Noopiming. Remède pour guérir de la blancheur
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À propos de ce livre électronique
Noopiming signifie « en forêt » en anishinaabemowin. Une constellation de personnages font leur chemin, retissant la relation avec la nature, le vivant, et les uns avec les autres, dans la jungle urbaine, où tout est possédé, emballé et consommé. Ancré dans la narration anishinaabe où les genres fixes n’existent pas et où la place est laissée à la transformation et au mouvement, Noopiming. Remède pour guérir de la blancheur est un acte de décolonisation, de dégentrification et de résistance aux mythes coloniaux.
Leanne Betasamosake Simpson
Écrivaine et muscicienne michi saagiig nishnaabeg, Leanne Betasamosake Simpson est une figure de proue de la résurgence autochtone au Canada. Elle a publié chez Mémoire d'encrier Cartographie de l'amour décolonial (2018), On se perd toujours par accident (2020), Noopiming. Remède pour guérir de la blancheur (2021) et Une brève histoire des barricades (2022).
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Avis sur Noopiming. Remède pour guérir de la blancheur
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Aperçu du livre
Noopiming. Remède pour guérir de la blancheur - Leanne Betasamosake Simpson
Un
Solidification
Quand on parcourt le froid, on trouve le pacifique.
Quand on parcourt le pacifique, on trouve le placide.
Quand on parcourt le placide, on trouve une condition d’étendue.
Et c’est cette condition d’étendue qui m’a offert refuge.
Je les entends chanter là-haut :
Mashkawaji est tombé·e sous la glace
pour trouver le calme
pour échapper au vent
pour rendre visite à namegos
C’est un chant à l’unisson :
Mashkawaji est en train de coudre le trou
le froid est tel qu’il lui est impossible de bouger
figé·e dans la glace
le lac comme une couverture
Un chant à l’unisson :
Mashkawaji est figé·e dans la glace
immobile
calme
personne ne sait s’iel reviendra
Un chant à l’unisson :
Akiwenzii pêche sous la glace à l’aide d’un harpon
iel a apporté une ligne de perles
iel attendra patiemment
iel attendra que Mashkawaji termine son séjour
Tous les soirs, j’entends les chants et les tambours au loin. Différentes chorales chaque jour au crépuscule marquent le passage du temps, me rappelant que l’amour existe encore.
Voyez-vous, la tragédie a frappé de nouveau. Peu importent les détails parce que les détails sont désespérés, dépassés, étouffés.
Sachez que : deux années se sont écoulées, et les meilleures parties de moi sont toujours figées dans le lac — mon système limbique ; son meilleur ami, le cortex préfrontal ; et l’organe creux et battant dans lequel je garde ma bienveillance. Seul·e Akiwenzii me rend visite sur une base régulière. En hiver, iel stationne son camion sur la glace, y perce un trou à l’aide d’une tarière, et pêche jusqu’à ce que le froid lui fasse craquer les os. Dès que la glace a fondu, Akiwenzii est de retour dans son bateau, harponnant le brochet à l’aide d’une sorte de fourche, avec pour seule lumière celle d’une torche. Au pic de l’été, Akiwenzii s’esquive dans son canot aux premiers rayons du soleil, avant que les Sea-Doo des vacanciers n’envahissent le lac. À l’automne, iel saupoudre du tabac autour de moi et chante.
Mon monde est muet. J’observe. Si quelque chose me tracasse, simplement j’attends, et le tracas passe. Je m’assieds à côté. Parfois, je me rappelle l’autre moi, d’avant le jour où je suis venu·e me poser dans le lac gelé. Je me souviens de m’être fait beaucoup de souci, d’avoir accordé de l’attention, d’avoir interagi, d’avoir subi le tranchant des émotions bruyantes. Je me souviens des relations débridées, indomptables.
Je ne me sens pas coincé·e, probablement parce que je ne sens rien. Leur chanson ne sonne pas faux, la glace est comme une couverture, lestée et chaude. Ma forme s’est dissoute quand la tragédie a frappé et depuis que je suis fluide, la glace est un contenant.
J’ai des cendres plein les yeux.
Je suis si loin au creux de moi-même. Comme miskwaadesi qui faisait le jeûne total du temps, replié·e à l’intérieur de ses organes, à l’intérieur de sa carapace de tortue, à l’intérieur des sédiments du lac, tandis qu’un monde de glace prenait forme au-dessus, indifférent·e à ce qui se passait à l’extérieur, le corps comme un lac.
Et il y a un certain réconfort dans le fait d’être coupé·e du monde.
Une certaine liberté dans les mailles de cet état.
Sachez que : Être figé·e dans le lac est une autre manière de vivre.
Sachez que : J’ignore quand j’aurai terminé mon séjour ici. J’ignore combien de temps dure un tel séjour.
Sachez que : Un séjour est plus une danse qu’un événement.
Akiwenzii est ma volonté.
Ninaatig, mon poumon.
Mindimooyenh, ma conscience.
Sabe, ma moelle.
Adik, mon système nerveux.
Asin, ma vue et mon ouïe.
Lucy, mon cerveau.
Je crois tout ce que ces sept-là disent parce que la glace brouille les perceptions, et que la confiance y remplace la critique, l’interrogatoire et le doute.
Je crois tout ce que ces sept-là disent
même si,
même si.
Je crois tout ce que ces sept-là disent
même si
leurs vérités sont les leurs,
et non les miennes.
Je crois : En l’absence de mon propre cœur,
j’accepte les cœurs de ces sept-là.
Là-haut les outardes volent dans la grâce ultime d’une formation soigneusement dessinée qui les mènera ailleurs.
Il y a encore des étoiles.
Il y a encore des étoiles.
Deux
Affinités
Mindimooyenh
Mindimooyenh compte ses pas dans sa tête. Chaque jour. Du matin au soir. Iel fait toutes sortes de listes sur des bouts de papier, découpe des coupons-rabais, prend l’autobus pour se rendre dans toutes les chaînes d’épicerie et fait ses emplettes après avoir scruté à la loupe chacune des circulaires, et n’achète que ce qui est en spécial cette semaine-là. Tous ses aliments frais viennent du bac de légumes-morts, cet endroit dans les épiceries où les fruits et légumes pourris sont empaquetés et vendus à rabais. Mindimooyenh appelle les spéciaux des « aubaines ». Rien ne rend Mindimooyenh plus euphorique que les aubaines.
Mindimooyenh fait son travail en solo, sauf lorsqu’il s’agit d’une situation de type « limite de deux par client ». Dans ces cas-là on doit faire la queue dans différentes files avec des sacs remplis de petite monnaie.
Un beau jour Mindimooyenh trouve une paire de bottes de randonnée techniques brunes vraiment moches en rabais à 29,99 $ dans la circulaire de L’Équipeur.
Je lui dis, « c’est juste L’Équipeur. »
Mindimooyenh dit, « Je sais. » Mais iel prend quand même l’autobus jusqu’au magasin, et une fois sur place, se rend compte qu’ils n’ont plus sa taille dans le modèle à 29,99 $, seulement dans celui à 32,99 $. Le truc, c’est que Mindimooyenh peut amplement se permettre le trois dollars d’extra, facile. À la place, iel achète les bottes à 29,99 $ dans une taille trop petite, parce que le bonheur que procure l’aubaine est plus grand que la douleur des bottes trop petites, et je me prends pour qui moi de toute façon pour me promener dans la réserve avec des bottes qui coûtent 32,99 $.
« J’éteins mes pieds quand ils me font mal », iel dit.
Il arrive que Sabe accompagne Mindimooyenh, mais Mindimooyenh est difficile à suivre et son énergie fébrile est saccadée et épuisante.
Sabe
Sabe a tendance à rappliquer dans les moments les plus dramatiques et à disparaître ensuite, quand tout revient à la normale. Sabe croit que personne ne s’en rend compte, juste parce qu’on n’a pas l’air de s’en rendre compte, mais c’est faux. C’est juste une histoire que Sabe se raconte. Tout le monde s’en rend compte quand Sabe n’est pas là, c’est-à-dire la plupart du temps.
Sabe se fait un devoir de rappliquer pour les cérémonies, et pour les jeûnes de Lucy. Sabe garde Ninaatig à l’œil. Tombe habituellement sur Adik quelque part sur le sentier. Voit Akiwenzii surtout pendant les cérémonies. Mindimooyenh, c’est moins évident. Mindimooyenh est toujours en train de bouger, iel est constamment débordé·e, et pour être honnête, Sabe n’aime pas leurs rencontres inopinées de toute façon. Mindimooyenh est un miroir brut qui renvoie à Sabe des vérités qu’iel n’est pas particulièrement prêt·e à confronter.
Sabe est sobre depuis plus d’un an. Complètement sobre, dans le sens de zéro alcool et zéro bêtise, pas juste dans le sens d’une absence d’ébriété. Arrêter n’avait pas été trop difficile. Sabe est plus calme maintenant, et capable de dormir la nuit. Iel peut manger du gâteau parce que son ventre de bière a disparu. Ses taux de sérotonine sont élevés, ce qui veut dire qu’iel n’est pas constamment dans un état dépressif ou anxieux. Iel a beaucoup plus de temps libre et réapprend bien des choses, comme le plaisir et la joie et comment parler l’humain rudimentaire avec des humains rudimentaires à propos de tout et de rien.
Le seul bémol c’est que Sabe passe plus de temps seul·e et plus de temps dans sa tête qu’auparavant. Sa patience envers les gens est limitée. Il lui faut puiser sa bienveillance à différents endroits, se concentrer très fort et même mentir en quelque sorte, afin d’accumuler et d’entreposer tout ça dans sa cachette secrète.
Sabe
Sabe se rappelle ce soulagement qu’amenait la première gorgée de bière. Une occasion de fuir la crispation des muscles. Sabe se rappelle le flot que formaient les mots en sortant de sa bouche comme des soupirs, l’un après l’autre, quand tout était bien plus facile. Rire était facile. Iel se rappelle l’impression que c’était subversif, NDN, rebelle mais sans la rébellion. Iel se rappelle ses soirées dans les bars en compagnie de Lucy, que c’était comme une révolution sans la révolution.
Sabe se souvient de la vague d’euphorie qui n’exigeait aucun effort. La fausse camaraderie. L’illusion de l’intimité facile, mais dénuée d’intime. La spirale de la honte le lendemain matin.
Sabe se souvient du moment précis où la soirée avait tendance à basculer, et certaines choses étaient dites qui n’étaient pas normalement dites. Certains gestes étaient posés qui n’étaient pas normalement posés. Les limites étaient franchies et les idées qui lui flottaient derrière la tête et qui n’avaient d’ordinaire aucune importance devenaient une question de vie ou de mort. Iel se souvient de la peur.
Sabe
Sabe ne se rappelle pas le moment précis où son indifférence blasée, voire sa sympathie tiède, a basculé et est devenue une haine profonde.
