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14-18 : Vie et mort d'un Officier du front: Témoignages
14-18 : Vie et mort d'un Officier du front: Témoignages
14-18 : Vie et mort d'un Officier du front: Témoignages
Livre électronique372 pages4 heures

14-18 : Vie et mort d'un Officier du front: Témoignages

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À propos de ce livre électronique

Les écrits de cet Officier de la Grande Guerre, tout à la fois fils, mari et père de deux très jeunes filles, constituent le cœur de ce livre-témoignage… et hommage.
Il côtoya la mort pendant trois longues années dans les tranchées des avant-postes et finit par être frappé par elle le 30 août 1918 au cours d’une reconnaissance. Il se retrouva seul face à une patrouille allemande commandée par un jeune sous-lieutenant qui fut très marqué par leur corps-à-corps :
« Il était horrible d’être face à face, se regardant droit dans les yeux et de se dire : je dois le tuer sinon il me tuera. Je ne l’oublierai jamais ! »
Particularité de cette mortelle rencontre : le fils de l’officier allemand entra en contact en 2007 avec les descendants de sa victime afin de leur restituer des objets personnels conservés par son père et leur donner le compte rendu de l’embuscade publié en octobre 1918 par le journal de l’armée allemande impliquée !
Cette initiative, totalement improbable, déclencha chez l’auteur, petit-fils de l’officier français… et futur grand-père d’enfants franco-allemands, le désir de s’intéresser à la guerre de son aïeul dont il ne savait pratiquement rien.
Il a alors entrepris des recherches, sur Internet, dans les archives de l’armée et dans celles de sa grand-mère qui contiennent cinq cents lettres de son mari ainsi que les témoignages et les documents résultant des nombreuses démarches qu’elle entreprit dès sa disparition : il avait été emporté par l’ennemi, blessé, mais vivant… ou mort ?
Il en livre ici une synthèse, enrichie par quelques extraits de « Lettres de guerre », livre paru fin 1917 dont son grand-père recommanda la lecture à sa femme, et par des informations sur l’officier allemand et sa famille.
LangueFrançais
Date de sortie5 oct. 2018
ISBN9782312062082
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    Aperçu du livre

    14-18 - François Leroux

    cover.jpg

    14-18 : Vie et mort

    d’un Officier du front

    François Leroux

    14-18 : Vie et mort

    d’un Officier du front

    Témoignages

    img1.png

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    Du même auteur

    André Vacquier, L’ennemi retrouvé, Les Éditions du Net, 2014.

    Histoire d’une famille : 1450 – 2015, Les Éditions du Net, 2015.

    Comment faire face à la mondialisation : Pour une France plus équitable et solidaire, Thélès, 2007.

    Quelques idées pour adapter nos institutions au monde actuel et relancer notre économie, ILV Édition, 2009.

    57 vs 44 % : Refonder ? Oui, mais… Quoi, Pourquoi, Comment ? Les Éditions du Net, 2015.

    REFONDATIONS : Idées novatrices pour des réformes apaisées, Les Éditions du Net, 2016.

    © Les Éditions du Net, 2018

    ISBN : 978-2-312-06208-2

    Hommage

    À André Vacquier et à sa famille,

    Aux victimes de la Grande Guerre,

    À M.L., l’auteur de son portrait au fusain

    Hommage aux combattants qui avaient fait le deuil de leur vie, pour la France et pour ceux qui étaient morts avant eux !

    « La perspective d’aller [au front] bientôt, rend le moral de tous bien meilleur. »

    Extrait d’une lettre du 29 janvier 1915 de P.-M. Masson, mort au front le 16 avril 1916.

    Prologue

    Les écrits de cet Officier de la Grande Guerre, tout à la fois fils, mari et père de deux très jeunes filles, constituent le cœur de ce livre-témoignage… et hommage.

    Il s’appelait André Vacquier. Il était propriétaire terrien périgourdin, avocat et lieutenant de réserve quand il fut mobilisé le 2 août 1914. Il avait alors quarante-et-un ans.

    Il fut toujours fort bien noté par ses supérieurs et très aimé et respecté par ses hommes. À deux reprises, il échappa miraculeusement à la mort, un obus ayant explosé devant lui. Le premier, le 3 novembre 1914, lui fit écrire à sa femme :

    « Depuis l’obus qui m’a manqué, je suis assuré contre tous les dangers ! »

    Il le fut effectivement pendant trois longues années au cours desquelles il fut très exposé dans les tranchées du front, véritables couloirs de la mort. Puis, le 30 août 1918, il finit par être frappé par elle au cours d’une reconnaissance dans les Vosges, près du lac du Ballon de Guebwiller. Il se trouva face à une patrouille allemande, commandée par un jeune sous-lieutenant qui fut marqué à vie par leur corps à corps :

    « Il était horrible d’être face à face, se regardant droit dans les yeux et de se dire : je dois le tuer sinon il me tuera. Je ne l’oublierai jamais ! »

    Particularité de cette mortelle rencontre : le fils de l’officier allemand entra en contact en 2007 avec les descendants de sa victime afin de leur restituer des objets personnels conservés par son père et leur donner le compte rendu de l’embuscade publié en octobre 1918 par le journal de l’armée allemande impliquée !

    Cette initiative, totalement improbable, déclencha chez moi, petit-fils de l’officier français… et futur grand-père d’enfants franco-allemands, le désir de m’intéresser à la guerre de mon aïeul dont je ne savais pratiquement rien.

    J’ai alors entrepris des recherches, sur Internet, dans les archives de l’armée et dans celles de ma grand-mère qui contiennent cinq cents lettres de son mari ainsi que les témoignages et les documents résultant des nombreuses démarches qu’elle entreprit dès qu’elle apprit sa disparition : il avait été emporté par l’ennemi, blessé, mais vivant… ou mort ?

    Je livre ici une synthèse de mes recherches, synthèse que j’ai enrichie avec quelques extraits de « Lettres de guerre », livre paru fin 1917 dont mon grand-père recommanda la lecture à sa femme, et avec des informations sur l’officier allemand qui m’ont été fournies par son fils et sa petite-fille.

    L’ennemi aussi avait un nom, un visage, une famille…

    I – André Vacquier, sa famille, sa descendance

    André Vacquier

    img2.jpg

    SA VIE AVANT LA GRANDE GUERRE

    André Vacquier (16 février 1873 – 30 août 1918) eut une enfance sans histoire, passée jusqu’à l’âge de sept ans à Sarlat et dans un charmant manoir du XVe siècle situé au milieu des bois à six kilomètres de Sarlat. Famille bourgeoise périgourdine très pieuse, un oncle prêtre, un temps curé de la paroisse du manoir.

    Puis, en 1880, deux frères célibataires de sa grand-mère paternelle, originaires de Montignac, vinrent y prendre leur retraite et souhaitèrent être entourés de leur sœur, Alexandrine, veuve depuis peu, et de sa famille : son fils, sa belle-fille et leurs cinq enfants. Les oncles moururent respectivement neuf et onze ans plus tard et laissèrent leurs biens aux petits-enfants de leur sœur, biens conséquents qui furent les bienvenus. Ces grands-oncles, Jean-Édouard et Jules Requier, avaient été, officier supérieur passé par l’École Polytechnique pour le premier, haut magistrat pour le second.

    André était le dernier d’une fratrie composée de trois filles puis de deux garçons. La fille aînée, Marguerite, refusa une demande en mariage pour entrer au Carmel, ordre cloîtré. Sa cadette, Paule, épousa l’infortuné soupirant de sa sœur, Albert Dutard, avec lequel elle eut quatre enfants. Quant à la troisième, Marthe, peu gâtée par la nature, elle resta célibataire.

    Les deux garçons se marièrent. Joseph, l’aîné, avec Louise Réjou. Ils n’eurent pas de descendance, contrairement à André, son cadet de cinq ans, qui épousa Élisabeth de Cézac. Ensemble, ils eurent d’abord un fils, Jean, en 1903 qui mourut à l’âge de trois mois, puis deux filles : Germaine à l’état civil, mais Nénette dans la vie courante, née le 17 février 1909, et Marguerite, dite Guiguitte pour ses parents et Guite pour ses proches et son mari, née le 26 août 1911.

    André perdit son père à l’âge de dix ans tandis que sa mère lui survécut onze ans. Il fit la première année de ses études secondaires au Collège Saint-Joseph de Périgueux et les suivantes à celui de Sarlat, d’un accès plus facile depuis Montignac.

    Ses études secondaires terminées, il s’engagea à dix-huit ans dans l’infanterie pour quatre ans, puis pour deux années supplémentaires. Il effectua ensuite régulièrement des périodes militaires qui lui permirent d’atteindre le grade de lieutenant de réserve en 1907.

    De retour à la vie civile en 1897, alors âgé de vingt-quatre ans, il entreprit des études de Droit qui lui permirent de devenir avocat. Il prêta serment à Bordeaux le 21 février 1900 et s’inscrivit au Barreau de Bergerac près du tribunal d’instance. Il n’exerça guère cette profession, préférant s’occuper des propriétés dont il avait hérité.

    Il mena jusqu’en 1914 une vie sans histoire dont il sut profiter avec une certaine insouciance. Une vie assez facile, consacrée à la gestion de ses biens, à sa famille, à la chasse, à la vie sociale… dans une région, le Périgord, où il faisait bon vivre. Bref, il fut un gentil hédoniste !

    1450 : ANNÉE FONDATRICE DE LA FAMILLE VACQUIER

    Guerre de Cent Ans. Un gentilhomme écossais, Iankin Wackear, servait en qualité de capitaine à cotte d’armes dans les troupes anglaises sous les ordres de Sir Thomas Kyriel. Il fut fait prisonnier à la bataille de Formigny (ville de Normandie non loin de Bayeux), bataille gagnée par le Connétable de Richemont et le Comte de Clermont qui commandaient les troupes du Roy Charles VII.

    Elle eut lieu le 15 avril 1450. Elle fit trois mille sept cents morts anglais et treize à quatorze cents prisonniers. Cette victoire permit à la France de récupérer la Normandie.

    Quand les prisonniers furent libérés, Iankin Wackear put faire venir son épouse irlandaise, Ann McCarthy, puis ils partirent en Guyenne, province du sud-ouest qui était anglaise jusqu’à la victoire française de Castillon-la-Bataille, le 17 juillet 1453, victoire qui mit fin à la guerre de Cent Ans.

    La Guyenne était très appréciée des Anglais pour son climat et sa douceur de vivre, mais plus encore pour ses vins qu’elle exportait par bateaux entiers vers l’Angleterre.

    En 1454, les Wackear allèrent à Sarlat (au cœur du Périgord Noir) pour y prendre les eaux, très réputées à l’époque. Ils s’y plurent et s’y établirent. Ils eurent deux fils et s’intégrèrent rapidement en dépit de l’histoire récente de la ville. Leur descendance y occupa des positions sociales élevées. Sarlat, par ses foires et marchés, fut très prospère jusqu’à la guerre de Cent Ans qui la ruina. Prise et reprise plusieurs fois par les belligérants, elle devint exsangue et dépeuplée. Pour la remercier de sa fidélité et de son âpre défense contre les Anglais, auxquels elle avait pourtant été cédée par le traité de Brétigny en 1360, le roi Charles VII lui accorda de nombreux privilèges, dont l’attribution de nouveaux revenus et l’exemption de certaines taxes. Cette manne permit à la ville de se reconstruire puis d’édifier la plupart des hôtels particuliers qui font aujourd’hui sa fierté, mais surtout, son caractère et son succès touristique. L’un des plus vastes d’entre eux est l’Hôtel Vacquier de Lamotte (XVIIe siècle).

    Ce qui laisse rêveur au regard de notre comportement cinq siècles plus tard, c’est de constater qu’un an seulement après la fin des hostilités, les anciens ennemis étaient bien accueillis !

    Les Wackear prirent la nationalité française et francisèrent leur nom à la troisième génération. Ils se firent appeler Vaquier. Puis, certains descendants ajoutèrent un « c » devant le « q ».

    Mon grand-père était l’un d’eux de la dix-huitième génération. À l’état civil, son nom n’avait pas le « c » si bien que les administrations et l’armée l’écrivaient en général sans « c », alors qu’il en mettait un dans tous ses documents privés. Aussi, l’ai-je écrit avec un « c », d’autant que, faute de descendance mâle, le nom s’est éteint dans cette branche en 1950 à la mort de ma grand-mère.

    Notons que, contrairement à ce que prétendent des généalogistes, le nom Vacquier ou Vaquier n’est pas, ou pas toujours, une variante normande ou picarde de vacher.

    L’arbre généalogique de mon grand-père est très fourni en magistrats et juristes, mais aussi en ecclésiastiques, dont sa sœur aînée et le frère de son père. Par sa mère, quatre générations au-dessus de lui, on trouve un oncle, le Père Guillaume-Joseph Chaminade, 8 avril 1761 – 22 janvier 1850, qui est passé à la postérité pour avoir fondé deux ordres : « Les Filles de Marie immaculée » pour les femmes et les « Marianistes », ordre enseignant, pour les hommes et lui-même. Catholique de stricte obédience, il fut aux prises avec les multiples vicissitudes des périodes révolutionnaires de 1789 à 1848, car, refusant de renier ses engagements envers l’Église de Rome, il ne prêta pas serment à la Constitution civile du clergé votée le 12 juillet 1790 par l’Assemblée des États. Il devint alors un prêtre insermenté, réfractaire et, ne pouvant plus exercer une fonction officielle, il entra en clandestinité. Il échappa plusieurs fois de justesse à la guillotine et dut émigrer trois ans en Espagne. Il fut béatifié le 3 septembre 2000 par le Pape Jean-Paul II, en même temps que les Papes Pie IX et Jean XXIII.

    Plusieurs livres furent écrits sur sa vie et sur ses œuvres qui furent assez remarquables, surtout dans le contexte et les mentalités de l’époque. Les actions qui ont été menées par les Marianistes en cette période, souvent aussi anticléricale qu’instable et violente, sont impressionnantes par leur modernité, leur intelligence et les bienfaits procurés. Ainsi, notamment :

    – Il associait des laïcs à l’apostolat, ce qui permit de couvrir un champ plus large et d’aller aussi là où la religion n’était pas la bienvenue. Au Japon, par exemple, pour pouvoir former les enfants de l’élite japonaise, ses collèges n’étaient pas religieux ;

    – Il s’unissait à l’enseignement officiel quand c’était nécessaire ou souhaitable, au lieu de se détourner de lui au prétexte qu’il ne pouvait qu’être « impur » ;

    – Il faisait confiance à l’instruction des « âmes populaires ». À l’époque, il était courant de vouloir les priver de connaissances par crainte qu’elles n’en fassent un mauvais usage !

    – Il avait institué un monitorat au sein des classes, les bons élèves aidant les plus faibles.

    Ni sectarisme ni idéologie. Pragmatisme avant tout. Un seul objectif : que les élèves reçoivent une formation qui leur permette de réussir leur vie, tant personnelle que professionnelle !

    Élisabeth de Cézac

    img3.jpg

    Élisabeth de Cézac (17 novembre 1879 – 18 novembre 1950), Babeth pour son mari et ses proches, appartenait à la noblesse périgourdine. Le Baron A. de Maricourt, ancien élève de l’École des Chartes, écrivit en 1909 au sujet de sa famille :

    « Les Cézac descendaient d’une de ces lignées de gentilshommes campagnards trempés par le métier des armes éducateur de l’énergie qui exhausse les âmes au-dessus des vertus du commun, gentilshommes campagnards de l’ancien régime, se battant en temps de guerre, chassant en temps de paix et respirant à pleins poumons l’air vivifiant de leurs plaines et de leurs montagnes, qui semblait faire passer en eux quelque chose de son âpreté et de sa rudesse. »

    De ces lignées dont la duchesse de Berry dit un jour :

    « C’étaient les forces de la France ».

    Son arrière-grand-père, François de Cézac (25 décembre 1773 – 13 novembre 1836) n’avait pas seize ans quand éclata la Révolution de 1789. Il fut d’abord agressé par ses camarades de collège en sa qualité de fils de noble puis, avec son père et les autres gentilshommes de la région, il fut arrêté et incarcéré dans l’ancien couvent des Récollets de Sarlat… ancienne propriété Vacquier ! Après l’arrestation du Roi à Varennes, il y eut une courte accalmie au cours de laquelle ils furent libérés. Mais, François, comprenant que sa vie était en danger, comme celle de son Roi que sa famille avait toujours servi, décida d’émigrer pour s’enrôler dans l’armée des Princes, les frères du Roi, en qualité de volontaire.

    Cette décision impliquait de rejoindre Coblence en Allemagne, ce qu’il fit en février 1791 avec deux cousins plus âgés. Il venait d’avoir dix-sept ans. Il combattit les armées de la France révolutionnaire puis républicaine pendant dix ans, d’abord dans l’armée des frères du Roi jusqu’à ce qu’ils rendent les armes faute d’argent, la Hollande ayant arrêté de la financer après la défaite de Valmy. Il s’engagea alors dans différents régiments de pays d’Europe centrale… sa solde étant assurée par l’Angleterre ! À la suite du Traité de Lunéville (9 février 1801), celle-ci décida de ne plus entretenir les régiments royalistes français ce qui entraîna leur licenciement le 1er mai 1801 avec huit mois de solde. Il prit alors la décision de rentrer en France avec l’un des deux cousins, l’autre s’étant marié et installé en Allemagne. Ils partirent à pied du nord de la Slovénie, passant par l’Italie et la Suisse pour se rendre à Sarlat. Ils mirent un peu plus de onze mois pour faire plus de mille cinq cents kilomètres, en territoires ennemis pour les anciens combattants royalistes qu’ils étaient, ce qui impliquait de ne pas attirer l’attention !

    Il est intéressant de noter que ces combattants pour le retour du Roi étaient respectés par les républicains. L’un d’eux, rencontré sur leur route de retour dans le Simplon, leur dit :

    « C’était la tâche que vous deviez remplir dans votre situation ; les soldats de notre armée vous estiment beaucoup. »

    Ses souvenirs de dix ans d’émigration furent publiés en 1904 par le Baron A. de Maricourt et on peut les trouver sur Internet.

    Élisabeth était l’aînée de sa fratrie. Elle avait une sœur, Marguerite, qui fut infirmière de la Croix-Rouge pendant la Guerre, et un frère, Bertrand, qui ne fut pas mobilisé pour raisons médicales et qui fut dans les années 20 un éphémère constructeur automobile : cent cinquante de Cézac sortirent de son atelier de Périgueux.

    Élisabeth et André se marièrent le 3 avril 1902 au Château d’Ajat (entre Montignac et Périgueux) qui était la demeure des parents d’Élisabeth, puis celle de son frère Bertrand. Elle avait vingt-deux ans et lui vingt-neuf. Ils s’installèrent d’abord dans l’ancienne maison des oncles à Montignac puis, après la mort de leur fils, au Jardin, maison avec un beau parc arboré, à proximité de la Vézère et à l’orée de la ville, très animée à l’époque. Élisabeth y vécut jusqu’à sa mort mi-novembre 1950.

    Comme tout parent, ils furent très marqués par la mort de cet enfant, un fils qui plus est, et la Guerre raviva cette douleur pour lui comme le révèlent plusieurs de ses lettres, son devoir de citoyen étant aussi d’avoir une descendance mâle pour « fournir des combattants à la France ».

    Ma grand-mère fut veuve peu de temps avant ses trente-neuf ans, avec deux orphelines de neuf et sept ans. Pour elles, comme pour des millions d’autres dans leur cas, ce fut un drame affectif et matériel qu’elles durent assumer tout le restant de leur vie, vie qui, pour ma grand-mère, fut une longue série d’épreuves qu’elle affronta avec courage et dignité.

    La baisse de ses revenus rendit sa situation financière de plus en plus difficile, aussi dut-elle se résoudre à vendre ses propriétés les unes après les autres pour lui permettre de vivre décemment et d’élever ses deux filles. Quant à sa pension de veuve de guerre, elle se réduisait comme peau de chagrin : elle était de 550 fr par trimestre en 1947, soit l’équivalent de 30 € d’aujourd’hui (d’après le taux de conversion de l’INSEE). Cette pension était censée être le revenu de deux débits de tabac ! À titre de comparaison, la même année, le coût de la pension de son premier petit-fils, Jean, élève en sixième au Collège Saint-Joseph de Sarlat, s’élevait à 50.000 fr soit vingt-trois fois sa pension de veuve d’officier ! Elle put heureusement conserver la maison familiale, construite en 1806, pleine de charme à la belle saison, mais beaucoup moins en hiver en raison du froid, de l’humidité… et des visites assez régulières à l’époque, et dévastatrices, de la Vézère, la néanmoins sympathique rivière voisine.

    Ma grand-mère était appréciée par son entourage, aimée par ses neveux et nièces, par ses deux filles et ses trois petits-enfants. L’une de ses nièces me dit un jour :

    « Elle pleurait et riait très facilement, les larmes et les rires pouvant se succéder rapidement ».

    Son mari le dit aussi dans une de ses lettres, mais, en raison de sa forte personnalité, elle eut des relations parfois difficiles avec certaines personnes, dont son deuxième gendre, mon père, après la mort de sa fille.

    Elle nous a très peu parlé de notre grand-père. D’après mes souvenirs d’enfant, j’avais dix ans quand elle est morte, elle nous aurait seulement dit qu’il était parti en reconnaissance avec quelques hommes, mais qu’il avait fait l’erreur de revenir par le même chemin. Ayant été repérés par les Allemands à l’aller, ils avaient été attaqués au retour et il avait été tué. Comme il y avait, enterré à côté de lui, un Allemand mort le même jour, elle en avait déduit qu’il s’était battu. Nous verrons plus loin que tout ceci était inexact. C’est ainsi que je m’étais forgé une opinion guère positive de mon grand-père : une vie assez insouciante couronnée par une faute lors d’une reconnaissance… Aussi, sa disparition, antérieure de près de vingt-deux ans à ma naissance, était-elle pour moi une affaire classée.

    Classée… jusqu’au jour où une lettre venue d’Allemagne l’a exhumé du cimetière de l’oubli… et me permit de découvrir qu’il fut un officier très courageux et engagé, respecté et aimé par ses soldats, apprécié par ses supérieurs, en deux mots, dont nous pouvons et devons être fiers !

    Leur Descendance

    img4.jpg

    Leurs deux filles au début de la guerre : Germaine, l’aînée, à gauche et Marguerite, la cadette, à droite.

    Germaine, Nénette dans le privé, est morte le 25 septembre 2005, à l’âge de quatre-vingt-seize ans, tandis que la vie de Marguerite, Guiguitte puis Guite, ma mère, prit fin le 28 octobre 1941, à l’âge de trente ans, après une semaine d’un coma consécutif à une chute à bicyclette.

    Elle possédait un tel rayonnement naturel fait de gentillesse, de calme, de douceur, de prévenance que sa disparition marqua à vie sa famille, ses amis et, en premier lieu, son mari et ses deux fils. Son père l’adorait et ne s’en cachait pas comme en témoignent de nombreuses lettres.

    Germaine épousa en 1930 un ami d’enfance, Pierre Gorsse, avec qui elle eut une fille, Élisabeth, née le 15 avril 1932.

    Marguerite épousa en 1935 Jacques Leroux, un Parisien arrivé en Périgord trois ans auparavant, opportunément rencontré chez son oncle, propriétaire du manoir de la famille Vacquier. Ils eurent deux fils : Jean (10 mai 1936) et François (18 avril 1940). Deux garçons… le rêve de son père… et de sa sœur !

    Élisabeth se maria en 1956 avec Yves-Pierre Soulé. Ils eurent trois enfants : Jean-Luc (1957), Agnès (1959) et Patrick (1962), et sept petits-enfants, respectivement :

    Hélène (1990), Guillaume (1992), Gabrielle (1997) ;

    Marie-Sophie (1992) ;

    Ariane (1990), Juliette (1992), Adrien (1995).

    Yves-Pierre est mort le 3 juillet 2009, à quatre-vingt-un ans

    Jean se maria en 1968 avec Christiane Roux. Ils eurent trois filles : Bénédicte (1969), Anne (1970) et Valérie (1972), et neuf petits-enfants, respectivement :

    Antoine-Marie (1997), Clémence (1999), Vianney (2001) et Mayeul (2005) ;

    Pauline (1998), Pierre-Emmanuel (1999), et Mathieu (2006) en secondes noces ;

    Charlotte (2008) et Julie (2010).

    Jean est mort le 31 août 2007, à soixante et onze ans d’un arrêt cardiaque.

    Quant à moi, j’ai épousé Claire Daublain en 1971. Nous avons deux fils : Matthieu (1973) et Quentin (1975), et quatre petits-enfants, respectivement :

    Noémie (2008) et Maxime (2010), franco-allemands par le sang, australiens par le sol ;

    Rose (2009) et Madeleine (2014), parisiennes.

    II – Sa Guerre : 2 août 1914 – 30 août 1918

    Lettres de Guerre

    En janvier 1918, mon grand-père évoque dans deux lettres à sa femme un livre qui vient de paraître chez Hachette : « Lettres de guerre » de Pierre-Maurice Masson. Il lui en recommande la lecture, parce qu’ils furent sur les mêmes zones de combats et qu’il y décrit en détail la vie dans les tranchées de première ligne à un jet de grenade de l’ennemi, contrairement à mon grand-père qui était beaucoup moins disert dans ses lettres sur ses faits et gestes, respectant en cela les consignes très strictes des armées du front.

    P.-M. Masson était né à Metz en 1879. Normalien, agrégé de lettres, il occupait depuis dix ans la chaire de littérature française à l’université de Fribourg (Suisse) quand il fut mobilisé avec le grade de sergent. Il était lieutenant et commandait une compagnie sur le front quand il fut tué par un éclat d’obus le 16 avril 1916.

    Ses proches publièrent fin 1917 des extraits de ses lettres. J’en donne quelques-uns, car ils enrichissent

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