La Conspiration de Compesières : 1695: Poème en dialecte savoyard
Par Jean Mussard
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Aperçu du livre
La Conspiration de Compesières - Jean Mussard
Jean Mussard
La Conspiration de Compesières : 1695
Poème en dialecte savoyard
Publié par Good Press, 2022
goodpress@okpublishing.info
EAN 4064066306021
Table des matières
Avant-propos
Introduction
Présentation de l’œuvre
L’auteur, Jean Mussard
La Savoie, Genève et la France à la fin du XVIIème siècle.
Marc Dupuy
Graphie et établissement du texte
A
B
C
D
E
F
G
H
I
J
L
M
N
O
P
Q
R
S
T
U
V
Y
Z
Répertoire des noms de personnes
Avant-propos
Table des matières
par G. Tuaillon
En descendant le col de la Faucille et en traversant le Pays de Gex pour se rendre à Genève, le voyageur a de la peine à comprendre pourquoi une frontière d’Etats divise cette plaine étroite et longue qui s’étend au pied du dernier chaînon du Jura. Plus difficile encore de comprendre pourquoi le Genevois qui va du nord du Mont Salève jusqu’au Lac Léman, ne fait pas partie du même Etat que la ville qui lui a donné son nom. Il semble que la capitale ait perdu son propre pays ou que le pays genevois ait perdu sa capitale. En fait, c’est bien de cela qu’il s’agit: ni la géographie, ni l’économie, qui pour une bonne part en découle, ne peuvent expliquer ce découpage d’un pays, qui est si bien le pays de Genève. La frontière actuelle n’empêche pas une très étroite coopération économique entre ce qui est un canton suisse et ce qui est devenu partie du territoire français. Une frontière au travers de ce pays si bien fait par la nature pour vivre autour de son centre directeur est un contre-sens géographique, économique: c’est un héritage, et même le pire des héritages, celui que transmettent, à travers haines et mépris, les disputes et la guerre.
Comme beaucoup de grandes villes, Genève a eu très tôt le sens de l’organisation démocratique autour de conseils représentant les forces vives de la cité ; elle a eu très tôt besoin de liberté. Si d’autres villes ont obtenu leur affranchissement, par contrat avec les seigneurs féodaux, laïcs ou religieux, Genève a conquis sa liberté, sans marchander avec les comtes ou ducs de Savoie, qui ont pendant longtemps conservé l’ambition d’exercer des droits de suzeraineté sur la ville. Elle s’est aussi libérée du pouvoir écclésiastique exercé par l’évêque catholique qui s’est, longtemps encore après son éviction de la cité de Calvin, prévalu du titre traditionnel et vain de Monsieur de Genève. Par la suite, la ville a défendu sa liberté, seule ou avec l’appui de protecteurs divers dont son habile diplomatie savait équilibrer l’influence. Ce dessein politique a toujours été couronné d’un plein succès sur la ville elle même; il a échoué sur une partie du pays genevois. Depuis 1815, la frontière politique délimite, contre toute logique géographique, l’actif et le passif d’un bilan légué par des siècles d’affrontements, de luttes sournoises ou héroïques.
Faits d’armes et chamailleries ont inspiré une littérature qui s’est le plus souvent exprimée dans la langue même de la ville libre, le patois genevois. Au sommet de cette production littéraire, il faut mettre l’hymne national genevois, la Chanson de L’Escalade qui commence par un vers, à la fois patriotique et religieux, militaire et biblique:
«Cé qu’é lainô le Maitre dé batailles»
«Celui qui est là-haut le Maître des batailles».
Quelques soldats ennemis, des escaladeurs savoyards, avaient pénétré de nuit dans la ville et s’apprêtaient à ouvrir les portes de l’enceinte au gros de l’armée qui attendait pour faire irruption. Les escaladeurs furent faits prisonniers, puis pendus; la ville était sauvée. Mais l’alerte avait été chaude. Jamais la ville n’avait couru un aussi grand risque. En ce moment de l’histoire, volonté de résister à la menace, reconnaissance au Dieu des batailles, joie d’avoir vaincu, dérision à l’égard de l’ennemi repoussé, toutes ces souces d’inspiration se sont unies pour produire de nombreuses chansons politiques, dont la plus belle, le Cé qu’é lainô.
Au fil des chamailleries courantes, l’inspiration était plus satirique, plus comique. Une littérature de moqueries à l’adresse des Savoyards et du duc de Savoie, ainsi que du clergé, avait pris naissance dans les années 1530, pendant les derniers moments de la présence du clergé catholique dans la ville. Il nous reste La Chanfon de Complanta et désolafion dé paitré. Les prêtres catholiques, toujours nombreux dans les paroisses de la ville préssentent qu’un changement s’annonce et qu’ils ne pourront plus continuer à percevoir leurs revenus écclésiastiques et mener une vie d’inutilité et de paresse, en donnant de mauvais exemples à leur ouailles genevoises qui, tout normalement, ne veulent plus d’eux. C’est le premier texte politique et satirique en patois genevois.
D’autres ont suivi. Les plus nombreux sont ceux que vient de publier, sous le titre de Moqueries savoyardes, Anne-Marie Vurpas (Lyon, Manufacture, 1986). Ils n’ont pas été écrits à Genève, mais à Lyon, non pas en bon patois genevois, mais en un patois mixte où l’on retrouve de nombreuses caractéristiques du patois genevois. Tout laisse penser que l’auteur est un Genevois récemment installé à Lyon, pour y exercer le métier d’imprimeur. La cible des satires est toujours le duc de Savoie.
Il y eut des réponses: la plus désinvolte et la plus intéressante est le texte qui s’intitule La Moquerie Savoyarde. Il s’agit d’un vieux conte italien de Poggio; nous en avons une version plus moralisante dans un sermon de Saint Bernardin de Sienne. On sait que Malherbe l’apprit à Racan qui la transmit à la Fontaine qui en a fait une fable. Entre l’Italie et Paris, l’histoire fut versifiée en patois savoyard et publiée à Chambéry, en 1603. Ce texte a été longtemps récité par des conteurs publics, dans les foires et marchés de la région d’Annecy, c’est- à-dire dans la Savoie proche de Genève. Nous en avons le témoignage par Constantin, l’érudit annécien du siècle dernier, qui l’a entendu lui-même, dans son enfance, autour de 1840. La morale de la fable était:
«Quand lo moqu aran moqua
Et lo moqua seront moqua
Lo moqua seren en goguete
Et lo moqu seren en moquette».
«Quand les moqueurs auront dit leurs moqueries
Et que les moqués les auront subies,
Les moqués connaîtront à leur tour la joie
Et les moqueurs seront objets de moquerie».
Pauvre consolation que cette sagesse ou cette résignation! Mais à sa façon, elle montre ce que pouvaient être ces échanges de moqueries en patois, par-dessus la ligne d’une frontière politique qui se durcissait au beau