La chapelière et la fille de joie
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À propos de ce livre électronique
Jusqu’au jour où elle découvre derrière la porte cochère de son immeuble, une jeune femme en larmes qui semble terrifiée.
Cette rencontre impromptue va l’entraîner malgré elle dans un tourbillon d’évènements aussi inattendus que funestes et bouleverser sa vie de manière inexorable…
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Aperçu du livre
La chapelière et la fille de joie - Danièle Élise Gressard-Blanchet
La chapelière
et la fille de joie
Danièle Elise Gressard-Blanchet
La chapelière
et la fille de joie
Roman
Les Éditions Chapitre.com
13, rue du Val de Marne 75013 Paris
Du même auteur
La Robe d’amertume, Chapitre. com, mars 2018.
L’Ecrivain empêché, Chapitre. com, décembre 2018.
Les chaussettes de chasse, Chapitre. com, avril 2019.
© Les Éditions Chapitre.com, 2020
ISBN : 979-10-290-1060-6
Avant-propos
L’écriture est un voyage étrange, parfois déroutant, sur le fil des mots, à la lisière de l’intemporel. Elle est une soupape, un antidote à la morosité, un passeport assuré pour une évasion vers des terres inconnues où je m’aventure entraînée par la détermination pressante des personnages de mes romans qui une fois créés prennent vie, m’habitent, m’accompagnent, me contraignent à une course effrénée jusqu’à l’émergence du point final.
Ecrire est une tentation à laquelle il m’est difficile de résister tant elle peut prendre parfois une forme tyrannique. Les verrous de la réserve sautés, les chiens de l’audace sont lâchés ! Et comme l’appétit vient en mangeant, l’envie d’écrire se fait insatiable, les limites s’effacent, alors impunément réel et fiction se mêlent !
La fréquentation d’un atelier d’écriture pendant de nombreuses années, a libéré et modifié peu à peu ma manière d’écrire, jusqu’à une forme plus concise, plus percutante, dépositaire à mon sens de l’essentiel. Elle a levé la frilosité. Elle m’a permis d’oser.
Certes j’écris pour le plaisir d’être lue, mais surtout pour celui de tenir l’objet livre fini entre mes mains. La naissance du premier ouvrage est pur bonheur ! Le vécu de l’histoire devenue livre est très proche de celui d’un accouchement.
Mais dès lors l’enfant livre ne vous appartient plus, déjà il vous échappe…
Danièle Elise G.B.
Prologue
Bien que ce roman soit pure fiction et les personnages imaginaires pour la plupart, Marthe a réellement existé.
De son vrai nom Madeleine Louise Antoinette Gressard, épouse Perrier, elle est née le 30 mai 1914 à Saint-Vallier, petite commune de la Saône et Loire.
Elle a exercé son métier de modiste dans le 2ème arrondissement de Lyon, place des Célestins, près du célèbre théâtre.
Ses talents d’artiste et sa créativité ont rapidement su séduire les riches élégantes de la ville, mais aussi les comédiennes du théâtre voisin – voire les dames de petite vertu – et lui assurer la fidélité d’une clientèle conquise.
Elle savait écouter, étudier puis habilement suggérer, le ruban, la dentelle, l’artifice, qui feraient du nouveau chapeau, l’unique, le convoité, le point de mire des dames chic et distinguées de la cité des soyeux et des canuts.
Pierre Gressard, ébéniste, restaurateur de meubles anciens, fut l’un des premiers formiers de sa sœur.
Madeleine a pris sa retraite dans un petit hameau de Bourgogne après avoir passé quarante ans de sa vie dans le monde de la mode lyonnais. Elle s’est éteinte le 23 octobre 2008.
Une exposition lui a été dédiée par l’auteur en août 2017, à la Maison de la Culture et du Patrimoine du village de Montagnac dans l’Hérault, sur le thème « Madame la comtesse reçoit sa modiste ».
Une mise en lumière de cette femme atypique, créatrice anonyme, un témoignage de l’évolution des mœurs et de la mode dans un siècle fertile en évènements de tous ordres.
A Madeleine
Je n’ay cure de nul esmay,
Je veuil cueillir la rose en may
Et porter chappeaux de flourettes…
(Mét. d’Ovile, par J. de Vitry)
Le rideau rouge cette fois ne se relèvera pas. Les comédiens fatigués ont répondu avec complaisance aux applaudissements nourris et à l’ovation debout des spectateurs en revenant saluer à trois reprises.
Marthe me regarde en souriant. Nous avons du mal à quitter cette salle magnifique, ce véritable bijou, cette bonbonnière rouge et or, ces galeries en forme de fer à cheval, héritage du théâtre à l’italienne. De notre place au dernier rang du haut, nous surplombons le lustre de cristal, monumental, que l’on nettoie chaque été en le descendant de son splendide plafond peint au moyen d’une poulie. Nous jetons un dernier regard sur les masques, les statues, sur les noms célèbres immortalisés, Racine, Molière, Corneille, sur les bustes de Hugo, Musset et d’autres que nous ne connaissons pas.
Les fauteuils rouges des galeries se vident lentement, toutes gens confondues. Il est amusant voire quelque peu révoltant, de songer qu’autrefois le public était placé de manière plus stricte, les bourgeois se voyaient attribuer les balcons, aristocrates et notables les loges, côté cour ou jardin, afin d’être vus de tous. Les moins bien lotis de la société se retrouvaient relégués au poulailler. J’ai souvent cherché le pourquoi de cette appellation et récolté des réponses aussi variées que fantaisistes. Celle que je retiens, si ce n’est la bonne, du moins celle qui me sied le mieux, parle d’une époque lointaine où l’on assistait au théâtre debout. La lumière était dispensée par un lustre garni de chandelles qui empêchait l’installation de sièges au-dessous en raison des coulures de cire potentielles. Les sièges des galeries étaient réservés aux nantis qui méprisant les moins fortunés relégués à l’orchestre, les affublaient du qualificatif dédaigneux de poulaille. La crainte de se faire ébouillanter avait disparu avec le monde moderne et la poulaille s’était vue reléguée au poulailler en lieu et place des plus fortunés.
On disait aussi le paradis, appellation plus facilement concevable…
Marthe et moi avons pour habitude de réserver ces places du dernier rang, celles-ci étant les moins chères du fait de leur éloignement de la scène. Mais nous avons à notre secours les petites jumelles de théâtre acquises dans une brocante du vieux Lyon dont nous ne sommes pas peu fières, cuivre recouvert de cuir pour Marthe, nacre et laiton pour moi qui nous donnent l’impression d’être des dames. De surcroît mon emploi d’hôtesse de vestiaire depuis de nombreuses années m’octroie quelques privilèges et les deux places face à la scène me sont à chaque fois attribuées. Nous évitons ainsi le désagrément de nous retrouver derrière un pilier.
Nous sortons du poulailler par la petite porte rouge sombre centrale et suivons la cohorte des spectateurs qui s’écoule au ralenti vers la sortie, silencieux ou loquaces, les yeux encore emplis de la tragédie de Racine en cinq actes à laquelle ils viennent d’assister, drame funeste de la rivalité amoureuse. Britannicus. Un Jean Marais éblouissant dans le rôle de Néron. Irène, ma collègue costumière m’a révélé sous le sceau du secret que le comédien avait boudé les nombreuses tuniques qu’elle lui proposait leur préférant la cuirasse blanche en métal ornée d’élégantes arabesques dorées qu’il a dessinée lui-même. Il faut reconnaître qu’il a fière allure avec ses lanières de cuir blanc aux épaules et que son port altier éclipse quelque peu l’empereur bien que celui-ci ait donné son nom à la pièce.
Encore éblouies par l’apparat des costumes, par ce magnifique texte en vers, par les rimes somptueuses, nous nous sentons comme étrangement enrichies, un peu plus intelligentes qu’à l’arrivée et sourire béat aux lèvres nous faisons partie des silencieux. Nous franchissons enfin le seuil du théâtre et descendons les larges marches du vaste perron où des jeunes assis nonchalamment discutent et prennent le soleil. En cet après-midi aux senteurs de printemps le quartier semble vivre une parenthèse. Les habitués se reposent nonchalamment sur les bancs de bois verts disposés tout autour de la place des Célestins qui doit son nom aux religieux de l’ordre éponyme y demeurant au Moyen Age. La vie du quartier semble aujourd’hui rythmée par les entrées et sorties du théâtre. Le temps semble arrêté. Les vieux magnolias, dans l’attente de l’été qui verra les fleurs blanches exhaler leur fragrance aux accents vanillés, offrent pour l’heure le lustre vert foncé de leurs larges feuilles ovales.
Marthe s’éloigne sur la place à pas comptés, la tête haute, la mine altière. On ne peut nier qu’elle a fière allure avec son turban noir à la Simone de Beauvoir, sa veste courte en astrakan agrémentée d’une lourde broche en ambre, sa jupe longue au pli fermé à l’arrière et ses bottines à talons compensés qui allongent sa petite taille. Sans oublier les gants. Elle se fond aisément dans la foule des élégantes qui déambulent sur la place en ce dimanche après-midi. Certaines accrochées fièrement au bras de leur mari, d’autres seules avec leur petit chien en laisse. Marthe n’a plus de mari au bras duquel s’accrocher. Veuve trois mois à peine après ses noces. Benoît, son mari, emporté par une péritonite aiguë trop tardivement dépistée malgré les fortes douleurs abdominales dont il se plaignait. Je l’admire pour la joie de vivre contagieuse qu’elle affiche résolument en dépit de sa triste solitude.
Nous nous sommes connues au théâtre lors d’une représentation en matinée comme aujourd’hui. Elle cherchait du travail et souhaitait rencontrer un responsable pour proposer ses talents de modiste. J’étais préposée au vestiaire ce jour-là. J’accrochais sur des cintres les vêtements et accessoires que me confiaient les spectateurs à leur arrivée et les leur restituais à la fin du spectacle en échange du ticket que je leur avais remis. Elle s’était adressée à moi et je l’avais renseignée en lui donnant les coordonnées du directeur et de la costumière. Nous avions de suite sympathisé et au fil des années notre amitié ne s’était jamais démentie.
Elle habitait le quartier depuis peu dans un immeuble bourgeois qui bordait la place des Célestins. Ainsi qu’elle me l’avait appris plus tard, Madame Ducrest propriétaire de tout le bâtiment, se sentait redevable envers Paul, le frère de Marthe qui avait restauré pour elle à merveille une petite commode Louis XV en bois de rose dont les ferrures étaient fortement détériorées et qu’elle pensait perdue à jamais. Lorsqu’il l’avait discrètement sollicité pour sa sœur qui allait se marier, elle lui avait proposé sans hésiter l’un des deux appartements du troisième étage qui venait de se libérer.
Marthe logeait jusque-là chez son frère et sa belle-sœur, qui l’avaient spontanément hébergée lorsqu’elle avait intégré le lycée Camille Claudel pour préparer dans un premier temps le CAP de chapelière modiste, qu’elle avait complété ensuite par celui de plumassière, spécialité plus rare qui consistait à travailler les plumes d’oiseaux à destination de la haute couture ou du spectacle. Cela avait comblé ses rêves d’enfance. Déjà à l’époque elle déployait des trésors d’ingéniosité pour transformer le petit bout de tissu, le ruban ou l’élément de la nature précieusement récolté.
Mon amie peut parler avec enthousiasme de son métier pendant des heures. Je l’écoute avec ravissement.
Elle me détaille les différentes étapes de la confection d’un chapeau, les matériaux qui le constituent, paille, feutre, synthétique ou fourrure, leur coupe, leur assemblage selon les patrons qu’elle a dessinés, le bichonnage sur les formes ces beaux outils indispensables en bois de tilleul qui impriment la matière du chapeau et en déterminent le volume.
– « La forme tu vois Clémence, c’est comme le mannequin pour la couturière ! J’en fais venir quelquefois de la Chapellerie de Chazelles, là où