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Pathologie de la vie sociale
Pathologie de la vie sociale
Pathologie de la vie sociale
Livre électronique261 pages2 heures

Pathologie de la vie sociale

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À propos de ce livre électronique

La civilisation a échelonné les hommes sur trois grandes lignes... Il nous aurait été facile de colorier nos catégories à la manière de M. Charles Dupin ; mais, comme le charlatanisme serait un contre-sens dans un ouvrage de philosophie chrétienne, nous nous dispenserons de mêler la peinture aux x de l’algèbre, et nous tâcherons, en professant les doctrines les plus secrètes de la vie élégante, d’être compris même de nos antagonistes, les gens en bottes à revers.
LangueFrançais
Date de sortie30 juin 2021
ISBN9782383830566
Pathologie de la vie sociale
Auteur

Honoré de Balzac

Honoré de Balzac (1799-1850) was a French novelist, short story writer, and playwright. Regarded as one of the key figures of French and European literature, Balzac’s realist approach to writing would influence Charles Dickens, Émile Zola, Henry James, Gustave Flaubert, and Karl Marx. With a precocious attitude and fierce intellect, Balzac struggled first in school and then in business before dedicating himself to the pursuit of writing as both an art and a profession. His distinctly industrious work routine—he spent hours each day writing furiously by hand and made extensive edits during the publication process—led to a prodigious output of dozens of novels, stories, plays, and novellas. La Comédie humaine, Balzac’s most famous work, is a sequence of 91 finished and 46 unfinished stories, novels, and essays with which he attempted to realistically and exhaustively portray every aspect of French society during the early-nineteenth century.

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    Aperçu du livre

    Pathologie de la vie sociale - Honoré de Balzac

    Introduction¹

    En 1830, Balzac venait de découvrir le Monde.

    Son premier succès « Les Chouans », suivi de près par : « La Physiologie du Mariage » et « La Peau de Chagrin », avait imposé sa vocation à une famille dont le rêve était de faire de lui un notaire. Pour la première fois, il avait de l’or dans les mains, ces mains prodigues, ces belles mains sensuelles qui furent toujours empressées de l’échanger contre ce qui chatoie, qui éblouit, qui est voluptueux au toucher. Les salons s’ouvraient pour lui. Il fréquentait chez Sophie Gay, la princesse Bagration, la duchesse d’Abrantès ; il approchait les femmes les plus brillantes de Paris – lui qui les aimait tant, qui aimait tout d’elles, leurs intrigues comme leurs vertus, et comme elles-mêmes, leurs parures changeantes qu’il montre tant de plaisir à décrire, mousselines de l’Inde, cachemires, pèlerines ruchées, souliers de prunelle.

    Et, tout naturellement, comme le fruit de ces années-là, paraît le traité de la Vie Élégante².

    Quelle étape il y avait à parcourir pour faire un dandy de ce jeune Balzac, qui descendait alors de sa mansarde sans feu !

    Lamartine qui l’a vu à ses débuts, chez Sophie Gay, laisse de lui un amusant portrait :

    « Il portait un costume qui jurait avec toute élégance, habit étriqué sur un corps colossal, gilet débraillé, linge de gros chanvre, bas bleus, souliers qui creusaient le tapis, apparence d’un écolier en vacances qui a grandi pendant l’année et dont la taille fait éclater le vêtement, voilà l’homme qui valait à lui seul une bibliothèque de son siècle. »

    Quelques années seulement... et voici Balzac célèbre par le faste de son équipage, de ses habits et de ses bijoux. Un détail en est resté célèbre : cette canne, longue comme celle d’un tambour major, dont la pomme enrichie de pierreries était creuse et contenait des cheveux de femmes³. Il a des chevaux, des laquais, une livrée splendide rehaussée de galons et de boutons d’or sur lesquels brillaient les armes des Balzac d’Entragues.

    « Il faut travailler pour ces gredins de chevaux, que je ne puis parvenir à nourrir de poésie, écrit-il en 1832. Ah ! une douzaine de vers alexandrins en guise d’avoine ! »

    Werdet, qui fut un de ses éditeurs, nous a laissé le récit de la petite fête que lui offrit Balzac le soir de la mise en vente de la première édition du « Livre Mystique » qui contenait « Séraphita » et qui fut enlevée tout entière le jour même.

    « Il portait, dit Werdet, un habit bleu barbeau à boutons d’or ciselé, pantalon noir à sous-pieds, gilet blanc en piqué anglais, sur lequel chatoyaient les anneaux d’une chaîne d’or microscopique ; bas de soie noire à jours, souliers vernis, linge très fin, d’une blancheur irréprochable cette fois – note le narrateur ironiquement, – gants beurre frais, chapeau à larges bords en véritable castor et, comme de juste, sa fameuse canne. »

    « À la porte, nous trouvâmes l’élégant coupé aux armes d’Entragues ; sur le siège se prélassait le cocher dans sa livrée éblouissante, un véritable colosse galonné d’or ; grain de mil, le groom imperceptible grimpé derrière l’équipage. Les règles de la fashion la plus méticuleuse avaient été observées. Notre couvert chez Véry avait été dressé d’avance. »

    Les amis vont au théâtre de la Porte Saint-Martin.

    « Sous le péristyle nous trouvâmes Auguste⁴, qui remit à son maître le coupon de la loge d’avant-scène dont, pendant un entracte, nous prîmes possession à grand bruit, suivant les us et coutumes des « Lions ».

    Il y eut, paraît-il, grand succès, ce soir-là, pour l’auteur de la Comédie Humaine. « Des loges, des balcons, des galeries ces mots se répétaient : « C’est Balzac... Balzac, avec sa canne... » On n’écoutait plus la pièce, on ne regardait que Balzac, sa canne, et une gracieuse inconnue qu’il produisait à ses côtés. »

    Au Café Tortoni l’empressement fut plus grand encore.

    Hélas ! Balzac pouvait se procurer les habits, les bijoux de prix et les équipages, il pouvait connaître le faste – mais non l’élégance que, dans son traité, il en distingue si finement.

    Ce n’est pas sa forme physique seulement qui s’y opposait. Un mot est symbolique dans la description de Lamartine : « habit étriqué sur un corps colossal » : ses habits étaient trop étroits pour ses muscles d’Hercule ; et il était trop étroit, le code minutieux de l’élégance, pour son impétuosité et la fantaisie de son humeur.

    Évidemment, Balzac en homme à la mode nous apparaît déguisé, et assez mal déguisé. On pourrait tirer des effets de comique facile du rapprochement de ses prétentions au dandysme et de leur réalisation.

    « – Mais, bourgeois, répondait à Werdet un cocher qui l’avait conduit en même temps que Balzac, avec qui pouviez-vous donc être, sinon avec un marchand de bœufs de Poissy ? »

    ... « Comment cela se faisait-il ? mais ses vêtements étaient toujours ou trop petits, ou trop étroits, ou trop longs, ou trop larges. »

    « Il n’est pas beau, mais qu’il est gros, qu’il est petit !... C’est Falstaff, court et rouge comme un œuf de Pâques. »

    « Du derrière de la tête au talon chez Balzac, il y avait une ligne droite avec un seul ressaut au mollet ; quant au devant du romancier c’était le profil d’un véritable as de pique. »

    On pourrait multiplier de pareilles citations et les rapprocher de nombreuses caricatures⁷, mais j’aime mieux me fier aux magnificences de la sympathie Lamartinienne et reproduire la parole du poète, de celui qui sans exactitude littérale peut-être, savait voir pourtant la vérité essentielle :

    « Il était gros, épais, carré par la base et les épaules ; le cou, la poitrine, le corps, les cuisses, les membres puissants ; beaucoup de l’ampleur de Mirabeau, mais nulle lourdeur ; il avait tant d’âme qu’elle portait tout cela légèrement et gaiement : comme une enveloppe souple et nullement comme un fardeau ; ses bras courts gesticulaient avec aisance ; il causait comme un orateur parle... »

    *

    Les aspirations au dandysme ne furent pas éphémères dans la vie de Balzac. Elles se manifestent avec une impétuosité enfantine dans ses premières années de célébrité et malgré les soucis, de plus en plus absorbants, de l’art et des affaires, Balzac n’y renonce jamais.

    C’est désormais surtout le luxe de l’habitation qui l’attire. Dès 1830 il avait commencé à réunir des tableaux, des porcelaines, des bronzes, de vieilles soies et des tapisseries ; il possédait déjà la commode en bois d’ébène veiné d’or, armoriée aux armes de France et de Florence, qu’on dit avoir appartenu à Marie de Médicis, et le secrétaire d’Henri IV.

    Les descriptions abondent de ses logis, toujours changeants, parfois doubles pour mieux dépister les créanciers, où l’on n’avait accès qu’en produisant le mot de passe. Werdet raille en évoquant les splendeurs voluptueuses de la maison de la rue Cassini, le stuc et le marbre blanc de la salle de bains, les fenêtres rouges, dont les glaces dépolies ne laissaient entrer que des rayons roses ; et la chambre blanche et rose, parfumée des fleurs les plus rares, toute ruisselante d’or : « chambre nuptiale pour une duchesse de quinze ans. » Théophile Gautier, lui, s’extasie sans cesse. Il nous a laissé la description du boudoir que Balzac devait transporter dans une Nouvelle : « La Fille aux yeux d’Or » : immense divan circulaire, tenture rouge, recouverte d’une mousseline des Indes, rideaux roses des fenêtres doublés de taffetas, bras en vermeil portant les bougies, tapis de Perse, meubles recouverts de cachemire blanc rehaussés de noir et de ponceau... des fleurs, des fleurs... à côté, la chambre à coucher garnie, sous ses draperies, de matelas qui empêchaient qu’aucun bruit pût être entendu au dehors par quelque oreille indiscrète... »

    On nous a parlé, peut-être en l’exagérant, des fortunes englouties dans la maison des Jardies. En 1848, nous trouvons Balzac chargé d’une dette de 100 000 francs par l’achat et l’aménagement de l’hôtel où il devait amener Mme Hanska et mourir.

    Qui faut-il croire ? ceux qui ont vu chez lui des merveilles artistiques, ou ceux qui y ont trouvé seulement du toc et des entassements de bric à brac ?

    Ce qui importe, pour nous, c’est le rêve qu’il faisait et l’acharnement qu’il mettait à le réaliser.

    On a répété que Balzac resta chargé pendant toute sa vie d’écrivain sous la dette qu’il avait contractée comme imprimeur. La vérité c’est que la passion du luxe, aggravée par son imagination qui lui présentait toujours avec une redoutable précision un moyen chimérique et saugrenu de s’enrichir, fut le fardeau sous lequel le pauvre grand homme s’épuisa et dut enfin s’écrouler et mourir.

    *

    Ce goût de l’éclat extérieur qu’eut toujours Balzac, ce souci de la représentation nous le retrouvons dans son roman. De tous ses personnages nous connaissons l’installation, l’ameublement ; nul n’y paraît que nous ne voyions comment il est vêtu. C’est un trait caractéristique de Balzac qu’il attache autant d’importance à la toilette de ses jeunes ambitieux que de ses amoureuses.

    Certes, on pourrait tirer des effets comiques des portraits qu’il fait de ses héros comme de ceux qu’on a laissés de lui.

    « Il (Charles) avait fait la toilette de voyage la plus coquette, la plus simplement recherchée, la plus adorable, pour employer le mot qui dans ce temps résumait les perfections spéciales d’une chose ou d’un homme. À Tours, un coiffeur venait de lui refriser ses beaux cheveux châtains ; il y avait changé de linge et mis une cravate de satin noir combinée avec un col rond, de manière à encadrer agréablement sa blanche et rieuse figure. Une redingote de voyage à demi boutonnée lui pinçait la taille, et laissait voir un gilet de cachemire à châle sous lequel était un second gilet blanc. Sa montre, négligemment abandonnée au hasard dans sa poche, se rattachait par une courte chaîne d’or à l’une des boutonnières. Son pantalon gris se boutonnait sur les côtés, où des dessins brodés en soie noire enjolivaient les coutures. Il maniait agréablement une canne dont la pomme d’or sculptée n’altérait point la fraîcheur de ses gants gris. Enfin, sa casquette était d’un goût excellent. »

    « ... les beaux cheveux blonds et bien frisés de Maxime lui apprirent combien les siens étaient horribles ; puis Maxime avait des bottes fines et propres, tandis que les siennes, malgré le soin qu’il avait pris en marchant, s’étaient empreintes d’une légère teinte de boue ; enfin Maxime portait une redingote qui lui serrait élégamment la taille et le faisait ressembler à une jolie femme tandis qu’Eugène avait à deux heures un habit noir. Le spirituel enfant de la Charente sentit la supériorité que la mise donnait à ce dandy. »

    « Si ce portrait fait préjuger un caractère, la mise de l’homme contribuait peut-être à le mettre en relief. Rabourdin portait habituellement une grande redingote bleue, une cravate blanche, un gilet croisé à la Robespierre, un pantalon noir sans sous-pieds, des bas de soie gris et des souliers découverts. »¹⁰

    « ... Votre cousin est décoré, je suis bien vêtu, c’est moi qu’on regarde. »¹¹

    « Il prit un chapeau bas de forme et à bords larges.

    – Voici l’ancien chapeau de Claude Vignon, grand critique, homme libre et viveur... Il se rallie au Ministère, on le nomme professeur, bibliothécaire, il ne travaille plus qu’aux Débats, il est fait Maître des Requêtes, il a 16 000 fr. d’appointements, il gagne 4000 fr. à son journal, il est décoré... eh bien ! voilà son nouveau chapeau.

    Et Vital montrait un chapeau d’une coupe et d’un dessin véritablement juste-milieu. »

    Je ressens quelque honte à présenter ainsi ces extraits. Citer, c’est faire une opération chirurgicale qui transforme une phrase, membre plein de grâce et de sens dans sa page, en un débris mort. Et j’ai plaisir pourtant à sourire en lisant ces passages et tant d’autres de même sorte – mon Dieu ! tout simplement peut-être parce qu’ils ont provoqué tant d’ironies faciles et que c’est cette ironie qui me semble mesquine et digne de moquerie.

    Dans l’œuvre de Balzac rien de tout cela n’est ridicule, pas plus que ne l’était à la vue pénétrante de Lamartine son extérieur peu avantageux. Rien n’est puéril ressenti par une âme passionnée : aucun détail n’est mesquin quand il est signe.

    *

    On pourrait s’étonner que la conception d’une Mme de Morsauf, d’un ménage Claes, de d’Arthez, du juge Popinot, du docteur Bénassis – pour ne citer que les plus connus parmi ses héros – ait surtout laissé à Balzac le renom d’inventeur de monstres. En vérité, nul mieux que lui n’a créé des âmes, nul plus que lui n’a eu le secret des vies solitaires alimentées par la seule Idée, ou martyres d’un amour.

    Mais il est aussi celui qui a le mieux apprécié les puissances sociales. C’est

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