VOYAGE AU CŒUR DES ARCHIVES
UNE LÉGENDE NAÎT DE MYSTÈRES et Vogue Paris en fabrique beaucoup. Chaque numéro est une création originale et on en compte à ce jour 1 021 sur 101 ans. Une vie, mille vies. Au fil du temps et des pages, le magazine n’a pas chômé pour enivrer son lectorat esthète, abonné aux bons mots et aux belles photos – non sans mal, croyez-le, car longtemps Vogue Paris s’est fait sans un radis. «Vous êtes des O.S. de luxe qui travaillez avec des petits moyens», disait un Guy Bourdin champion du lancer de piques aux rédactrices – lui aussi du reste! Photographes, rédactrices, mannequins, coiffeurs et maquilleurs savaient pertinemment qu’ici on travaille pour la gloire et l’Histoire, celle d’un magazine qui, quelles que soient la nature et la valeur de leurs voix, les dépasserait et leur survivrait. Vogue Paris avait l’art et la manière de faire bosser pour pas cher les esprits éclairés dont la qualité de l’oeuvre n’était plus à quantifier. Une prise de parole à la tribune de Vogue Paris, ça reste ad vitam æternam – ce n’est pas renseigné sur les fiches de paie, mais ça se sait et ça fait passer le cachet.
L’histoire de la plus longue de tous les magazines de mode dans l’Hexagone, est rangée, inventoriée, archivée. Après avoir été tant de fois bourlingué, entre dédain, déménagements et sinistres, voilà son patrimoine préservé dans 50 m2. Le lieu est peu reluisant mais sain et pratique. Ses vestiges (épreuves de travail, ektas, maquettes, manuscrits) se compilent et s’empilent sur des étagères métalliques. Des boîtes grises et des pochettes rouges, il y en a 746 – c’est moins que le nombre de numéros parce que, évidemment, plus on remonte le temps, plus il y a de manques. Ce qui fait décupler la valeur de ceux qui ont miraculeusement résisté. Pourtant, impossible d’estimer ces tirages, des épreuves de travail non signées à usage limité. Depuis la loi n° 57-298 du 11 mars 1957 reconnaissant aux auteurs des droits patrimoniaux et le droit moral, le magazine n’a plus la main sur les images de «ses» photographes, à l’exception de certains, dont Horst
