « Prosateurs Français Contemporains », lancée par les éditions Rieder et dirigée par Jean-Richard Bloch : les ventes sont très bonnes, la critique est favorable. À partir de ce moment, sous contrat, Baillon donne à Rieder un roman presque tous les ans, tout en publiant des articles et des contes dans la presse et dans diverses revues littéraires ⁴. Plusieurs prix couronnent bientôt l’auteur et son œuvre.

    La santé de l’écrivain s’aggrave cependant de plus en plus. En 1923, suite à une crise de neurasthénie, il est interné à l’hôpital psychiatrique de la Salpêtrière (Paris) ; il y retournera en 1926, même si plus par intérêt documentaire – paraît-il – que par réelle nécessité.

    En 1930, la vie de Baillon connaît un tournant décisif. Une jeune lectrice, Marie de Vivier, lui adresse quelques lettres pleines d’enthousiasme, et une correspondance s’engage, qui débouche bientôt dans une liaison amoureuse. Une liaison orageuse, dont témoignent plus de 300 lettres encore inédites à ce jour.

    Depuis son jeune âge, Baillon a tenté plusieurs fois de se suicider ; c’est ce qui a poussé certains médecins – voire certains de ses amis – à le considérer comme un simulateur. Le 7 avril 1932, l’écrivain avale une dose létale de somnifère : cette fois, les médecins ne sauront plus le ramener à la vie.

    Roseau : une gestation laborieuse

    Baillon a souvent puisé les sujets de ses romans dans son expérience biographique. En sabots trouve son inspiration dans les séjours que l’auteur a faits à Westmalle ; Histoire d’une Marie évoque la vie de sa femme, puis celle de l’écrivain qui tire de cette vie une fiction narrative ; dans Par fil spécial il est question d’un rédacteur qui travaille pour un grand quotidien ; Un homme si simple et Chalet I laissent la parole à un neurasthénique qui se « confesse » à son psychiatre et qui passe en revue les « petits mentaux » de la Salpêtrière… Ceci dit, aucun de ces textes ne constitue une autobiographie proprement dite (même partielle), l’auteur marquant toujours une distance ironique vis-à-vis de son histoire, de son récit, voire des narrateurs auxquels il donne tour à tour la parole. Dans sa correspondance, Baillon utilise ce mot, « mémoires », uniquement pour désigner ses derniers romans, Le Neveu de Mademoiselle Autorité (1930) et Roseau (1932), destinés à former, avec un troisième commencé beaucoup plus tôt mais que l’auteur laisse inachevé, le cycle Des Vivants et des Morts.

    Si la rédaction du Neveu de Mademoiselle Autorité prend beaucoup de temps et d’énergie à l’écrivain (il s’y met dès 1927), la gestation de Roseau est encore plus laborieuse. Baillon se sent épuisé ; comme les ventes de ses livres ont baissé et qu’il écrit de moins en moins pour la presse, des soucis financiers s’ajoutent à ses crises morales. À l’en croire, il serait sollicité par différents éditeurs, mais il ne trouverait pas l’énergie suffisante pour considérer sérieusement leurs offres. De plus, il habite Marly-le-Roi, tandis que sa bien-aimée, Marie de Vivier, vit à Bruxelles. Il lui écrit tous les jours de longues lettres passionnées. Il voudrait vivre – parfois mourir – avec elle, mais divers obstacles l’empêchent de réaliser ses désirs.

    Le 5 janvier 1931, ayant terminé la première version du récit qui deviendra Roseau, il avoue être « arrivé au sommet de la côte à plat ventre ». Son travail est loin d’être terminé : ce n’est qu’en écrivant la dernière partie de son texte qu’il a trouvé le ton qu’il voudrait donner au livre tout entier. Styliste rigoureux, artisan infatigable, il réécrit une partie considérable du récit, faisant œuvre de purification.

    Malheureusement, toutes ces difficultés font sentir leur poids : le récit de Roseau est plus faible que ceux qui le précèdent. Le « style Baillon » est toujours reconnaissable, mais il a l’air de se chercher avec peine, et de se figer parfois en quelques formules toutes faites. Plutôt qu’à son roman, l’écrivain se « donne » à Marie de Vivier : c’est dans la correspondance avec celle-ci qu’il voit son Œuvre Ultime.

    Une fois son texte définitivement prêt, Baillon voudrait en placer des extraits dans des revues littéraires. Il se propose d’écrire à Jean Paulhan, directeur de La Nouvelle Revue Française, qu’il connaît personnellement et qui l’avait autrefois sollicité ; il pense également à La Revue de France, à La Revue de Paris et même, un peu à regret, à Gringoire. Aucune revue n’accepte ses offres ; l’éditeur se montre pressé : Roseau paraît d’emblée en volume, en février 1932.

    Roseau-moi, roseau-eux

    Dans Roseau le lecteur retrouve Henri Boulant, le protagoniste du Neveu de Mademoiselle Autorité ⁵ : un garçon fragile, rongé par les doutes et les obsessions. Orphelin, Henri grandit dans des établissements religieux, où ses maîtres, les Pères Jésuites, lui insufflent bientôt d’autres craintes. En effet, le catholicisme auquel il est initié dans son adolescence est moins la religion de l’amour et du pardon fraternel (dont se font porte-voix ses « tantes-nonnes ») que celle de l’homme déchiré entre l’aspiration au Bien et la tentation du Malin ; la religion de la Grande Peur, la peur du péché, celui de la chair en premier ⁶ . Alors que d’autres collégiens réagissent grâce à « la toile cirée de leur indifférence », le petit Boulant prend tout au pied de la lettre, et succombe sous un fardeau trop lourd. Renvoyé d’un premier collège à cause d’une amitié trop intime aux yeux des Pères, il en quitte un deuxième suite à une crise de nerfs, conséquence extrême des railleries de ses camarades qui le rejettent à cause de ses cheveux roux. Ce n’est qu’à sa troisième expérience collégiale qu’il trouve quelques formes de bonheur, grâce à une plus grande liberté, aux premiers émois amoureux, à la découverte d’une vocation professionnelle – même si elle ne sera pas définitive.

    Explicitement lié au Neveu de Mademoiselle Autorité, Roseau renvoie également à d’autres romans du même auteur (qui considérait l’ensemble de ses livres comme un « tout ») : l’expérience de la confession ratée (voire impossible) avait déjà paru dans En sabots, Un homme si simple, Délires ; certains personnages au sourire inquiétant ne sont pas sans rappeler le Dupéché du Perce-oreille du Luxembourg (et toutes ses variantes) ; Un homme si simple et Chalet I racontent plus diffusément « l’histoire d’hôpital » (l’internement à la Salpêtrière) que le narrateur dit être à la base de ce récit, etc.

    Ce n’est que relativement tard, quelques mois avant la parution du volume, que Baillon choisit un titre pour ce qu’il a longtemps appelé, simplement, « le tome II du Neveu de Mademoiselle Autorité » ⁷ . Pour le choix du titre, comme d’ailleurs pour la rédaction de certaines parties du récit, l’écrivain demande conseil à son âme-sœur, Marie de Vivier ⁸ . Au cours de juillet 1931, il précise qu’il cherche quelque chose « autour de l’idée «Seul» » : « Seul, ce mot doit dominer dans le titre » ; plus tard, craignant « avoir trop l’air de pleurer sur [s]oi-même », il propose comme titre le refrain de tante Louise : « C’est positif ! ». Au dernier moment, son choix se fixe sur Roseau.

    Roseau était un titre, un mot, une image qui hantait depuis longtemps l’imaginaire de Baillon. Dans Le Neveu de Mademoiselle Autorité, le roseau fait son apparition dès les toutes premières pages du roman, là où le narrateur se présente et essaie de se définir :

    Un roseau. De la vase comme nourriture ; des coups de vent pour le dehors. Peu de chose.

    C’est de ce roseau qu’il s’agira : le roseau-moi, les roseaux-eux, car vit-on jamais roseau pousser seul ? ⁹

    Un roseau : « peu de chose ». Une plante très simple, très mince, particulièrement exposée à la violence des agents extérieurs. Et pourtant pas aussi faible qu’en l’apparence : l’opposant au chêne, La Fontaine a bien décrit sa capacité de résistance. Mais plus qu’au roseau de La Fontaine, le roseau de Baillon renvoie au « roseau pensant » de Pascal : à la sortie de Roseau, l’auteur propose justement à l’éditeur la bande d’annonce suivante : « Roseau oui – mais pensant ».

    Dans ce récit, on fait également allusion au roseau dans la main du Christ (symbole négatif d’un pouvoir que d’autres lui refusent) et en même temps aux roseaux révélant aux quatre vents la tare physique du roi Midas (cf. p. 123). Pour ce qui concerne le roseau dans la main du Christ, on se bornera à rappeler que le protagoniste de Roseau se dit « le pénitent […] des fautes dont on n’est pas coupable » (p. 49), et que Baillon se décrit volontiers avec une couronne d’épines lui cerclant la tête. Quant à l’évocation de la tare du roi Midas, nous verrons par la suite que ce texte se veut aussi une dénonciation des fautes des « maîtres », des puissants, perpétrée par les plus dociles ¹⁰ .

    En fait, l’idée d’un livre où il serait question de roseaux pensants est vieille, chez Baillon, d’une dizaine d’années au moins. Une lettre à Jean-Richard Bloch du 25 août 1921 l’atteste : après avoir fait allusion au conte qui prendra le titre « Des mots » (Histoire d’une Marie vient de sortir), Baillon annonce un nouveau texte, ou peut-être un recueil :

    J’ai

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1