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La petite annonce rubrique "Messages"
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Livre électronique489 pages7 heures

La petite annonce rubrique "Messages"

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À propos de ce livre électronique

Voilà ce qui arrive lorsqu’on fréquente trop assidument les petites annonces de son journal local... Février 1987... Pas encore d’internet pour toucher sa cible lorsqu’on a une demande un peu particulière à faire par l’intermédiaire de la rubrique « Message »... Il faut dire que le message lu par Michèle ce jour-là était des plus incongrus et, allez savoir pourquoi, elle eût la conviction qu’il s’adressait à « elle » en particulier... Comme si elle l’avait attendu depuis des lustres... Sa vie va en être bouleversée...
LangueFrançais
Date de sortie2 mai 2014
ISBN9782312022161
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    Aperçu du livre

    La petite annonce rubrique "Messages" - Mireille Pinede-Bueno

    cover.jpg

    La Petite Annonce

    rubrique « Messages »

    Mireille Pinede-Bueno

    La Petite Annonce

    rubrique « Messages »

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2014

    ISBN : 978-2-312-02216-1

    Avant-Propos de l’auteur

    Loin de moi l’intention de faire l’apologie des mères-porteuses ni de prosélytisme… Le sujet étant quelque peu « dérangeant » pour la plupart d’entre nous (femmes heureusement accessibles à la procréation) je viens juste vous raconter par l’intermédiaire de Michèle comment j’ai vécu cette expérience peu ordinaire que décider de porter un enfant pour une autre… Quelles ont été mes interrogations propres… Quels ont été les éléments déclencheurs d’une telle lubie tant dans mon environnement à cette époque que dans mon passé… Comment aborde-t-on ce monde très fermé de la procréation pour autrui, le côté législation, l’organisation pour réaliser l’insémination… Comment « faire passer l’enfant d’un couple à l’autre »…

    Ce n’est en rien un document technique mais un vécu bouleversant. raconté avec beaucoup d’autodérision grâce au recul.. Sujet si complexe que suite à cette affaire (1987) je n’en ai jamais parlé ouvertement autour de moi, à la retraite j’ai décidé de faire une sorte de coming-out en prenant beaucoup de plaisir à l’écriture…

    Drôle de petite annonce

    Michèle, 34 ans, avait la fâcheuse habitude d’éplucher minutieusement toutes les annonces de cette partie du journal sans but clairement avoué… S’en était arrivé au stade du « TOC »… Elle n’était pas du genre à chercher l’aventure, n’avait aucune velléité de changement de style de vie… Les petites annonces représentaient probablement pour elle une porte vers la société qu’elle sentait vibrer derrière les mots imprimés… À force de fréquentation, elle en avait acquis une rapidité de décryptage lui permettant de décoder en un clin d’œil les textes les plus réduits : l’affichage étant facturé au nombre de signes, économie oblige… Par ces petits bouts de contact avec les autres, elle pouvait s’évader en imaginaire dans une multitude de domaines sans perdre trop de temps en longues lectures de bouquins… Le temps de passer au déchiffrage de l’annonce suivante, et voilà, de trois groupes abréviations déjà elle s’en était fait un roman, se régalait en particulier dans les rubriques « Rencontres » ou « Messages »…

    Elle en avait déposé une pour sa part dans la rubrique « Animaux ». Il y avait eu naissances de Pinschers de ses deux petites chiennes qu’il fallait placer moyennant finances comme d’habitude… Huit chiots nés le même jour, cinq pour Timy et trois pour Tania la plus âgée. Michèle en avait déplacé un d’une mère à l’autre pour équilibrer les portées et comme pour les naissances antérieures l’adoption s’était bien passée… Le plus dur restait à faire : bien choisir le futur maître de chacun car elle acceptait par force majeure de s’en séparer. Gros problèmes d’argent… Une des solutions venue s’ajouter aux mille autres pour joindre les deux bouts depuis la construction de la maison. Ce petit élevage lui avait été suggéré par un vieux paysan du coin. Il avait été sensible à ses soucis pécuniaires en la voyant déployer tant d’énergie pour s’en sortir. C’était inhabituel et généreux une telle suggestion car, du coup Michèle devenait une concurrente pour eux sur la même commune… Elle n’aurait pas eu seule cette idée d’élevage de Pinschers, ni les moyens de le mettre en œuvre… Elle s’était rendu compte par ce geste altruiste qu’elle était non seulement bien intégrée dans ce coin reculé de la campagne, mais aussi qu’on avait à cœur de la soutenir moralement…

    Elle venait de vérifier s’il n’y avait pas d’autres chiots de la même race en vente cette semaine-là et commençait sa petite balade sur les pages suivantes… Pas d’offre de petit job genre « Ch. ch repasseuse » (elle prendrait bien encore une panière de plus à faire le soir) ni « Ch. ch fem. ménage pour X h par sem. » (en calculant, elle pourrait en caser encore quelques-unes, ses jours sans laboratoire)… Elle voit, perplexe, rubrique « Messages » :

    « Fme stérile ch. jne fme

    pouvant porter grossesse pr elle.

    Ecr au Jnal Réf 38 M547 »

    Là, manifestement, l’annonceuse n’avait pas trop « concentré », n’avait pas joué à l’économie au risque de ne pas être bien comprise à la lecture… Michèle avait dû tout de même relire trois fois, doutant de ce qu’elle entrevoyait comme une aubaine… Elle ressent pour le coup comme un appel au secours et, à la fois, une réponse à son propre désarroi intérieur non exprimé… Il faut dire à sa décharge qu’elle ressentait comme une injustice et un gâchis de ne pouvoir à nouveau porter un autre petit pour son compte personnel. Elle avait déjà trois enfants. L’aîné Dany aura bientôt treize ans. Laureen, Lolo, sa douce, avait eu ses10 ans très discrètement en Novembre, la plus jeune Amélie née en 1980 va sur ses sept ans… Et pourquoi pas un autre bébé alors, si elle s’en sentait l’envie ? Tout bêtement parce qu’elle avait l’amère conviction que ces trois-là, déjà, étaient une grosse erreur vu l’attitude de l’homme qu’elle leur avait octroyé comme père. Elle-même n’étant pas assez lucide pour reconnaitre s’être embarquée dans une sacrée galère avec cet homme-là en guise de mari…

    Bernard n’était pas méchant ne levant jamais la main, ni pour cogner, ni pour mettre la main à la pâte selon l’expression illustrant l’idée de donner un coup de main à son épouse… Il ne buvait pas non plus, ne fumait pas et ne courait pas les femmes… La liste des « pas » aurait pu continuer encore… Michèle avait toutes les peines du monde à cerner ce qu’elle lui reprochait le plus… Tout d’abord sa jalousie maladive envers leur fils aîné. Elle l’avait perçue dès les premiers jours du petit garçon et le malaise s’était accentué au fur et à mesure que l’enfant se révélait être d’un QI plutôt élevé… Bernard s’en était senti rabaissé… Déjà, perdre un peu de place dans le cœur de Michèle, il n’avait pu faire l’impasse. Selon son propre mode de fonctionnement il n’avait jamais émis d’objection à chaque projet de grossesse suggéré par son épouse. Que ce soit pour la venue au monde d’une autre personne dans son foyer ou pour le choix du menu au repas arrivant, aucune suggestion, aucun avis personnel… Quand elle s’énervait devant son manque de réactivité ou de participation dans la vie quotidienne, il lui répondait : C’est toi le chef, fais comme tu l’entends… Ou, ce qui la hérissait au plus haut point : Bien chef !… Elle aurait bien aimé entendre, pour le moins, Oui chérie !…

    Si, tiens, effectivement, se dit Michèle en réfléchissant, il avait bien eu, il y a une quinzaine d’années, l’envie d’avoir sa propre maison alors qu’ils n’en avaient pas du tout les moyens. Motivée par la jalousie, là encore, Martine, sœur de celui-ci, construisait… Michèle travaillait à plein temps à cette époque-là comme laborantine en biologie. Son salaire n’était guère plus élevé que le SMIC en cours, contrairement à l’idée reçue, cette fonction pleine de responsabilités était mal rémunérée en laboratoires de ville. Bernard, pourtant électricien, ne gardait pas de place plus d’un an. Chaque fois il avait des problèmes avec la direction : C’est tous des cons ! Trouvait-il comme excuse à son incapacité… Pendant longtemps elle ne s’était pas rendu compte du problème car sitôt quitté une entreprise, il retrouvait du travail ailleurs. Comme elle portait seule sur ses frêles épaules toute la gestion du foyer en plus de son propre boulot et des problèmes de nourrice pour les enfants, elle n’avait pas eu le temps de s’en inquiéter. Peut-être, aussi, avait-il été discret sur la situation. Michèle fort volontaire, et pour combler le seul souhait explicite de son Bernard, avait trouvé le moyen de faire un gros plan épargne logement. Elle y était arrivée en rognant sur tout, à présent elle ne pouvait le nier : son budget déjà périlleux durant le projet maison était devenu carrément ingérable ces deux dernières années… Exactement depuis qu’elle avait repris le travail en laboratoire. Elle n’avait trouvé à proximité qu’un poste à temps partiel, tous les samedis et les remplacements au gré des absences des collègues. Finalement elle gagnait beaucoup moins que les cinq années où elle se démenait tout en restant à la maison. De plus, elle ne pouvait compter sur un minimum fixe, ne sachant pas à l’avance si elle ferait assez d’heures pour un salaire suffisant… C’était à s’en arracher les cheveux…

    Samedi dernier en se rendant au travail, se réjouissant de voir poindre le printemps sous forme de Forsythia d’un jaune lumineux, son attention avait été captée par une voix à la radio… Une jeune femme palabrait au sujet des mère-porteuses aux États-Unis, regrettant que les mentalités ne soient pas encore prêtes à accepter ce genre d’affaire en France… Qu’un gynécologue du côté de Toulouse entre-ouvrait une porte et pratiquait sous les huées générales. La coïncidence de ces deux faits surgissant par ces deux médias indépendants l’interpellant malgré elle, une bouffée hormonale raviva son indignation et cette sensation de camisole la ligotant… Et si c’était pour elle la solution à son double manque : frustration de maternité et pénurie d’argent ?… Se trouvant en quête d’une opportunité que son imagination pourtant débordante n’aurait pas encore débusquée, elle veut croire que « la donne » peut encore être changée… Qu’il y aurait quelque chose à faire… Quelque part… Besoin « de faire plus » pour compenser ce manque qu’elle ne peut s’empêcher de ressentir dans son couple… C’est de l’ordre de l’intuition toutefois, n’arrivant pas à mettre de mots sur cette impression de volcan couvant là-dedans, tout prêt à exploser, si jamais elle n’arrivait pas enfin à s’investir dans quelque chose de grandiose qui la soulagerait…

    De retour au lotissement, sa journée finie à 18h, elle devait faire le tour d’inspection aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de la maison pour voir si les enfants n’avaient pas fait de bêtises. Ils étaient encore en âge de tout inventer, du plus cocasse au plus dangereux… Michèle savait par expérience qu’elle ne pouvait pas compter sur leur père pour les surveiller. Juste un adulte indifférent enfermé dans son « atelier » (Il devrait plutôt dire « réserve » !) Véritable bazar où il accumulait tout ce qui lui tombait sous la main : piles d’autocollants de pubs Carrefour, outils en triple exemplaires dont la moitié de piètre qualité étaient cassés, boîtes carton ou métal vides, il se régalait avec les boîtes Guigoz du temps des deux aînés, idéales pour stocker les clous et vis, avait été fort frustré lors de l’allaitement maternel d’Amélie… Revues Système D ou Chasseur Français alors qu’il ne chassait pas, ne lisait pas, mais bricolait des merdouilles, ça, oui !… Cendriers de toutes sortes, sur pied, avec système mécanique, ceux des fêtes des pères (et avec trois enfants…) en plâtres de couleurs criardes accompagnés de leurs porte-crayons en rouleau papier toilette et papier kraft peinturluré (alors qu’il n’y avait pas de fumeur dans la famille et que les porte-crayons ne tenaient pas debout une fois garnis)… Et mille autres cochonneries pouvant servir un de ces jours ramenées des poubelles locales…

    Récup maniaque de compensation assortie d’une impossibilité à trier et jeter…« Vide-grenier » transformé en « Rempli-cave »… Juste un adulte donc, enfermé au sous-sol qui ne serait là qu’en cas de coup dur… Et encore, eût-il fallu pouvoir crier assez fort pour être entendu et secouru !

    À la pensée de la drôle d’annonce renforcée par ce qu’elle avait entendu à la radio au sujet des mères-porteuses, sans hésiter elle attrape le bloc à lettres et s’épanche dans une longue missive sur le pourquoi et le comment de sa réponse à cette demande hors du commun… Puis, un hic… Comment contacter cette personne sans dévoiler son nom et son adresse… Et si c’était un canular ?… T’aurais bonne mine, ma fille !… Pense-t-elle soudain avec un haut-le-cœur… Ayant signé d’un « M » anonyme elle précise en post-scriptum :

    Je ne tiens pas à révéler mon identité pour le moment, nous pourrions nous rencontrer et discuter du projet sans que cela ne nous engage ni l’une ni l’autre. Je suggère de vous attendre dans le hall de la gare de Vennens avec une édition « 38 » sous le bras, fixez-moi rendez-vous un Samedi de votre choix à 18h par l’intermédiaire de la rubrique MESSAGE.

    Voilà… Cela fait un peu intrigue roman policier, mais tant pis, c’est ainsi que partira sa réponse… Il ne lui reste plus qu’à attendre, le stress en plus, la sortie du prochain numéro le Mardi suivant… Elle doute à présent de la crédibilité de sa réponse. Dès le premier Samedi venu, elle ne peut s’empêcher d’aller rôder dans la gare… Comme s’il y avait seulement une chance d’y trouver la femme étant donné le temps qu’il faudra à sa lettre pour parvenir à la destinataire en passant par l’agence du journal… Si jamais une dame venait à traîner par-là, oserait-elle l’aborder, son journal sous le bras, d’un : Excusez-moi Madame… Je suis celle qui a répondu à votre annonce… Et l’autre, surprise : Pardon ? Quelle annonce ?

    Hou… La honte !

    Heureusement personne ne traîne par-là. Un homme traverse rapidement le hall vide sans lever les yeux vers elle… Elle est moite et tendue… Réagit d’un coup, s’invectivant d’un : Et zut !… Qu’est-ce que je fiche ici à perdre mon temps !?… Les enfants m’attendent à la maison… Je deviens complètement barjo ma parole !

    Le Mardi suivant elle se précipite et attrape au vol le journal qui dépasse d’une des boîtes aux lettres dans la cage d’escaliers montant au laboratoire. Le dentiste n’aura pas son « 38 » cette semaine ! Elle se jette fébrilement sur la page convoitée, réfugiée dans l’espace repas mis à disposition du personnel… Rebelote : même annonce, mêmes références… La personne a dû payer pour deux parutions… Normal aussi de ne pas trouver de message de rendez-vous à son intention vu les délais de transmission… Lui vient alors la liste des suppositions ponctuées de tous les Si de la terre…

    Il y avait marqué : Jeune femme « Et si je lui paraissais trop vieille ?… Je vais avoir 35 ans au mois de Juillet… Et se précipite sur la glace au-dessus du lavabo… Ces cheveux blancs ! Mince alors, je n’avais pas vu qu’il y en avait tant ! Penser à acheter un shampoing colorant aux prochaines courses… » Et ces ridules aux coins des yeux qui triplent d’importance d’un coup !… S’il avait été pour elle, ce petit, elle ne se serait pas posé toutes ces questions d’apparence qui ne l’avaient jamais effleurée jusqu’à présent…

    Elle finit par conclure :

    – J’ai dû lui paraître complètement déjantée avec mon histoire de journal sous le bras dans le hall de la gare !

    La voilà qui entre dans l’agence du « 38 » et demande à la jeune secrétaire :

    – Combien de temps faut-il pour avoir un contact avec la personne à qui on a envoyé une réponse à une annonce ? (Et in petto : Oups ! Pourvu qu’elle ne me demande pas laquelle !) La jeune femme la rassure :

    – Tant qu’il y a des réponses à une annonce, elles sont transmises et ça sans limite de temps après la parution…

    Bon… Elle restera sur sa faim car ce n’était pas exactement ce qu’elle espérait comme réponse, celle-ci se trouvant plutôt en termes de délais… Idiot… Si elle avait réfléchi un peu : tout dépend si la personne en face désire ou non donner suite à l’affaire… Et évidemment, s’il n’y a pas d’autres candidates concurrentes…

    La parution suivante, une annonce légèrement différente apparaît, d’autres références : il n’y a plus Jeune femme mais la même demande de Femme acceptant de porter grossesse pour elle. Mais pas de suggestion de rendez-vous dans le hall de la gare !…

    Tenace, Michèle reprend la plume, plus sobrement cette fois :

    Madame,

    J’ai 35 ans et suis maman de trois enfants, 12,10 et 7 ans et notre situation financière ne nous permettra pas d’avoir la grande famille dont je rêvais… Si cela je l’accepte, j’ai plus de mal à me résoudre de ne plus porter la vie… Vous pouvez me contacter au numéro de téléphone que voici, je préfère garder l’anonymat pour l’instant, ne sachant pas si votre annonce est digne de foi… Veuillez être assurée que je vérifierai le sérieux de votre proposition,

    Cordialement,

    Michèle.

    Laureen entre et la voyant ainsi absorbée veut savoir ce que sa mère écrit… Michèle essaie d’esquiver, puis voyant son air déconfit, fait un effort et chuchote :

    – « Saurais-tu garder un secret ?… Juste quelques jours… Je te dirai jusqu’à quand…

    L’œil de Laureen frise de curiosité et avide de complicité, répond l’air grave d’un coup :

    – Pas plus tôt que tu me l’auras dit ce sera comme si je l’avais déjà oublié !

    ­– Voilà… J’ai décidé de porter un enfant pour une dame qui ne peut pas le faire elle-même et pour le lui donner.

    – Porter dans ton ventre ?… Pourquoi ?…

    (Simple mais très pertinent comme question !)

    – Parce que je trouve que c’est beau de faire ça… Et puis, j’en ai envie… C’est merveilleux de porter un enfant… Nous, on ne pourra pas avoir un petit frère ou une petite sœur, à cause des sous… On n’est pas assez riche !

    – Papa ne voudra jamais !

    – Tu crois ?… Si je lui dis d’abord combien je vais gagner… Car c’est payé comme un travail, assez bien en fait…

    – Même ! Il voudra pas !

    – Enfin, on verra bien… Déjà il faut que j’aie une réponse à ma lettre et là, on sera bien obligé de lui dire ! »

    Laureen, ravie, se sent valorisée par ce « on » qui l’implique dans le projet…

    Une fois la lettre déposée cette fois au journal, c’est l’attente angoissée d’un coup de fil… Michèle n’y croit pas trop… Combien de Châteaux en Espagne n’avait-elle pas déjà échafaudés qui se sont écroulés avant même d’avoir commencé… Ayant précisé en post-scriptum d’appeler après 18h30 pour cause de travail elle va se retrouver sur les charbons ardents à partir de cette heure-là… Elle descend en courant donner à manger aux lapins sitôt arrivée du laboratoire, ayant précisé aux enfants de décrocher pour dire de bien vouloir rappeler dix minutes plus tard… Elle raconte une fable à Bernard comme quoi : Une secrétaire voulait un renseignement au sujet d’une annonce… Il ne fallait pas qu’il enlève le journal posé à côté du téléphone car elle tenait à avoir les références de l’annonce sous les yeux…

    Mais trop de tension… Elle finit par craquer au bout de huit jours et passe aux aveux… Mettant en avant, comme elle l’avait cogité le pactole à la clé… Elle doit être sacrément convaincante (Ou est-ce encore le problème de non réactivité de Bernard qui veut ça ?) car il se contente de hausser les épaules en bougonnant :

    – « Je viendrai te porter des oranges quand tu seras en prison…

    – Je ne le ferai pas sans me renseigner si c’est légal ou pas !… Il existe un Docteur pour nous encadrer à Toulouse qui a l’habitude… Ces gens, de l’annonce, ont bien dû se renseigner avant de lancer cette proposition au vu et au su de tout le monde !… Alors, c’est oui ? Tu me laisses faire ?

    – Tu rêves complètement ! Ce truc ne se fera jamais en France !… De toute façon tu feras comme tu l’entends… Alors, mon avis ou pas… »

    Et là… Invraisemblable !… Le téléphone sonne !… Faut croire qu’elle le sentait venir qu’elle allait se faire coincer, pour se décider enfin à avouer son projet !

    – Allô ?… Michèle ?… Je suis la personne qui a passé l’annonce… Euh… Bon… Par où commencer…

    Bernard, assis dans la cuisine qui donne sur le couloir où se trouve le téléphone, ouvre des yeux ronds… Il peut la voir blêmir puis piquer un fard, écouter un grand moment puis répondre quelques mots étouffés… Il comprend que la communication sera longue et tire la porte pour lui laisser un peu d’intimité. Il sait qu’elle lui donnera tous les détails plus tard…

    De sa longue conversation avec Aline, car c’est le prénom qui lui a été donné, en raccrochant, Michèle reste un moment sonnée ayant du mal à retrouver le fil de ce qu’elle a appris… Déjà : cette personne a passé qu’une seule annonce et a, soi-disant, reçu une seule et courte réponse. Ouf ! L’honneur est sauf… Mais Michèle est septique… Il y aurait donc deux demandeuses de mère-porteuses actuellement sur le marché ?… Fort improbable… Elle soupçonne la dame d’avoir voulu la ménager, ce qui est un bon point, gentil de sa part… Aline a 32 ans et si elle trouve Michèle un peu vieille elle aura eu le tact de ne pas le lui dire, ou peut-être devra-t-elle faire avec, n’ayant pas eu d’autre réponse !?… Elle souffre d’une maladie dégénérative de l’utérus sans espoir de rémission… Son gynécologue est contre la procédure envisagée, il faudra donc trouver un praticien qui accepte de faire l’insémination, elle veut que son mari soit le père de l’enfant… Elle avoue qu’elle ne sait pas si c’est interdit ou non, qu’elle compte consulter un avocat qui se chargerait d’établir un contrat entre les deux parties dans la légalité… Et elle aussi avait entendu parler de ce médecin à Toulouse pratiquant déjà le prêt d’utérus, donc lui doit savoir au sujet des lois… Elle suggère de chercher chacune de leur côté tous les renseignements indispensables, de réfléchir et faire une liste de toutes les questions qui ne vont pas manquer d’affluer…

    Michèle se sent vidée tout-à-coup… Combien de plans sur la comète avait-elle déjà faits qui n’avaient pas aboutis… Et là, cette fois, il s’agit de porter un bébé !

    Il n’y a pas si longtemps c’était projet élevage d’oies pour le foie gras… Avec toute cette campagne autour, cela aurait bien été le diable de ne pas trouver une pâture à louer, du maïs à acheter… Il y a beaucoup de champs dans la région. Le soir elle va en maraude remplir un grand sac d’épis volés pour ses lapins. Son propriétaire serait bien content de le lui vendre plutôt que de se le faire faucher !…

    L’histoire des oies… Tout a commencé avec le stérilisateur de sa collègue du laboratoire… L’engin, un cylindre d’un bon diamètre, un mètre cinquante de haut, avait été fabriqué par son grand-père. L’homme astucieux et bon bricoleur s’était inspiré du « stérilisateur lessiveuse » classique en zinc en y apportant sa touche personnelle… Le sien fonctionnait comme une grosse cocotte-minute (qui n’existait pas encore à son époque), mais en plus sophistiqué… L’eau arrivant dans le fond par une vanne à brancher sur un robinet, une résistance pour la chauffer sous une grille, un thermostat pour surveiller la température et des manomètres de sécurité pour la pression… Le fameux grand-père bricoleur avait produit cette merveille d’ingéniosité en cadeau pour son épouse adepte de conserves… Ils habitaient la campagne, avaient un grand jardin et une ferme, pas encore de congélateur afin de stocker leur grosse production saisonnière pour passer l’hiver. Malheureusement ils étaient décédés tous deux depuis quelques années. Leur petite-fille, la collègue de travail de Michèle, s’était chargée de débarrasser les lieux pour une mise en vente… Ayant entendu Michèle parler de bocaux de haricots verts, de coulis de tomates, de ses conserves de fruits, elle avait pensé que celle-ci serait prenante du truc, plutôt que le laisser partir à Emmaüs…

    De là est venue une idée à Michèle… Elle imagine le nombre prodigieux de bocaux de légumes stérilisés d’un coup dans un tel engin et elle pourrait même faire des conserves de viande (du lapin, poule au pot, rillettes de canard) sans risque de botulisme pouvant contrôler la température… La collègue l’entendant cogiter tout haut, suggère :

    – Et du confit d’oie ?!… Tu n’as jamais pensé à élever des oies dans ta campagne, là-haut ?… Quand nous sommes allés en vacances dans le Périgord, j’ai surtout remarqué la grosse Mercédès garée devant la ferme !… Si tu veux, je peux t’apporter des recettes… Confits, Cassoulets…

    Michèle qui traversait une grosse déprime perçoit-là, une planche de salut flottant au-dessus des eaux noirâtres de son marasme… Il ne lui restait plus qu’à convaincre son Bernard d’aller récupérer la merveille à une centaine de kilomètres de là…

    Ce soir-là elle l’embarque dans un plan fantastique embaumé aux cassoulets à s’en donner la migraine… On trouverait un champ clôturé si possible, on irait acheter un jars et six jeunes oies là-bas, en Périgord, car il faut avoir la bonne race… Bernard propose même de fabriquer un couvoir dans un congélateur hors d’usage qu’il a récupéré… Mais comme cette activité saisonnière à elle seule ne suffirait pas pour en vivre, il faudrait trouver une activité complémentaire comme par exemple un point dégustation et vente… Peut-être louer la vieille ferme inutilisée de l’autre côté du vallon, proposer une visite pour les scolaires, une étape dégustation de produits locaux après la promenade en poneys attelés à une carriole…

    Dans la commune, une petite route descend dans un vallon, passe devant une minuscule chapelle bien entretenue (Celle où a été baptisée Amélie) puis remonte en faisant un circuit. Dans un paysage enchanteur de prés et de bosquets, la route transformée en chemin conduit à des bois où se trouvent quelques petits lacs bordés d’espaces verdoyants et ombragés… L’idéal pour un Dimanche relaxant quand on vient de la ville polluée…

    Michèle va jusqu’à acheter une oie chez une fermière du coin faisant un élevage pour une production de Noël. Se régale à cuisiner les bons morceaux en confits et la carcasse en rillettes selon les recettes venant du Périgord, comme elle le faisait déjà avec ses lapins… Mais dans la cocotte-minute familiale vu la petite quantité et le fameux stérilisateur pas encore arrivé à la maison… Résultat très satisfaisant… (Heureusement, vu l’investissement !… Ce n’est pas tous les jours qu’elle gaspillera tant d’argent dans du consommable !)

    Alors, pourquoi ce projet idyllique est-il resté à l’état de Château en Espagne ?

    Parce que Michèle ne disposait pas du premier centime à placer dans une expédition jusqu’en Périgord. Leur voiture pourrie n’étant sûrement pas en état de faire tant de route, pas un sou à investir dans les reproducteurs et pas le temps de courir après l’identité du propriétaire de la fameuse ferme à louer… Bernard, emballé par le projet, s’était mis dans l’idée d’avoir un poney et d’acheter une première carriole pour modèle afin d’en fabriquer d’autres… Zappant le fait qu’il était au chômage, donc en période de vaches maigres, ne trouvait pas le temps ou l’énergie de bouger le petit doigt, laissant son épouse se charger de faire avancer les choses comme toujours…

    Un soir, elle le voit revenir tout excité de chez un voisin qu’ils avaient baptisé « l’espagnol ». Avec un camion de location il descendait en Espagne pour acheter des lots de grandes poteries d’extérieur, vestes en faux cuir et autres diverses occasions qu’il refourguait dans la région. Le lotissement en forme de banane avait été construit il y a sept ans entre deux routes de campagne, vingt maisons côte-à-côte sur des parcelles de deux mille mètres carrés. La moitié de la surface devait être conservée en bois de châtaigner. Cette contrainte était stipulée sur le contrat de vente afin de préserver l’authenticité du coin. Leur voisin juste mitoyen sur la droite et lui-même accolé au lot de « l’espagnol », vivait actuellement à l’étranger pour un contrat d’un an et avait chargé Bernard de surveiller sa propriété… « L’espagnol » venait d’acheter deux poneys, des grands, genre mulets, s’était fait enguirlandé par son épouse comme quoi elle lui avait donné feu vert pour UN poney et non pas pour DEUX !… Bernard se trouvant là, bon prince et hors de contrôle de son propre chef (sa chérie, comme aurait préféré Michèle !) n’avait pas trouvé mieux que se porter acquéreur du bestiau surnuméraire. Il avait même proposé de les lâcher tous les deux sur le terrain dont il avait la surveillance, prétextant : Qu’ils brouteront toute cette mauvaise herbe, toujours ça de travail en moins pour lui !…

    Michèle, l’œil noir :

    – Et comment comptes-tu le payer, ce poney ? Au fait, ça va chercher combien c’t’affaire ? Parce que tu vois… Le problème, tu n’as pas l’air d’être au courant, mais nous n’avons pas un rond à gaspiller dans ce genre de tondeuse !

    Michèle n’enfonce pas plus profond le clou… Pas dans sa nature de « gueuler », mais elle se dit en elle-même : Voilà encore une charge supplémentaire pour bibi… Sûr qu’il n’ira même pas voir comment cela se passe sur le terrain, s’ils ne vont pas se battre, si l’herbe va leur convenir, s’il n’y aura pas en deux jours plus aucun brin à brouter… Et comment payer les granulés pour nourrir le nôtre cet hiver ? Et qui paiera le véto si le poney a un souci ? D’ailleurs, sans rien y connaître, elle sait qu’il y a déjà le problème des vers intestinaux… En plus c’est joli comme nom « poney » trop joli pour ces grandes bourriques à gros ventre, aux pattes cagneuses mal proportionnées et à la tête énorme… Comme si on avait besoin de commencer par là… Tu vas voir qu’il va se débrouiller pour me ramener la carriole, maintenant !

    Elle avait vu juste au sujet des poneys… Au bout de quinze jours l’herbe était totalement rétamée, ils avaient même attaqué la haie de troène, faisant un gros trou disgracieux bien en vue… Et si ça leur était fatal ? N’est-ce pas toxique pour eux ? Sont-ils assez intelligents pour ne pas aller s’empoisonner, à la fin ? A-t-il seulement pensé à leur mettre un abreuvoir ?

    Se décidant à aller jeter un coup d’œil pour se rassurer, elle constate, qu’en plus, les deux charmants garnements vont faire popot en abondance sur la terrasse juste devant la porte d’entrée de la maison… Et en quantité phénoménale ! Elle ne sait pas encore qu’un poney se choisit un coin et y retourne systématiquement pour faire au même endroit !…

    En longeant la propriété, ayant vu que le talus était envahi d’une belle herbe grasse, Michèle fait demi-tour jusqu’à son sous-sol en quête de cordes. Elle a décidé d’attacher les deux poneys le long du chemin qui n’est pas très fréquenté, c’est une voie privée… Comme ça, ils auront leur ration pour aujourd’hui sans faire plus de dégâts sur le terrain du voisin. Il n’avait même pas été consulté afin de donner son accord pour être squatté par ces deux voraces-là…

    Bon… Ne trouvant qu’une seule grosse corde d’une vingtaine de mètres, la voilà partie pour mettre un poney à chaque extrémité de celle-ci. La corde passée dans un piquet du grillage, ils pourront se sustenter en sécurité le long du talus. La grosse corde roulée à la main elle retourne dans la propriété mitoyenne, notant la présence de deux ouvriers travaillant sur le toit du voisin suivant, « l’espagnol » acheteur de poneys… S’approchant des deux grosses bêtes qui la voient pour la première fois, elle entreprend de leur passer la corde au cou, et ça, chacun à un bout… Le premier rechigne un peu en encensant, n’appréciant pas trop la manœuvre, lui donne un bon coup de tête latéral en prime… Du coup, Michèle se mélange un peu les pinceaux quant à la sorte de boucle pour le nœud à réaliser et fait un vague truc, les doigts noyés dans les poils rêches… Se rend à l’autre bout de la corde à une dizaine de mètres et bricole son attache avec encore plus de difficulté sur le second animal, car celui-ci n’entend pas du tout se laisser faire… Il reluque inquiet, les yeux exorbités, son collègue à la drôle de cravate qui d’un coup s’affole et part au galop droit devant en s’étranglant tout seul, son nœud étant malheureusement coulissant… Coup de tension dans la corde, le poney après qui elle s’affairait se cabre. Michèle tente de le retenir tout en réalisant que le nœud à peine fait avait lui aussi déjà coulissé… Dans la brusque secousse, la corde s’était enfoncée dans le poil bourru lui coinçant par la même occasion les doigts contre le cou de l’animal… Combat de Titans entre elle et la bête paniquée qui après moult rebuffades et hennissements, reculant pour se cabrer, ruant et bottant en rafales, finalement s’affale sur le flanc, une langue énorme et violacée pendant sur le côté, les yeux hors de leurs orbites, les pattes pédalant horizontalement dans le vide… Michèle affolée trifouille de sa main encore coincée dans les poils pour desserrer le nœud… De la main gauche, le bras enroulé sur la corde pour plus de prise, elle s’arque-boute de toutes ses forces afin de faire revenir vers elle l’autre poney qui, lui, tire de plus belle dans l’autre sens… D’un coup elle repense aux deux ouvriers sur le toit… Peut-elle espérer une aide quelconque de ce côté-là ?… Un coup d’œil rapide la renseigne… Au lieu de se précipiter vers la scène du crime, ceux-là, tout là-haut, sont pliés de rire, se frappent sur le ventre en la désignant du doigt !!!

    Ben, ma grande, faut te débrouiller toute seule !

    Elle réussira, à force de rage à détacher le bourricot agonisant (Les deux, là-haut, l’ont tout de même aidée en ce sens : ils l’ont mise dans une telle rogne qu’elle en aurait grimpé dans la foulée sur leur toit pour les boxer !)… L’autre poney cavale en tous sens, style rodéo, la corde libre fouettant à ses trousses…

    Réflexe de secouriste : elle attrape à pleine main la mâchoire supérieure du baudet inerte, tire d’un coup sec la tête en arrière pour lui libérer la trachée et tape du bras libre un grand coup dans la bedaine rebondie… Pas de réaction, juste une bouffée de poussière s’élevant… Autre tape violente, elle se met bêtement à sangloter comme si ça allait l’aider !… Puis prise de rage martèle des deux poings le poil poisseux de suint…

    Bruit sifflant de forge dans un sens, une sorte de braiement en retour (C’est donc ça… Cette bestiasse est un croisement d’âne et de bourrique !!!) Voilà que l’animal s’ébroue et saute d’un coup de reins sur ses quatre pattes… Surprise, Michèle réalise toutefois qu’elle n’a pas intérêt à traîner-là, vautrée parterre, et se lève tout aussi précipitamment !

    Bien soulagée, elle repart confuse sans jeter un œil à la belle herbe grasse du talus ni en direction des voyeurs… Elle est exténuée, crottée de la tête aux pieds, pue la sueur et s’est fait deux ennemis à jamais, car ni l’un ni l’autre des poneys ne va oublier leur tortionnaire… Celle-là n’aura plus intérêt à s’approcher d’eux à l’avenir !

    Repensant à ce jour-là, elle aura ce flash récurrent en vision : un poney agonisant, inerte d’un côté, elle au milieu, les talons ravageant le sol à la recherche d’un appui, écartelée à s’en faire péter les clavicules et l’autre bestiau caracolant et bottant à tous azimuts pour échapper à l’étranglement… Et ça, sous les quolibets des deux imbéciles sur leur toit…

    Lettre au Dr Veyner

    Dans sa quête de renseignements sur les mère-porteuses Michèle trouve un roman sous forme de livre de poche « Les sorciers de la vie »… Berk !… Histoire glauque qui dévalorise la mère-porteuse, la ravalant presque au rôle de prostituée, car elle n’a pas d’autres moyens de s’en sortir. Elle tombe aussi sur un article dans la revue « PARENTS »… Il est question d’une association « Mères Cigognes » aidant les femmes stériles à trouver une mère porteuse par l’intermédiaire d’un Gynécologue de Toulouse… Elle achète donc la revue pour constater qu’aucune précision n’est vraiment au rendez-vous… Frustrant !…

    Mais d’une nature positive, elle est toute réjouie : C’est bon signe ces coïncidences qui affluent soudainement… Est-ce que ça bougerait dans le bon sens ?… Un œil extérieur averti suggérerait que c’est parce qu’elle s’intéresse à ce sujet que surgissent ces éléments qu’elle recherche en fait !… Elle décide d’appeler Aline, non pas qu’elle ait vraiment d’éléments nouveaux à partager, mais pour se rassurer… Redoutant toujours un canular… Pour contrôler si le numéro de téléphone donné existe vraiment…

    C’est Aline qui décroche… La même voix douce agréable, cette fois animée de gaieté car elle a trouvé du nouveau, elle : le Docteur de Toulouse s’appelle Veyner, il pratique dans le cadre du CIPU, Centre d’Insémination et Prêts d’Utérus… Elle leur a envoyé une demande de renseignements et recommande à Michèle d’en faire autant de son côté comme si elles ne se connaissaient pas, pour voir… Et lui dit aussi : Je crois que j’ai déjà en partie la réponse à la question : « Est-ce que c’est interdit par une loi ?… »

    Je me suis dit, en y réfléchissant… Quand mon gynécologue m’a annoncé que je devais me faire à l’idée de ne jamais pouvoir porter d’enfant dans mon état… Je lui ai demandé s’il pouvait faire quelque chose du côté mère-porteuse, s’il avait des adresses… Il m’a dit qu’il n’était pas d’accord personnellement avec ce genre de pratique… Pour une histoire de conviction religieuse, a invoqué une question d’éthique… S’il y avait eu une loi, il m’aurait répondu franco : Non, Madame, ce n’est pas possible car c’est interdit !… Il n’avait pas l’air d’avoir attendu mon cas personnel pour se pencher sur la question…

    – Bien vu… Surtout que l’existence de ce Dr Veyner et du CIPU nous le confirme… Pourquoi pourraient-ils, eux, défier la loi ouvertement, dans le fond ?

    Bien ! Le seul souci est pour Michèle de se faire prendre en charge plus près de son domicile, sur Lyon par exemple, cela lui simplifierai la vie… Tout de même un peu inquiète de voir sa cliente lui échapper avec cette affaire de jouer chacun dans son camp comme si on ne se connaissait pas…

    Alors voilà… Michèle en est presque perplexe… Ces gens, les demandeurs existent, le CIPU aussi, probablement pas de loi contre… « Le grand » (son mari) n’a plus l’air de moufter, les enfants eux sont carrément enthousiastes, sensibles au côté altruiste du projet, n’étant pas encore pollués par le côté vénal de l’affaire… D’aucuns avanceront le mot prostitution, ça elle peut y compter, mais on en est pas encore là…

    Madame Michèle B… le 03 Mars 1987

    Lotissement la Châtaigneraie

    COUREBAIS 38

    Monsieur le Docteur Veyner,

    Maman de trois enfants, 12,10,7 ans, je ne pourrai avoir la grande famille désirée par manque de finances… Je l’accepte dans le sens où au fur et à mesure que les enfants grandissent cela s’avère être une sage résolution. Par contre j’ai plus de mal à accepter de ne plus porter ni donner la vie. Depuis deux ans j’entends par intermittence parler d’une possibilité en France de porter un enfant pour autrui et ne cesse de tourner cette idée dans ma tête… J’ai à présent la ferme intention de le faire ayant informé mon entourage proche de mon projet et j’ai l’entier soutien de mon mari et de mes enfants.

    Pouvez-vous me faire connaître un organisme ou une adresse sur Lyon pratiquant les mêmes méthodes que vous à Toulouse ? Descendre en consultation sur Toulouse me serait difficile en travaillant…

    Je vous remercie par avance et vous félicite pour votre entreprise humanitaire…

    Michèle B…

    Il ne reste plus qu’à attendre la réponse de Veyner et commencer à se préparer à porter, en plus du bébé, cette étiquette un peu importune de « mère-porteuse » car tout autour d’elle

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